Support Don’t Punish

Chaque année, le 26 juin marque la journée choisie par l’ONU « pour la lutte contre la drogue et le crime ». Mais c’est surtout une journée spéciale et engagée, marquée par l’organisation d’événements locaux dans de nombreux pays, avec ce leitmotiv : « Support. Don’t Punish » (Aider plutôt que punir).

Partout dans le monde, militants et associations défendent des réformes des politiques des drogues pour favoriser l’accès aux programmes de réduction des risques et aux dispositifs de soins, lutter contre la répression et les discriminations liées à l’usage de drogues.

En France, la nouveauté cette année ?

Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD), constitué d’une
quinzaine d’organisations*, lance un appel à signer une pétition déposée sur le site internet de l’Assemblée nationale proposant une loi pour mettre fin aux sanctions pour simple consommation de drogues.

Pour mieux comprendre les enjeux politiques autour de cette proposition de loi et les arguments déployés par les organisations signataires de cette campagne d’information du grand public, ASUD et ses partenaires se retrouveront pour une émission en direct : en présence de Marie Ongün Rombaldi, direction générale de la Fédération Addiction et de Marie Jauffret Roustide et l’INSERM. Vous aurez aussi la possibilité de participer ou de poser vos questions via le chat de la chaine.

LUNDI 26 JUIN de 18h à 22h sur la chaine youtube « ASUD medias » @https://www.youtube.com/@ASUDTV

Par ailleurs, plusieurs événements ont lieu en France dont :

Liste complète sur le site de Support don’t punish

– à Bordeaux : plaidoyer et programme.

– Avignon : Cliquez ici 

L’ODU, l’observatoire du droit des usagers

Bienvenue sur la page de l’Observatoire du droit des usagers de substances psychoactives (ODU).

Malgré les lois répressives qui encadrent les produits stupéfiants et contraignent les drogués à la clandestinité, il ne faut pas oublier pourtant que les usagers de substances ont aussi des droits. Ce projet se veut une réappropriation de la citoyenneté en permettant de dénoncer les manquements afin de faire valoir nos droits.

Depuis 2007, ASUD est agréé par le Ministère de la Santé pour représenter au niveau national les patients accueillis dans les structures de soins et, le cas échéant, pouvoir porter leurs intérêts en tant que personne morale.

Cette page web dédiée permet aux usagers de formuler le type de problème rencontré lors de leur prise en charge grâce à une liste de rubriques prédéterminées. Il s’agit d’organiser la remontée de ces informations au bénéfice d’une optimisation de la prise en charge.

Ce projet n’est pas un outil de résolution des problèmes, mais a pour vocation de les dénoncer et d’éviter qu’ils se reproduisent. L’objet est de permettre à la société civile de faire respecter ses droits.

Ce projet « ODU » à deux fonctions :

  • L’observation : fonction première d’un observatoire, le but est de recenser et de compiler quantitativement les manquements aux droits auxquels vous êtes régulièrement confrontés. Par le biais du questionnaire ci-dessous, vous avez la possibilité de nous envoyer vos doléances. La compilation de ces formes de « mains courantes » offre des éléments statistiques qui permettent d’apporter des arguments concrets aux interlocuteurs des structures de premières lignes et aux institutions.

  • L’orientation : elle dépend de la situation signalée. Le but est, dans un premier temps, de favoriser la conciliation avec les structures concernées. Il s’agit ici de favoriser l’appropriation des outils de démocratie sanitaire en place dans ces structures (hiérarchie, Conseils de la Vie Sociale, Groupes d’expression, etc.) afin de faire entendre votre parole et de privilégier le dialogue en interne. Si aucune conciliation n’est possible due à un refus de dialogue, de divergence irréconciliable ou à un manque de dispositifs d’expression adéquats, une orientation et un accompagnement vers le service de réclamation le plus adapté à votre problématique vous sera proposé (service réclamation de l’Agence Régionale de Santé, Défenseur des Droits, Ordre des médecins, Ordre des pharmaciens, Inspection Générale de la Police Nationale, etc.).

L’ODU est encore dans une phase expérimentale. Nous avons besoin de vos témoignages, de vos doléances et de vos expériences pour le pérenniser. Cet outil ne peut fonctionner que par vous et pour vous.

L’ODU est aussi joignable sur odu@asud.org et au 06 44 36 72 73.

En région PACA, vous pouvez contacter l’ODU d’ASUD « Mars Say Yeah » sur odu.paca@orange.frfacebook.com/odupaca et au 04 91 68 87 06

Séminaire – Visibilité des usages et spécificités des territoires – un lien social « sous contraintes » ?

ASUD a participé au comité de pilotage de ce séminaire organsié par l’IREPS Rhône-Alpes et la Fédération Addiction.

Le 17 juin, au 29 rue Gauthey, 75017 Paris

En quoi la médiation sociale est-elle un outil pour mettre ces maux en mots ? Comment vient-elle se conceptualiser, s’inscrire, s’incarner dans les pratiques des intervenants ?

Que tirer des innovations numériques, de l’habitat alternatif intégré aux villes, des initiatives en milieu rural, comme leçon sur l’évolution de nos sociétés et de vos pratiques ?

Que viennent nous dire l’essor des consommations et des innovations sociales en même temps, sur notre manière d’habiter l’espace public ? Quelle est la spécificité des actions sur les questions de consommations dans ces contextes ?

Venez nous parler de vos pratiques !

Programme

  • En matinée, les temps de plénière viseront à donner de premiers éléments de définition des outils du vivre-ensemble, et de la médiation, en tant que mission ou de vision du vivre-ensemble. Ils proposeront aussi plusieurs illustrations de sa mise en pratique, en France et en Europe.
  • L’après midi, vous serez invités à vous réunir en ateliers pour partager votre expérience et vos enjeux, et pour commencer à proposer des pistes de travail pour l’avenir.

Séminaire Lien social1

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Ma boîte à outils « Quels sont mes droits ? »

L’Observatoire des droits des usagers (ODU) a été sollicité en 2015, et continue de l’être en 2016 ! Outre des témoignages, beaucoup d’entre vous nous ont posé pas mal de questions pour connaître leurs droits, certains étant parfois perplexes vis-à-vis d’un refus de soins ou d’une admission.

Afin de vous aider à faire valoir vos droits dans les structures de soins ou médicosociales, et auprès de professionnels, l’ODU PACA vous a concocté quelques dépliants Quels sont mes droits ? dans un CAARUD ou un CSAPA, lors d’une hospitalisation, chez le pharmacien, etc. Des outils pour vous aider à cerner les limites de l’acceptable, à savoir jusqu’où les structures ou les professionnels peuvent aller… et à quel moment vous devez faire respecter vos droits !

médecin hopital femme CAARUD police pharmacien

Et pour que les professionnels qui accompagnent les consommateurs de drogues dans leurs démarches connaissent aussi vos droit, on a même fait un petit guide pour eux :

2016 [ODU PACA] Petit guide du droit des usagers à l'usage des professionnels ODU bleu ciel

Vous souhaitez en savoir plus sur vos droits, ou vous voulez témoigner d’une situation en particulier ? N’hésitez pas à nous contacter :

ODU coordonnées

 

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Substitution aux opiacés : vingt ans d’hypocrisie

Tribune par Fabrice Olivet Directeur de l’Autosupport des Usagers de Drogues (Asud) et Olivia Hicks-Gracia Première adjointe au maire du IIème arrondissement de Paris

Malgré la généralisation des traitements de substitution, la plupart des professionnels de santé restent réticents à remplir leurs obligations de prescription et de délivrance, refoulant les usagers de drogues dans une semi-clandestinité. Cette situation souligne le manque de cohérence d’une politique de réduction des risques.

Après un long parcours institutionnel, la nouvelle loi de santé publique vient enfin d’être votée, légalisant, pour la première fois dans notre pays, les salles de consommation à moindre risque. Cette disposition, qui s’inscrit clairement dans l’approfondissement de la politique de réduction des risques liés à l’usage des drogues (RdR), va concerner tout au plus quelques centaines d’usagers dans l’Hexagone. Or, derrière le théâtre d’ombres des «salles de shoot», propice aux postures vertueuses, une pièce beaucoup moins connue se joue en coulisse. Il s’agit du dossier sulfureux des traitements de substitution aux opiacés, une tragicomédie mise en scène depuis vingt ans dans une indifférence pour le moins suspecte.

Le saviez-vous ?

Ier acte : Saviez-vous, qu’en France, un toxico en manque, ou simplement désireux de rompre avec le marché illégal, peut se rendre chez n’importe quel médecin généraliste et ressortir quelques minutes plus tard avec vingt-huit jours de traitement à la Buprénorphine haut dosage (BHD), un opiacé de synthèse, plus connu sous son appellation commerciale de Subutex. Saviez-vous que ces traitements, dits de substitution aux opiacés (TSO), sont en train de fêter leurs vingt ans d’existence légale ? Saviez-vous que plus de 160 000 patients bénéficient de ces médicaments d’un genre particulier et que leur nombre augmente régulièrement de 4 % par an ?

IIe acte : Saviez-vous que, malgré l’ancienneté de la réglementation, la plupart des pharmaciens refusent de délivrer ces traitements sous divers prétextes, assortissant leurs refus de commentaires variés : «On ne fait pas ça ici !», «Revenez demain», «Nous avons besoin de l’original de votre récépissé de carte Vitale».

IIIe acte : Saviez-vous que nos tribunaux voient défiler, chaque année, de nombreuses affaires judiciaires concernant des médecins ou des pharmaciens qui prescrivent et délivrent des médicaments de substitution aux opiacés. Ces professionnels risquent leur carrière, voire de la prison ferme, pour faire ce que la grande majorité de leurs confrères ne fait pas : prendre en charge des usagers de drogues exclus de la plupart des autres dispositifs.

Le secret de famille

Quel sens politique général faut-il donner à ces trois actes ? Tout d’abord, reconnaître qu’il existe un décalage énorme entre les succès de la substitution et la méfiance qu’elle suscite toujours chez les professionnels de santé et dans la société en général. Il y a vingt ans, la prescription de méthadone s’est heurtée à l’opposition unanime des experts de l’époque sous le prétexte qu’il s’agit après tout de «donner de la drogue aux drogués». Cette opinion demeure dans les esprits d’une part non négligeable des acteurs de santé. En plus de retarder la mise en place des traitements, cette opposition a persuadé durablement nos gouvernants du risque politique de dérapage lié à toute communication de grande ampleur sur la substitution aux opiacés. Nous avons donc mis en place le système d’accès aux TSO le plus libéral du monde, dans une quasi-absence de débat. Ce dispositif a sorti la population des usagers des drogues des statistiques du sida, puis a contribué à résoudre le problème de la petite criminalité liée à la consommation d’héroïne, véritable plaie de l’époque, avant de réduire considérablement le nombre d’overdose. Or, tout se passe comme si la France vivait cet indéniable succès comme un honteux secret de famille. Aucune campagne nationale n’a jamais été mise en place par l’État sur les TSO. Pire, pendant que les laboratoires Bouchara-Recordati commémoraient vingt années de prescription de méthadone le 7 décembre devant un public clairsemé, le tribunal de Sarreguemines requérait un an de prison ferme contre le docteur Furlan, un médecin accusé de prescrire du Subutex avec trop de libéralité.

Le syndrome du maillon faible

L’histoire du docteur Furlan est, hélas, une histoire banale, semblable à des centaines d’autres, qui émaillent depuis vingt ans la chronique «faits divers» de la presse régionale. Le spectre du «dealer en blouse blanche», la formule, utilisée depuis toujours pour disqualifier la substitution, continue de rôder dans les têtes. A force d’être rejetés de la plupart des pharmacies et de ne pas trouver de médecins disposés à prescrire des médicaments de substitution aux opiacés (MSO), la plupart des usagers de drogues en traitement se rabattent sur un petit nombre de professionnels, isolés, parfois militants, parfois escrocs, toujours dépassés par le nombre sans cesse grandissant de leur file active. Dépassements des délais, renouvellements automatiques, posologies injustifiables, la multiplication des dérapages réglementaires est le prolongement inévitable d’une stigmatisation qui concerne autant les usagers que les rares professionnels qui les suivent en médecine libérale. C’est le syndrome du «maillon faible», un biais créé de toutes pièces par la pénurie de l’offre et cautionné par l’indifférence générale des autorités sanitaires et ordinales à l’égard de ce scandale de santé publique.

Livrés à eux-mêmes, les usagers de drogues et les associations qui les représentent ne peuvent pas grand-chose. En 2011 déjà, Safe et Asud [Autosupport des usagers de drogues], deux acteurs historiques de la politique de réduction des risques, avaient dénoncé cette situation au ministère de la Santé en présentant une enquête [publiée dans ASUD Journal n°48] sur la non-délivrance des traitements de substitution dans les pharmacies de la capitale (voir les illustrations ci-dessus). Sans grand succès. Aujourd’hui, le défi est relevé par la mairie du IIe arrondissement de Paris. Alertée par les usagers et les professionnels de son secteur, elle a décidé d’interpeller l’ordre des pharmaciens et l’agence régionale de santé (ARS) dans un courrier officiel pour faire cesser le scandale de la non-délivrance de TSO. Le document précise : «Les médecins sont souvent obligés de perdre un temps précieux à joindre de nombreuses pharmacies» et conclue en demandant aux autorités ordinales d’intervenir auprès des pharmaciens pour que cessent «ces manquements répétés à leur obligation déontologiques.» Prochainement, ce sera au tour de la Buprénorphine haut dosage (BHD) – commercialisée le 26 février 1996 – de fêter ses 20 ans d’autorisation de mise sur le marché du médicament (AMM). Cet anniversaire sera peut-être l’occasion de lever le rideau sur les vingt années d’hypocrisie du théâtre d’ombre de la prescription d’opiacés en France.

source : http://www.liberation.fr/france/2015/12/27/substitution-aux-opiaces-vingt-ans-d-hypocrisie_1423123

Synthèse de l’enquête PharmAsud 2010-2011

Pour plus de détail lire Résultats de l’enquête PharmAsud

Réactions

 

Drogués, sortez à découvert !

L’autre jour, je croise deux pêcheurs au bord d’un lac. L’un amorce la ligne, l’autre roule un joint. Je regarde mieux, pas de signes extérieurs d’exotisme ni de branchitude…Un kil de rosé dépasse de la musette, l’œil est placide… Ces deux-là sont de vrais pêcheurs, deux pépères à moustache bien de chez nous, simplement le pétard a remplacé la pipe. D’aucuns pourraient croire que la drogue est devenue un non-objet, un élément de décor habituel de notre société addictogène selon la formule consacrée.

« Je ne sais pas quel lien il y a entre le vin et l’alcoolisme. J’ignore s’il existe… »
Philippe Meyer, France Culture, L’esprit public, Dimanche 05 juillet 2015, 11h 45

Il y a un an, Libération titrait « droguez vous avec modération ! ». Michel Henry pointait l’avènement du cannabis comme drogue de masse et la montée en gamme des nouveaux produits de synthèse sur le web. A l’époque nous répondions « Droguez-vous avec… libération » pour insister sur le caractère libératoire de cette parole d’un grand quotidien de gauche longtemps partagé entre la dénégation en mode «honteuses » et la dénonciation de l’opium du peuple.

« Le darknet, c’est « génial » » nous dit Olivier Peron, journaliste à Humanoïde. Plus sûrs que dans la rue, moins chers et de meilleure qualité, les produits vendus en trois clics sont en passe de renvoyer les dealers au rayon des accessoires vintage. Parce qu’avec Internet, l’absurdité de la prohibition éclate au grand jour, nous dit Pierre Chappard. Le classement d’une molécule comme stupéfiant n’empêche pas sa diffusion et participe quelques fois de sa promotion.

Mais si la vente de drogues sur le Net réduit considérablement le risque policier, il est bon de rappeler que, selon que vous êtes puissant ou misérable, l’usage, l’achat ou la vente d’une substance prohibée n’ont pas les mêmes conséquences sur votre vie. La couleur de votre peau peut devenir un signal qui attire le regard policier, comme nous le racontent les nombreux témoignages du site GDGR. C’est aussi la société addict aux gênes !

Au-delà du risque sanitaire, le risque pénal est celui que la foule des « usagers cachés » craint par-dessus tout. La fouille humiliante, la garde à vue suivie de l’inénarrable « stage de sensibilisation aux dangers de l’utilisation de produits stupéfiants » où des psychonautes de 50 berges, vétérans de toutes les ivresses, se retrouvent à devoir ânonner des « je ne recommencerai plus » devant un addictologue boutonneux.

En 2013, 163 000 personnes ont été interpellées pour ILS (Infraction à la législation sur les stupéfiants). Parmi elles, certains sont des travailleurs sociaux exerçant en Caarrud ou en Csapa. Or, malgré tous nos beaux discours sur la réduction des risques, le cadre réglementaire de ces professions double la sanction pénale d’une sanction professionnelle en cas de délit lié à l’usage de stupéfiants (lire Les usagers-salariés du médicosocial).

Voilà clairement posées les limites de cette banalisation de l’usage de drogues dont on nous rebat les oreilles. Banales, les drogues le sont au quotidien, mais les consommateurs, gibiers de prétoire potentiels, demeurent les contestataires d’un ordre qui reste moral sous des discours sanitaires lénifiants.

Alors sortons du bois, marchons à découvert, éducateurs, journalistes, pêcheurs à la ligne, faisons l’Addicto Pride, fondons les « Narcotiques unanimes » pour redonner un sens commun à cette consommation de stupéfiants dont on veut nous faire croire et nous faire dire qu’elle est insensée.

 

« Une immense hypocrisie »

Cette dernière session des égus était donc consacrée aux personnes qui prennent des drogues et qui travaillent dans des structures médicosociales, parce qu’il semble que dans ce pays, cela pose problème alors que dans certains pays anglo-saxons, c’est quasiment la règle.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

J’ai par exemple été frappé aux États-Unis où l’ensemble du secteur de base, ceux qui sont au contact avec les usagers, sont des gens qui se définissent comme ex-usagers et savent du coup exactement de quoi ils parlent. Même s’ils sont par ailleurs diplômés, les gens ne se cachent jamais d’avoir été consommateurs. En France, cela aboutit à un paradoxe : ceux qui travaillent dans les structures et consomment eux-mêmes des drogues seront les derniers à pouvoir profiter des services proposés par leur structure. C’est une cause d’invalidation de leur parole et de leur profession. Il serait pourtant intéressant que l’ensemble des gens qui travaillent dans ce secteur et qui consomment des substances aient à un moment la possibilité de s’exprimer publiquement, collectivement ou anonymement sur leur usage pour changer les représentations au niveau de la société. Que l’on s’interroge enfin sur cette immense hypocrisie qui consiste à avoir les usagers d’un côté et les professionnels de l’autre.

 

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Une dichotomie sur le rôle des usagers

C’est effectivement un secret de polichinelle : les travailleurs sociaux qui travaillent avec les usagers de drogues sont eux-mêmes un peu usagers, voire un peu beaucoup.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Sondage EGUS 9

D’après un petit sondage anonyme réalisé par Internet auprès des participants à ces Égus à l’aide de simples questions (« Êtes-vous usager de drogues ? », « Professionnel de la RdR diplômé et usager de drogue ? » …), les plus représentés sont des professionnels de la RdR diplômés, qui constituent 55 % de la salle, dont la moitié sont usagers de drogues. Ce n’est donc pas négligeable. La réduction des risques s’est historiquement construite avec des associations d’autosupport ou communautaires où les usagers avaient toute leur place parce que leur expérience était prégnante.

Des structures hors-cadre législatif jusqu’au décret donnant voix à la RdR dans la politique de santé publique qui précise que « les acteurs professionnels de santé ou du travail social ou membres d’associations comme les personnes auxquelles s’adressent ces activités doivent être protégés des incriminations d’usage ou d’incitation à l’usage au cours de ces interventions. L’organisation de l’entraide et du soutien par les pairs fait partie des modalités d’intervention de ces actions. » La santé communautaire et les usagers pairs s’inscrivent donc dans ces processus. Pourtant, en 2007, la loi relative à la prévention de la délinquance stipule, dans son article 54, que les peines seront aggravées d’emprisonnement et/ou d’amendes en cas d’usage au volant et pour les personnes travaillant dans les services publics.

Un certain nombre de questions

Une dichotomie sur le rôle de ces usagers et ce qu’ils peuvent supporter ou pas, qui pose un certain nombre de questions : Pourquoi les usagers de drogues sont-ils bâillonnés ou dans le déni ? En raison de cette loi de prévention de la délinquance ? De leur crédibilité professionnelle ? Pour ne pas être réduits au seul statut d’usager ? Pour se protéger face aux sollicitations ? Parce que leur usage n’est, pour eux, pas représentatif des personnes croisées dans la structure, et qu’ils ne se considèrent donc pas comme usagers pairs ? Il y a également une certaine porosité (on peut arriver sans être usager et le devenir un peu ou l’inverse, ce n’est jamais figé dans le temps), mais aussi un problème de réglementation et la problématique des diplômes (l’obligation d’être diplômé, ce qui est compliqué pour certains). Au final, comment articuler la santé communautaire et l’autosupport dans les structures médicosociales, et comment cette place peut-elle ou doit-elle être prise en termes de management, de diplôme, d’identité, de militantisme… ?

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Le communautaire, l’autosupport et la place des usagers

Je pensais illustrer cette question à travers mon parcours : j’ai découvert sur le terrain cette histoire du communautaire, de l’autosupport et de la place des usagers, qui ne figuraient pas dans mes études de pharmacie.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Je suis arrivée à la mission Rave de Médecins du monde il y a douze ans, sans connaître le monde de la teuf et j’ai découvert l’intérêt de ce beau melting-pot d’usagers de différents milieux, de gens issus des sound systems, et d’intervenants. J’ai apprécié qu’il n’y ait pas de jugement et qu’on me demande mon avis en tant qu’étudiante en pharmacie. Un joyeux mélange où régnait un certain équilibre (un usager pouvait parler à quelqu’un de plutôt usager ou plutôt professionnel, selon ses envies). Une multiplicité de profils bénéfique au sein de la mission où on apprenait chacun des uns et des autres. Étant personnellement sur le dispositif d’analyse des drogues, on m’a très vite parlé de la proximité de l’usage, et du risque de devenir consommatrice ou de consommer plus. La question de qui est usager et qui ne l’est pas s’est donc très vite posée assez ouvertement au sein de la mission. Une première approche de ce qui était, selon moi, l’approche communautaire bien que Médecins du monde ne soit pas considérée comme une association communautaire.

Une étiquette qui enferme

J’ai continué avec le projet Squat qui m’a peut-être encore mieux fait comprendre ce qu’est l’approche communautaire. Mais les communautés sont parfois « enfermantes » car il n’y a pas un type de squatteur mais des squatteurs. C’est mettre une étiquette sur des gens (« es-tu issu de la communauté ? ») alors que ce qui est intéressant, c’est le mélange des communautés. Dans le projet Squat, on a retrouvé ce mélange de gens. Et bien que n’étant pas moi-même issue de la communauté, je pense avoir eu une approche communautaire qui, selon moi, n’est pas être issu de la communauté mais faire avec les personnes, quelles qu’elles soient. Si on se retrouve sur une question, si on est un peu intéressé, on arrive à faire ensemble et c’est ça qui est intéressant.

Une question de légitimité

Je suis maintenant sur le programme Erli, qui peut paraître beaucoup moins communautaire bien qu’il y ait eu, dans l’équipe, des usagers injecteurs ou non-injecteurs. Mais finalement, qu’appelle-t-on usager ? Est-ce être usager de cannabis ? Sniffer, gober, injecter ? À quelle fréquence ? Toutes ces questions sont de nouveau un peu trop caricaturales et certains n’ont pas forcément envie de s’identifier en tant que tels. Ceux qui ont des pratiques d’injection occasionnelles ne se considèrent, par exemple, pas toujours comme des injecteurs. Dire que l’on s’adresse aux injecteurs revient donc à résumer une personne à une pratique. Dans l’équipe, il y a effectivement des personnes qui pratiquent l’injection de manière occasionnelle, qui le disent et peuvent en parler et d’autres, qui ne le feront pas. Y a-t-il une utilité à le dire ? C’est la question de la légitimité. Moi, ma légitimité, je l’ai acquise sur le terrain. N’étant pas au départ consommatrice, j’ai dû aller chercher cette légitimité à intervenir mais finalement, un usager ne fera pas forcément un bon intervenant et lui aussi doit aller chercher une légitimité.

Le risque lié à la proximité des produits

Dans le programme Erli où on est en très grande proximité de l’usage puisqu’on voit des gens injecter, être usager et donc potentiellement tenté par ce qu’on voit est une vraie question. Parce que si on n’est pas au clair dans sa tête par rapport à ça, c’est un peu compliqué d’intervenir. Qu’on soit usager ou pas au départ, parce que la proximité des produits peut mettre en difficulté. Si on ne demande pas aux gens s’ils sont usagers quand on les recrute, il faut donc qu’ils se sentent libres d’en parler quand ils s’estiment en difficulté. Ce n’est pas évident à aborder et cela relève effectivement de la vie privée, mais plus quand cela risque de mettre sa vie ou celle du dispositif en danger. Et sur des dispositifs comme Erli, on n’a pas le droit à l’erreur. Le dire aux usagers qu’on rencontre n’est pas forcément utile à mon avis. Il y a différents cercles et différents espaces mais ce sont des choses qui devraient être plus largement réfléchies ou débattues.

L’auteure, Marie Debrus, est présidente de l’AFR et coordinatrice de la Mission Education au Risques Liés  l’Injection (ERLI) de Médecins du Monde.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Se poser la question en tant qu’employeur

Il faut aussi se poser la question du côté des employeurs, à la fois en tant qu’employeur d’usagers et éventuellement en tant qu’employeur concerné. Quand on est directeur d’une association comme Asud, on est par exemple employeur d’usagers de drogues.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Début 90, je travaillais à Arcade, un des premiers programmes de réduction des risques à faire de l’échange de seringues dans le 93 et dont une partie des salariés était des usagers qui avaient été recrutés pour ça. Manque de pot, l’un d’eux est tombé dans sa vie privée dans une histoire de 50 kilos de shit et l’association a dû fermer.

Autre exemple : le président de Techno+ poursuivi par la justice pour des flyers (Sniff propre et Drug Mix), qui a été licencié de l’établissement médicosocial dans lequel il travaillait au moment du procès.

« Ce qui se raconte dans une équipe n’est pas non plus ce qui se raconte sur la place publique. « Si tu es drogué et que tu veux travailler dans un programme de réduction des risques, arrête la drogue ou change de métier » : on en est un petit peu là quand même. »
Valère Rogissart

Une vraie question

Et c’est une vraie question : quand on a eu un souci avec un salarié de Sida Paroles, là encore dans le cadre de sa vie privée, qui a été jugé et incarcéré à Nanterre où l’association intervenait massivement, on s’est demandé si on devait le licencier pour faute grave ou lourde. Il faut quand même une solide conception des choses au niveau de l’association et du conseil d’administration sur l’attitude à tenir à cet égard, sachant qu’on ne licencie pas non plus quelqu’un comme ça pour usage de drogues, ce n’est pas aussi simple. L’association a choisi de ne pas le licencier (pour un problème de shit) et je suis très fier en tant que directeur à l’époque de ne pas avoir licencié à cause de son usage de drogue quelqu’un qu’on avait engagé parce qu’il était usager de drogues.

C’est un vrai problème, parce que la question, c’est « Est-ce utile d’avoir des usagers dans les structures médicosociales, Caarud, Csapa et autres ? » Les ex ne posent pas le même problème. Je travaille dans une communauté thérapeutique où les conseillers en addictologie sont d’anciens patients dépendants soignés, qui ont suivi une formation et qui font aujourd’hui partie intégrante des professionnels, au côté des assistantes sociales, des éducs, toubibs, psycho, etc. Mais comme ce sont des ex, c’est moins compliqué.

EGUS 9 Pierre ChappardOui, c’est utile

La question, ce sont les usagers actifs, et de ce que j’ai pu voir de mon expérience sur l’utilité d’avoir des usagers de drogues, la réponse est un oui franc et massif. Pour connaître les milieux, comprendre comment ça se passe et ce qui se dit. La première fois que j’ai été en rave avec la mission Rave, je n’ai par exemple rien compris à ce que m’a dit un mec avec lequel j’ai discuté pendant trois-quarts d’heure. Heureusement qu’après, j’avais un traducteur grâce auquel j’ai pu apprendre la langue. C’est aussi une question de connaissance des pratiques, des produits, une capacité de contact, mais c’est d’abord une histoire d’empathie avec les usagers de drogues, une forme de proximité. Même si un fumeur de pétards depuis trente-cinq ans n’a pas les mêmes références culturelles ou le même mode de vie qu’un crackeur de Stalingrad, on retrouve quand même certains points communs.

Il me semble que c’est dans les programmes où il y a mixité d’intervenants qu’on continue d’inventer des nouveaux outils, sur l’injection, le sniff, etc., pas dans les institutions classiques.

« Je n’ai pas de diplôme, mon diplôme, c’est ma vie, mon parcours de vie. Et c’est pour moi une façon de me valoriser. Ne pas le dire, c’est comme si je refusais ma vie, j’ai besoin de mon parcours d’usager pour m’identifier. »
José Mendes

La difficulté de le revendiquer

Est-ce un problème de revendiquer son usage quand on est intervenant ? Je n’en sais rien, ça me paraît compliqué. Mais le sociologue Michael Pollack a montré dans le VIH que moins les personnes gay étaient en mesure d’assumer leur identité homosexuelle, moins elles étaient en capacité de se protéger et donc de diffuser les messages de protection. J’émets donc l’hypothèse que ne pas assumer son identité d’usager va être compliqué pour faire un certain nombre de choses et porter les messages dont on a besoin. C’est la question de la plus-value (y en a-t-il une ou pas ?, je pense que oui), mais tout cela reste quand même très lié au statut légal des drogues et à la pénalisation potentielle des usages et donc, des usagers.

L’auteur, Valère Rogissart, est directeur d’Aurore 93.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

Les usagers-salariés du médicosocial : échange avec la salle

Fabrice Olivet : Asud s’est par exemple retrouvé avec un coordinateur des évènements festifs qui faisait systématiquement des OD sur son lieu de travail jusqu’à se faire évacuer par hélicoptère. On a alors estimé que ça suffisait et décidé de le licencier mais il nous a poursuivi aux Prudhommes où il a gagné. C’est donc l’association qui a été pénalisée en tant qu’employeur.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

L’entretien d’embauche

Georges Lachaze : Est-ce une question qu’on peut aujourd’hui poser lors d’un entretien d’embauche ?

Valère Rogissart : Non, cela fait partie des questions qui relèvent du secret médical. Certains métiers dits « à risque » sont soumis à dépistage via la médecine du travail mais sinon, l’employeur n’est pas fondé à poser la question en entretien ni à le vérifier.

Le risque de devenir l’usager de service

Georges Lachaze : Il y a aussi un côté usager une fois, usager toujours. Et quand on est salarié d’une structure médicosociale, ce n’est pas toujours évident de revendiquer et d’assumer son usage. D’une part, auprès de ses collègues et de son équipe, et d’autre part, auprès des autres usagers. Au-delà de la crédibilité, on court le risque d’être enfermé dans le rôle de l’usager de service et ça peut bloquer.

EGUS 9 Marjorie Corridon

Marie Debrus : C’est vrai qu’aujourd’hui, dire qu’on consomme n’est pas forcément bien vu pour des personnes diplômées, sachant qu’on risque aussi de se le prendre dans les dents dès qu’on n’assure pas au boulot. Tout en disant ensuite qu’on fait de la RdR et qu’on est dans la tolérance et l’acceptation… C’est un peu l’inverse de ce que j’ai appris dans la réduction des risques et le communautaire. Le communautaire s’appuie sur la Charte d’Ottawa qui parle bien de renforcer les compétences des personnes, de les rendre autonomes et de faire avec elles, quelles qu’elles soient, sans étiquette.

L’autosupport, c’est autre chose parce qu’il y a une question d’identité à défendre et à mettre en place. Il faut de tout mais il ne faut pas tout confondre : il ne faut pas que le communautaire devienne l’usager de service qui arrange tout le monde et qui l’enferme, parce que c’est l’opposé de l’empowerment.

En son nom propre ou politiquement ?

EGUS 9 Jean-Pierre Galland, Fabrice Olivet et Fabienne LopezFabrice Olivet : C’est effectivement compliqué mais en même temps, il y a deux plans superposés : la question de l’usage/abus/dépendance d’un côté, et de l’autre, la position plus politique. C’est d’abord parce que c’est un acte de délinquance qu’il faut pouvoir le proclamer, quels que soient la fréquence et le degré de l’usage. Au début de la réduction des risques, il y a eu un militantisme très fort pour pouvoir engager ces gens-là, pour qu’ils soient visibles et que la santé communautaire devienne autre chose qu’une illusion. Il y avait un sens politique et même les « ex » ont une forme politique parce qu’en France, même « ex », c’est compliqué. Et c’est plus à ce niveau-là qu’on pourrait encore faire des efforts et des progrès pour que les gens qui travaillent dans les structures aient la possibilité d’avoir un discours plus militant.

Georges Lachaze : La question, c’est de savoir si on le porte en son nom propre ou comme une idée parce qu’on en est convaincu, un discours qui peut être porté par des non-usagers. Politique ou pas, on ne peut pas passer de l’un à l’autre, effacer l’ardoise et revenir le lendemain au boulot. Le simple usage peut entraîner des emmerdes face à la loi, le revendiquer haut et fort dans un cadre politique peut accroître la visibilité et les problèmes, d’autant plus quand tu travailles dans une structure médicosociale où les peines seront encore aggravées. Alors tu réfléchis à deux fois.

EGUS 9 Jamel LazicFabrice Olivet : C’est sur la représentation que c’est important. Les choses ne changent que quand la société commence à s’identifier. Si les gens qui travaillent dans le médicosocial et, plus globalement, dans le soin aux usagers avaient la possibilité de proclamer cette identité, cela constituerait une avancée majeure en termes de changement de représentations.

Valère Rogissart : Tout est dans le « s’ils avaient la possibilité de ». Prendre un risque politique (afficher une idée, un positionnement), c’est une chose mais là, c’est différent parce que ça peut avoir des conséquences pénales. Vas mettre en danger ton diplôme et ton niveau de qualification pour une question comme celle-là… Ce n’est pas la même chose que d’appartenir à une organisation qui porte le discours et qui peut en tant que telle prendre un certain nombre de risques.

Fabrice Olivet : Il faut qu’on arrive à trouver le moyen de monter des lobbyings politiques en renforçant la visibilité des gens qui travaillent dans le secteur pour changer les représentations.

Dans quel but ?

Aude Lalande : On ne peut porter seul des pratiques aussi stigmatisées que l’usage de drogues. Il faut restaurer du collectif autour de tout ça mais la question, c’est : pour quelle utilité ?

EGUS 9 Fabrice PEREZGeorges Lachaze : Ce qui peut être bénéfique à un moment et sur une question peut ne pas l’être du tout sur le temps de travail ou la professionnalisation. La RdR, c’est du sur-mesure, pas du prêt-à-porter, et ces questions se traitent souvent au cas par cas, au feeling. C’est difficile de généraliser.

Laurent Appel : Assumer ses consommations dans un cadre politique par rapport à des revendications réelles comme l’héroïne médicalisée ou le cannabis thérapeutique a un sens réel. Peut-être manque-t-on de collectif pour l’exprimer mais à l’heure du Story Telling, c’est aussi en multipliant les histoires qu’on peut avoir un impact. Il faut qu’on réfléchisse à ça, parce qu’on vit dans une société où l’addition des individualités crée aussi un mouvement. La multiplication des histoires individuelles finit par frapper la société.

Fabrice Olivet : Les expériences individuelles s’inscrivent dans un collectif, elles ont valeur d’exemplarité et c’est par l’identification que les choses vont changer.

Cet article fait partie du dossier Les usagers-salariés du médicosocial.

EGUS 9

Ni délinquants, ni malades : citoyens

Agréée depuis 2007 par le ministère de la Santé pour représenter les patients accueillis dans les structures de soins et, le cas échéant, porter leurs intérêts en tant que personne morale, Asud a créé l’Observatoire du droit des usagers (ODU) dont l’objectif est d’offrir un espace d’expression pour permettre aux usagers de substances psychoactives de faire valoir leurs droits, d’assurer un plus grand contrôle sur leur santé, et de renforcer leurs compétences psychosociales.

Des usagers parlent aux usagers

Parmi ces témoignages, viennent d’abord les turpitudes liées à la maréchaussée qui, en dépit des recommandations de la circulaire du 17 juin 99, continue de faire la chasse aux tox aux abords des lieux de distribution de matériel stérile :

« À Paris, l’action de Médecins du monde est régulièrement troublée par certains services de police […] : interpellation des “tox” à la sortie du bus de prévention et destruction des kits. » (lire Les Brèves d’ASUD Journal N°4)

Un autre classique est l’abus et le mésusage des tests urinaires dans les centres de soins, entraînant punitions, chantages et infantilisation. Une personne sous Moscontin® et méthadone décrit son exclusion d’un programme après avoir refusé de se soumettre aux tests urinaires :

« Mme W., directrice, décide sans même me prévenir d’arrêter le don de méthadone et voilà, rien du jour au lendemain. Je pense qu’elle est vraiment irresponsable. Je pensais bêtement que la médecine ne jouerait pas à ce jeu-là. Cette histoire est très grave. Et je vous pose une question : a-t-on enfin des droits ? Jamais un dealer ne m’a fait ce genre de plaisanterie. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°10)

Rappelons que ces tests n’ont pas un caractère obligatoire (vous avez le droit de les refuser, sauf pour une primo-prescription ou un passage à la forme gélule) et peuvent encore moins être un outil coercitif.

Ne voulant pas troubler le calme de leur salle d’attente, certains médecins ne s’embarrassent même pas de faux prétextes pour refuser une ordonnance :

« […] L’immense majorité des médecins nous a exclus du fameux serment d’Hippocrate. Cette situation est intolérable, et seuls les toxicos pourraient défendre leurs droits. Personne ne le fera pour eux. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°12)

Reste le numéro 1 de ce Top des manquements aux droits des usagers : le refus de délivrance de traitements en pharmacie, qu’on camoufle derrière un panel non-exhaustif d’excuses bidons. Exemple pour 60mg de Moscontin® :

« Première excuse : ne prend pas la carte Paris Santé », puis dans Paris, « nous n’avons pas, il faut commander » […]. Nous avons encore fait deux tentatives, ils ont tous joué sur le coup de la livraison, lorsqu’ils n’ont pas déblatéré un monceau d’âneries. Découragés, nous sommes allés pécho. » (lire Courrier des lecteurs d’ASUD Journal N°9)

Si la mauvaise foi était une maladie, la plupart de ces pharmaciens auraient une cirrhose…

Vingt ans et toujours d’actualité

Si ce tour d’horizon doit faire résonance chez beaucoup d’entre vous, ce qui est embêtant, c’est que ces témoignages n’ont pas été recueillis par l’ODU, mais via des courriers reçus par Asud et publiés dans les premiers numéros du journal. Certains ont plus de vingt ans mais sont toujours d’actualité ! ! La preuve avec des témoignages récents recueillis par l’ODU :

« Suite à une agression physique, je me suis pris des coups au visage et je me suis fait voler mon traitement TSO. Je me suis rendu au commissariat rue aux […] à côté du Csapa […]. L’agent a refusé mon dépôt de plainte. » (M. F., Paris).

« Contrôle policier quasi systématique à la sortie ou l’entrée d’un Caarud, avec parfois provocation des usagers et bris de matériel de consommation pour provoquer un outrage éventuel qui [les conduira] au commissariat. » (M. B., Lille).

« Les urgences n’ont pas voulu faire une prise de sang pour voir si infection, juste me dire qu’il faut arrêter de s’injecter et me regarder avec indifférence ». (Mme H., La Roche-sur-Yon).

« Ces deux jeunes pharmaciens refusent de délivrer certaines prescriptions pourtant parfaitement rédigées, protocole et rédaction de l’ordonnance conforme à 100 % avec les règles en vigueur ! » (M. T., Goussainville).

Malheureusement, rien ne changera tant que ces manquements ne seront pas documentés, ni dénoncés. La RdR est aujourd’hui une politique de santé publique, les Caarud et Csapa ont un cadre légal et sont désormais des établissements médicosociaux, mais il reste beaucoup à faire concernant le droit des usagers et la citoyenneté. Cet aspect est cependant prévu par les politiques publiques et s’applique à tous les établissements médicosociaux, c’est la démocratie sanitaire.

Devenir des consomm’acteurs

Si ces établissements ont désormais obligation de mettre en place des outils favorisant la parole, la représentation et le droit des usagers dans les structures (Conseils de la vie sociale, groupes d’expression, Commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge, etc.), encore faut-il que ces changements se concrétisent. Et outre de la bonne volonté, cela nécessite non seulement un accompagnement pour aider les structures à développer ce volet mais surtout, une implication des usagers. Ces outils ne peuvent exister que par vous et par votre volonté de changer les choses. Les droits s’accompagnent de devoirs, notamment celui de connaître et de faire respecter ces droits pour faire évoluer les conditions de vie, l’image des usagers de drogues et devenir des consomm’acteurs.

L’ODU est là pour ça. Mais ce dispositif n’est rien sans vous. S’il y a vingt ans, les témoignages reçus (spontanément) par Asud servaient à favoriser l’expression des usagers et à illustrer dans le journal les problématiques vécues quotidiennement, aujourd’hui, grâce à l’ODU, ils deviennent des « mains courantes » auprès des institutions publiques comme l’Agence régionale de santé (ARS) ou la Direction générale de la santé (DGS). Ils permettent de dénoncer les manquements aux droits des usagers en apportant des éléments comptables et concrets.

Dans un paysage médicosocial où l’anonymat prévaut du fait de la prohibition, déposer votre doléance en votre nom propre est un acte de citoyenneté.

« Cessons de laisser parler les autres à notre place et pour notre “bien”. »
Didier De Vleeschouwer, Sociologue (ex-usager)
(lire Lettre d’un ami, Asud-Journal n°1).

Cette réappropriation d’une citoyenneté confisquée par le statut de délinquant ou de malade est l’objet d’Asud depuis ses débuts :

« Quant à ce journal, chacune de ses pages, chacune de ses lignes est là pour témoigner, pour se faire l’écho de nos premiers pas d’usagers-citoyens responsables “à part entière”. […] Et pour affirmer notre volonté de nous faire les artisans de notre propre destin. À notre façon, pour peu seulement qu’on nous laisse disposer des outils dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs […] : le respect des droits de l’Homme… qu’il soit ou non usager des drogues. » Phuong-Thao, Éditorial N°1,

Ce texte figurait dans le tout premier numéro d’Asud-Journal, en 1992. L’ODU est aujourd’hui l’outil qui vous permettra de devenir les artisans de vos propres destins.

ODU coordonnées

Un observatoire du droit des usagers en PACA

Depuis 1995, Asud « Mars Say Yeah » se présente comme un groupe d’autosupport, d’entraide et de solidarité. Sur un principe de santé communautaire, l’association vient en aide aux usagers et ex-usagers de substances psychoactives, notamment les plus démunis, fragilisés et précarisés, qui sont bien souvent les plus confrontés aux problèmes de prise en charge. Aujourd’hui (depuis janvier 2015 en fait), Asud « Mars Say Yeah » se lance également dans la coordination Paca de l’Observatoire du droit des usagers (ODU), car nous avons aussi notre lot d’aberrations dans la région !

L’idée ? Dénoncer ces injustices et les discriminations, les problèmes de droit, de règlement et de représentation qui sont à l’origine de nombreuses difficultés de prise en charge. Pour témoigner, même outil, même combat, pour faciliter les expressions de chacun : la page web de l’ODU (asud.org/odu).

Couvrir toute cette région (car elle est grande !) nécessite qu’un maximum de structures locales relaient ce projet auprès des usagers concernés et diffusent les formulaires papier de l’Observatoire. Et pourquoi ne pas proposer des focus groupes pour impulser une dynamique collective… ? Vos idées sont les bienvenues (odu.paca@orange.fr ou facebook.com/odupaca) ! Le but étant de ne pas se cantonner aux grandes villes (Marseille, Avignon, Nice, Toulon…) pour rayonner aussi dans les zones rurales, n’hésitez pas de même à nous transmettre des contacts si vous en avez. Relayez l’information auprès des intervenants des structures que vous fréquentez (Caarud, Csapa, association d’autosupport…).

On espère vous retrouver nombreux pour militer à nos côtés sur ce projet !

ODU coordonnées

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Support. Don’t punish : Journée mondiale de soutien aux consommateurs de drogues

« Soutenez. Ne Punissez pas. » est une campagne mondiale à l’initiative du Consortium International sur la Politique des Drogues (IDPC) ayant pour but de promouvoir des politiques en matière de drogue qui respectent les droits humains et protègent la santé publique.

Après 2 éditions à succès (40 villes en 2013 et 100 en 2014), la journée d’action 2015 a encore battu des reccords de mobilisation avec plus de 150 villes participantes.

En France, des militants se sont réunis dans 8 villes, soit le double de l’an passé ! Quant à l’album mondial, il a pu s’enrichir de centaines de nouvelles photos de sympathisants. Voici un résumé de la mobilisation en France.

Manifestations le jour J

Toulouse, Paris, Marseille, Montpellier, Nantes, Lille, Rennes et Tours

Toulouse : 2 journées de réflexion et d’action (26 et 27 juin)

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  • vendredi 26 juin : ateliers et conférences autour des questions de drogues et d’addiction et de la façon dont les politiques publiques peuvent agir.
  • samedi 27 juin : village associatif, espace d’échanges grand public au cœur de Toulouse.

Toutes les informations détaillées sont sur le site de Chanvre et Libertés.

Contact : Twitter @SDPtoulouse / Facebook SDPtoulouse

Paris : Pique-nique pour la paix des drogues et Solidays

C’est près du Mur pour la Paix sur le Champ de Mars qu’a eu lieu le 1er Pique-nique pour la Paix des drogues.
Durant le festival Solidays, sur l’hippodrome de Longchamp, du 26 au 28 juin, les association de RdR  du village solidarité ont tenu un stand où le public pouvait venir se faire prendre en photo avec le logo de la campagne.

Contact : AFR (com@a-f-r.org)

Marseille

Rassemblement sur le Vieux-Port avec des prises de parole, une photo collective et une chorale militante !

Contact : Bus 31/32 (caarud@bus3132.org)

Montpellier

Rassemblement devant le Tribunal de Grande Instance place Pierre Flotte.
Contact : Réduire les Risque (reduirelesrisques@wanadoo.fr)

Nantes

Pique-nique convivial devant le Palais de Justice avec prises de photos individuelles et collectives, des échanges autour de la criminalisation des usagers de drogues…

Contact : facebook.com/pages/Nantes-Support-dont-punish/

Lille

Rassemblement Place de la République.

Rennes

Le collectif Orange Bleue, accompagné de ses partenaires, a organisé un rassemblement Place des Lices avec prises de photos, pique-nique, discussion, stand d’informations et animations.

Tours

Les Amis du Cscf  se sont réunis à Tours place J. Jaurès devant le Palais de Justice.

Retrouver plus de photos des actions en France sur l’album Flicker :

Portfolio Mondial

Portrait de soutien

Tout au long de l’année, chacun peut contribuer au portfolio mondial. Le principe est de poser seul ou en groupe au côté du logo de l’évènement (jpg ou pdf).

Dénoncez les lieux qui s’en prennent aux drogués

Pour renouveler un peu l’exercice cette année, il est possible de poser devant les lieux de votre ville qui punissent les consommateurs de drogues : commissariats, prisons, palais de justice, etc. En plus du logo officiel, vous pouvez télécharger des pancartes contenants des message spécifiques ou même crééer vos propres messages.

Palais de Justice de MarseillePrison des Beaumettes à MarseilleImmeuble des Riverains anti-salle de consommation

Court européenne des droits de l'Homme Conseil de l'Europe Palais de Justice de Paris

 

Ensuite partagez vos photos sur les différentes pages Facebook et compte twitter sans oublier d’en envoyer une copie par courriel à campaign@idpc.net ou com@a-f-r.org.

Sur les réseaux sociaux

Press Book France

Voici les quelques médias qui ont parlé de la campagne :

  • 24 juin, le blog Un monde 100 drogues ? sur leMonde.fr mentionnait la campagne dans un article sur les euphorisant légaux.
  • 25 juin, la Charente Libre soulevait le retrait de Chistiane Taubira, Ministre de la Justice, de la campagne avec le titre Vendredi, journée de lutte contre la drogue ou de soutien aux usagers ?
  • le 26 juin malgré une actualité marquée par un pseudo-attentat en France, l’AFP a sortie une dépêche, reprise par plusieurs médias (ici et ici par exemple),  sur la position française à l’occasion de la jornée mondiale de lutte contre l’abus de drogues mentionnant les revendications de la campagne Support. Don’t punish.

Argumentaire

Pourquoi le 26 Juin?

Le 26 Juin est la Journée Internationale contre l’Abus de Drogues et le Trafic Illicite, mais aussi (paradoxalement) la Journée Internationale de Soutien aux Victimes de la Torture. Tandis que les pays les plus répressifs « fêtent » ce jour par des condamnations voire des exécutions de consommateurs ou de trafiquants de drogues, les autres perpétuent à leur manière la guerre à la drogue, cette guerre contre leurs propres citoyens. L’IDPC et ses partenaires proposent de se réapproprier cette journée en dénonçant les atteintes faites aux consommateurs de drogues et en criant au et fort notre soutien à leur égard.

Pourquoi soutenir les consommateurs de drogues ?

Les traités internationaux et les lois qui régissent la question des drogues dans le monde ont essentiellement pour objectif l’éradication, la prohibition et la criminalisation des usagers de drogues. Ce système qui coûte des milliards d’euros à la planète ne produit pas les effets annoncés : la consommation mondiale augmente, les trafics prospèrent et les risque sanitaires et sociaux se multiplient.

Pire, cet échec n’empêche pas les personnes qui utilisent des substances illicites d’être massivement traquées, punies, emprisonnées. Cette guerre aux drogués a de grave conséquences sanitaires et sociales en condamnant ces personnes à l’exclusion et la clandestinité.

Ailleurs dans le monde

La Journée mondiale d’action de « Soutenez. Ne Punissez Pas » a été un vrai succès. Il y a eu des évènements dans une centaine de villes à travers le monde avec des manifestations et cortèges, de l’art urbain et des graffitis, des kiosques d’information, des concerts, des pièces de théâtre, des discours, des conférences de presse, des matchs de football, etc.

Médias : articles et émissions TV ou radio sur la journée d’action sur le lien suivant : http://supportdontpunish.org/fr/journee-daction-mondiale-du-2015/.

Photos: les meilleures sont disponibles ici : https://www.flickr.com/photos/90322037@N05/.

Vidéos: les vidéos relatives à la campagne sont sur http://supportdontpunish.org/fr/videos-3/

Plus d’infos

Guerre au Drogues Guerre raciale : Appel à témoignage !

Depuis plusieurs décennies, en France, l’histoire de la répression des drogues et celle des personnes issues de l’immigration se déroulent en parallèle ; elles peuvent concerner les mêmes personnes mais n’ont jamais été croisées.

Du département de la Seine-Saint-Denis aux quartiers Nord de Marseille, la violence liée aux trafics de drogues illicites frappe en premier lieu les gens qui vivent et grandissent dans ces territoires et sont, pour beaucoup, Noirs, Arabes, issus de milieux défavorisés.

Dès lors, on peut se demander si la guerre aux drogues n’est-elle pas une guerre contre les minorités ethniques, une guerre raciale ? Voyons dans cette vidéo comment se déroule un contrôle de police :

Si vous avez été victime de discrimination sous prétexte de la lutte contre les drogues, témoignez sur GDGR.fr.

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Contacts

Olivier MAGUET, plaidoyer AFR politique des drogues, administrateur de Médecins du monde

06 63 92 76 00 / plaidoyer@a-f-r.org

Louis-Georges TIN, président de République & Diversité

06 19 45 45 52 / tin@republiqueetdiversite.fr

Fabrice OLIVET, vice-président de l’’AFR, directeur d’’ASUD

06 04 51 33 82 / contact@asud.org

Jessica MALAMBA, chargée de communication République & diversité

06 26 80 01 95 / malamba@republiqueetdiversite.fr

Jean-Marc PRIEZ, coordinateur de l’’AFR

06 03 32 52 07 / coordination@a-f-r.org

Ressources

Nouvelles drogues, nouvelles routes vers la citoyenneté

Salle de shoot, légalisation des sulfates de morphine, méthadone en ville, cannabis thérapeutique, autant de serpents de mer qui n’en finissent pas de ne jamais commencer. Mais avec les « Nouvelles substances psychoactives » (dites « NPS » pour avoir l’air averti), pour une fois, tout est nouveau : les produits, les technologies, les modes d’acquisition, et même l’inclusion des consommateurs, c’est-à-dire la citoyenneté.

«Research Chemicals » (RC), « Legal High », « New Psychoactive Substances » (NPS), « Designer Drugs », MT-45, antagonistes des NMDA… ça vous parle ? Il s’agit pourtant d’un florilège du vocabulaire de base de l’amateur de substances interdites du XXIe siècle. Le mélange de sigles, d’anglicismes et de novlangue wikipédiesque, rend le dossier absolument hermétique aux dinosaures qui croient encore que la dope s’achète dans un képa vendu par des dealers. On cause molécules, dosages au micron où l’acide n’est plus que l’inverse de la base, bec Bunsen et tube à essai. Professionnels du champ, remisez donc vos œuvres complètes de Freud et vendez sur eBay votre exemplaire dédicacé de Surveiller et punir pour acquérir au plus vite Chimie 2000, le champion des cadeaux de Noël des années 70.

Légales avant interdiction

Les NPS devraient faire un tabac chez tous nos sympathiques amateurs de secrets, de langage codés, de réseaux parallèles. Les éternels comploteurs qui savent des trucs que seuls les initiés peuvent comprendre, une culture du complot partagée à la fois par les dealers et par la police. Perplexe devant un sachet de poudre blanche, un douanier de la Réunion a cru bon de vouloir la goûter avec son doigt. La suite se passe aux urgences psychiatriques, car l’absorption suffit à déclencher de puissantes hallucinations. Comble de l’ironie, cette substance n’était, à l’époque, pas encore classée stupéfiant, donc autorisée à la vente, et c’est le cœur du sujet : les nouvelles drogues ont comme particularité d’être légales… jusqu’à ce qu’elles soient interdites.

Lancées dans une course poursuite avec la loi, les NPS doivent leur succès à l’existence d’un espace juridique laissé vacant par les organes internationaux de classement des stupéfiants. Une substance apparaît, vit quelques mois de croissance sur la toile, avant d’être ciblée par les autorités et d’être remplacée par une petite sœur. Rien qu’entre 2013 et 2014, huit nouvelles familles de pilules du bonheur ont été identifiées par l’Agence du médicament (ANSM) : les phényléthylamines, les benzofuranes, les bonnes vielles cathinones, les cannabinoïdes de synthèse, les aminoindanes, les substances type phéncyclidine, comme la kétamine ou sa petite sœur la méthoxétamine, les pipérazines et enfin, les tryptamines.

Les nouvelles drogues nous obligent donc à regarder en face l’absurdité du système de classement. Constamment à cheval entre licite et illicite, poussées par une demande de plus en plus spécialisée, elles sont vendues sur des sites officiels, quand elles ne sont pas carrément légalisées comme en nouvelle Nouvelle-Zélande, où le Psychoactive Substances Bill a officialisé le commerce de certaines catégories de Designer Drugs. Dans un tel contexte, il est logique de voir les consommateurs et leurs associations demander des informations précises sur la composition exacte des échantillons et la nature des excipients. La logique de prohibition est mise à nu. Les autorités de Wellington ont compris que, plus le contexte est répressif, moins les vendeurs ont à répondre de la qualité de leur produit. Quand une substance est classée, elle quitte l’univers de la consommation pour plonger dans celui beaucoup moins fiable du deal.

Dénoncer l’absurdité du système

Symétriquement, les pouvoirs publics sont de plus en plus enclins à communiquer directement avec les usagers de drogues assimilés à des usagers du système de soins. Pilotés par l’Agence du médicament, les centres de pharmacovigilance (CEIP) ont récemment élargi leurs missions en direction des consommateurs. Les effets des NPS, le ressenti des usagers sont autant de jachères que la santé publique souhaite mettre en valeur. Depuis la mise en place de la politique de réduction des risques, et plus encore grâce aux dispositions relatives aux droits des malades, les usagers de drogues ont progressivement investi des espaces de citoyenneté garantis par la démocratie sanitaire et sa réglementation. Ce système a permis à Asud d’intégrer en 2013 la redoutable Commission des stupéfiants et des psychotropes. Véritable bras armé de la prohibition, cet organisme est poussé dans ses retranchements par l’existence même des NPS. La logique de classement oblige la Commission à se prononcer de plus en plus souvent sur le sort de telle ou telle nouvelle molécule et notre présence au cœur du système nous permet de dénoncer publiquement son absurdité. Nous sommes voués à devenir les avocats permanents des molécules mises en accusation. Mettre en exergue la contradiction induite par le mouvement intégratif de la démocratie sanitaire et la culture de transgression qui subsiste au sein de la communauté des usagers de drogues est, du reste, le sujet des 9èmes États généraux des usagers de substances.

Dr Hart : un neurobiologiste au pays des droits civiques

Sur le site de la conférence Albatros, la biographie du Dr Hart est un petit chef d’œuvre d’Understatement. On y parle de son action « pour contrer la consommation de cocaïne… » et de son « engagement en faveur des patients les plus défavorisés ». Dans les faits, l’auteur de High Price1 prescrit des psychostimulants dans un cadre médical et dénonce la guerre à la drogue comme une guerre menée contre la communauté africaine-américaine. La présence incongrue de Carl Hart le 5 juin dernier au rendez-vous annuel de l’addictologie universitaire à la française constitue en soi une petite révolution. Profitant de son passage à Paris, Asud a voulu en savoir plus sur ce neurobiologiste qui dénonce l’inanité de la neurobiologie.

ASUD : Ma première question est simple. Pourquoi voulais-tu devenir neurobiolologiste ?

Dr. Hart : Je voulais comprendre les mécanismes de la dépendance aux drogues car lorsque j’étais jeune dans les 70’s et les 80’s, le crack était très présent dans la communauté noire. Les gens disaient que le crack allait détruire ma communauté, je pensais que mon devoir était de découvrir les mécanismes neurobiologiques de la dépendance afin de pouvoir guérir les gens. La pauvreté, le chômage, tous ces maux étaient déterminés par le phénomène « crack cocain ». Donc j’ai commencé à étudier la drogue et le cerveau d’un point de vue scientifique.

Tu croyais à l’époque dans la capacité des neurosciences à guérir les gens qui prenaient des drogues ?

Oui, absolument, c’est vrai. En biologie, tu découvres à quel point la cocaïne occasionne des dommages cérébraux. Donc pourquoi ne pas utiliser une autre molécule pour guérir les gens ? C’est le modèle qui m’intéressait, la médicalisation du traitement de la dépendance.

Combien de temps as-tu persisté dans cette voie ?

Une décennie, de 1990 à 2000. En Amérique, on appelle cette période la « décennie du cerveau » (« the brain decade »). À cette époque, on a mis énormément d’argent dans l’étude scientifique du cerveau. Et moi, j’étais totalement immergé dans la médicalisation.

À quel moment as-tu eu tes premiers doutes sur les vertus de la médicalisation ?

Après avoir publié des dizaines de papiers sur l’emploi de dizaines de molécules différentes, j’ai commencé à me dire « ouais, on dirait que ça ne marche pas si bien que ça ! ». Sortir de la pauvreté et être inséré socialement fonctionne mieux pour réduire son usage de drogues. Après avoir vu cette situation se répéter mille fois, j’ai commencé à changer d’avis et à me dire que je devais explorer d’autres champs.

Tu as alors commencé à penser à d’autres méthodes de prise en charge ?

J’ai commencé à regarder les statistiques. En 1998, la phrase favorite de mon directeur de thèse était « montre-moi les statistiques ». Et lorsque j’ai sérieusement étudié ces données, j’ai compris que nous nous étions fourvoyés. Nos priorités auraient dû être orientées vers le psychosocial. La grande majorité des données allaient dans ce sens. Lorsque j’ai compris l’importance de l’étude rigoureuse des données statistiques, j’ai commencé suivre le chemin qui est le mien à présent.

De quelles données s’agit-il ?

Le problème est le suivant : les gens qui étudient les drogues s’intéressent d’abord à la dépendance, c’est une erreur car 90% des gens qui prennent des drogues ne sont pas dépendants… Même si tu ajoutes les consommateurs abusifs et les usagers dépendants, il ne s’agit que de 10 à 20% des personnes qui prennent des drogues.

Comment stabiliser les usagers récréatifs pour les empêcher de devenir dépendants ?

asud55 p04 Hight Price Carl HartCouvOk, laisse-moi te donner les chiffres des gens qui passent de l’usage simple à la dépendance :

  • 10% des buveurs d’alcool vont devenir dépendants ;
  • 9% pour la marijuana ;
  • 15 à 20% pour la cocaïne ;
  • 20% pour l’héroïne ;
  • et un tiers des gens qui fument un jour leur première cigarette.

Comme tu le vois, le tabac est donc en haut de la liste. La question est « Qu’est-ce que la société peut faire pour aider ces personnes à ne pas devenir dépendantes ? ». Il y a des tas de choses à faire. D’abord, regarder en face les vraies causes de la dépendance aux drogues. Il y a les comorbidités psychiatriques, la schizophrénie, les dépressions graves, etc. C’est une première cause de dépendance. Une autre catégorie de gens deviennent dépendants parce que, merde, ils se font chier ! Ils font un choix rationnel vers l’abus de drogues et de leur point de vue, c’est le meilleur choix qu’ils puissent faire…

Est-ce la responsabilité de l’État de nous apprendre à consommer des drogues ?

Prenons le cas des automobiles. Qui a la responsabilité d’apprendre aux gens à conduire prudemment ? C’est la responsabilité de l’État de dire que lorsque tu fumes une drogue, tu prends moins de risques que lorsque tu l’avales. C’est la responsabilité de l’État d’informer sur les doses, de dire « n’en prends pas trop si tu es un consommateur novice ».

Mais qui dans l’État, les docteurs ?

Hein ??… Non, les médecins ne doivent pas avoir le monopole du discours sur les drogues. Qui a des compétences pour aider à l’éducation des personnes qui prennent des drogues ? L’État fait travailler des pharmacologues, des éducateurs, des juristes. Il doit les employer pour aider à réguler la consommation comme il régule le trafic aérien.

Est-ce que cela signifie que ces personnes doivent avoir l’expérience des drogues ?

C’est encore l’histoire du chirurgien qui doit forcément avoir une expérience d’accident pour opérer ?

Non, je parle de professionnels qui se mettent dans la perspective de l’usage, c’est tout.

Appelons cela la compétence. Être compétent signifie ce que tu dis : ouvrir son esprit pour pouvoir envisager l’usage du point de vue des personnes concernées. être capable de se mettre dans une perspective de consommation, c’est tout simplement être compétent.

Parlons maintenant des deux points aveugles français ?

Le premier point aveugle, c’est l’interdiction de présenter les drogues sous un jour favorable. Le second point aveugle, c’est l’interdiction d’évoquer les origines ethniques des personnes dans n’importe quel document officiel.

Quel rapport peut-il y avoir entre ces deux points aveugles ?

Parlons du premier point. Quand j’ai commencé mon speech ce matin [à la conférence de l’Albatros] j’ai tenu les propos suivants :

« Si c’est la première fois que vous entendez dire des choses positives sur les drogues dans un congrès, cela jette un doute sur la compétence des médecins présents dans la salle, vos patients doivent souffrir… »

J’étais le premier à parler alors forcément, les médecins qui ont pris la parole ensuite ont tous dit

« oui, il existe des choses positives dans la consommation de drogues » car ils pensaient « bien sûr que je suis compétent ».

Le problème, c’est le « mais » (« il existe des choses positives, mais… ») : en général, l’ensemble de la démonstration est basée sur ce « mais ».

Ha ha ha !!! Le second point aveugle concernant les races est stupide. On vit dans une société de diversités puis on prétend ne rien voir. On peut comprendre l’esprit généreux qui a présidé à cette réglementation mais en pratique, cela revient à empêcher toutes les statistiques qui permettent de mesurer les niveaux de discrimination…Tu dis que la société ne veut pas mentionner les races, mais il semblerait que certains courants d’opinion, notamment très à droite, évoquent les races, particulièrement quand on parle de drogues ou de prison. Nous avons besoin de connaître la vérité sur ces choses. La seule chose dont les gens pauvres ont besoin, c’est la vérité des chiffres. Ils n’ont pas d’argent, pas de charisme, leur seul espoir, c’est la statistique.

Pourrais-tu essayer de définir pour un public français les liens entre dépendance et discrimination raciale ?

Le rapport entre l’addiction aux drogues et la discrimination ? Il n’y en a pas. Il existe seulement un rapport entre la politique appliquée en matière de drogue et la discrimination raciale. Le rapport entre le racisme et la consommation de drogues est politique. Le titre de mon intervention au congrès était « La politique de drogue, un outil pour continuer la discrimination raciale ».

Alors disons plutôt : existe-t-il un lien entre l’usage de drogue et les problèmes liés à l’identité ?

Bien sûr. J’ai dit tout à l’heure que les gens font des choix rationnels. Donc oui, les gens prennent des drogues quand ils ont mal.

Interview réalisée par Fabrice Olivet à Paris le 5 juin 2014


Notes :

1/ Carl Hart, High Price, drugs, neurosciences and discovering myself, 2013

Manifestation : Soutenez Ne punissez pas ! (Support. Don’t punish !)

Le Consortium International sur la Politique des Drogues (IDPC) a organisée dans plus de 100 villes de 50 pays, une journée de mobilisation mondiale le 26 juin 2014 en soutien aux consommateurs de drogues.

Manifestations le jour J

Cette année non pas une mais 4 manifestations ont eu lieu à Paris, Marseille, Toulouse et Metz soutenues par de nombreuses associations (voir l’article de l’AFP).

Paris

Une centaine de militants se sont réunis sur le pont du Canal Saint-Martin près de l’Hôtel du Nord.

Organisation : AFR (coordination@a-f-r.org)

Marseille

Plus de 120 personnes se sont rassemblées sous l’ombrelle du Vieux-Port

Organisation : Bus 31/32 (caarud@bus3132.org)

Toulouse

Près d’une trentaine de mlitants ont sensibilisés les passants Place Arnaud Bernard.
Organisation : Chanvre et Libertés (contact@chanvre-libertes.org)

Metz

3 militants étaient présents. C’est un début !

Organisation : Chanvre et Libertés (contact@chanvre-libertes.org)

Portfolio Mondial

Le principe du portfolio mondial est de poser seul ou en groupe au côté du logo de l’évènement (jpg ou pdf). Pour y participer, envoyez directement vos photos à campaign@idpc.net ou com@a-f-r.org.

 

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Argumentaire

Pourquoi le 26 Juin?

Le 26 Juin est la Journée Internationale contre l’Abus de Drogues et le Trafic Illicite, mais aussi (paradoxalement) la Journée Internationale de Soutien aux Victimes de la Torture. Tandis que les pays les plus répressifs « fêtent » ce jour par des condamnations voire des exécutions de consommateurs ou de trafiquants de drogues, les autres perpétuent à leur manière la guerre à la drogue, cette guerre contre leurs propres citoyens. L’IDPC et ses partenaires proposent de se réapproprier cette journée en dénonçant les atteintes faites aux consommateurs de drogues et en criant au et fort notre soutien à leur égard.

Pourquoi soutenir les consommateurs de drogues ?

Les traités internationaux et les lois qui régissent la question des drogues dans le monde ont essentiellement pour objectif l’éradication, la prohibition et la criminalisation des usagers de drogues. Ce système qui coûte des milliards d’euros à la planète ne produit pas les effets annoncés : la consommation mondiale augmente, les trafics prospèrent et les risque sanitaires et sociaux se multiplient.

Pire, cet échec n’empêche pas les personnes qui utilisent des substances illicites d’être massivement traquées, punies, emprisonnées. Cette guerre aux drogués a de grave conséquences sanitaires et sociales en condamnant ces personnes à l’exclusion et la clandestinité.

Ailleurs dans le monde

La Journée mondiale d’action de « Soutenez. Ne Punissez Pas » a été un vrai succès. Il y a eu des évènements dans une centaine de villes à travers le monde avec des manifestations et cortèges, de l’art urbain et des graffitis, des kiosques d’information, des concerts, des pièces de théâtre, des discours, des conférences de presse, des matchs de football, etc.

Médias : articles et émissions TV ou radio sur la journée d’action sur le lien suivant : http://supportdontpunish.org/fr/journee-daction-mondiale-du-2014/.

Photos: les meilleures sont disponibles ici : https://www.facebook.com/media/set/?set=a.267785713405564.1073741851.135052193345584&type=1.

Vidéos: les vidéos relatives à la campagne sont sur http://supportdontpunish.org/fr/videos-3/

Bilan du 26 Juin 2013

La Journée du 26 Juin avait pour objectif de rassembler dans plusieurs villes du monde au moins 100 militants vêtus d’un t-shirt blanc avec le logo de « Soutenez. Ne punissez pas », ainsi que des masques de Richard Nixon. 41 villes y ont participé. Faites le tour du monde de la journée en vidéo :

L’AFR avait organisé la mobilisation française à Paris au Trocadéro.

Plus d’infos

Dr Hart, a neurobiologist in the land of Civil Rights

Dr Hart’s biography on the Albatros Congress’ website is a masterpiece of understatement. Reference is made1 to his “therapies to reduce cocaine consumption“ and his commitment on behalf of underprivileged patients”. In fact, High Price’s author prescribes psycho stimulants in a medical environment, while denouncing the warfare waged against Afro-Americans in the name of the War on drugs. Seemingly out of place at the annual international congress of addictology, his lecture was in itself a small revolution. ASUD took this opportunity to find out a bit more on this neurobiologist, who fingers the futility of neurobiology.

ASUD: My first question is straight forward: why did you want to become a neurobiologist?

Dr Hart: When I was young — in the 70’s and even more so in the 80’s — crack was extremely prevalent in the black community, and I wanted to have a better understanding of the mechanisms of drug addiction. There was a consensus that crack was destroying the black community. I thought it was my duty to discover the neurobiological mechanisms of addiction, and to cure the members of my community. Poverty and unemployment, all these ills sprung from “crack cocaine”. So I determined to study drugs and the brain, from a scientific viewpoint.

ASUD: And at that time you believed in the power of medicine to cure people who take drugs?

Dr Hart: Absolutely! In biology you discover how much crack cocaine causes brain damage, and so why not use medication to cure people? What interested me was the concept of the medicalization of treatments for addiction.

ASUD: And how long did you pursue this course?

Dr Hart: For a decade. 1990 to 2000. In the U.S. this period was referred to as the “decade of brain”. Consequent funding was made available for the scientific study of the brain. And I was completely steeped in this medicalisation.

ASUD: When did you start having your first doubts on the medical treatment of dependency?

Dr Hart: After having published dozens of articles on as many different medications, I started telling myself: “Hum, they are not working that well after all!”

Not being poor and socially integrated conditions one’s drug usage. After noting this recurring fact thousands of times, my point of view started shifting, as the need to explore other fields of study.

ASUD: So you started investigating alternate means of treatment.

Dr Hart: I looked at the statistics. In 1998, my mentor’s motto was: “Show me the data”. And when I earnestly examined the data, I realized we were barking up the wrong tree. Our priorities were misguided, and should have been more of a psycho-social nature. The data was overwhelming. When I understood the significance of rigorously analyzing the data, I also found the direction I wanted to take.

ASUD: So, could you try to define — for our French readers — the relationship between addiction and racial discrimination?

Dr Hart: The relationship between drug addiction and discrimination? There isn’t any. What there is — is a correlation between drug policy and racial discrimination.

ASUD: So how can policy be changed?

Dr Hart: Part of the problem is that people who study drugs are mainly concerned with addiction. This is irrelevant, because 90% of the people who do drugs, are not dependent… In addition, if you tally drug abusers and dependent users, it only amounts to 10 to 20% of the people who take drugs.

ASUD: How could one stabilize recreational drug users, and prevent them from developing addictions?

Dr Hart: All right, let me give you the numbers for those who go from recreational to compulsive drug taking:

  • 10% of those who drink alcohol will become dependent.
  • 9% for marijuana
  • 15 to 20% for cocaine
  • 20% for heroin
  • and 1/3 of those who light up their first cigarette.

Tobacco is plainly at the top of the list. The question really is what can a society do to prevent people from becoming dependent. And the answer is: plenty. First off, let’s face up to the real causes of addictions. There are many psychiatric comorbidities, schizophrenia, anxiety and severe depression are all major causes of dependency.

Another category of people develop dependencies because — shit — their life sucks, and they are making a rational choice in abusing drugs. And from their point of view, it’s not the worst thing they could choose…

ASUD: Is it the state’s responsibility to teach us how to use drugs?

Dr Hart: Let’s make an analogy with automobiles. Who’s responsibility is it to teach responsible driving? It’s up to the state to inform you that smoking a drug is safer than eating it. And to warn you “go easy on the dosage if you’re a novice”.

ASUD: By which authority? Doctors?

Dr Hart: What? No. Physicians must not have a monopoly on drug education. Who has the skills to educate people who do drugs? The State employs pharmacologists, educators and legal advisors. They should be used to regulate drug consumption in the same way air traffic is controlled.

ASUD: Are you implying that they should have experienced taking drugs?

Dr Hart: Must a surgeon have experienced an accident in order to treat the victim of one?

ASUD: Of course not, I’m referring to professionals who take into account the users’ perspective.

Dr Hart: Let’s just call that expertise. Opening up one’s mind in order to assimilate the user’s point of view is quite simply, being qualified.

ASUD: OK, I get it. Now I’d like to get your take on two French blind spots. The first one concerns the crime consisting in publicizing the positive aspects of drug taking. The second concerns the directive that no ethnic data may be gathered in any official document. How do these two blind spots relate to one another ?

Let’s talk about the first point. When I gave my lecture earlier today, I started out saying:

“ If this is the first time you are hearing about the positive aspects of drugs during a congress, this casts a serious doubt on the competency of the physicians in attendance. Your patients are suffering…” I was the first lecturer to speak, so of course all the following speakers admitted, “yes there are positive aspects in drug taking”.

The second point concerning racial profiling is just plain stupid. I can understand the generous spirit in which this regulation is enforced, but on a more practical level, it prevents any statistical evaluation of the extent of discrimination… You said French society pretends to be color blind, but in fact a certain part of public opinion — especially on the extreme right wing of the spectrum — spin race issues, in particular when dealing with drugs or prison. We need to know the truth on these issues. The one thing poor people need is the truth on these figures, they don’t have money or charisma, their only hope lies in the data.

ASUD: Is there a link between drug taking and identity disorders?

Dr Hart: Of course. I mentioned earlier that people do make rational choices. So yes, people who do drugs compulsively are experiencing trauma and pain.

Interview by Fabrice Olivet in Paris 06/06/2014


Notes :

1/ Carl Hart, High Price, drugs, neurosciences and discovering myself, 2013

Qui sommes nous ?

La publication récente des premiers numéros de notre journal sur asud.org renvoie à des interrogations identitaires sur le devenir de notre mouvement. En effet, qui somme-nous ? Des usager de drogues ? Des consommateurs de substances interdites ? Des toxico ? Les patients d’un système de soins. L‘avenir reste opaque et nous sommes inquiets du peu de progrès accomplis par l’auto-support sur le terrain de la citoyenneté.

Qui sommes-nous ?

Cette question était le titre d’une brochure que nous utilisions pour nous présenter aux yeux d’un public, le plus souvent incrédule. A l’époque la réponse paraissait simple, des toxicos qui ne veulent pas mourir du sida, ou plutôt, qui avaient décidé de ne pas disparaître dans le silence et la culpabilité. 20 ans après, non seulement nous ne sommes pas morts, mais le combat que nous avons mené a porté ses fruits au-delà de nos espérances. La méthadone et la buprénorphine sont des outils reconnus (peut-être même les seuls en matière d’héroïne) et les usagers de drogue sont sortis des statistiques du sida en France. Pour autant le nombre de consommateurs ne cesse d’augmenter, tout au moins si l’on se fie aux statistiques d’interpellations au point même que la « banalisation » de l’usage de drogues est une tarte à la crème de la presse à sensation. En effet, la consommation s’est faufilée dans tous les milieux, dans toutes les classes sociales, et touche un volant de génération de plus en plus étendu. Les « djeuns » sont bien plus habiles pour se procurer du matos que nous l’étions au même âge. La caricature raciste du méchant dealer à la sortie des collèges a la vie dure même si dans neuf cas sur dix les méchants dealers ce sont nos gamins. A l’autre bout du spectre, les toxicos ayant cessé de mourir jeunes, ils commencent à embouteiller les maisons de retraites. De nouvelles rubriques vont s’imposer dans ce journal : ménopause et cocaïne, l’opium et ma prostate…Oui , les cassandres anti-drogue voient juste,  prendre des drogues c’est…banal.

Asud basching

Au- delà de l’anecdote, si en 1992 la parution du n°1 d’ASUD fut une anomalie et tout laisse penser que son caractère scandaleux reste d’actualité. Le principe de voir des drogués groupés au sein d’une association agrée par l’État, représentée à la commission des stupéfiants et financée par des fonds publics, est contesté et combattue par des forces que nous avons vues à l’œuvre l’année dernière au cours d’un ASUD basching particulièrement offensif. A cette occasion Madame la Ministre de la Santé a su exprimer publiquement le soutien consenti par l’Etat à notre association depuis 20 ans (lire sa déclaration). Ce partenariat ancien mérite d’être examiné d’un point de vue politique, car si nous sommes plus que jamais sollicités comme représentants des patients – c’est à dire les malades en soins pour des problèmes d’addiction – notre audibilité dans le concert cacophonique de la réforme de la loi reste quelque peu incertaine.

La feuille de vigne du sidaasud-journal-54 Adam et Eve

L’épidémie de sida est heureusement derrière nous, et l’on peut espérer que grâce à la nouvelle génération de traitements combinés qui arrivent sur le marché, l’hépatite C ne représentera bientôt qu’une péripétie due aux mauvaises habitudes des années 80. Fondamentalement, la menace virale, qui sert aujourd’hui encore de justification théorique à la politique de réduction des risques est en passe de disparaître, nous devons nous poser la question de notre identité. La lutte contre le sida est un peu la feuille de vigne de la réduction des risques. Elle sert depuis longtemps à cacher ses parties honteuses mais elle a aussi accouché de principes citoyens venus irriguer toute la question du soin. Un jour viendra où l’on pourra mesurer toutes les avancées citoyennes consécutives de ce désastre sanitaire. Mais pour l’heure les usagers de drogues sont loin d’avoir obtenu leur mariage gay. Ils doivent absolument prolonger le souffle citoyen qui anime le secteur de la santé qui a pour nom démocratie sanitaire.

Vive la démocratie sanitaire

La démocratie sanitaire c’est tout et rien à la fois. Un concept foucaldien révolutionnaire et un attrape bobo pour médecin généraliste en formation continue. La démocratie sanitaire est une nécessité due au nouveau règne de la religion de la santé dirigée par des grands prêtres disposant du droit de vie et de mort. C’est aussi un gimmick qui sert de tartes à la crème dans toutes les conférences. On place l’usager au centre, on fait de la prise en charge globale, jamais on a autant parler des droits du patients et de l’éducation thérapeutique. Cet espace démocratique nouveau fait débat dans nos associations. Nous nous sommes déjà exprimé depuis longtemps sur les limites du report terme à terme des marques de l’addictologie à celles de l’usage de drogues illicites. Pour autant, nous devons investir cet espace pleinement, sans complexe et avec l’idée d’en repousser les limites jusqu’à faire coïncider démocratie sanitaire avec la démocratie tout court.

De grands changements vont être opéré dans le statut légal des drogues ces prochaines années. L’horizon de 2016, est un premier test avec la session extraordinaire sur les stupéfiants organisée à l’assemblée générale de l’ONU. De nouveaux rapports de forces opèrent au niveau international entre les réseaux du changement et les crispations réactionnaires. Dans cette gigantesque partie, la voix de usagers peut être entendue comme celles des véritables victimes de la drogue, les citoyens persécutés depuis 40 ans au nom d’une croisade morale que nous devons dépouiller de ses alibis sanitaires. Mais cette espérance repose sur une nécessaire évolution, pour ne pas dire révolution de la santé publique en matière de drogues. Au-delà de la feuille de vigne sida-hépatites, au delà même de la réduction des risques passe partout, au-delà du gimmick de la démocratie sanitaire, c’est bien de la place du citoyen dans la prise en charge de sa propre santé qu’il s’agit. Nous ne militons pas pour le droit des malades, nous militons pour le droit à rester bien portant. Notre révolution c’est celle de la santé qui suppose d’admettre enfin et sans restriction qu’en matière de drogues c’est la contrainte qui est une maladie. Notre révolution est bien celle du plaisir, mais pas celui de l’hédonisme des années 70, celui du plaisir contrôlé, adapté, informé. Plus que jamais nous savons que la solution de toutes les addictions, se trouvent entre l’abstinence et la dépendance, dans un graal mythique appelé consommation récréative. Cette révolution est en marche du côté du cannabis où le bon sens commence à s’imposer dans la zone pan américaine. Elle a peine à affleurer du côté du soin ou pourtant elle a toute sa place dès que l’on parle des drogues que l’on prend, que l’on ne prend plus, que l’on prend moins ou différemment. Cette révolution nous la ferons parce qu’elle sauve des vies, qu’elle plus juste, et qu’elle est beaucoup beaucoup plus agréable.

Ciné-Débat : L’Histoire de la Réduction des Risques

Dans les années 80 une guerre victorieuse a été menée dans l’indifférence générale. Cette guerre c’est celle menée par la politique de réduction des risques contre le virus du sida qui décimait une catégorie de population très stigmatisée : les injecteurs d’héroïne.

Aujourd’hui cette histoire appartient au passé au point que l’on oublie la virulence des débats qui opposaient partisans et adversaires de la méthadone et du subutex. Une histoire qui est aussi celle d’une société tétanisée par les mots de toxicomanie, d’homosexualité et d’immigration et là on est toujours dans l’actualité. Si la substitution ou la fourniture de seringue stériles appartiennent aujourd’hui à la panoplie classique de l’intervention en addictologie il n’en est pas de même des salles de consommation à moindres risques et les débats récents qui ont accompagné la loi Taubira sur le Mariage pour Tous, montrent que l’épidémie de sida a découvert des plaies toujours à vif dans la société française.

La Petite Boutique des Horreurs du Comptoir Général et l’Association Française pour la Réduction des risques liés aux usages de drogues vous propose, après la projection du documentaire « La réduction des risques en France – Partie 1 l’Histoire » de débattre avec des représentants des usagers de drogues, des médecins et des acteurs de la société civile, qui se sont battu pour imposer la politique de « Réduction des Risques » liée aux usages des drogues.

18h30 : La Réduction des Risques en France – 1ère partie l’Histoire (58’)

Film de Laurent APPEL et Philippe LACHAMBRE, sur une idée originale de Fabrice OLIVET et Laurent APPEL, poduit par ASUD.
ASUD est une association d’usagers ou d’ex-usagers de drogues, impliqués dans la Réduction des risques depuis 20 ans. Nous avons voulu raconter l’histoire de ce combat méconnu du grand public, porté par des militants, dont certains sont aujourd’hui disparus.

19h30  : Débat sur l’histoire de la Réduction des Risques

  • Daniel DEFERT, fondateur de l’association AIDES
  • Fabrice OLIVET, de l’association ASUD
  • Bertrand LEBEAU, Médecin généraliste

 

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Commander le DVD en
cliquant ici (boutique AFR)

(7€ de participation aux frais)

Réunion publique – La guerre à la drogue : une guerre raciale ?

Réunion publique : entrée libre

La guerre à la drogue : une guerre raciale ?

16 décembre 2013 –  16h00-21h00 – Comptoir Général (Paris)
République & Diversité, l’AFR et le CRAN, vous invitent à la suite de leur réflexion consacrée au « modèle républicain à l’épreuve des drogues ». Ce travail vise à croiser les analyses et les revendications d’organisations de la société civile investies sur la place et la prise en compte de la diversité en France d’une part, la politique des drogues en France d’autre part.
Table Ronde 16h-18h
  • Carl Hart, neuro-scientifique, auteur de High Price
  • Louis-Georges Tin, président du CRAN
  • Fabrice Olivet, (ASUD/AFR), auteur de La question Métisse

L’événement sera suivi de la projection à 19h en avant-première du nouveau film, primé au dernier Sundance Festival, produit par Forest Whitaker :

Fruitvale Station

Infos pratiques

Programme complet, horaires et adresse ici.

Contacts

  • AFR Fabrice OLIVET – 06 04 51 33 82 – contact@asud.org
  • R & D Adrien ROGISSART – 06 95 29 52 69 – rogissart@republiqueetdiversite.fr
  • CRAN Louis-Georges TIN – 06 19 45 45 52 – tin@le-cran.fr

La guerre aux drogues : une guerre raciale ?

Tribune parue dans Libération du 15 décembre 2013 de Louis-Georges Tin, Président du Conseil Représentatif des Associations Noires (CRAN) et Fabrice Olivet Secrétaire Général de l’Association Française pour la Réduction des risques (AFR) et directeur d’ASUD.

« La plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c’est un fait. » déclarait Eric Zemmour le 6 mars 2010. Dès lors, si vraiment « c’est un fait », de deux choses l’une, soit les Noirs et les Arabes sont prédisposés à la délinquance, soit il y a un biais racial dans le système qui organise la « guerre aux drogues ».

Aujourd’hui, trente ans après la fameuse « Marche pour l’égalité », la génération des marcheurs a subi une véritable hécatombe. Nombreux sont ceux qui sont morts à cause de « la drogue » dit-on dans les quartiers. Ne serait-ce pas plutôt  à cause de la manière dont est menée cette croisade? Et si cette « guerre aux drogues »  épousait les contours de la guerre livrée à certaines minorités,  une guerre raciale en quelque sorte ?

Aux Etats-Unis, cette hypothèse a été confirmée avec brio par plusieurs chercheurs, et notamment par Michelle Alexander. Dans son livre célèbre, The New Jim Crow, Mass Incarceration In Colorblindness, elle évoque la « guerre aux drogues ». Conçue à une époque où le problème commençait à inquiéter la middle class blanche cette campagne massive permit de focaliser l’attention des médias sur les toxicos et les dealers noirs, bien que toutes les statistiques montrent qu’en matière de consommation, les Noirs ne’en font que répondre aux appétits des blancs pour les substances illicites.

Comme le disait clairement l’ancien directeur de campagne Richard Nixon, H.R Haldeman, « le truc, c’est d’inventer un système qui mette en évidence un fait reconnu : tout le problème vient des Noirs. » Le plan a parfaitement fonctionné. Les médias, la police, la justice, tout le système a ciblé non les circuits de la drogue en général, mais les circuits noirs de la drogue. Ainsi, la détention de 5 grammes de crack (drogue des Noirs pauvres) devint aussi grave pénalement que la possession de 500 grammes de cocaïne (drogue des Blancs des classes moyennes). Des milliards ont été investis dans cette guerre racialisée, permettant de rallier au camp des élites sociales les pauvres blancs, soucieux de se démarquer des pauvres noirs, notamment de nombreux electeurs démocrates du Sud, acquis de cette façon au vote républicain. Ainsi, les progrès relatifs engrangés dans les années 1960 par les militants anti-racistes des Droits Civiques purent être stoppés, voire effacés par cette contre-offensive raciale, d’autant plus efficace qu’elle n’était pas perçue comme telle, puisqu’elle était colorblind (indifférente à la couleur, du moins en apparence).

L’expression Guerre aux Drogues (« war on drugs ») vient de là,  lancée un jour de 1971 à la tribune de l’ONU par le Président Nixon. La population carcérale des Etats-Unis est passée d’environ 300 000 personnes à la fin des années 1970 à environ 2,3 millions en 2011 -la moitié de ces prisonniers étant des Africains Américains, le plus souvent « tombés » pour des faits relatif à la consommation de stupéfiants  principalement de marijuana. D’après une enquête menée par des chercheurs de l’université de Seattle, dans l’Etat de Washington, les Noirs et les Latinos ont 13 fois plus de risques de se faire condamner pour usage de cannabis par rapport aux fumeurs blancs, pourtant majoritaires. A Chicago, 80 % des Noirs en âge de travailler ont un casier judiciaire, le plus souvent, du fait de la guerre anti-drogue. Barack Obama  a eu le courage de raconter son expérience des substances illicites dans sa jeunesse estudiantine à Hawaï.  Si au lieu d’avoir été élevé dans un milieu protégé, celui de ses grands-parents blancs, il avait grandi dans l’ un des « ghettos » américains, il aurait selon toute vraisemblance été rapidement arrêté, condamné,  et il aurait  perdu  avec son droit de vote toute chance de devenir un jour président des Etats-Unis.Cet aspect des choses est toujours omis par des commentateurs prompt à oublier que le premier président noir est un métis, c’est à dire un blanc …pour moitié.

Par ailleurs, il faut rappeler qu’un travailleur en prison, que l’on paye au lance-pierre, coûte beaucoup moins cher qu’un travailleur en liberté. L’industrie carcérale l’a bien compris, et c’est également pourquoi il y a aujourd’hui plus de Noirs derrière les barreaux qu’il n’y avait d’esclaves en 1850. Autre statistique ahurissante, le nombre d’africains américains enfermés derrière des barreaux pour fait de drogues en quarante ans dépasse le nombre des victimes du goulag soviétique. L’augmentation du nombre de prisonniers, et de prisonniers noirs en particulier, n’est donc pas le signe de la faillite du système pénal américain, (comme on le dit souvent un peu naïvement), c’est au contraire la preuve de l’efficacité d’une politique décidée en toute lucidité, qui a su inventer de nouveaux moyens pour se procurer de la main d’oeuvre comme à l’époque de l’esclavage, tout en rendant cette chasse à l’homme inattaquable sur le plan moral. La guerre à la drogue est donc à la fois une idéologie et un modèle économique qui se développe aux Etats-Unis, intérêts capitalistes et logiques racialistes conjuguant leurs effets délétères dénoncés notamment par Angela Davis.

Mais qu’en est-il en France ? A l’évidence, les minorités ethniques ont beaucoup souffert de la guerre aux drogues, telle qu’elle est menée, elles ont payé « le prix fort », pour reprendre le titre du livre (High Price) de Carl Hart, neuroscientifique de Columbia University. Mais il n’est guère possible dans la France républicaine de connaître l’intensité de cette guerre et surtout son niveau d’implication racialiste. Contrairement à une idée communément admise dans notre pays, les statistiques ethniques ne sont pas interdites au sens stricte comme le montrent (les enquêtes menées par le CRAN, par Fabien Jobard et René Lévy, par République et Diversité ou encore le CSA. Cependant, elles constituent objectivement un tabou, venant en l’occurrence percuter un second tabou, celui de l’impact de la répression de l’usage de drogues dans nos banlieues si « diffiçiles ». L’un des non-dits le plus terrible de cette guerre à la drogue à la française c’est l’imbrication de l’épidémie de sida avec la consommation d’héroïne par voie intraveineuse.  La fameuse seconde génération des années 80, celle de la Marche des beurs,  a été frappée de plein fouet par une pénurie de seringues organisée par l’Etat. En1972 un décret « réglementant le commerce des seringues  destinées aux injec­tions parentérales, en vue de lutter contre la toxicomanie » a 
légalisé l’épidémie de sida en France.  Les deux tabous, question raciale et problème de drogues,  se conjuguent et se renforcent  au point de nous interroger  sur le système qui les a engendré. Comme dans l’exemple américain l’hypothèse d’une politique délibérée s’appuyant sur un double déni est à considérer.

Rien ne prouve que soit vraie l’affirmation péremptoire d’Eric Zemmour, et l’exemple  américain démontre la perversité de ces réflexions prétenduemment de bon sens qui cachent la réalité d’un système machiavélique de répression raciale. Il faudrait  donc aussi montrer, chiffres à l’appui, qu’en France aussi a guerre aux drogues, s’appui sur un  profilage racial qui cible  les minorités ethniques, une politique historiquement datée, globalement inefficace, coûteuse,  et racialisée.

Alors, pourquoi ce mutisme ? Pourquoi cette dimension discriminatoire n’est-elle pas dénoncée comme un argument supplémentaire, voire rédhibitoire du caractère fondamentalement inique de la loi de 1970 sur les stupéfiants ? C’est que si les discriminations individuelles sont déjà difficiles à combattre, il est carrément périlleux de dénoncer le racisme d’Etat, les institutions pouvant mobiliser à l’encontre des citoyens isolés des ressources qui rendent le rapport de force totalement disproportionné. Par ailleurs, les personnalités issues de la « diversité » un peu en vue dans la société française ont tout à perdre à être assimilées à la défense des dealers et des drogués.

Craignant de renforcer le stigmate qui pèse déjà sur les Noirs et les Arabes, on se tait, sans réaliser que ce silence ne profitent qu’aux  démagogues. Les préjugés, qui associent minorités ethniques et trafiquants ne tombent pas du ciel, , elles constituent le volet idéologique d’un système qui condamne à l’exclusion sociale ou à la réclusion carcérale des milliers, des centaines de milliers de nos jeunes chaque année. A l’occasion de la venue de Carl Hart en France, nous avons décidé de lancer une réflexion et une campagne sur cette problématique énorme et occultée.

« Drogue et race », avez-vous dit ? L’heure est venue de briser ce double tabou.

Réunion-Débat « La guerre aux drogues : une guerre raciale ? »
lundi 16 décembre à 16 heures, au Comptoir général, 80 quai de Jemmapes, Paris Xe

Débat avec
Carl Hart, neuro-scientifique, auteur de High Price
Louis-Georges Tin, président du CRAN
Fabrice Olivet, (ASUD/AFR), auteur de La question Métisse

Prohibition : une gabegie qui ne dit pas son nom

Communiqué

Règlements de compte en hausse, multiplication des saisies sur l’ensemble du territoire français, explosion de la consommation chez les plus jeunes, développement et enrichissement des réseaux criminels, difficultés croissante à mener une politique de prévention et de réduction des risques… les funestes conséquences de plus de 40 ans de prohibition des drogues n’en finissent pas.

Loin de susciter la moindre remise en question, cet incontestable constat d’échec semble provoquer chez nos responsables politiques, une réaction quasi unilatérale. Quand elles osent s’exprimer, les voix discordantes sont systématiquement ravalées, leurs arguments et propositions caricaturées à coup de mauvaise foi.

Qu’en est-il alors du débat démocratique dont se targue notre système politique ? Rien, que dalle, walou !

« Un problème créé ne peut être résolu en réfléchissant de la même manière qu’il a été créé.  »

disait Albert Einstein. Sur d’autres questions, une telle gabegie entrainerait une remise en question immédiate. En matière de drogues, il n’en est rien. Au contraire, non content de rendre impossible la vie de millions d’individus, d’offrir aux réseaux criminels les moyens de prospérer et d’en faire subir les effets à l’ensemble de la population, les tenants de cette politique calamiteuse en interdisent toute contradiction.

Alors que manifestement, de plus en plus d’États se posent la question du maintien de la prohibition, qu’en Amériques, continent où vit le jour cette politique, de nouvelles règlementations sont mises en œuvres en ce qui concerne le chanvre récréatif, l’Europe et en particulier la France s’entêtent dans la répression. La prohibition n’en finit pas d’agoniser. L’inéluctabilité de son abolition en rend d’autant plus insupportable l’aveuglement de ses partisans. Au dénie d’opinion s’ajoute le dénie de bon sens.

Jusqu’où ces tristes sires sont-ils prêts à aller ? Jusqu’où la société sera-t-elle de le supporter ? Combien de morts, de privation de liberté, d’infantilisation et de mensonges devrons-nous subir avant qu’enfin des alternatives soient envisagées, qu’une autre politique soit engagée ?

Alors que s’expriment plus que jamais dans notre société, les opinions les plus réactionnaires, les sentiments les plus vils, il est temps de réagir.

Nous, usagers des drogues, fumeurs, injecteurs, gobeurs, consommateur-trice-s hédonistes, récréatif-ve-s ou dépendant-e-s, mais aussi usagers thérapeutiques, parias des temps modernes, appelons une fois de plus au réveil et à l’insurrection des consciences. Parce qu’il n’existe pas de crime sans victime ; parce qu’user ou abuser d’une substance, quelle qu’elle soit, relève avant tout d’un choix individuel ; parce que la société se doit d’assurer sécurité et santé à l’ensemble de ses membres, nous demandons l’ouverture immédiate d’un débat national et européen sur le sujet des drogues et à l’étude tout aussi prompt d’une règlementation de la filière du chanvre récréatif et thérapeutique.

Manifestation contre la pénalisation des clients du travail sexuel et pour les droits des travailleur-se-s du sexe

La pénalisation des clients des prostituées rendrait celles-ci plus vulnérables aux violences, à l’exploitation et à la contamination au VIH et à d’autres IST.

En tant que signataire du Manifeste contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients, ASUD appelle à la manifestation du

SAMEDI 26 OCTOBRE

Départ 13h Place Clichy à Paris

Le groupe parlementaire du Parti Socialiste va prochainement déposer une proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution, notamment via la pénalisation des clients ; cette proposition se révèle par ailleurs particulièrement discriminant pour les femmes étrangère.

Le Strass (Syndicat du Travail Sexuel) a pris l’initiative d’appeler à une manifestation le samedi 26 octobre à Paris afin de protester contre cette proposition de loi, véritable menace sur la sécurité et la santé des prostituées.

ASUD signataire du Manifeste contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients

Parce que notre choix de nous prostituer, comme celui de nous droguer, n’est pas reconnu car contraire à certains intérêts moraux, seuls deux statuts nous sont reconnus : délinquant ou victime. Putes et drogués : même combat pour l’accès aux droits ! (lire ASUD Journal N°49).

Manifeste contre la pénalisation des prostituées et de leurs clients

Quelles que soient nos opinions sur la prostitution, nos organisations sont unanimes pour affirmer que les prostituées ne doivent pas être pénalisées. Pour cela, le délit de racolage public doit être abrogé au plus vite et sans conditions.

Nous sommes également unanimes à considérer que la pénalisation des clients ne fera pas disparaitre la prostitution, mais accentuera la précarisation des prostituées en les forçant à davantage de clandestinité, et en les éloignant des associations de soutien et de santé communautaire, et des structures de soins, de dépistage et de prévention.

Isolé-es les un-es des autres, les prostitué-es seront davantage exposé-es à des risques de violences, d’exploitation, et à des contaminations au VIH sida et IST. Cette mesure va renforcer le statut d’inadapté-e social-e des prostitué-es, statut stigmatisant qui doit être supprimé. Considérer que les prostitué-es doivent être traité-es comme des mineur-es sans capacité d’exprimer leur consentement, les place dans une catégorie de citoyen-nes à part, favorise le stigma et les pratiques de discriminations. Au contraire, nous voulons qu’elles et ils soient protégés par le droit commun.

Nous, organisations signataires de ce manifeste, demandons l’abrogation immédiate du délit de racolage public et nous opposons à toute pénalisation des clients des prostitué-es, sous quelque forme qu’elle soit.

Signataires

France

Acceptess-Transgenres, Acthe, Action Sida Martinique, Actis, Act Up-Paris, Act Up-Sud Ouest, ADHEOS Centre LGBT Poitou-Charentes, AFR (Association Française de Réduction des risques), Afrique Avenir, Aides, les Amis du Bus des Femmes, An Nou Allé, ANT (Association Nationale Transgenre), Arap-Rubis (Nimes), Antifa-Net, Arcat-Santé, Aris-Centre LGBTI (Lyon), ARPS (Association Réunionnaise pour la Prévention des Risques liés à la Sexualité ), ADRPP (Association pour les droits la reconnaissance et la protection des prostitué(e)s), ARIA (Association Rhône-Alpes d’Insertion et d’Addictologie), Association Autodéfense et Autonomie (Lyon), Association Agile (Clermont-Ferrant), Association AKATIJ (Association Kouroucienne d’Aide au TI Jeunes), ASSPA (Association de Santé Solidaire et de Prévention des Agressions, Grenoble), Association ENVIE (Montpellier), ASUD (Auto Support des Usagers de Drogues), ANA (Avec Nos Ainées), Autres Regards (Marseille), Black Caucus France (Union française des étudiant/e/s & diplômé/e/s africain/e/s & ultramarin/e/s), Cabiria (Lyon), CAARUD Interl’UD 77, CGLBT (Centre Gay Lesbien Bi et Trans de Rennes), Cégom (Collectif des États généraux de l’outre-mer), CNT-F 25, Collectifdom, Collectif féministe 8 mars pour toutes, Collectif Droits et Prostitution, Collectif Existrans, Collectif des prostituées du 16ème arrondissement de Paris, Collectif des prostituées de Gerland, Collectif des travailleuSEs du sexe de Perpignan et des Pyrénées Orientales, Couleurs Gays-Centre LGBT Lorraine, les DurEs à Queer, l’Ebranleuse (asso féministe toulousaine), Elus Locaux Contre le Sida, l’En Dehors, En tous Genres, Faire Face (asso d’autodéfense féministe toulousaine), Fédération Anarchiste, Fédération Total Respect / Tjenbé Rèd, Femmes Publiques, Femmes de la Terre, les Flamands Roses, FRISSE (Femmes, réduction des risques et sexualités), GARCES (Groupe d’Action et de Réflexion Contre l’Environnement Sexiste – collectif féministe de Sciences Po), GayKitschCamp, Grisélidis (Toulouse), HF-Prévention Santé (Yvelines), I.P.P.O (Bordeaux), Itinéraires Entr’Actes (Lille), Kingsqueer de Kingsqueer, la Lesbian and Gay Pride de Lyon, Ligue des Droits de l’Homme, Ligue de l’Enseignement, Médecins du Monde, Minorités, la Mutinerie, les Myriades Transs, NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), Observatoire des Transidentités, l’OII Francophonie (Organisation Internationale Intersexe), Onzième Dom (Union des Français/es d’outre-mers du XIème arrondissement de Paris), ORTrans (Objectif Respect Trans), OUTrans, Paroles Autour de la Santé (Guadeloupe), Parti Pirate France, le Pink Bloc, le Planning Familial, Rainbow Caucus France (Union française des étudiant/e/s & diplômé/e/s LGBT), Sans Contrefaçon, SAS (Santé active et solidaire, Toulouse), SIS Association, les Sœurs de la Perpétuelle indulgence – Couvent de Paname, Couvent de Paris, et Couvent des 69 Gaules, Solidaires étudiant-es- syndicats de luttes, Solidarité Sida, Syndicat des Avocats de France, Syndicat de la Magistrature, STRASS (Syndicat du Travail Sexuel), STS (Support Transgenre Strasbourg), Tjenbé Rèd Prévention, Traits d’Union Centre LGBT de l’Yonne, la Trousse à Outils (association féministe d’autodéfense – Nantes), les Tumultueuses, Warning

International

Aide Info Sida (Belgique), AHSUD (Association Hasnouna de Soutien aux Usagers des Drogues, Maroc), AHUSADEC-RDC Congo, Aids Acodev-Cameroun, Aids Action Foundation (USA), AIDSi Tugikeskus (Estonie), ALCIS (Congo), Alliance Féministe Solidaire (Canada), ANAPFEH (Haiti), APDES (Portugal), Aproase (Mexique), APTN (Asia Pacific Transgender), Aspasie (Suisse), Associación Civil Cambio y Accion (Pérou), Associazione radicale Certi Diritti (Argentine), Astitva Trust (Inde), ASWA (African Sex Workers Alliance), Blue Diamond Society (Nepal), Brighton Feminist Collective (Royaume Uni), Caribbean Sex Worker Coalition, Caribbean Trans in Action, Caribbean Vulnerable Communities Coalition, CATS (Comité de Apoyo a las Trabajadoras del Sexo – Espagne), CHEFF (fédération étudiante LGBTQI belge francophone), Civil Society Forum of Jamaica on HIV and AIDS, Codesci RD (Congo), Colectivo Hetaira (Espagne), Colectivo de Hombres en Acción Comunitaria A.C (Mexique), Comitato per i Diritti Civili delle Prostitue (Italie), Context (Suisse), CPES Parasol (Pologne), Danaya so (Mali), Desiree Alliance (USA), English Collective of Prostitutes, Erotic Service Providers Union (USA), Espace P (Belgique), FIRST (Canada), Feminist Fight Back (Royaume Uni), Feminist Initiative Network (Finlande), GAT Portugal, Glasgow Network for Gender and Sexuality, GSSG (Allemagne),Guyana Sex Work Coalition, HOPS-Healthy Options Project Skopje (Macédoine), HYDRA (Allemagne), ICRSE (International Committee for the Rights of Sex workers in Europe), Jamaica AIDS Support for life, Jamaica Forum for Lesbians all Sexuals and Gays, JAZAS-Association against AIDS (Serbie), JJJ Association (Hong Kong), Kassandra (Allemagne), LEFÖ/TAMPEP (Autriche), Lila- Italian League For Fighting Aids, Madonna (Allemagne), Maiz (Autriche), Move (Allemagne), NSWP (global Network of Sex Work Projects), New Zealand Prostitutes Collective, OPSI (Organisasi Perubahan Sosial Indonesia),Pilot Mathambo Centre for Men’s Health c/o Centre for Human Rights (Ditshwanelo – Botswana), PINK+ (Belgique), PONY (Prostitutes Of New York), Rede sobre Trabalho Sexual (Portugal), Red Initiatives (Trinidad et Tobago), Red Umbrella Sexual Health and Human Rights Association (Turquie), Respect Inc (Australie), Rights4Change (Hollande), SASOD (Society Against Sexual Orientation Discrimination – Guyana), Scarlet Alliance (Australie), SCMC (Shanghai CSW&MSM Center – Chine), Scot-pep (Ecosse), Sex Worker Coalition of Jamaica, Sex Worker Open University (Royaume Uni)), Sida’sos asbl (Belgique), Sloboda Prava (Serbie), St James Infirmary (USA), STAR-STAR (Macédoine), Stella (Canada), SWAG Kingston (Sex Worker Action Group- Canada), SWAN (Supporting Women’s Alternatives Network- Vancouver), SWAN Foundation (Réseau Europe de l’Est), SWANK (Sex Workers Action New York), SWOP-NYC (Sex Workers Outreach Project), Tais Plus (Kyrgyzstan), Tamaulipas Diversidad VIHDA Trans AC (Mexique), TAMPEP International Fondation, Triple-X Workers’ Solidarity Association of British Columbia (Canada), UK Network of Sex Work Projects, Warning Bruxelles, Women on Waves, Women on Web, Wonetha (Ouganda), X-Talk (Royaume Uni)

Source : http://droitsetprostitution.fr/1/index.php/a/7-manifeste-contre-la-penalisation-des-prostituees-et-de-leurs-clients

Manifestation : Soutenez. Ne punissez pas

Rendez-vous le 26 juin à 18h30
Place du Trocadéro à Paris sur le
Parvis
des Libertés et Droits de l’Homme
pour une photo symbolique

L’AFR, qui organise l’évènement, fournira les T-shirts et les masques de Richard Nixon nécessaires à cette mobilisation internationale.

«Soutenez. Ne punissez pas » est une campagne appelant à une réforme des politiques gouvernementales en matière de drogues. La campagne a été développée par le Consortium International sur les Politiques des Drogues, le Réseau International des Usagers de Drogues (INPUD), Réduction des Risques International (HRI) et l’Alliance Internationale sur le VIH/sida.

Pourquoi le 26 Juin?

Le 26 Juin est la Journée Internationale contre l’Abus de Drogues et le Trafic Illicite, mais aussi (paradoxalement) la Journée Internationale de Soutien aux Victimes de Torture. Tandis que les pays les plus répressifs « fêtent » ce jour par des condamnations voire des exécutions de consommateurs ou de trafiquants de drogues, les autres perpétuent à leur manière la guerre à la drogue, cette guerre contre leurs propres citoyens. L’IDPC et ses partenaires proposent de se rapproprier cette journée en dénonçant les atteintes faites aux consommateurs de drogues.

Pourquoi en France aussi ?

Bien que la France aie une politique de santé globalement favorable au usagers de drogues de nombreuses ombres demeurent au tableau. Des milliers de personnes sont incarcérées pour le simple usage de stupéfiant, la tolérance zéro exacerbe la violence liées au trafic de drogues, en prison les droits à la santé des usagers de drogues ne sont pas respectés, l’opinion publique et les médias continue de stigmatiser les consommateurs de drogues, le soutien aux programmes de réduction des risques diminue, etc. Les témoignages recueillis dernièrement par l’AFR sont éloquents.

Pourquoi Richard Nixon ?

Il y a environ 40 ans, le président américain Richard Nixon a lancé une « guerre contre la drogue » et a été le premier homme politique à mettre en avant ce concept. Cette « guerre » a résulté en un système répressif mondial, de hauts taux d’incarcération, une approche punitive vis-à-vis des usagers de drogues, et a été utilisée pour justifier des exécutions extrajudiciaires, l’usage de la torture et de traitement forcé, etc.

Ce que nous défendons

Les gouvernements y compris en France doivent réformer les lois sur la drogue et les politiques qui imposent des sanctions sévères à l’encontre des usagers de drogues.

Cette approche punitive n’a pas réussi à réduire les niveaux de consommation de drogues, mais a au contraire augmenté les problèmes de stigmatisation et de discrimination, entravant ainsi l’accès aux services de prévention, de traitement et de soins qui sont essentiels pour sauver des vies et réduire la propagation du VIH. Pénaliser et incarcérer les usagers de drogues détruit des vies et anéantit les efforts de prévention du VIH, du VHC, des overdoses, etc.

Cannabis Social Club : mode d’emploi

Cannabis social club… Aussitôt, on pense à l’Espagne, la première à avoir vu se concrétiser le concept imaginé par Encod : un regroupement d’usagers solidaires partageant leur récolte commune. Le mouvement y a pris une ampleur exceptionnelle, ce qui a d’ailleurs entraîné quelques infléchissements de fonctionnement, dus au succès et à des interstices législatifs que la France ne possède pas.

Depuis quelques temps, on commence à parler des Cannabis social clubs français, qui sont issus de la même démarche, tout en revendiquant une forte connotation militante. Existant depuis à peine plus de six mois, leur succès tient au fait qu’ils correspondent à une volonté revendicatrice d’arrêter la clandestinité d’un certain nombre de jardiniers de plus ou moins longue date qui se sont retrouvés dans ce procédé non commercial. D’autres, plus novices, y trouvent une structure qui leur convient, transgressive certes, mais responsable. Parce qu’au point où on en est, il faut bien arriver à provoquer une ouverture de concertation absolument nécessaire.

Si ces clubs en sont encore un peu au stade de la construction, on en recense néanmoins 157 actuellement. D’autres sont en attente d’avalisation, et tous ont adhéré au même code de conduite. Le nombre de participants, tous adultes évidemment, est très variable, en majorité des petites structures de trois à six personnes dont, bien sûr, des usagers thérapeutiques. Le système est absolument encadré et permet une transparence parfaite. Aucun soupçon de deal quelconque ne doit être possible.

Un logiciel permettant de centraliser tous les paramètres est en cours de finalisation. Il permettra d’enregistrer les cultures, d’échantillonner les variétés, leurs usages plus ou moins spécifiques, les produits utilisés, les résultats obtenus, la quantité produite, le nombre de cultures indoor ou outdoor, etc. Respectant l’anonymat des clubs, la mise en commun de ces données permettra d’avoir une vue d’ensemble rationnelle sur tout le système. Un outil qui pourra sans doute à moyen terme remplacer le traditionnel « cahier de culture » auquel chaque club doit s’astreindre à cause de l’évidence inscrite dans la charte.

Il est intéressant de noter que la plupart des commentaires aux articles parus sont plutôt compréhensifs, ce qui n’était pas si prévisible que ça. Cette bonne volonté affichée par la fédération des CSC dans l’organisation et la clarté risque de n’être utile qu’au fonctionnement interne si les autorités ne voient pas la nécessité d’infléchir leur position calcifiée par trente ans d’immobilisme forcené.

Changeons le discours

D’après un récent sondage du Huffington Post, les Français, toute origine politique confondue, sont assez sceptiques sur l’efficacité d’une dépénalisation, voire plus encore à propos d’une légalisation pure et simple. Ils constatent par contre très majoritairement (à 77%) que la répression n’a pas de réels résultats. 10% n’ayant pas d’opinion sur le sujet, ne resteraient donc que 13% de convaincus.

Une majorité estime également que renforcer la prévention ne servirait à rien, de même qu’un usage encadré par l’État. De quoi déduire sans doute une tendance assez nette et forte au fatalisme impuissant face au phénomène. Comme si la société vivait avec la prohibition, mais sans aucune illusion sur son bien‑fondé, en dépit de toutes les déclarations revendiquant une morale dogmatique. Une sorte de résignation réaliste concernant les résultats obtenus par ces années de prohibition répressive, sans bien percevoir la manière d’en sortir.

Il serait donc totalement vain de prétendre que l’opinion publique n’est pas prête à entendre un discours nouveau, pragmatique celui‑là, basé sur des données objectives. Au contraire, tout le monde est bien d’accord sur le fait que la politique actuelle est un échec. Changeons donc le discours, c’est le moment. Parlons de prévention entre autres pour les 15/24 ans, champions d’Europe de la consommation, que les exhortations officielles n’arrivent guère à convaincre. Arrêtons de confondre les causes et les conséquences… Sachons informer, expliquer ce qu’il en est exactement, c’est le meilleur argument préventif qui puisse exister.

À plusieurs…

Pas si loin de nous, le Portugal a tenté l’expérience de la régulation en dépénalisant depuis dix ans. Les résultats sont probants. La consommation a diminué, pour toutes les drogues d’ailleurs. Il y a quelque temps, des commissions de parlementaires curieux avaient fait le voyage pour s’informer.

Bien dommage que ce n’ait pu aller plus loin. Cela montre en tout cas que si on veut réellement s’en donner les moyens, accompagner avec beaucoup de proximité, par de nombreux dispositifs c’est vrai, la volonté de stopper une consommation exponentielle est dans le domaine du possible, y compris dans un pays à tendance traditionnelle. L’Union Européenne a toujours laissé aux États la liberté d’agir comme bon leur semblait dans ce domaine

Les nouvelles directives stratégiques pour 2013‑2020 insistent, entre autres, sur les risques sanitaires et sociaux, ainsi que sur une approche visant à réduire la demande et l’offre sur le plan national. À leur encore petit niveau, les CSC peuvent y participer. À plusieurs, il est plus facile d’éviter de s’enfoncer dans la surconsommation. À plusieurs, on risque moins d’utiliser des produits de culture peu adéquats dans leur composition, avec risque de répercussions sur la santé. À plusieurs, les expérimentations de vaporisateurs sont moins aléatoires. Sans parler des échanges sur les dosages précis nécessaires pour une utilisation culinaire, de la réduction de risques dus à une négligence parfois innocente dans l’utilisation d’appareils, de l’information sur les huiles de massage, etc.

C’est parce qu’ils sont en phase d’expertise d’un usage raisonné, ouvert au thérapeutique, que les CSC souhaiteraient obtenir une sorte d’expérimentation dérogatoire, qui permettrait d’amorcer un dialogue public sur des perspectives qui s’inscriraient dès lors dans une volonté d’aller au-delà d’une tentation d’immobilisme pernicieux. Mais il reste bien difficile de provoquer un signe des autorités compétentes, montrant qu’elles ont bien conscience du problème ou qu’elles n’esquivent pas les conséquences de leur logique législative. On se souvient, au printemps dernier, de la tentative – finalement infructueuse – portée par Francis Caballero d’arriver à la cour d’assise et de faire respecter l’article 222-35 du code civil en vertu de l’article 206-27 du code de procédure pénale, ce qui aurait ainsi permis de déboucher de manière détournée sur le débat tant attendu.

Les Cannabis Social Club et la désobéissance civile

Comme on pouvait s’y attendre, le militantisme revendiqué des planteurs regroupés dans le Cannabis social club français (CSCF) a abouti au procès du porte-parole du mouvement, Dominique Broc, le 8 avril 2013. Ceux concernant les clubs locaux qui se sont déclarés en préfecture sont annoncés. Le dialogue est parfois bien difficile…

Pour les adhérents et les sympathisants du CSCF, il s’agit bien de désobéissance civile, d’une infraction consciente et intentionnelle, dans le but d’infléchir et de modifier les règles obsolètes en vigueur. Ainsi que l’a justement rappelé le procureur de Tours lors du procès du 8 avril, la loi est faite de règles collectives dont la force est supérieure aux actes individuels. Mais pour autant, le rôle de la loi n’est pas d’écrire l’Histoire.

Réalité du cannabis français

L’histoire actuelle du cannabis en France en est bien la preuve. C’est la substance illicite la plus répandue en dépit de toutes les interpellations, injonctions, interdictions, condamnations. Rien de plus commode pour un lycéen ou même un collégien d’en faire usage. Alors que le but officiel est exactement l’inverse. Les efforts actuels de prévention à coup de spots TV ou d’interventions en milieu scolaire ne servent qu’à alarmer les parents et relèvent plus d’une morale vertueuse que d’une information fondée sur des données scientifiques.

Quant aux adultes usagers de cannabis, beaucoup ont compris la nocivité sanitaire, sociale et financière du trafic. Ils cherchent donc à s’autonomiser le plus possible pour ne pas en être complice.

Il ne faut pas oublier les usagers dits « thérapeutiques », plus nombreux qu’on pourrait le croire, pour lesquels le cannabis convient mieux que les médicaments des laboratoires. Des recherches ont prouvé que certaines variétés sont plus efficaces que d’autres comme auxiliaires de traitements médicaux. En France, l’autoproduction est le seul moyen pour un patient de découvrir et se soigner avec la plante adaptée à sa pathologie.

Transparent et responsable

Le CSCF veut faciliter un usage encadré, responsable et non incitatif. Il s’inscrit complètement dans une réduction active des risques liés à l’usage du cannabis en prônant une information objective et une éducation à l’usage. Le fonctionnement des clubs se fait avec une volonté de transparence exemplaire qui offre une traçabilité parfaite propre à rassurer les autorités. Le CSCF veut contribuer à une évaluation objective du phénomène cannabis. Il est en train de se doter d’un outil d’observation qui permettra l’émergence de données inédites sur le plan épidémiologique, social, médical ou botanique.

Différentes formes de soutien

Alors, oui, il y a désobéissance civile générée par une situation catastrophique qu’il serait grand temps d’assainir. Ce mouvement suscite des soutiens parmi des inconnus, complètement insérés socialement, souvent non-consommateurs, qui se sont manifestés par des dons ou des encouragements auprès de l’avocat de Dominique Broc. Il y a aussi l’opération d’outing du peuple de l’herbe sur Facebook : près de 500 cartes d’autodénonciation d’origines très diverses et la soixantaine de lettres de soutien reçues par l’avocat. L’opinion publique est sensible à ce débat. On peut regretter le petit nombre de personnes présentes venues soutenir la cause des CSC lors du procès du 8 Avril. Beaucoup travaillent un lundi après‑midi, ils ont hésité à prendre une journée de congé. D’autres ne pouvaient pas faire face aux frais de transport. Mais le mouvement est lancé. Il va se construire davantage et perdurer.

Mouvement durable

Sur la base d’une reconnaissance mondiale de la faillite d’un système irréaliste, il s’agit simplement de ne pas laisser la situation empirer. Le cannabis n’a pas de dose létale contrairement à d’autres substances légales. Pourtant, mal encadré et accompagné d’une mauvaise information, son usage peut provoquer des désordres de toutes natures. Il serait important d’en prendre enfin conscience et d’agir en conséquence. Avec ordre et méthode, car il y a maintenant de très nombreux paramètres à prendre en compte. C’est dans cette démarche positive que le CSCF veut s’inscrire. Est-ce vraiment trop utopique ?

Dix questions à Michelle Alexander

ASUD : Comment expliquez-vous le succès de votre livre The New Jim Crow (pour mémoire 3 500 exemplaires à la première édition, puis 175 000 pour l’édition de poche)?

Michelle Alexander : La première édition date de la victoire de Barack Obama, un contexte où le choc émotionnel consécutif à l’élection du premier président noir a plongé notre pays dans la célébration du « post-racialisme », une soi-disant révolution américaine. Très peu de médias étaient prêts à s’intéresser à ce que j’appelle le nouveau système de caste en Amérique . Puis l’euphorie entourant l’élection a commencé à se dissiper. Les politiciens de tous bords – à commencer par les supporters de la guerre à la drogue1 – ont commencé à s’interroger sur le coût des énormes prisons d’État construites en pleine crise économique. On s’est aussi questionné sur les impôts payés par la classe moyenne. Alors, tout à coup, les gens ont commencé à parler ouvertement de l’incarcération de masse, ce qui a créé un climat favorable pour la seconde édition.

Le travail des groupes de pression fut également important. De nombreuses associations de terrain ont relayé le livre sur les réseaux sociaux, notamment les mouvements qui luttent contre l’incarcération de masse de notre jeunesse du fait de la guerre à la drogue. Ils ont fait la promotion du livre, encourageant tout le monde à le lire afin de mieux comprendre l’histoire de notre communauté – [les afro-américains] –. J’ai été en première ligne pour mesurer l’influence des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter et leur capacité à contraindre les gros diffuseurs d’information à s’intéresser à un sujet qu’ils avaient pour habitude d’ignorer. Des dizaines de milliers de gens ont lu des articles, regardé des vidéos, échangé des informations à propos du livre, sans aucune aide des grands médias. Ce sont eux qui ont obligé les institutions à prendre la question au sérieux puis à en faire un “mainstream”. Aujourd’hui, le livre figure dans toutes les bibliographies scolaires ou universitaires de nombreuses disciplines :“race”2, politique, science, droit, criminologie, sociologie. Tout cela montre que la jeune génération à pris conscience d’une réalité historique niée toutes ces dernières années.

Dans de nombreuses interviews vous expliquez avoir été longtemps peu perméable à la notion de guerre à la drogue malgré votre formation de juriste et votre militantisme en faveur des Droits Civiques. Pouvez vous nous résumer comment l’étude des statistiques criminelles vous a conduit à concevoir la théorie du New Jim Crow?

Les statistiques raciales3, et en particulier les excellents travaux menés par “the Sentencing project”4 m’ont permis d’écrire ce livre et de mettre en évidence le rôle majeur joué par le racisme dans la Guerre à la Drogue. A tous les niveaux du système judiciaire américain, les questions raciales interfèrent avec la répression, mais sans ces statistiques, peu de gens auraient su, voire auraient pu, connaître l’importance des dommages causés aux Noirs pauvres des États-Unis d’Amérique. Dans un contexte où la question raciale n’est jamais traité de façon honnête les statistiques raciales sont absolument déterminantes pour cerner le problème et éventuellement lui trouver des solutions. Il n’existe AUCUNE voie menant à l’égalité raciale, aux États-Unis ou n’importe ou ailleurs dans le monde, qui ne passe par le recueil d’informations sur l’impact des politiques et de pratiques judiciaires en matière de discrimination raciale.

ASUD52_Bdf_Page_23_Image_0002Avez- vous trouvé dans vos recherches la trace d’une délibération secrète de l’administration Nixon (ou même de Ronald – just say no – Reagan) qui stipule clairement le principe de l’élaboration de la Guerre à la drogue comme réponse coercitive à l’activisme des militants des droits civiques?

Il n’existe aucune preuve d’un plan secret de déclenchement de la Guerre à la drogue et de sa rhétorique de tolérance zéro (“get tough rethoric”) instrumentalisé au bénéfice de la haine raciale. Mais, de fait, cette stratégie n’a jamais été secrète. De nombreux historiens et des spécialistes en sciences politiques ont démontré qu’une telle croisade était au cœur de la stratégie mise en place avec succès par le parti Républicain. Ce plan, connu sous l’appellation de “Stratégie Sudiste”, consiste à utiliser des slogans sécuritaires tels que “soyez durs” (“get tough”), pour attirer le vote des pauvres de la classe ouvrière blanche, traumatisés par la marche des afro-américains pendant le mouvement des droits civiques. Les stratèges du parti républicain ont découvert que les promesses d’“être dur” contre “eux” – le “eux” restant volontairement flou – se révélait extrêmement payantes auprès des Blancs pauvres en les éloignant du vote démocrate. L’ancien directeur de campagne de Richard Nixon, H.R Haldeman a parlé de cette stratégie dans les termes suivants: “Le truc, c’est d’inventer un système qui mette en évidence un fait reconnu: tout le problème vient des noirs”.

Dont acte. Quelques années après l’annonce publique de la “ Guerre à la drogue”5, le crack a envahi les centres-villes où résident nos communautés. L’administration Reagan a surfé sur cette vague avec jubilation, en popularisant tous les stéréotypes médiatiques du genre : “bébé du crack”, “maman du crack”,” putes du crack”, et tout ce qui était lié à une forme de violence en lien avec la drogue. Le but était de focaliser l’attention des médias sur la consommation de crack des ghettos de centre-ville, en pensant pouvoir souder le public autour de la guerre à la drogue, une politique populaire, pour laquelle des millions de dollars étaient demandés au Congrès.

Le plan a parfaitement fonctionné. Pendant plus d’une décennie les toxicos et les dealers blacks ont fait la une de la presse et des journaux télé, changeant subrepticement l’image que nous avions du monde de la dope. Malgré le fait que depuis des décennies, toutes les statistiques montrent que les noirs ne vendent, ni ne consomment plus de drogues que les blancs, le public en est arrivé à associer la couleur noire avec les stupéfiants. A partir du moment ou dans cette guerre l’ennemi fut identifié, la vague de répression contre les noirs a pu se déployer. Le Congrès, les administrations d’États, toute la nation a pu mobiliser au service de la guerre à la drogue des milliards de dollars, et ordonner des incarcérations systématiques, des peines plus lourdes que celles encourues pas les auteurs de meurtres dans de nombreux pays. Et presque immédiatement, les Démocrates ont commencé à rivaliser avec les Républicains pour prouver qu’ils étaient aussi capables de “get tough” contre “eux”. Par exemple, c’est le président Bill Clinton qui a intensifié la Guerre à la drogue, bien au-delà de ce que ces prédécesseurs républicains n’avaient osé rêver. C’est l’administration Clinton qui a interdit aux auteurs de délits liés aux stupéfiants de bénéficier de toute aide fédérale, qui les a exclus des lycées, qui a promulgué des lois les excluant du logement social, jusqu’à les priver de l’aide alimentaire… à vie. Nombre de ces lois, qui constituent l’architecture de base du nouveau système de caste américain, ont été portées par une administration démocrate, désespérée de réussir à récupérer le vote des petits Blancs du Sud, ceux qui avaient été révulsés par le soutien démocrate au mouvement des Droits Civiques, et étaient partis ensuite chez Reagan.

Généralement l’usage de drogues est dénoncé comme le pire ennemi de la communauté noire et l’allié objectif de l’oppression exercé par l’“ homme blanc ». Vous avez inversé cette analyse en identifiant la Guerre à la drogue, et non pas l’usage des drogues, comme l’instrument qui maintenait les noirs dans le système de caste. Comment est-ce que la communauté “black” a compris ce message?

Bien que mon livre soit une critique de l’incapacité du mouvement des Droits Civils à faire de la guerre à la drogue une priorité, la communauté noire a été favorable au livre au-delà de mes espérances. Le directeur du NAACP6, Bem Jealous, a soutenu publiquement le livre en le qualifiant d’appel à la mobilisation, des comités locaux m’ont invité à parler dans tout le pays et ont organisé des débats pour relayer son message. L’ ACLU7 a également été très impliquée . J’ai reçu de nombreuses sollicitations de la part des députés du “Black Caucus”8 pour m’exprimer lors de sessions de formations et rencontré au Capitole de nombreux leaders noirs. Même si le livre n’a pas fait l’unanimité, j’ai reçu une majorité de soutien de la part de ma communauté.

ASUD52_Bdf_Page_24_Image_0001The new Jim Crow est un titre très parlant. Peut-on présenter les États-Unis comme un pays organisé par la “lutte des races”, en référence avec ce que Marx définit par la locution « lutte des classes » ?

Il est toujours dangereux de réduire un mouvement ayant le progrès social et la justice comme objectif, à des notions simplistes comme la race ou même les classes sociales, à fortiori s’il s’agit de définir le fonctionnement politique d’une nation. J’ai choisi le titre de “New Jim Crow” pour invalider l’idée que le système de caste américain appartiendrait au passé. J’ai voulu attirer l’attention du public sur une réalité : en dehors de toute nécessités d’ordre public, le système a balayé l’existence des millions de personnes – dont une écrasante majorité de gens de couleur – les a enfermés dans des cages, puis relégués à vie dans un statut de citoyens de seconde zone selon un modèle qui rappelle étrangement le système “Jim Crow” censé avoir disparu depuis longtemps.

Qu’est-ce qui a changé depuis la réélection d’Obama, et qu’attendez-vous de cette administration et que pensez de la notion de post- racialisme ?

Le New Jim Crow se porte très bien sous Obama. Quiconque prétend que notre pays a dépassé la question raciale, est soit un imbécile, soit un menteur. Heureusement nous avons accès à des statistiques ethniques qui renvoient les fantasmes post-raciaux au principe de réalité. Je n’attend pas autre chose du président Obama, que ce que nous attendions de la part des autres dirigeants. Si nous voulons que les choses changent nous devons nous organiser nous-même pour qu’elles changent. Imaginer qu’un politicien, fut-il président, va prendre le risque de toucher à cette machine, profondément imbriquée dans les rouages de notre système politique, économique et social, est une folie. Nous allons probablement avoir quelques petites “réformettes” (nous les aurions eu même de la part d’un président conservateur), mais le principe de l’incarcération de masse ne sera jamais remis en question sans qu’un puissant mouvement ne s’organise pour inverser la tendance.

Pensez-vous que la Guerre à la drogue conçue  par Nixon soit une stratégie mondiale ?

Non, mais les États-Unis semblent avoir l’habitude d’imposer leur manière de voir aux autres pays, et souvent en les impliquant dans des guerres.

ASUD52_Bdf_Page_26_Image_0001Saviez-vous que dans certains pays européens des minorités ethniques souffrent du même facteur discriminant lié à la mise en œuvre de la guerre à la drogue ( surtout en France, en Angleterre et aux Pays-Bas)?

Oui, mais aucun pays au monde ne possède des niveaux d’incarcération comparables à ceux des Etats-Unis. Et je doute que dans ces pays européens, les minorités connaissent une situation semblable à celle des afro-américains de sexe masculin qui vont presque tous faire l’expérience de la prison une fois dans leur vie. Il faut espérer que l’Europe apprenne de nos erreurs et ne tombe pas dans le piège de l’incarcération sur critères raciaux9.

Que pensez-vous des lois françaises qui interdisent toute référence à l’origine ethnique ou la couleur de peau dans les recherches, les statistiques et les documents officiels?

Ces lois sont inadmissibles et tout à fait choquantes. Elles ne sont pas autre chose que le soubassement d’une conspiration du silence, un déni national des inégalités raciales. Un politicien d’extrême droite, appelé Ward Connerly, a essayé de faire passer des lois identiques aux États-Unis afin que les organisations qui luttent pour les droits civils ne puissent plus mesurer le niveau de discrimination raciale, ou même évoquer le sujet avec des arguments rationnels. Heureusement cette lubie a été combattue avec succès. Il est étonnant qu’un pays comme la France, avec son passé esclavagiste, refuse d’étudier ce qui pénalise les groupes ethniques minoritaires sur le plan politique, législatif ou institutionnel. Il est possible que les Français aiment pouvoir se dire qu’ils n’ont aucun problème de discrimination raciale et que par conséquent ils n’ont pas besoin de statistiques dans ce domaine. Ou peut-être pensent-ils que rassembler de tels éléments va mettre le feu aux poudres. C’est le truc classique, également ici aux États-Unis, de penser qu’il vaut mieux ne pas savoir. Hélas , tout cela revient à déclarer: “ Nous sommes heureux d’être aveugles et sourds. Nous revendiquons le droit d’être ignorants, et peu importe la souffrance que cette ignorance peut causer à d’autres. »

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C’est la probabilité supérieure qu’ont les Noirs et les Latinos de
se faire condamner pour usage de cannabis par rapport aux fumeurs blancs, pourtant majoritaires, dans l’État de Washington aux USA.
Ce chiffre a été démontré début 2012 par des chercheurs de l’université de Seattle. Lors du référendum pour la légalisation du cannabis en novembre 2012, la lutte contre ce genre de discriminations était l’un des principaux arguments en faveur de cette mesure qui l’a finalement emporté.

Je me souviens quand la police des États-Unis affirmait que le contrôle au faciès n’existait pas. Ils disaient : “il existe peut-être quelques pommes pourries qui ciblent les gens selon des critères raciaux pour les brutaliser mais ce n’est sûrement pas un problème institutionnel.”

Les responsables policiers étaient absolument révoltés d’être même soupçonnés de discrimination. Puis, lorsqu’ils ont reçu l’ordre de recueillir systématiquement toute information sur le sujet, leur ton a brusquement changé. Les données ont montré – sans l’ombre d’un doute- que les gens de couleur étaient contrôlés, arrêtés, et écroués pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, dans des proportions incroyablement plus élevées que les Blancs. Confrontés à de telles statistiques, les responsables policiers ont fini par admettre que leurs services avaient un problème. Les discriminations raciales étaient tellement flagrantes d’un bout du pays à l’autre, que même Bill Clinton dû prendre la parole pour condamner les contrôles de police au faciès.

Aujourd’hui, tout le monde sait que ces contrôles sont systématiques et le débat se déplace de “est-ce-que ces pratiques existent ? ”, à “comment faire pour les arrêter ? ”. Rien de tout cela n’aurait été possible sans statistiques ethniques. C’est ce que la plupart des gens ne comprennent pas. Ces données ne sont pas seulement nécessaires pour cerner l’étendue du problème, elles sont indispensables pour élaborer des solutions efficaces. Les statistiques rendent possibles l’identification d’un matériel ultra-sensible : les pratiques institutionnelles en matière raciale. Où se situent les faiblesses, les failles ? Ces mêmes statistiques qui ont d’établir l’existence des contrôle au faciès, ont également été utilisées dans la conception de stratégies plus justes et plus humaines.

Dans ce domaine, le refus des statistiques peut être assimilé à un parti pris d’indifférence délibérée envers les inégalités raciales, choisie volontairement pour ne pas remédier à l’injustice dont souffre un groupe ethnique donné. Il n’est pas possible de déclarer vouloir lutter pour la justice, et dans le même temps cautionner des lois qui rendent impossibles l’identification précise des facteurs de discrimination et d’ inégalité. Il semblerait absurde de demander à un médecin de guérir un malade qu’il serait absolument interdit d’ausculter. Donc on ne peut pas prétendre lutter contre les discriminations raciales en s’interdisant d’utiliser les outils qui nous permettent de diagnostiquer le problème et de trouver le remède.

ASUD52_Bdf_Page_26_Image_0002Saviez vous que la France fut le premier pays à abolir l’esclavage et à promouvoir des officiers noirs ?

Je n’ai pas de commentaires à faire. Je suis toujours réticente à l’idée de féliciter des gens pour avoir cesser de faire quelque chose qu’ils n’auraient jamais du commencer. Je ne féliciterai jamais un mari parce qu’il cesse de battre sa femme, mais je peux lui faire comprendre qu’il a eu raison de changer de comportement. C’est à peu près ce que je ressens à propos de l’abolition de l’esclavage en France.

Propos recueillis en avril 2013

1“Get tough true believers”: littéralement les “croyants du soyons durs” . L’expression “get tough laws” est devenue un lieu commun pour designer ceux que nous qualifierions en France par la locution “tolérance zéro”.

2Les travaux implicant la notion de “races” n’existent pas en France, alors que ce mot est fréquemment utilisé aux États-Unis principalement pour aborder les problèmes de discrimination et de racisme.

3Nous parlons plutôt en France de “statistiques ethniques”

4“The sentencing project” réseau de recueil de données statistiques sur l’incarcération de masse aux États-Unis www.sentencingproject.org

5Pour mémoire c’est le discours du 17 juillet 1971, à la tribune du Congrès qui déclare “la drogue ennemi public n° 1 des États-Unis”

6National Association for the Advancement of Colored People, principale association de lutte pour le droit des noirs, fondée en 1909 par W.E.B. Du Bois

7L’ American Civil Liberties Union, ACLU est une organisation de gauche qui milite contre les abus de pouvoir gouvernementaux

8Littéralement le “bloc noir”, le black caucus est un lobby parlementaire constitué par les membres afro-américains du Congrès théoriquement inter partisan mais en pratique proche des démocrates.

9Ce vœu pieu est à rapprocher du célèbre aphorisme d’Eric Zemmour qui nous expliquait le 6 mars 2010 chez Ardisson que les contrôles au faciès de la police française étaient justifiés par le fait que « la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes »

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