Auteur/autrice : ASUD

Traitements par Agonistes Opioïdes (TAO), la nouvelle appellation des TSO.

Ce guide sur les TAO (Traitements par Agonistes Opioïdes) qui est la nouvelle dénomination internationale des TSO car la notion de substitution ayant été trouvée trop ambigüe par les organisations d’usagers de drogues comme EuroNPUD (la déclinaison européenne du Réseau International des Personnes qui consomment des drogues INPUD) , est la traduction et l’adaptation à la France du guide réalisé en anglais par cette organisation EuroNPUD OAT Client Guide.

C’est un projet européen soutenus par les organisations d’Usagers de Drogues de Grande Bretagne, d’Ecosse, de Grèce, de France (ASUD) , d’Espagne (Catalogne),d’Allemagne, de Suède et de Norvège, chacune ayant traduit dans sa langue et adapté aux réalités de son pays ce guide qui en français nous donne:

TAO, On y est ensemble! Tout sur la dépendance aux opioïdes par les personnes qui l’ont vécu…

Vous y trouverez la liste des molécules et traitements disponibles donc en France, avec même celui que l’on aimerait bien comme l’héroïne médicalisée et surtout nos conseils d’usagers de ces traitements, les régles et les devoirs mais aussi les choses qu’il ne faut pas accepter dans les centres de délivrances et certains trucs pour passer aux travers de règles qui vont à l’encontre de nos droits!

Bonne lecture les ami.e.s!!

Speedy Gonzalez

Support Don’t Punish

Chaque année, le 26 juin marque la journée choisie par l’ONU « pour la lutte contre la drogue et le crime ». Mais c’est surtout une journée spéciale et engagée, marquée par l’organisation d’événements locaux dans de nombreux pays, avec ce leitmotiv : « Support. Don’t Punish » (Aider plutôt que punir).

Partout dans le monde, militants et associations défendent des réformes des politiques des drogues pour favoriser l’accès aux programmes de réduction des risques et aux dispositifs de soins, lutter contre la répression et les discriminations liées à l’usage de drogues.

En France, la nouveauté cette année ?

Le Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD), constitué d’une
quinzaine d’organisations*, lance un appel à signer une pétition déposée sur le site internet de l’Assemblée nationale proposant une loi pour mettre fin aux sanctions pour simple consommation de drogues.

Pour mieux comprendre les enjeux politiques autour de cette proposition de loi et les arguments déployés par les organisations signataires de cette campagne d’information du grand public, ASUD et ses partenaires se retrouveront pour une émission en direct : en présence de Marie Ongün Rombaldi, direction générale de la Fédération Addiction et de Marie Jauffret Roustide et l’INSERM. Vous aurez aussi la possibilité de participer ou de poser vos questions via le chat de la chaine.

LUNDI 26 JUIN de 18h à 22h sur la chaine youtube « ASUD medias » @https://www.youtube.com/@ASUDTV

Par ailleurs, plusieurs événements ont lieu en France dont :

Liste complète sur le site de Support don’t punish

– à Bordeaux : plaidoyer et programme.

– Avignon : Cliquez ici 

CANNAPARADE 2023

Samedi 27 Mai, début de la marche 14H à République jusqu’à Bastille au alentour de 16H

Festive et politique, la canna parade se rassemble chaque année dans les rues de paris. Avec ses chars Sound-system, cette manifestation appelle à un changement de politique pour la régulation du marché du cannabis.

Bientôt l’Allemagne légalisera, avec des précautions dignes d’une expérimentation scientifique. Le Luxembourg et la république Tchèque avancent aussi en s’inspirant de l’Uruguay(2014), du Canada(2018) ou de Malte(2022).

En France, nous voulons évoluer aussi. Pour améliorer la santé et la sureté publiques, pour la réforme Française et Européenne des politiques « DROGUES », pour atteindre les « objectifs développement durable 2030 ».

Vous pouvez retrouver toutes les infos sur le site internet de la CANNAPARADE 2023.

Coke, Crack et Base. La nouvelle brochure d’ASUD enfin disponible

ASUD diffuse aussi des brochures papiers ou téléchargeables consacrées à différentes drogues, à la prévention des surdoses ou aux droits des usagers pris en charge par le système de soins. Cette année, c’est la cocaïne qui est à l’honneur, avec ses déclinaisons en modes de consommation (crack, base…) et, surtout, l’ambition de mieux contrôler l’usage de cette substance devenue aujourd’hui un produit de consommation courante, juste après le cannabis.

Depuis quelque temps, les médias européens montent au créneau sur la coke, sous forme de
panique morale. On parle de déferlante, on souligne à chaque fois la large diffusion de sa conso dans toutes les couches sociales et professionnelles, en France comme en Europe. Un paroxysme a été atteint cet été 2022, avec une hystérie typiquement française sur le crack et ses consommateurs(1). Elle a produit des sommets de fake news, racisme, discriminations, atteintes aux droits humains qui se sont succédé avant de retomber comme une crêpe. Des reportages ont aussi révélé la mainmise de certaines mafias, comme la Mocro Maffia marocaine, très en vogue, qui cherche à contrôler les ports de Rotterdam et d’Anvers, portes d’entrée de la coke en Europe(2). Il est vrai que l’on assiste dans ces deux pays à une certaine forme d’importation et d’extension des méthodes des narcos latinoaméricains, inconnues jusqu’alors en Europe, sauf en Italie. Corruption, menaces, violences (enlèvements, fusillades, assassinats…) dont les victimes ne sont pas uniquement des trafiquants concurrents comme cela avait pu exister auparavant, mais aussi des journalistes, hommes politiques, juges, policiers, avocats, etc.(3) qui ont pu s’opposer ou dénoncer cette situation, sans oublier les victimes collatérales…

Pragmatisme Asudien

Face à cette débauche d’informations où le faux se mélange au vrai, nous essayons avec cette brochure « Coke, crack et base » de remettre les choses à plat avec une approche historique, sociale et sanitaire de cette drogue, la plus consommée en France après le cannabis selon l’OFDT(4). Il est bien loin le temps où la cocaïne était un produit utilisé par certaines personnalités de la pub, du showbiz, et autres artistes. S’il est notoire que sa consommation est devenue courante dans la restauration, sa présence est bien plus récente et totalement inattendue chez les pêcheurs professionnels, les routiers et dans de nombreux autres métiers éloignés des feux de la rampe, mais où il faut être rapide, infatigable et concentré… Pour clore ce débat sur l’expansion réelle ou médiatisée de sa consommation, il existe des facteurs plus objectifs, comme les saisies policières, pour avoir une idée de la diffusion d’un produit. Or, ces dernières, en France comme en Europe, connaissent une hausse spectaculaire. En effet, selon l’OFDT, les saisies sont passées de 4,1 tonnes en 2010 à 26,5 tonnes en 2021 dans notre pays. Soit multipliées par 6,5 ! Si l’on considère qu’elles ne représentent que 10 % des quantités réellement entrées, on arriverait à environ 260 tonnes en France ! Toujours selon cet observatoire, il y aurait en 2021, environ 2,1 millions d’expérimentateurs(5) dont 600 000 usagers dans l’année. Sans céder à la panique morale en cours, surtout si l’on compare avec les 43 millions de consommateurs d’alcool dans l’année – et les 9 millions qui font un usage régulier de ce produit légal, mais dont la dangerosité serait aussi grande que celle de drogues comme la cocaïne, selon le fameux rapport Roques(6) – il est indéniable que la consommation a vraiment explosé ces dernières années. Asud se devait donc de proposer une brochure objective sur cette drogue, même si nous avions déjà abordé la question de la cocaïne dans le Tome 2 de la brochure Overdoses(7),sous un volet réduction des risques, moyens pour éviter les dommages ou les atténuer, pour éviter la surdose.

La longue traînée de coke

Dans notre nouvelle brochure, nous replaçons la cocaïne dans son histoire longue. Depuis l’usage religieux de la plante, la coca d’où elle est extraite, dans les civilisations précolombiennes des Andes, la première consommation de masse de cette plante que la colonisation espagnole a provoquée, jusqu’aux circonstances rocambolesques qui amenèrent un jeune chimiste allemand de 26 ans, Albert Niemann, à enfin isoler le principe actif à partir des feuilles de coca, qu’il baptisera « Kokain ». Plusieurs chimistes de renom s’y étaient cassé les dents… Grâce à ses travaux, la formule chimique sera vite établie. Nous suivrons alors la folle histoire de cette drogue qui devient rapidement à la mode dès ses débuts, d’autant que des laboratoires comme Merck s’en emparent pour la diffuser très largement. Nous présenterons bien sûr son usage récréatif dès la fin du XIXe (la fameuse « coco »), mais aussi son usage médical, les articles scientifiques dithyrambiques qui se succèdent vantant ses pouvoirs en chirurgie, anesthésie, etc. Sans oublier ce bon docteur Freud, jeune neurologue viennois de 28 ans, qui lui fait une belle publicité en l’utilisant sur lui et ses patients, la conseillant à tous ses amis avant de rétropédaler. On s’arrêtera un instant sur le premier cas répertorié « d’accro » à la coke du début du XXe siècle : un des patients et ami de Freud. Voulant l’aider à décrocher de son addiction à la morphine, Freud le fera plonger dans celle à la coke, en somme le premier addict de speed Ball ! De nombreux autres suivront, tout comme les cas de surdose… Nous allons ainsi suivre son parcours tout au long du XXe siècle, puis de notre XXIe, depuis les années 1930 jusqu’à la situation de nos jours où l’emprise des narcos a des conséquences dramatiques, non seulement pour l’Amérique du Sud, mais aussi pour le monde entier dont l’Afrique avec cette « guerre à la drogue » qui n’en finit pas de faire des ravages. Puis nous présenterons, au cours des chapitres suivants, la nature chimique de la coke. Nous aborderons les risques de son usage : pulmonaires (crack lung), cérébraux (la surchauffe). Nous présenterons des méthodes pour détecter les AVC, tout en passant en revue les différents modes de consommation (sniff, fumé, injecté), les mélanges avec d’autres drogues (speedball, Calvinklein, cocke + alcool, MDMA…) ou avec des stimulants ou des médicaments. Ces aspects de réduction des risques se termineront par un chapitre sur la femme enceinte.

Et le crack alors ?

Nous n’aurions pas été complet sans parler du « crack », de la « base » – cette dénomination convient beaucoup mieux, on vous expliquera pourquoi. Une bonne raison d’en parler est le fait que 10 000 personnes en France sont prises en charge en Csapa, dont 2/3 consomment sous forme de poudre et 1/3 sous forme basée (crack). Et 54 % des personnes vues en Caarud ont consommé de la cocaïne basée dans le mois contre 32 % en 2015. La deuxième raison est de s’opposer à une vision manichéenne y compris chez bon nombre de consommateurs de drogues et pas simplement des journalistes friands de gros titres : coke versus crack. La première serait un produit festif, convivial, certes addictogène mais loin de la vision noire et presque diabolique portée par la seconde, une drogue qui transformerait en un clin d’œil ses consommateurs en des zombies capables des pires turpitudes ! Nous apporterons donc notre vision pragmatique et objective sur cette supposée différence alors qu’il s’agit du même produit. Conseils d’élaboration de la base, pour consommer à moindre risque (matériel, fréquence…), tout cela, sans minimiser, ni diaboliser. Le « crack » est revenu sur le devant de la scène, alors que le problème de la consommation de rue dure depuis près de 30 ans. Pourtant, des solutions existent pour gérer un groupe de tout au plus 400 personnes(8) ! Rien de neuf donc, juste un produit qu’il faut connaitre pour mieux le gérer si, d’aventure on désire le consommer…

La brochure est disponible, retrouvez sur notre boutique en ligne.

  1. Voir à ce sujet le documentaire d’Asud, Le mur de la honte, visible sur le site d’Asud : https://www.youtube.com/watch?v=xUut6TYiWkQ.
  2. Avec aussi ceux du Havre et de Hambourg comme ports de dérivation au cas où les deux premiers seraient indisponibles.
  3. Cette mafia dont le chef est emprisonné en Hollande est fortement soupçonnée d’être impliquée dans la tentative avortée par la police belge de l’enlèvement du ministre de la Justice de ce pays !
  4. Observatoire français des drogues et des tendances addictives : Drogues et Addictions, chiffres clés, 2022.
  5. Au moins un usage au cours de la vie, cet indicateur sert surtout à mesurer l’usage d’un produit dans une population donnée.
  6. Le Rapport Roques, du nom de son rédacteur, publié en janvier 1999 sur La dangerosité des drogues reste la synthèse la plus complète à ce jour sur la dépendance et les effets des différentes drogues légales et illégales sur le cerveau. D’autres études suivront comme celle publiée par la revue scientifique britannique The Lancet en novembre 2010 : « Drugs harms in the UK : a multicretaria decision analysis » ; Pr. David J. Nutt et al avec son verdict final qui nous intéresse tout particulièrement : « L’alcool plus dangereux que le crack ou l’héroïne ».
  7. Brochure d’Asud : Overdoses, Tome 2, Stimulants, coke, speed, MDMA, cathinones… 2018
  8. L’OFDT estime à environ 13 000 le nombre d’UD de crack à Paris et en Île-de-France, qui ne font jamais parler d’eux car étant plus ou moins intégrés socialement, ils arrivent à gérer leur consommation sans poser de problème d’ordre public.

Pour la version PDF c’est par ici !!!

Les EGUS XIII en vidéos.

Pour celles et ceux qui n’auraient pas eu la possibilités ou qui voudraient revoir les EGUS XIII, les vidéos des tables rondes sont disponibles sur la chaine YouTube ASUD Média. Nous avons eu quelques soucis avec les micros sur le début de la premiers table ronde. Passé les 15 premières minutes les soucis sont résolus.

Bon visionnages à tous.

13eme édition des EGUS, « EGUS, la drogue comme prétexte… » Partie. 1
13eme édition des EGUS, « EGUS, la drogue comme prétexte… » Partie 2

EGUS XIIIe « La Drogue comme prétexte… »

Organisés par ASUD, en partenariat avec OPPELIA, FEDERATION ADDICTION, GAIA Paris

Dates : Lundi 19 décembre 2022, 9h00- 19h00
Lieu : 5 Rue Lobau 75004 Paris Auditorium de la Mairie de Paris

Entrée gratuite sur inscription. Accès PMR

Pour vous inscrire cliquez ici

Contrôles d’identité, dépistages au volant, amendes forfaitaires délictuelles, contrôles “au faciès”, chasse aux pauvres et aux migrants. Autant de situations où la recherche de substances prohibées sert de prétexte à des sanctions qui méritent d’être analysées sur le plan éthique et au regard des droits humains.
Cette 13e édition des EGUS* traitera des multiples situations où sous couvert de « guerre à la drogue », de “tolérance zéro”, “d’interdits qui protègent” des outils de répression sont mis en place pour cibler des populations spécifiques et souvent en situation précaire.
De l’AFD à la Garde à Vue, en passant par les tests salivaires (faux positifs),la répression des “patients-impatients” transformés en El chapo de paille avec quelques plantes, les expulsions locatives de familles stigmatisées dans les quartiers populaires, le harcèlement des sans-domicile-fixe, il y a pléthore de moyens pour mener la guerre à la drogue contre des populations généralement en proie aux difficultés sociales.
*EGUS – Etats Généraux des Usagers de Substances (licites et illicites)

09h30 : Accueil autour d’un café

10h : Mots d’accueil / Introduction :
Anne Souyris, Adjointe à la Maire de Paris en charge de la santé publique et des relations avec l’APHP, de la santé environnementale, de la lutte contre les pollutions et de la réduction des risques.

Première table ronde 10h15- 11h45 :

Scènes ouvertes : la RDR est-elle à bout de souffle ?

Animée par :Jean Maxence GRANIER

AVEC : François DIOT ; Jean Paul BRUNEAU – EDVO ; Marie ÖNGÜN ROMBALDI – Fédération Addiction ; Marie Jauffret ROUSTIDE – Inserm ; Fabrice OLIVET – ASUD
Débat : La RDR est remise en cause par de nombreuses voix qui s’interrogent sur la pertinence d’un dispositif qui peine à résoudre les problèmes de cohabitation entre des consommateurs de drogues en grande détresse sociale et un voisinage qui se plaint de subir nuisances et incivilités.

Deuxième table ronde 12h- 13h30 :

Crack à Paris un chaos qui se déplace dans le temps et l’espace, toujours dans l’impasse ?

Animée par Miguel VELAZQUEZ
AVEC : Abdou NDIAYE – Directeur de Charonne-Oppelia ; Elisabeth AVRIL – Gaïa Paris ; Alain MOREL – collectif AGORA ; Usager.e.s de Crack.
Débat : Usagers vs riverains vs associations, derrière les condamnations ou les plaintes, quelles attentes,
quels intérêts communs ? (Table ronde en lien avec le projet AGORA co-organisé par OPPELIA)

13h30-14h30
Déjeuner libre – Buffet convivial sur place.

Troisième table ronde 14h30 – 16h30 :
Quels dispositifs nuisent à la citoyenneté sous prétexte de lutte contre La Drogue ?
Animée par Georges LACHAZE
AVEC : Fanny DULIN – Droit Au Logement (DAL) ; Joëlle BORDET – Chercheuse
psychosociologue ; Nicolas HACHET – Avocat (NORML France) ; Bénédicte DESFORGES – Porte Parole du collectif Police Contre la Prohibition (PCP); Omer MAS CAPITOLIN Maison Communautaire pour le Développement Solidaire (MCDS).
Débat : De nombreuses opérations de police sont organisées au nom de la lutte contre la drogue, sans possibilité d’exercer le moindre de recours, la contestation devenant impossible. S’agit-il d’une situation normale ?

Quatrième table ronde 16h45-18h00 :
La loi 1970 est-elle une entorse aux droits humains ?
Animée par Fabrice OLIVET
AVEC : Nathalie TEHIO – Ligue des Droits de l’Homme ; Nelly BERTRAND – Syndicat de la
Magistrature)
Débat :
L’application de la loi du 31 décembre 1970 sert de prétexte à des sanctions qui méritent d’être analysées
sur le plan éthique et au regard des droits humains.

18h00 : Fin des EGUS XIII

*EGUS – Etats Généraux des Usagers de Substances (licites et illicites)

Touchées par le VHC, ils témoignent sur leur parcours

Face à l’extension de l’hépatite C (VHC) qui frappe tout particulièrement les usagers et les ex-usagers de drogues, ASUD s’est engagé depuis plusieurs années à lutter contre cette maladie à travers différentes actions visant à encourager le dépistage, l’accès aux traitements et le soin. L’arrivée de nouvelles générations de molécules, les Antiviraux à Action directe (AAD), qui ont déjà démontré leur très grande efficacité avec peu d’effets secondaires, permettent de pouvoir espérer à terme l’éradication de cette maladie. ASUD en partenariat avec le laboratoire ABBVIE a donc réalisé une série d’interviews avec trois personnes aux situations personnelles bien différentes, ayant été touchées par le VHC et qui témoignent sur leur parcours, leurs réactions face à la découverte de leur infection, les raisons qui les ont poussés à suivre un traitement et pour finir, nous faire part de ce que ce dernier a supposé pour eux.

Support Don’t Punish 2022

Oyez, oyez, O yeah !

Retrouvez les 7h de live que nous avons fait dimanche 26 Juin pour marquer le 10ème anniversaire de cette manifestation internationale « Support Don’t Punish », pour rappeler qu’à l’occasion de la journée internationale de l’ONU « contre la drogue et le crime », il est totalement contreproductif de criminaliser / pénaliser l’usage de drogues, et qu’une politique de contrôle des stupéfiants ne doit pas violer les droits humains fondamentaux, que la Réduction des Dommages et des Risques est une approche plus efficace que la répression policière.

#supportdontpunish

A l’occasion de la campagne internationale Support Don’t Punish, ASUD vous a invité à visionner des documentaires sur l’échec de la politique prohibitionniste et répressive envers les usagers de drogues.

Ces documentaires ont été intercalés de discussions en plateau avec nos invités pour approfondir le sujet et aborder l’actualité des réformes politiques en la matière.

Vous avez loupés une partie, pas de panique ont a enregistré les tables rondes et ont vous les a mis à dispo sur notre chaine Youtube.

Site officiel Support Don’t Punish:

Event FB : https://www.facebook.com/events/306598798231411?ref=newsfeed

Le sida c’était mieux avant …

Décidément  on a du mal à se débarrasser du XXe siècle . L’épidémie de sida appartient à l’histoire  et un peu comme la guerre froide  elle se réinstalle dans notre univers mental  sous les coups de l’actualité . Virus mortels et guerre nucléaire , on a pas fini de rigoler  !

On avait un peu oublié , la Une de libé  en 1982  sur « le cancer gay » , les 4 H, homosexuels, héroïnomanes, hémophiles et haïtiens, l’ AZT, le Sidaction , Act-Up … Et puis la COVID  vient nous  plomber le moral  et les pouvoirs en place s’emparent du sujet pour restreindre nos libertés .  Quel contraste avec le sida . Le  sida c’est le premier de ces virus que l’on ne sait pas guérir  qui ont rivé le clou de la médecine occidentale , la médecine des toubabs

Nous sommes trois militants censés incarner l’orientation sexuelle , le travail du sexe et la consommation de stup. Trois types de comportement qui ont traversé l’épreuve de l’épidémie avec des bonheurs divers . 

  Nous allons proposer une discussion en trois étapes :

1°) L’absence de réponse médicale met en évidence des processus de discrimination : pour les pédés ? pour les tox ? pour les putes ? Oui/non et pourquoi ?

2°) :la question du choix

 La lutte contre l’épidémie  permet de légitimer l’homosexualité masculine. Pour les drogués et les travailleurs.euses du sexe c’est presque l’effet inverse.

 3°) la question des libertés

  La lutte contre le sida consacre l’inéluctabilité du mariage pour tous. L’invention de l’’addictologie sape les fondements de toute revendication du droit de se droguer. Le mouvement abolitionniste enfle jusqu’ à culminer avec la loi sur la pénalisation des clients

 La conclusion de cet échange se fera sur le contraste  entre la lutte contre le sida et  la lutte anti-COVID

avec :

Didier Lestrade, journaliste, écrivain, cofondateur d’Act Up et de Têtu.Dernier livre « I Love Porn » (éditions du Détour)Séropositif depuis 1986, célibataire.

Thierry Schaffausser travailleur du sexe syndiqué au STRASS, co-fondateur parmi 200 personnes à la création. Usager de drogues, militant à Act Up « ou il a tout appris ». Sous PrEP et à la recherche l’amour sur grindr et en partouze chemsex.

Fabrice Olivet , co fondateur d’ ASUD, militant de la sortie de la prohibition des drogues, essayiste et historien. Dernier ouvrage « Au risque de la race » , édition de l’Aube, 2021.

La boutique en ligne ASUD

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Vous venez de découvrir ASUD et vous voudriez vous abonner au journal ou alors vous nous êtes fidèle depuis longtemps hélas quelques journaux manquent à votre collection.

Vous êtes usagers de drogue, professionnel en RDR ou autre et vous voudriez étoffer vos connaissances sur les overdoses, les TSO ou encore L’hépatite C, il vous suffit pour cela de commander nos brochures.

Retrouvez tout l’univers Asud sur notre boutique en ligne des brochures aux magazines, en passant par les DVD ou les « roule ta paille » et bien sur les abonnements.
Le tout accessible en un clic, qui à lui seul est un acte militant et de soutien.

La stupéfiante politique du chiffre

Bénédicte Desforges est une « ex-flic », comme elle se définit ellemême. Elle nous livre ici un décryptage de la logique de rentabilité qui pervertit l’activité policière et conduit à privilégier la chasse aux usagers de drogues. Merci à la fondatrice du site Police contre la prohibition (PCP) pour cette investigation au cœur du système.

L’usage de stupéfiant est un délit mineur, sans victime, sans plaignant, sans danger pour autrui, sans incidence sur la résolution des enquêtes de trafic, sa répression n’est pas dissuasive, mais elle constitue néanmoins une proportion déraisonnable de l’activité policière. La sécurité étant un levier électoral, peu importe le sacrifice du qualitatif, il faut lui associer un plan com’ efficace : le chiffre de la délinquance, qui doit être lisible pour l’opinion mais pas trop. Ces statistiques sont en effet d’une conception suffisamment complexe pour décourager les analyses trop pointues. On y trouve une juxtaposition de faits constatés et de faits élucidés, d’atteintes aux personnes et aux biens, d’infractions avec et sans violence, d’infractions avec et sans victime. Les plaignants, auteurs et victimes sont mélangés dans la même soupe de chiffres, autant de données très peu exploitées par la police, mais nécessaires pour bâtir une politique du chiffre qui tient lieu de stratégie au détriment de la véritable lutte contre la délinquance.

Un taux d’élucidation de 100 %

La police doit donc être en mesure de faire état de sa productivité. Comme une usine. Or la sécurité, ce que la police est censée vendre, n’est pas comptabilisable. Efficace mais pas « rentable », la prévention, le meilleur atout contre l’insécurité, est tombée en désuétude – comme le gardien de la paix. Même le mot a disparu des discours politiques. Faute de « fabriquer » de la sécurité, la police est ainsi obligée de fabriquer des délinquants et des
infractions : les infractions révélées par l’action des services (IRAS), qui se distinguent des infractions constatées (homicides, cambriolages, etc., et plaintes enregistrées, qui feront l’objet d’enquêtes avec un taux d’élucidation incertain) et représentent la part proactive de l’activité policière.

Les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) et celles liées au séjour des étrangers sont pour l’essentiel relevées lors de contrôles d’identité. Elles ont l’avantage comptable de présenter un taux d’élucidation de 100 % : sans enquête ni victime, aussitôt constaté, le délit est élucidé. Faisant partie du chiffre global de la délinquance, les IRAS boostent la moyenne des affaires résolues. Par exemple, cumuler une boulette de shit confisquée et une plainte contre X pour viol donne un taux de résolution de 50 %, ce qui est une excellente « performance »… Sur l’ensemble des crimes et délits, ce taux peut même dépasser 100 % pour les ILS… De la pure dopamine pour la politique du chiffre.

Paramétrés pour faire du chiffre

Pour la police et la gendarmerie, on compte 207 300 ILS, sur une période d’un an, de septembre 2014 à août 2015 :

  • 175 745 pour usage de stupéfiants ;
  • 19 389 pour usage-revente ;
  • 7 159 pour trafic-revente, sans usage ;
  • et 5 007 autres (provocation à l’usage, etc.).

Tandis que seulement 3,4 % des ILS concernent le trafic, l’usage de stups représente 85 % des ILS, soit 56 % des infractions constatées et infractions révélées par l’action des services.

Autrement dit, les forces de l’ordre, quand elles en ont l’initiative, consacrent plus de la moitié de leur activité à la répression de l’usage de drogues, dont 90 % de cannabis.

En même temps que les effectifs de police stagnent, les interpellations pour ILS sont en constante augmentation, c’est dire l’appétit pour cette répression. Du mois d’août 2017 à juillet 2018 : 224 031 ILS, dont 183 795 pour usage de drogues, soit 83 % des ILS(1). Aujourd’hui, un flic est paramétré pour faire du chiffre, au sens propre mais aussi au sens lucratif du terme.

Primes et bakchichs

Comptables, les IRAS sont aussi rémunérées, ce qui joint l’utile à l’agréable. Du point de vue financier, l’ensemble de la chaîne hiérarchique policière est intéressée par la chasse aux fumeurs de bédo. Chaque cadre de la police, officier et commissaire, encaisse chaque mois des indemnités de responsabilité et de performance (IRP) en fonction de l’activité et des résultats de ses subordonnés. Cette évaluation de la performance a un impact sur la réputation et le déroulement de carrière de l’encadrement. Du coté des officiers, la part fixe de l’IRP atteint 600 euros mensuels pour le grade de commandant(2). Pour les commissaires de police, cette part de l’indemnité s’échelonne selon le grade de 1 080 à 2 421 euros par mois3. À cette part fixe s’ajoute une part variable qui peut s’élever jusqu’à 40 % du fixe(4,5) parfois automatiquement incluse dans la prime mensuelle(6,7) pour certains postes dits « difficiles » ou « très difficiles ». Tout cela a comme effet de booster la course aux résultats entre chefs… Quant au gardien de la paix, si les bonnes grâces de son chef ou le hasard lui sourient, il touchera une fois dans l’année une sorte de bakchich appelé « prime au mérite ». Cette gratification génère un état d’esprit délétère dans les services mais galvanise la course au chiffre. Dans les hautes sphères de la police, il est de bon ton de nier la politique du chiffre, elle serait même une légende urbaine. Mais l’existence même de l’indemnité de responsabilité et… de performance révèle un management basé sur le chiffre. Et si le taux d’élucidation ne suffit pas dans l’équation, il y a encore des solutions(8) : déqualifier certaines infractions, en reporter le mois suivant, dissuader la prise de plaintes… Une tradition de falsification indécente qui a même intéressé plus d’une fois l’IGPN – la police des polices.

Une chose est sûre : l’enjeu de la politique du chiffre est solide et motivant. Plus personne ne devrait s’étonner quand un chef de service dit à ses troupes, sans complexe ni paraphrase, qu’il préfère qu’on lui colle dix fumeurs de pétards en garde à vue plutôt qu’un braqueur.

Imposture, opacité et manipulation

Les objectifs chiffrés du ministère puis de la présidence Sarkozy ne sont pas un mystère. Ce concept absurde consistait à définir la délinquance avant qu’elle ait eu lieu. Les consignes pouvaient alors ressembler à un inventaire de Prévert : « Pour la fin de la semaine, vous me servirez 13 ports d’arme blanche, 38 ILS, 1 proxénète, 24 feux rouges et 1 fermeture administrative de bistro. »

Et puis il y a eu le ministère Valls qui, de façon surprenante dans son discours cadre sur la sécurité9, a parfaitement défini la politique du chiffre– imposture, opacité, porte ouverte à la manipulation, outil calibré pour l’instrumentalisation politique. Le nouveau ministre exigea que, sans délai, ces pratiques cessent au nom du service public. Par la suite, les objectifs statistiques se sont faits plus discrets, et les bilans de la criminalité moins détaillés, mais rien n’a changé sur le fond. Le corps des commissaires étant le gardien du Temple et l’interface opaque entre police et ministère, rien ne semble pouvoir remettre en cause le chiffre et ses primes. Aujourd’hui encore, cette politique représente une énorme dépense de l’État dédiée à la communication sur la sécurité plutôt qu’à protéger les citoyens.

Les IRAS sont donc essentielles à ce système qui s’enrayerait si l’usage de drogues était dépénalisé. Inversement, si la politique du chiffre cessait, la répression de l’usage apparaîtrait sous son vrai jour, vaine à tout point de vue, coûteuse, et encombrant inutilement toute la chaîne pénale. Les statistiques ne sont pas un outil d’évaluation de la délinquance mais une fin en soi…

Fouiller toujours dans les mêmes poches

Mais de quelle fin parle-t-on exactement ? Tandis que les statistiques indiquent que toutes les classes et tranches d’âge sont concernées par les drogues, la population ciblée par la répression est jeune, issue de l’immigration et la plus vulnérable d’un point de vue économique et social. Tout commence par un contrôle d’identité, une palpation, et une fouille des poches qui ne doit rien au hasard. Toujours les mêmes poches, les mêmes personnes, les mêmes quartiers… Là où l’apaisement entre police et population est urgent, la politique du chiffre attise défiance et haine réciproques, et le fragile lien social se délite. Sur le terrain, c’est un bras de fer permanent, violences, provocations, harcèlement. Les discours se répètent – des coups de Kärcher à la reconquête républicaine de territoires – mêmes logiques et mêmes échecs. La mise en place de l’amende forfaitaire de 200 € s’inscrit dans cette logique : un appel d’air à la course au chiffre. S’y ajouteront sans doute des outrages et rebellions du fait de l’amende elle-même. La culture policière est marquée par une tradition de postulats indéboulonnables (le laxisme de la justice, le gauchisme des juges, le coût des étrangers, l’oisiveté des jeunes…) et par la désignation d’un certain nombre de boucs émissaires. La culture raciste de la police est un fait. « Je ne suis pas raciste mais… ce sont toujours les mêmes qui… ». Même si c’est un sentiment qui s’estompe à la faveur d’un recrutement diversifié, l’analyse sociologique s’arrête souvent là. Conservatisme et morale sont les marqueurs d’une culture, ponctuée de leitmotivs : « On est le dernier rempart », « Force doit rester à la loi », et pour finir, « La drogue c’est mal ». Il faut s’en persuader pour ne pas complètement s’effondrer, pour l’illusion d’un métier qui fait sens, une chaîne alimentaire qui va de la poche de l’usager de drogue à celle du commissaire de police, mais aussi une mesure de rétorsion appliquée à une population qu’on aime détester.

Bénédicte Desforges

  1. Chiffres mensuels relatifs aux crimes et délits enregistrés par les services de police et de gendarmerie (https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/chiffres-departementaux-mensuels-relatifs-aux-crimes-etdelits-enregistres-par-les-services-de-police-et-de-gendarmeriedepuis- janvier-1996/).
  2. Montants part fonctionnelle de l’IRP corps de commandement de la police nationale (officiers) (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/3/30/INTC1706081A/jo/texte).
  3. Montants part fonctionnelle de l’IRP corps de conception et de direction de la police nationale (commissaires) (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023386641).
  4. IRP officiers (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=
    JORFTEXT000028319571 ).
  5. IRP commissaires (https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cid
    Texte=JORFTEXT000022839264).
  6. Postes difficiles et postes très difficiles commissaires (https://www.
    legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000029344655).
  7. Postes difficiles officiers (https://www.legifrance.gouv.fr/eli/arrete/2017/5/5/INTC1713329A/jo/texte/fr).
  8. « Sécurité : la fabrique du bilan “favorable” pour 2012 », Le Monde (https://www.lemonde.fr/societe/article/2011/10/03/securite-les-secrets-defabrication-du-bilan-pour-2012_1581408_3224.html).
  9. Discours cadre sur la sécurité, M. Valls, septembre 2012 (https://www.aht.li/3273284/20120919_discours_cadre_securite_Valls.pdf).

À lire : La pénalisation de l’usage de stupéfiants en France au miroir des statistiques administratives, Ivana Obradovic, Déviance et société (2012) (https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2012-4-page-441.htm%20%20).

Le cannabis passé à tabac

« Les buralistes sont prêts à vendre du cannabis » : dans l’optique d’une évolution de la législation sur le cannabis, le lobby des buralistes se positionne déjà sur le marché à venir et le gouvernement ne le verrait pas forcément d’un mauvais œil. Une vraie-fausse bonne idée.

En juillet 2018, le président de la Confédération nationale des buralistes, Philippe Coy, annonçait dans le Parisien que son organisation était « pour le cannabis récréatif s’il est réglementé. Et nous sommes prêts à en commercialiser dans nos bureaux de tabac. […] Le 18 juin, j’ai même proposé à la ministre de la Santé […] de devenir le premier réseau de
référence du cannabis s’il est, un jour, légalisé dans l’Hexagone ». Le canal historique des militants cannabiques savourera avec ironie la date de cette annonce… Le passage de l’illicite vers la vente en bureau de tabac est la solution évidente, pour tous ceux qui n’y connaissent rien(1). Asud partage en revanche le positionnement de nos vieux camarades du CIRC, historiquement antiburalistes, prônant plutôt la création de lieux
dédiés, les bien-nommés « cannabistrots ». Une position quasi unanime au sein des organisations antiprohibitionnistes.

Amateurisme

S’appuyer sur un réseau préexistant, déjà assujetti aux normes sur la vente de tabac semble la solution évidente et rapide. Mais c’est aussi, pour le gouvernement en place, l’occasion d’apaiser un puissant lobby qui se prend une belle cartouche depuis la loi Évin. Il est pourtant inconcevable qu’une offre légale de cannabis vienne pallier le manque à gagner des bureaux de tabac. Le cannabis est une affaire d’amateurs au sens épicurien du terme, trop éclairés pour laisser ce business aux mains d’amateurs tout court. Soyons clairs, ces commerçants n’y connaissent déjà rien en matière
de tabac !

Ça marche aussi en le questionnant sur les effets du tabac sur
la santé. Il n’en a aucune idée parce qu’il s’en tape et que c’est
pas son job. Il vend des clopes. Les risques sanitaires avec le
cannabis différant considérablement de ceux liés à la consommation
de tabac, il est important qu’un réseau de vente soit
formé en conséquence, ne serait-ce que pour orienter vers des
services spécialisés. Ces risques sont surtout incomparables,

Posez la question à votre buraliste : « Je souhaite changer, trouver un goût plus rond, un arôme moins âcre, plus doux. Quelle marque me conseilleriez-vous ? » Vendre des feuilles à rouler, aussi longues soient-elles, ne fait pas de toi un expert en cannabis, comme vendre des tire-bouchons ne fait pas de toi un sommelier. et il est hors de question d’associer un produit responsable de près de 80 000 décès par an à un produit dont le risque létal est quasi nul. C’est encore plus aberrant lorsque l’on sait que les risques liés à la consommation de cannabis sont aggravés par la co-consommation de tabac (dépendance à la nicotine) et par la combustion (goudron, monoxyde de carbone). À l’heure où des dispositifs de vaporisation performants permettent de dissocier le cannabis de la nicotine
et de réguler ainsi plus facilement la consommation de cannabis en minorant les risques pulmonaires, associer la vente de ces deux produits serait une hérésie. Qui dit vente, dit juste prix, une des variables
majeures dans l’équation de la légalisation. Trop cher, le trafic perdure. Pas
assez, il n’est pas en adéquation avec les impératifs de santé publique. Les buralistes viendraient polluer ces discussions de leurs jérémiades mercantiles.

Une réponse simpliste à une question complexe

Car c’est bien de ça qu’il s’agit. On peut déjà présupposer que cette annonce ne fait pas l’unanimité dans la profession. Ce qui implique que, sauf prédispositions, un pourcentage non négligeable de buralistes réfractaires
à cette démarche s’y verrait contraint. Ambiance ! Et la majorité
des partisans n’est motivée que par des raisons bassement économiques. « Même s’il y avait un problème de conscience, je le ferais », dixit le président de la chambre syndicale des buralistes du Vaucluse. Nous voilà rassurés. Une partie de la clientèle ne serait par ailleurs pas plus enjouée de côtoyer des fumeurs de joints de drogues dans le tabac à Lulu. Autant que ces derniers n’auraient envie de croiser la moitié du village quand ils achètent de la weed.

Pourquoi attribuer un marché à des acteurs motivés par de mauvaises raisons, voire carrément hostiles, alors qu’un vivier de personnes compétentes n’attend que ça ? Exclure (encore) les acteurs du trafic, c’est exposer ce nouveau marché à une forte insécurité et la garantie d’une explosion sociale. L’État est dans l’obligation de se confronter à sa politique d’intégration en ouvrant ce marché du travail à une jeunesse qu’elle qualifie de « racaille » depuis des décennies parce qu’elle survit au chômage
et à la discrimination de l’emploi en vendant du shit. Les personnes souhaitant intégrer ce business fraîchement légal devront bénéficier d’une aide à la reconversion, même avec un casier pour infraction à la législation sur les stupéfiants (ILS). Attribuer la vente de cannabis aux buralistes est
une réponse simpliste à une question complexe. Rappelons qu’aucun des modèles de régulation existant n’a opté pour ce choix. Ces petits commerçants vendent du prêt-à-porter, alors que la vente de cannabis nécessite du sur‑mesure. Le cannabis est une affaire de spécialistes et de connaisseurs. À titre de comparaison, les vrais amateurs de cigares (donc de tabac) ne se fournissent pas chez le buraliste du coin, mais dans des caves ou des clubs.

L’exemple de la vape

Le modèle dont la distribution de cannabis devrait s’inspirer reste celui de la cigarette électronique : une gamme de produits diversifiée,
une approche basée sur un principe actif (la nicotine), un discours et des conseils adaptés au niveau de connaissance et aux habitudes de consommation de la clientèle, prenant en compte les goûts et le plaisir. Les vape shops ont adopté une démarche de RdR. Philippe Coy en a d’ailleurs parfaitement conscience, sachant que son réseau est déjà passé à côte de la
vape. L’actualité récente aux États-Unis illustre en outre la porosité déjà existante entre la vape et le cannabis dans un contexte illicite. Au lieu de devenir dangereux et subis, ces liens devraient être régulés et potentialisés à bon escient. Un autre aspect important de l’industrie de la vape dont il faut pouvoir s’inspirer est le commerce en ligne. Un domaine 2.0 dont les buralistes sont absents.

Comme pour le tabac, la question de la plante et de ses principes actifs est aussi soulevée. Les buralistes ont une exclusivité sur la vente de tabac, pas sur la nicotine. Qu’en serait-il du cannabis ?

Des licences doivent-elles être accordées pour la vente de la plante, de ses principes actifs ?

Le réseau de buralistes est le fruit d’une époque moins soucieuse de la santé publique, qu’il a été difficile d’adapter aux aspirations actuelles tant le pouvoir de nuisance des cigarettiers a pris de l’ampleur. Cela ne doit pas se reproduire avec le cannabis et une profonde réflexion impliquant TOUTES les parties prenantes est un préalable inévitable.

L’unique intérêt de prendre exemple sur le réseau de distribution du tabac pour la vente de cannabis serait de s’inspirer de ce qu’il ne faut pas faire.

Georges Lachaze

  1. Nous traitons dans cet article uniquement de la distribution. La question complexe de la production avec ou sans monopole comme la Seita soulève encore d’autres problèmes.

Global drug Survey special Covid-19

Aujourd’hui, nous vous invitons à participer à l’Edition Spéciale de la Global Drug Survey (GDS) sur le COVID-19. La Global Drug Survey est l’une d’est plus grande enquête sur les drogues qui regroupe chaque année 130 000 participants dans plus de 20 pays dont la France. 

La participation à cette enquête vous prendra 10 à 15 minutes dans le cas où vous avez consommé de l’alcool récemment, et un peu plus de temps si vous avez consommé d’autres drogues. Les questions porteront sur la manière dont le COVID-19 a impacté votre situation de vie, vos relations interpersonnelles, et votre santé mentale.

Nous vous demanderons si votre consommation d’alcool et d’autres drogues a évolué depuis le COVID-19, ainsi que sur les évolutions des marchés de la drogue et de l’accès aux services dans votre pays. Enfin, nous vous proposerons de rejoindre une cohorte du GDS en répondant à un questionnaire tous les 30 jours pour rester à jour des évolutions de votre consommation dans cette situation si particulière que nous vivons actuellement. Vous pouvez participer à l’enquête jusqu’à la mi juin, après il sera trop tard !

La participation à cette enquête n’est en aucun cas obligatoire. Vous pouvez choisir de ne pas y participer, et vous pouvez décider de ne pas répondre à toutes les sections. Cependant, une fois que vous avez commencé, vous pouvez vous retirer du questionnaire à n’importe quel moment, mais prenez en compte que les réponses déjà indiquées seront envoyées et utilisées.

L’enquête est menée par une équipe internationale, sous la direction du Pr Adam Winstock et la référente de l’enquête en France est Marie Jauffret-Roustide, sociologue à l’Inserm.

Retrouvez toutes les informations au sujet de la Global Drug Survey sur leur site internet.

Cannabis médical EXPÉRIMENTATION EN 2020

On ne s ’en rend pas forcément compte mais on vit une époque formidable. Asud s ’est enquit auprès de trois experts des progrès accomplis dans la longue marche vers le Graal cannabique à visée thérapeutique. Réponse : il va falloir attendre encore un peu, mais on est sur la bonne voie. Et que l’on se rassure, la guerre à la drogue, elle, se porte toujours bien.

Le cannabis médical est actuellement disponible dans de nombreux pays, et malgré ce mouvement international, la France a longtemps été réticente
à mettre ce sujet à l’agenda politique, en raison de la crainte des gouvernements vis-à-vis d’un cannabis médical cheval de Troie de la légalisation du cannabis non médical.

En juin 2019, l’annonce de la volonté de la France d’expérimenter le cannabis médical a constitué une avancée importante pour les associations de patients qui demandaient à ce que leur situation puisse être améliorée par l’accès à une voie sécurisée. Cette annonce s’inscrit dans un long parcours semé d’embûches. L’utilisation médicale de cannabis et de ses dérivés était en effet strictement interdite en France, jusqu’au décret du 5 juin 2013 qui a octroyé la possibilité d’utiliser des spécialités à base de cannabis, avec une autorisation de mise sur le marché (AMM) française ou européenne. Ce décret a également autorisé les opérations de fabrication, de transport, d’importation, d’exportation, de détention, d’offre, de cession, d’acquisition ou d’emploi. Deux médicaments ont obtenu une AMM. L’un, indiqué dans la sclérose en plaque (Sativex®), n’a jamais été commercialisé, faute d’accord sur le prix. Le second, indiqué dans certaines formes d’épilepsies pharmaco-résistantes (Epidiolex ®), et actuellement disponible en autorisation temporaire d’utilisation (ATU), doit encore obtenir les avis de la commission de transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) pour son remboursement et du Comité économique des produits de santé (CEPS) pour la fixation de son prix. Face à cette situation de blocage, à la demande grandissante de cliniciens et de patients, et au mouvement international de diffusion du cannabis médical, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a mis en place en septembre 2018 un Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) visant à réfléchir à la pertinence d’un accès en France à des préparations à base de cannabis à visée thérapeutique. La composition de ce comité avait une ambition pluridisciplinaire consistant à inclure à la fois des cliniciens, des scientifiques et des associations de patients(1). Ce comité a tout d’abord procédé à des auditions de sociétés savantes, auditions suivies d’échanges avec des acteurs institutionnels ayant tenté l’expérience du cannabis médical à l’étranger (Suisse, Allemagne, Canada) et de discussions entre membres du comité qui ont permis de faire émerger une première série de propositions retenues fin décembre 2018 par le ministère de la Santé et l’ANSM.

Deux ans d’expérimentation

De nombreuses auditions (usagers, producteurs de cannabis médical…) se sont ensuite poursuivies durant le premier semestre 2019. Ceci a permis au comité scientifique d’adopter un projet de cadre d’expérimentation du cannabis médical, avalisé début juillet par les autorités sanitaires et politiques. Enfin, le financement de cette expérimentation vient d’être discuté à l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi financement de la Sécurité sociale suite à une proposition d’amendement déposée par Olivier Véran, qui propose qu’à titre expérimental, pour une durée de deux ans, l’État puisse autoriser l’usage médical du cannabis sous la forme de produits répondant aux standards pharmaceutiques, en dehors des autorisations de mise sur le marché habituelles, dans certaines indications ou situations cliniques réfractaires aux traitements indiqués et accessibles. Elle prévoit aussi que le rapport de cette expérimentation étudie la pertinence d’un élargissement du recours à l’usage médical du cannabis au terme de l’expérimentation, le cas échéant, les modalités de sa prise en charge par l’Assurance maladie. Cela ne sera possible qu’après une modification de l’article R 5 132-86 du Code de santé publique qui n’autorise pour l’instant que l’accès à des spécialités pharmaceutiques, c’est-à-dire avec AMM. L’objectif principal de l’expérimentation sera ainsi d’ajuster le cadre d’une future légalisation de l’usage de cannabis médical. Enfin, les premières données scientifiques françaises de bénéfice-risque de ces produits seront analysées dans les principales indications retenues. Cette expérimentation devrait débuter dans le premier semestre 2020 et pourrait concerner environ 3 000 patients.

Dans quels cas ?

Cinq situations cliniques sont actuellement retenues pour les prescriptions de cannabis à visée thérapeutique en France :

  • les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies accessibles ;
  • certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes ;
  • les soins de support en oncologie (complications liées au cancer ou à ses traitements) ;
  • les situations palliatives ;
  • la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques ou des autres pathologies du système nerveux central.

Ces diverses situations cliniques ont été discutées avec les sociétés savantes concernées à partir des données scientifiques internationales, du retour expérientiel des associations de patients, ainsi qu’avec les pays qui proposent déjà ce type de thérapeutique. Ces cinq indications représentent la majorité des prescriptions dans les pays qui autorisent l’usage médical du cannabis.

Avec quels produits ?

Suite aux auditions des principaux producteurs étrangers de préparations à base de cannabis à visée thérapeutique, il ressort clairement l’existence d’une tendance internationale au développement de véritables préparations aux normes pharmaceutiques (comprimés, gouttes, capsules, inhalateurs, patchs…) en complément ou en remplacement des fleurs séchées historiquement proposées. Ces produits présentent l’avantage d’être plus standardisés, donc accessibles et utilisables par un plus grand nombre de patients et plus faciles à doser que des fleurs séchées. Le comité scientifique de l’ANSM a proposé que soient mises à disposition des préparations de cannabis ou d’extraits à spectre complet sous des formes à effet rapide (huiles à usage sublingual ou fleurs séchées à vaporiser) ou à effet prolongé (capsule d’huile, solution buvable). Selon les indications et les spécificités des patients, cinq compositions différentes en cannabinoïdes, représentant cinq médicaments différents, sont proposées selon des ratios delta-9-tetrahydrocannabinol (ou THC, la substance chimique psychoactive la plus abondante dans les plants de cannabis)/ cannabidiol (CBD, seconde substance la plus abondante après le THC) variables : THC 1/1 CBD ; THC 1/20 CBD ; THC 1/50 CBD ; THC 5/20 CBD ; THC 20/1 CBD.

Une expérimentation encadrée

La décision d’expérimenter le cannabis médical en France s’inscrit dans une volonté d’évaluer la mesure et de la sécuriser par un ensemble de préconisations. Les prescripteurs devront suivre une formation obligatoire. En ce qui concerne la prescription, celle-ci se fera sur ordonnance sécurisée, comme tous les médicaments stupéfiants. Les préparations pharmaceutiques concernées seront dispensées par des pharmacies hospitalières ou officines de ville. Le traitement sera instauré et stabilisé par des médecins exerçant dans des centres de référence des pathologies concernées. Un relais de cette prescription auprès du médecin traitant pourra être proposé. Pour prévenir certains effets indésirables à l’instauration du traitement, une adaptation posologique devra être réalisée par titration (augmentation très progressive des doses) par le médecin, jusqu’à obtention de la dose minimale efficace et d’effets indésirables jugés tolérables par le patient et le médecin. La participation des médecins se fera sur la base du volontariat et impliquera obligatoirement le suivi d’une formation préalable et le renseignement d’un registre national électronique, qui permettra l’évaluation de cette expérimentation. Cette décision va permettre de soulager des patients qui se trouvaient dans des impasses thérapeutiques. Les témoignages que nous avons pu écouter lors des auditions durant les dix mois de travail ont mis en évidence une réalité souvent méconnue. Durant des années, des patients ont été réduits à se procurer du cannabis de mauvaise qualité par des voies illégales, sans jamais être certains de la composition du produit et de ses effets thérapeutiques potentiels. Cette avancée pour les patients permettra une amélioration de leur qualité de vie. Nous pouvons nous féliciter que cette décision ait pu dépasser les blocages habituels autour du cannabis en France. Cette démarche d’autorisation du cannabis à visée thérapeutique s’inscrit dans une attention apportée aux savoirs des patients dans l’amélioration de leur prise en charge. Cette ouverture nécessite également de rester vigilant face à une potentielle prise de pouvoir de certains acteurs économiques qui pourraient voir dans le cannabis médical un nouveau marché à prendre.

Nicolas Authier, Georges Brousse, Marie Jauffret-Roustide

  1. Des associations de patients douloureux non spécifiquement attachés à la promotion du cannabis médical

Du côté des patients

Fondée par des patients, l’association Principes actifs a pour but de créer un réseau regroupant des personnes atteintes de maladies susceptibles de réagir favorablement à la prise de cannabis et qui en font usage. Depuis la création de l’association, il y a dix ans, nous avons collecté des centaines de témoignages et attestations de médecins en faveur de l’usage médical du cannabis. Nous avons constaté la diversité des maux qui pourraient être soulagés par les principes actifs de tout un panel de variétés de cannabis cultivables. La création du Comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) par l’Agence nationale de sécurité du médicament et l’annonce d’une prochaine expérimentation constituent une formidable avancée pour l’ensemble des malades ayant besoin du cannabis thérapeutique. Nous avons été auditionnés et faisons partie du comité de pilotage. Nous regrettons cependant que seul un nombre restreint de patients (3 000 au total) et de pathologies soient pris en compte. Alors que les membres du CSST n’ont identifié que cinq situations cliniques pour les futures prescriptions de cannabis thérapeutique, nous savons par les années d’expérience de l’association que la réalité de terrain est bien plus vaste. L’émergence des vertus du CBD, celles déjà connues du THC et les potentielles découvertes autour des autres principes actifs de la plante laissent à penser que nous sommes loin de connaître l’ensemble des applications thérapeutiques du cannabis. N’entrant pas dans les situations cliniques décrites pour l’expérimentation, certains patients se sentent abandonnés par la recherche. Après le vent d’espoir soufflé par l’annonce du CSST vient ainsi la tempête de la désillusion pour celui qui ne rentre pas dans les cases… Et le retour au lot quotidien de risques à prendre pour se soigner : interpellation, achat de produit frelaté et/ou de mauvaise qualité. Alors, celles et ceux qui le peuvent le cultivent, ne serait-ce que pour adapter au mieux les variétés et qualités aux réalités de leurs pathologies, en pleine conscience des risques encourus.
Principes actifs

contact@principesactifs.fr
www.principesactifs.org

Mon cannabis au Canada

Le 17 octobre 2018, le Canada de vient le premier pays du G7 à légaliser l’usage du cannabis. Louis Letellier de Saint-Just, président de Cactus, juriste de renom et militant de la réforme des poli tiques de drogues, nous explique comment et pourquoi le « pot » acheté à Montréal n ’aura pas
nécessairement le même effet que celui vendu à Ottawa ou à Vancouver. Alors, légalisation au menu ou à la carte ?

Après la reconnaissance légale de l’accès au cannabis à usage médical en 2001, voilà que le Canada se positionne sur l’échiquier mondial des États réformistes en devenant le second pays au monde, premier du G7, à légaliser l’usage du cannabis. Fronde audacieuse ou gifle prétentieuse si l’on considère la présence dans ce groupe sélect des États-Unis, de la France et de l’Allemagne, lesquels n’ont pas encore de législation nationale sur le cannabis récréatif. La Russie, au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi canadienne sur le cannabis, s’empressait de vilipender sans retenue le pays pour cette « libération narcotique » qui viole les traités internationaux sur le contrôle des drogues. L’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) en fera autant(1). Ces artisans du déni maintiennent sans fléchir la ligne dure, soit celle qui soutient toujours la bonne vieille « guerre à la drogue ».

D’un joint à l’autre

Le 17 octobre 2018, la loi cadre fédérale et les lois provinciales sur le cannabis qui en découlent sont ainsi simultanément entrées en vigueur. Des milliers de Canadiens se sont pointés cette fois, non pas au coin de la rue ou chez leur fournisseur d’herbe, mais simplement à la porte de centaines de points de vente autorisés à travers le pays. « D’un océan à l’autre », la devise du pays, a-t-on ironisé ce même jour, devenait « D’un joint à l’autre ».

Pris d’assaut par des milliers de consommateurs dès l’ouverture, les trottoirs débordent déjà aux alentours des points de vente autorisés de cannabis. Une première journée de légalisation au Québec s’est terminée avec 140 000 transactions dans les succursales de la Société québécoise du cannabis (SQC). Mais à peine plus d’une semaine après la légalisation, on enregistre des retards de livraison et une pénurie de certains produits offerts(2). La demande est plus forte que prévu, des enjeux d’approvisionnement au pays ressortent. Les commentaires des opposants à la légalisation ne se font pas attendre. Pire encore, le nouveau gouvernement québécois, élu le 1er octobre, affiche déjà sa ferme intention de revoir l’âge légal pour l’usage du cannabis et de limiter les lieux permis pour ce même usage.

Plusieurs municipalités (plus de 30 au Québec) adopteront des règlements qui restreignent l’espace public où l’usage de cannabis sera autorisé.

Ainsi, celles et ceux qui auront milité pour que ce jour tant souhaité survienne enfin se demandent peut-être s’il n’aurait pas été mieux de tolérer le flou d’avant, tant la consommation légale du cannabis risque de s’avérer plus contraignante, car les endroits pour fumer son joint tranquille semblent se raréfier. Mais il ne faut pas prendre cette ironie trop au sérieux. Bien au contraire, il faut d’abord se réjouir du fait que le Canada se soit compromis sur la route du changement, s’ajoutant à ceux qui ont déjà franchi le pas ou débuté par la décriminalisation, et à tous ceux qui considèrent maintenant que les réformes des législations sur les drogues doivent s’amorcer concrètement. L’audace est à l’ordre du jour, parce que le modèle international actuel de contrôle des drogues est désuet. Une chose demeure, c’est que la légalisation du cannabis par le Canada, constitue une AVANCÉE DÉTERMINANTE. Et ça, seulement ça, ce n’est pas négligeable.

Un aboutissement signé patience

L’histoire politique canadienne nous apprend que, déjà en 1969, le gouvernement de Pierre-Elliot Trudeau se préoccupait de la question de la légalisation des drogues. En 2002, c’est une commission spéciale du Sénat canadien sur les drogues illicites et le cannabis3, présidée par le regretté Pierre-Claude Nolin, qui recommande une légalisation pure et simple du cannabis. Pourtant, malgré ces orientations et quelques projets de lois déposés, la légalisation du cannabis meurt au feuilleton. Nous devons au sénateur Pierre‑Claude Nolin d’avoir conduit les travaux de cette commission avec clairvoyance, puisqu’il faisait le constat de l’échec de la guerre à la drogue amorcée trente ans plus tôt.

Entre 2005 et 2015, sous un gouvernement conservateur partisan d’une politique des drogues répressive, les lois fédérales sont significativement modifiées pour afficher un durcissement, allant même jusqu’à imposer des peines minimales, retirant ainsi aux tribunaux toute discrétion pour apprécier les faits propres à certaines infractions. C’est l’époque où la réduction des risques (RdR) n’avait aucune résonnance. Il ne faut d’ailleurs avoir aucune réserve pour tenir le gouvernement de l’époque responsable des conséquences de la crise des opioïdes qui sévissait déjà.

En octobre 2015, l’élection d’un nouveau gouvernement libéral dirigé quarante-sept ans plus tard par le fils de l’autre, Justin Trudeau, fait de la légalisation du cannabis une promesse et la RdR reprend sa place.

Le 13 avril 2017, un projet de loi déposé à la Chambre des communes (gouvernement fédéral) attribue au gouvernement fédéral la responsabilité de déterminer un cadre général pour la production, la distribution et l’usage du cannabis, laissant aux provinces celle d’encadrer, par voie de législation, la distribution et l’usage. Toutes les législations, y compris provinciales, entreront en vigueur le 17 octobre 2018.

Cannabis libéré mais encadré

Une loi cadre fédérale oblige donc l’ensemble des provinces à légiférer sur le cannabis selon des règles précises. Les provinces n’ont pas accepté de gaieté de cœur ce « pelletage » de responsabilités dans leur cours, puisque cela voulait aussi dire des coûts additionnels dont certains étaient difficiles à prévoir. Le socle fondateur de la légalisation du cannabis au Canada ne
laisse aucune équivoque : « Le Canada ne fait pas la promotion de l’usage de cannabis, il l’autorise essentiellement sur la base d’objectifs de santé publique, de protection de la santé et de la sécurité des jeunes et d’opposition au marché noir. »

Les campagnes de sensibilisation martèlent des messages de prévention mettant ces jeunes en garde contre un risque de dépendance, tout en leur rappelant que le cerveau est en développement jusqu’à l’âge de 25 ans. On comprendra donc pourquoi on adopte une approche des plus restrictives en ce qui concerne la mise en marché du cannabis, de la publicité à l’emballage. Est-ce exagéré ? Pas vraiment si l’on consulte les statistiques concernant la consommation de la fourchette des 15/24 ans qui est trois fois plus importante que pour la tranche d’âge suivante(4).

Cannabis à la carte

C’était à prévoir. Les provinces affichent des différences importantes, que ce soit pour l’âge légal, les lieux de consommation, la mise en marché ou la culture à domicile.

Modèle de vente

C’était aux provinces de choisir leur modèle. Qui dit « entreprise privée » dit rentabilité. Pour plusieurs, l’inquiétude était grande de perdre le contrôle sur des objectifs de santé publique, sachant que le modèle américain, tel celui du Colorado, bâti autour de l’entreprenariat, était largement décrié. Malgré la pression des instances de santé publique et celle des milieux communautaires, les modèles de vente sont répartis en modèle privé, public/privé, ou étatique. Le Québec a opté pour le dernier, en créant la Société québécoise du cannabis qui sera responsable de l’ensemble des points de vente. Quant à la vente en ligne, règle générale, elle demeure sous contrôle exclusivement public. Le nombre de points de vente projeté variera à terme de 4 à 250, selon les scénarios de chaque province. Une province, la Colombie-Britannique, n’a aucun plafond.

Âge légal pour la possession et la consommation

La loi fédérale suggérant d’établir l’âge légal à 18 ans, un très large consensus s’est imposé à cet égard au sein des provinces. Cela suscite néanmoins l’étonnement, puisque cet âge n’est pas toujours calqué sur celui auquel on atteint la majorité, ni sur celui auquel il est permis de consommer de l’alcool, qui oscillent entre 18 et 19 ans.

Coup de théâtre au Québec, où le gouvernement tout nouvellement élu fera basculer cet âge à 21 ans dès janvier 2020. Un choix hautement controversé, voire dogmatique, qui va à contre-courant du positionnement des autorités provinciales de santé publique et d’une logique d’application de la RdR, compte tenu des données probantes actuelles quant à la consommation chez les jeunes.

Consommation dans les lieux publics

Nous nageons ici dans l’une des sphères les plus délicates de la légalisation du cannabis, laquelle donne le ton sur la latitude que l’on donne au consommateur pour jouir de cette légalisation. Dans l’ensemble des provinces, c’est l’interdiction stricte dans des lieux fréquentés par des enfants : parcs, aires de jeux, milieu scolaire, établissements d’enseignement supérieur, ceux de santé, de justice, culturels, les lieux d’attente d’un transport collectif et les restaurants. Ces règles sur l’usage en public sont donc passablement restrictives. Au Québec, depuis le 1er novembre 2019, il est strictement interdit de fumer ou de vapoter du cannabis dans tout lieu public extérieur ou intérieur. L’espace de consommation se rétrécit !

Usage au travail et à domicile

En milieu de travail, la règle fait l’unanimité. C’est en fait la même orientation que pour l’alcool : tout employé doit être en état d’effectuer adéquatement son travail et de façon sécuritaire. Dans une résidence privée qui n’est pas un immeuble de logements, l’usage du cannabis ne semble pas
causer de difficulté. Cela sera bien différent en ce qui concerne les immeubles à logements multiples, dont les règlements pourront l’interdire purement et simplement. Risque élevé de contestation judiciaire ici également.

Prix et produits vendus

L’attrait principal est d’offrir un produit dont la qualité est contrôlée, ainsi que la teneur en THC. Chaque province décide de l’étendue des produits et des variétés qu’elle offre en vente : cannabis séché ou frais, huile, vaporisateur, joint préroulé, atomiseur oral, capsule… Pour ce qui a trait aux produits comestibles, du chocolat à la poudre cannabinoïde soluble et aux boissons, ils sont légaux au Canada depuis le 17 octobre 2019. L’offre variera selon les choix de chaque province. Les inquiétudes sont palpables,
plusieurs craignant que l’on tombe dans la banalisation de l’usage du cannabis et que l’on ne protège pas suffisamment les enfants d’un accès à ces produits. Quant au prix, il était acquis qu’il devait être inférieur ou se rapprocher de celui connu du marché noir.

Au Québec par exemple, 30 grammes pourront être achetés à la fois, la même quantité étant autorisée pour la possession dans les lieux publics et 150 grammes au maximum à domicile. Le prix au gramme du cannabis séché est en moyenne de 5,25 $ (3,50 €).

Promotion, publicité, emballage

C’est très clair : pas de soldes, pas de commandites, pas de
références à un style de vie. Pas de dégustations sur place, rien
de visible de l’extérieur des points de vente, aucune publicité
à l’intérieur comme à l’extérieur, pas de logo. L’emballage ne
devra, quant à lui, référer qu’au produit vendu.

Sécurité routière

Les codes de la route des provinces s’ajustent en conséquence en prévoyant l’usage de tests spécifiques pour déceler si les facultés d’un conducteur sont affaiblies ou si le taux de THC dans le sang dépasse la norme autorisée (prise de sang prévue). Interdiction stricte de faire usage de cannabis dans un véhicule, que l’on soit conducteur ou passager.

Culture à domicile
La loi fédérale permet la culture à domicile d’un maximum de 4 plants de
cannabis. La culture pourra également être limitée par des règlements municipaux et même par ceux des propriétaires d’immeubles locatifs. Des contestations judiciaires sont déjà entamées pour contrer l’interdiction, notamment au Québec.

Conclusion sur un dossier à suivre

La loi-cadre fédérale légalisant le cannabis trouve donc des mises en œuvre provinciales qui lui donnent différentes teintes. Si les principes sont communs, la manière de les réaliser différera. Malgré la complexité d’application que présente en surface ce tableau, l’accomplissement premier de cette législation demeure, avant tout, l’importante brèche dans la muraille de la « guerre aux drogues » qu’elle permet d’agrandir.

Me Louis Letellier de Saint-Just (Montréal, Canada)

  1. « La Russie condamne la légalisation du cannabis au Canada », journal
    Le Devoir, édition du 23 octobre 2018.
  2. « Pénurie de cannabis : des succursales de la SQDC pourraient être
    fermées », journal Le Devoir, édition du 26 octobre 2018.
  3. Commission d’enquête fédérale sur l’usage non-médical de la drogue
    (1969-1972) ; Commission spéciale du Sénat sur les drogues illicites et le cannabis (2002).
  4. Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, Sommaire canadien juin 2018.

1994-2019 Asud Nimes fête ses 25 ans

Réduction des risques et des dommages,quand transformation sociale rime avec mobilisation des usagers.

Asud Nîmes a 25 ans. Asud Nîmes est un survivant. Avec Asud Mars Say Yeah, l’association est le dernier exemple de l’action d’un authentique groupe d’autosupport au niveau régional , rescapé d’un réseau qui comptait 23 structures déclarées en préfecture en 1996. Que s’est-il passé ? Quel est le secret de l’ADN résistant des Nîmois quand tant d’autres on t jeté l’éponge ou se sont crashés en plein vol ? C’est ce que nous raconte Jef, directeur d’Asud Nîmes et militant historique d’ Asud, une victoire aux points où le KO a été évité de justesse.

Aujourd’hui, la réduction des risques (RdR) et des dommages fait partie du quotidien d’un grand nombre d’usager[ère]s qui fréquentent les Caarud et les Csapa, quand d’autres ont accès à la RdR plus sporadiquement dans l’espace festif ou dans la rue auprès des équipes mobiles. Mais fut un temps où tout cela n’existait pas. Le sevrage était la règle, l’obligation de soins et l’injonction thérapeutique ordonnées par la justice ou les médecins s’imposaient à tous. L’incarcération pour simple détention de quelques seringues n’était pas rare. Les drogués étaient considérés comme des personnes irresponsables et administrativement privés de droits. Durement touchés par le sida, la répression et l’exclusion sociale, les usagers vont toutefois se mobiliser au début des années 1990 pour faire changer
les choses.

Une mobilisation inattendue

Asud, première association d’autosupport en France, voit le jour en 1992 à Paris. L’association milite en faveur de la réduction des risques, de la citoyenneté et contre la prohibition des drogues. Avec Asud-Journal, elle fait connaître ses principes fondateurs et ses revendications, les usagers se retrouvent dans le discours et se mobilisent dans leur région. Entre 1992 et 1995, Asud labélise une vingtaine d’associations, dont Asud Nîmes au mois d’août 1994. D’une ampleur sans précédent, ce mouvement s’organise pour répondre aux besoins les plus urgents, l’accès au matériel stérile et à la réduction des risques, et pour obtenir les droits fondamentaux qui nous étaient jusqu’ici déniés. Les usagers se réapproprient une parole jusqu’ici confisquée et nous devenons un interlocuteur de la Direction générale de la santé ( DGS), qui peine à mobiliser les professionnels encore opposés à la RdR. Avec la création du collectif Limiter La Casse qui regroupe différentes associations et personnalités, Asud trouve des alliés qui soutiennent ses
revendications et ses « 10 mesures d’urgence ». À partir de 1994, la politique de réduction des risques s’affirme peu à peu. Agissant par décrets ministériels, Simone Veil, alors ministre de la Santé, autorise les programmes d’échange de seringues (PES) associatifs jusqu’ici illégaux, le
développement des trousses de prévention (Steribox®), puis le déploiement des programmes méthadone dans la foulée.

Une mobilisation inattendue

Asud, première association d’autosupport en France, voit le jour en 1992 à Paris. L’association milite en faveur de la réduction des risques, de la citoyenneté et contre la prohibition des drogues. Avec Asud-Journal, elle fait connaître ses principes fondateurs et ses revendications, les usagers se
retrouvent dans le discours et se mobilisent dans leur région. Entre 1992 et 1995, Asud labélise une vingtaine d’associations, dont Asud Nîmes au mois d’août 1994. D’une ampleur sans précédent, ce mouvement s’organise pour répondre aux besoins les plus urgents, l’accès au matériel stérile et à la réduction des risques, et pour obtenir les droits fondamentaux qui nous étaient jusqu’ici déniés. Les usagers se réapproprient une parole jusqu’ici confisquée et nous devenons un interlocuteur de la Direction générale de la santé ( DGS), qui peine à mobiliser les professionnels encore opposés à la RdR. Avec la création du collectif Limiter La Casse qui regroupe différentes associations et personnalités, Asud trouve des alliés qui soutiennent ses
revendications et ses « 10 mesures d’urgence ». À partir de 1994, la politique de réduction des risques s’affirme peu à peu. Agissant par décrets ministériels, Simone Veil, alors ministre de la Santé, autorise le programmes d’échange de seringues (PES) associatifs jusqu’ici illégaux, le développement des trousses de prévention (Steribox®), puis le déploiement des programmes méthadone dans la foulée.

La mise en œuvre

Hormis Médecins du monde, Aides et quelques associations militantes, le
déploiement des dispositifs peine. C’est dans ce contexte que le réseau Asud s’implique dans des actions de proximité et qu’Asud Nîmes ouvre, en septembre 1995, son premier lieu d’accueil/programme d’échange de seringues dans un appartement, grâce au financement d’Ensemble
contre le sida (qui deviendra Sidaction) et avec le soutien de la municipalité de l’époque. La chose n’est pas simple, les préjugés sont nombreux et nous devrons faire nos preuves face à une administration locale poussée à soutenir cette expérimentation par le ministère. Pour des raisons stratégiques, les deux premières salariées de l’association ne sont pas usagères de drogues, nous nous contentons d’emplois aidés que nous consolidons par la suite. Au mois d’octobre 1996, un premier CDI à ¾ temps est signé par un ancien consommateur. Il fallait convaincre le scepticisme de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) et son pendant régional, la Drass, et obtenir des résultats. En fédérant dès 1995 un réseau de prescripteurs et avec le soutien de quelques médecins militants et pharmaciens, nous avons d’une part favorisé l’accès rapide au Subutex® en médecine de ville de près de 400 usagers en un an et d’autre part, démontré notre capacité à œuvrer dans l’intérêt des personnes concernées.

Les épreuves

Le 20 décembre 1996, Véronique Cerf, présidente fondatrice de l’association, meurt du sida, comme de nombreux pionniers et pionnières d’Asud. Le coup est rude mais nous faisons face collectivement. Assurer la continuité des actions en sa mémoire devient notre priorité. Véronique fut la première d’une funeste liste parmi les dirigeants de l’association disparus au cours de leur mandat. Olivier Heyer, qui lui succéda, meurt en 2012 ainsi que Yan Villars, en 2015, également ancien président de l’association. Ma pensée va vers toutes celles et ceux qui ont fait un bout de chemin avec nous, qui ont aujourd’hui disparu et que nous n’oublions pas. Cette situation, tous les groupes Asud l’ont connue. C’est certainement une des raisons des premières dissolutions de certains Asud, les « successions » entraînant des crises de leadership et des ruptures. Ne nous voilons pas la face, le rapport aux produits fut également au cœur de crises nombreuses
et cause de scissions ou d’abandons. Il n’en demeure pas moins que d’autres Asud en régions n’ont jamais pu obtenir un soutien affirmé des pouvoirs publics locaux et se sont épuisés par manque de moyens financiers. À Nîmes, nous avons traversé ces épreuves, le navire a parfois tangué dans la tempête, mais d’autres épreuves nous attendaient.

Le temps de la professionnalisation

Au début des années 2000, nous obtenons le statut de « Boutique » et l’équipe est désormais composée de 5 salariés, dont un temps d’éducateur spécialisé et un temps d’infirmière (12 heures/semaine). Nos missions évoluent, les financements se consolident et nous théorisons une méthodologie d’intervention de façon à défendre la participation et l’expertise des pairs dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire et de financements publics. Même si la professionnalisation est en marche, nous
sommes toujours dans un contexte expérimental. La DGS financera 16 formations destinées au réseau Asud national, et nous poursuivrons localement cette dynamique avec nos principaux partenaires. Puis vint
le temps de l’agrément Caarud, la RdR va perdre son caractère expérimental. Nous l’obtenons au mois de novembre 2006 et découvrons avec ce passage au médicosocial les exigences réglementaires et
un cadre normatif renforcé. Le décret du 17 février 2007 rend les diplômes obligatoires, et les assurances qui nous avaient été données par le ministère de la Santé de conserver les personnes non diplômées ne seront jamais suivies d’effet.

Une normalisation douloureuse

En janvier 2009, l’Agence régionale de santé (ARS) cible comme par hasard les deux postes occupés par des salariés sans diplôme et financés par l’Assurance maladie : le mien et celui de l’intervenant de terrain (douze ans d’ancienneté), jusque-là rémunéré sur une base d’éducateur spécialisé.
Ma rémunération de directeur est réduite de 3 échelons et celui de mon collègue est aligné sur la plus basse rémunération de la convention collective (AMP). Rendez-vous est pris à l’ARS, les échanges sont tendus et nous n’obtenons aucun aménagement de la mesure. Face à cette inflexibilité, je me résigne à une diminution de salaire et n’ai pas d’autre choix que de trouver un financement complémentaire pour maintenir l’autre poste. Me voilà donc dans l’obligation de rechercher des fonds supplémentaires, que nous trouverons finalement auprès du conseil régional, une subvention pour cinq ans qui ne fait qu’équilibrer le fonctionnement du Caarud. Les projets sont réalisés pour ainsi dire bénévolement et nous avons l’obligation de nous engager dans une formation diplômante. Cette perspective met en difficulté mon collègue,
à qui l’école n’évoque que de douloureux souvenirs. Il opte pour une Validation des acquis de l’expérience (VAE) de trois ans, qui deviendront trois ans de descente aux enfers. Il dégringole lentement mais sûrement, au point qu’après une suspension temporaire imposée par la médecine du travail, il sera définitivement arrêté et spécifiquement interdit d’emploi dans la RdR ou l’addictologie. Il ne se relèvera pas de cet échec. Devenu membre du conseil d’administration d’Asud, il semblait aller mieux… mais meurt brutalement d’une overdose de cocaïne en 2015… Pour ma part, j’ai opté pour le Cafdes(1), que j’ai validé cette année. Alors que la Haut autorité de santé (HAS) préconise actuellement la participation des pairs comme facteur d’amélioration des pratiques professionnelles dans se recommandations de bonnes pratiques professionnelles en Caarud, nous n’avons bénéficié d’aucun aménagement.

La participation des pairs

L’autosupport et la participation des pairs est un des fondements de la réussite de la RdR. Comment aller vers les usagers dans des espaces par définition clandestins si l’on n’est pas introduit auprès des personnes qui y vivent ? Comment créer de la proximité et obtenir l’adhésion des usagers si les actions et les pratiques ne sont pas suffisamment adaptées à leurs besoins et leurs attentes ? L’autosupport est à même de connaître bien avant les pouvoirs publics les nouvelles tendances de consommation et l’évolution des pratiques, c’est une expertise de terrain, valeur nouvelle dans un contexte marqué par la fameuse « distance professionnelle »
des travailleurs sociaux. Si l’institutionnalisation des Caarud a pu un temps
laisser penser que l’autosupport n’était plus indispensable pour favoriser l’aller- vers et la proximité, il est aujourd’hui reconnu que l’éducation par les pairs est une notion fondamentale de l’empowerment. On peut facilement en évaluer tout l’intérêt dans l’espace festif. Reconnaître à l’usager une capacité d’expertise et promouvoir l’éducation par les pairs sont des principes essentiels pour les associations de santé communautaire comme le Tipi, Techno + ou Asud. Aujourd’hui, l’HAS, rappelle aux Caarud toute la pertinence de la participation des pairs et des principes qu’elle sous-tend. Asud ne peut que s’en réjouir, même si cela nous laisse un petit goût amer. Nous avons toujours soutenu les évolutions en la matière dans les établissements et les dispositifs. Toutefois, nous souhaiterions que les expérimentations et les enseignements que nous tirons du passé soient évalués et capitalisés. Asud dispose de vingt-cinq ans d’expérience en matière de participation des pairs dans le champ de l’usage de drogues. Nous avons rencontré à peu près tous les scenarii possibles et nous savons qu’en général, ce sont les usagers qui paient la note du manque d’efficacité des dispositifs. J’espère donc que c’est bien une vision humaniste qui prévaudra dans la mise en œuvre de la participation des pairs en Caarud et ce, au-delà des objectifs d’action, des aspects réglementaires et des enjeux stratégiques. Prendre en considération l’intérêt des personnes avant tout, évaluer les facteurs de risques inhérents à chacun, ne pas les exposer, reconnaître leurs compétences en les associant aux prises de décisions
stratégiques et organisationnelles, définir des procédures d’accompagnement, de gestion des conflits, valoriser leur participation,
penser l’après, autant de défis aussi complexes, voire plus, que le management d’une équipe salariée de professionnels diplômés.

Jef Favatier, directeur d’Asud Nîmes

  1. Certificat d’aptitude aux fonctions de directeur
    d’établissement ou de service d’intervention
    sociale
    .

Décrocher de la métha,l’autre drame des opioïdes

Depuis quelques années, deux pages explosent littéralement les chiffres de
fréquentation du si te d’ Asud : « Décrocher de la méthadone »1 et « Y a-t-il-une vie après la méthadone ? »(2). Le succès grandissant de ces deux pages Internet écrites il y a vingt ans et mises en ligne il y a plus de dix ans nous interpelle au regard du manque criant de visibilité du sujet évoqué. Les traitements de substitution aux opiacés ( TSO) représentent un progrès
historique indéniable, mais peuvent aussi représenter une prison construite par les laboratoires pharmaceutiques si la parole des usagers est ignorée. Florilège des commentaires d’internautes.

Six mois de manque pour rien (2015)

Bonjour, je suis sous méthadone dosée à 30 mg, suite à un problème d’addiction à la morphine et à la codéine. J’ai tenté une cure de désintox qui s’est très mal passée. Je suis ce qu’on appelle un « métaboliseur lent ». Le protocole de ma cure consistait à remplacer la méthadone par du Suboxone®. Il me fallait donc attendre 24 heures pour pouvoir prendre le Suboxone®, à cause des effets antagonistes(3) que cette substance induit. Dès que tu es en manque, c’est toi qui dois aller demander ta dose de Suboxone® au bureau infirmier. Chaque prise, c’est 2 mg avec un maximum autorisé de 16 mg par jour. Cette procédure dure une semaine et à la fin, la psychiatre évalue la moyenne de doses prises par jour et établit un plan de sevrage qui s’étend sur quinze jours. Par exemple, on commence avec 4 fois 2 comprimés de 2 mg par jour et le lendemain, on retire un comprimé le matin, le surlendemain un comprimé le midi, etc. Ensuite, on supprime le comprimé du matin, puis du midi et puis du coucher, pour finir, on laisse celui du soir encore deux jours et puis fini. Quand le patient a fini son sevrage, il reste une semaine de plus en observation et retourne à la vie active. Le souci, c’est qu’étant « métaboliseur lent », au bout de 30 heures, je ne ressentais toujours pas d’effet de manque et mon infirmière référente commençait à me soupçonner de consommer des substances. Pour faire taire ses soupçons, j’ai donc simulé un début de manque et j’ai pris mon premier comprimé de 2 mg de Suboxone®. Erreur : 10 minutes plus tard,j’étais aux toilettes en train de me vider et j’ai commencé à vomir et me sentir vraiment très mal. J’ai commencé à devenir très agité et dans un état vraiment bizarre, tremblements, douleurs, je gigotais dans tous les sens. J’allais réclamer mes comprimés, mais sans aucun effet. J’ai passé une nuit horrible sans dormir une seule minute. Cet état a duré trois jours avant de s’estomper petit à petit. Pour mon cas, la procédure a été rallongée d’une semaine avant que je puisse avoir mon plan de sevrage. Étant stabilisé, la cure s’est déroulée normalement jusqu’à l’arrêt du Suboxone®. Je ne ressentais aucun effet de manque, rien, je me suis même dit que c’était vraiment facile un sevrage. Je suis resté deux semaines en observation car les médecins voulaient être sûrs que tout irait bien. Pendant une semaine, nickel, pas de manque, état normal, sommeil normal. Une semaine après,
j’ai commencé à avoir mal dans les jambes et à avoir des nuits difficiles, pas moyen de dormir, je me retournais tout le temps. Ensuite, j’ai commencé à ressentir des frissons dans tout le corps, j’avais toujours froid, même quand je me mettais contre le radiateur. Le médecin traitant a diagnostiqué une grippe. Ils m’ont donc laissé rentrer chez moi au bout de la semaine même si je me sentais toujours aussi mal. Chez moi, les journées étaient terribles, mes jambes allaient dans tous les sens dès que j’étais assis, mon moral était à zéro, j’avais plus du tout d’énergie, tout me paraissait difficile. Même me faire un café était pour moi comme une montagne à franchir. Niveau sexuel, j’éjaculais direct, impossible de me retenir, ma femme était au début compréhensive mais ça n’a pas duré. Je suis resté dans cet état pendant
deux mois et ça n’évoluait pas. Alors, j’ai commencé à acheter du sirop pour la toux avec de la codéine et je me suis senti directement mieux, c’était donc bien le manque qui me mettait dans cet état. Je devais partir en Tunisie une semaine plus tard et comme je ne voulais pas gâcher mes vacances, je suis retourné voir mon médecin pour remettre un traitement méthadone en place. Mais il faut être positif à l’héroïne, à la morphine ou à la méthadone, ce qui n’était pas mon cas. À contrecœur, j’ai donc fumé un peu d’héro avec un gars qui fréquentait le centre. Je me suis senti bien direct et j’ai pu avoir mon ordonnance 10 minutes après. Voila, j’avais envie de partager mon expérience en espérant que ça aidera.

David

Un jour, je retournerai en Serbie (2019)

J’ai pris de la méthadone pendant sept ans, jusqu’en juin 2016. Je prenais toutes sortes de drogues mais je pensais que c’était mon addiction à la méthadone qui pourrissait ma vie. Je suis alors parti en Serbie, à la clinique Vorobiev de Belgrade(4). J’ai choisi cette clinique car ce pays est le seul en Europe à autoriser l’ibogaïne. Et ce sont des médecins suisses compétents (sic). Je prenais donc 200 mg par jour (100 mg matin et soir), et je suis un métaboliseur rapide, ce qui veut dire que mon corps assimile tout plus vite. D’où les deux doses. Avant le traitement, je m’injectais 4 à 7 grammes de rabla (héroïne marron) par jour. Ils m’ont fait baisser de 30 mg par jour pendant six jours (je faisais de grosses crises de manque qui étaient instantanément soulagées par des injections de je ne sais quoi) puis arrivé à 20 mg, ils m’ont endormi douze heures pour éliminer toute trace d’opioïdes dans le corps. C’est très violent, lorsque l’on se réveille, on porte une couche, on se fait dessus, on ne tient plus debout. L’opération est répétée deux jours plus tard. Puis une semaine plus tard, on vous propose la fameuse séance d’ibogaïne (un psychotrope naturel qui soigne les addictions). Ça fonctionne réellement, et je me suis régalé, le trip est excellent. Après, je rigolais, j’avais l’impression d’être en teuf. Je suis rentré en France avec des médocs à prendre pendant deux mois. J’ai été très faible pendant trois mois, je dormais 18 h/jour. J’avais très mal aux genoux et je me sentais dépressif Mais j’étais guéri !!! J’ai repris le travail au bout de quatre mois.Tout allait bien, sauf que c’est à ce moment-là que j’ai repris les soirées, le son, les amphétamines, LSD, kétamine, cocaïne en intraveineuse en fin de week-end. Et forcément, en juillet 2018, j’ai rencontré une fille qui tapait de l’héroïne des fois. J’ai réessayé (une fois, ça peut pas faire de mal…), un mois plus tard, j’étais en manque. J’ai repris la méthadone en septembre, cela fait un an et demi. Je suis à 340 mg par jour, malheureusement, mais j’ai compris que ce n’était pas grave car un jour, je retournerai en Serbie…

Kif

Les 12 étapes (2018)

Je voudrais vous faire part de mon expérience car je vois que beaucoup de personnes posent la question du sevrage de méthadone. Je vais faire très attention aux mots que je vais employer car ils peuvent faire très peur et créer de nombreuses inquiétudes qui peuvent mettre en panique, voire des symptômes avant même que le processus de sevrage soit engagé… J’ai été (je suis…) dépendant aux opiacés pendant vingt ans. À la naissance de ma fille, ayant touché le fond, j’ai frappé à la porte d’un centre de soins pour toxicomanes dans le 95. Un vrai centre avec psychiatres,psychothérapeutes, assistants sociaux, infirmières, etc. C’était en 2004. Après avoir essayé différentes méthodes, genre prescription d’opiacés à réduire petit à petit, mon psychiatre m’a prescrit de la méthadone après tout le protocole. J’étais dans une réelle logique de soins avec l’idée de m’en sortir. On m’avait demandé d’arriver en manque le lundi matin… Au bout de quelques heures, après avoir pris mes 40 mg, je me suis senti super bien, heureux, pas de manque et euphorique sans être défoncé… Sauf que cet état n’a duré que deux jours… J’ai commencé à 40 mg, comme tout le monde, pour arriver en quelques jours à 110 mg/jour, zone de confort. Il était hors de question qu’à 35 ans, je prenne de la métha toute ma vie. J’ai donc commencé un sevrage lent et au bout de cinq ans, j’étais à 3 mg/jour. Sauf que je me suis retrouvé en HP pour dix semaines, pas de manque physique mais confusion mentale, dépression, idées suicidaires, disjonctage psychique ! Je me suis retrouvé dans un centre « totalitaire » (genre la fille de Jane Birkin) et ce connard de
psychiatre de l’HP m’a supprimé tout traitement, pas d’anxiolytiques, somnifères, antidépresseurs… Bref, dix semaines d’enfer avec des thérapeutes aux compétences douteuses soi-disant ex-toxico qui te font la morale 24 h/24. Je sors de là sevré mais très très mal au niveau psychique, je pars me reposer chez des amis à la campagne. Un soir, j’ai un putain de mal de crâne et je cherche de l’aspirine et dans l’armoire à pharmacie, je tombe sur du Codoliprane®, j’en prends 2, une heure plus tard, je
prends toute la boîte, le lendemain, je vais acheter une boîte de Néo-codion® et là, je n’ai rien compris : rechute totale et retour à la case départ. Love, Peace & Unit.

P2P

En essayant Dieu, je suis devenu dépendant et en plus, j’essaye de pécho sur le site d’Asud (2016)

Je suis un ancien tox, moi aussi j’étais sous méthadone, cela faisait quatre ans que j’étais sous traitement à 60 mg plus les anxio (Seresta®, Valium®, Lexomil®). J’ai vu des docteurs et pas les petits du coin mais un médecin connu de l’hôpital et un professeur du CHU, en passant par les psy, des séances de relax… Une chose est sûre, c’est que j’en avais marre d’être esclave d’un flacon tous les matins, mais plus le temps passait et moins je voyais la fin. J’ai même attenté à ma vie. Et un jour, j’ai entendu l’Évangile
qui veut dire « bonne nouvelle » en grec. La bonne nouvelle, c’est que Dieu nous aime mais que notre péché nous sépare de lui ici et dans l’Eternité… J’ai donné ma vie à Jésus… Il nous tend la main, c’est à nous de la saisir… À la suite de ça, je me suis marié, je n’avais pas de travail, j’ai obtenu un CDI avec une bonne situation et aujourd’hui, ça fait deux ans que j’ai donné ma vie à Jésus. Je vais être papa, tout va bien et je n’ai jamais retouché depuis à toute drogue, méthadone et même à la cigarette. Je ne sais si tu as lu jusqu’ici et ce que tu en penses, mais je te souhaite de trouver Jésus. Dieu se laisse trouver. Sois béni

D.

La réponse d’Asud

Normalement, j’aurais dû mettre ton commentaire à la corbeille, comme nous le faisons avec ceux (très nombreux) qui proposent des prods. Oui les prods, les religions, les sectes, tout ça, pour nous, c’est pas kasher. Nous défendons la dignité et les intérêts des personnes qui consomment ou qui ont consommé des drogues illicites, cela inclut de les préserver de toutes les entreprises qui les désignent à la manipulation, qu’elle soit chimique ou mentale… Ton commentaire me permet donc de préciser publiquement les limites qui s’imposent lorsque l’on doit s’exprimer sur notre site. En plus, dans une période où la laïcité est bringuebalée et souvent dévoyée, cette tirade pro-Jésus et antidrogue m’interpelle, comme on dit à la Brigade. Ce qui me choque le plus, c’est que si tu étais musulman et si tu avais balancé une tirade sur le mérite d’Allah contre Shaitan méthadone, tu frisais la Liste S. Mais là, comme tu nous parles de Jésus et d’amour, cela te semble naturel de venir squatter nos pages avec ton prêche. Non, non et non ! Je n’ai rien contre le fait de se tourner vers la religion à titre personnel, y compris pour prendre de la distance avec une consommation de drogue, mais par contre, ne venez pas appâter notre communauté avec vos colifichets, votre bimbeloterie mystique qui relève de votre intimité. En termes clairs, cela s’appelle du prosélytisme. C’est donc l’unique commentaire de ce type que nous laissons passer et ce, à titre d’avertissement pour les autres. God Bless You Too.

Décrocher simplement en utilisant… la vie ordinaire (2016)

Salut tout le monde, j’ai réussi. Réussi à arrêter après dix ans de traitement. Quelle victoire immense. J’avais réussi à descendre à 3 mg puis le lendemain, je l’ai oublié, je suis partie au travail et je me suis dis « fuck off », c’est maintenant, je le sens. Alors mal de jambes, surtout le soir au coucher les 4 premières nuit… très peu dormi, je prenais 5 bains brûlants par nuit pour me détendre les jambes. Après ça, j’arrivais à dormir quelques heures même si c’était dur. Même endormie, je tapais dans tous les sens paraît-il. Voilà maintenant un mois et demi que j’ai arrêté. Je dors peu et je suis assez nerveuse. Mais honnêtement, pleine d’une nouvelle force, sûrement la fierté d’y être arrivée. Envie de plein de nouvelles choses. Par contre, l’arrêt de la méthadone, ça devait être un « nouveau » moi, une grande révélation sur ce que j’allais faire de ma vie, une santé et une énergie de malade, bref, un miracle. Mais au fond, les tourments qui m’avaient poussée dans la rabla, eux, sont toujours là. Rien de miraculeux dans cette nouvelle vie. Une réussite ingrate. Personne pour te féliciter. Je m’attendais à quelque chose de tellement énorme que je suis déçue. Finalement, c’était pas si dur, mais très décevant. Et on se pose beaucoup de questions. Il y a tout plein de positif dans tout ça, mais aussi une triste réalité. La came n’était pas une lubie, c’était simplement le seul remède à mes maux. Alors maintenant, à presque 30 ans, va falloir avancer et être forte.

L.

Vive la méthadone (2017)

Tout à commencé par une première fois et pour moi, c’était les ecstas. J’avais 19 ans, étudiante en lettres et désireuse de passer l’examen pour devenir éducatrice spécialisée. Je m’inscris, je passe l’écrit et je suis admise à l’oral. J’allais réaliser mon rêve, mais j’échoue à ce fameux oral. J’étais antidrogue, je ne fumais même pas de clopes. Un soir, mon copain de l’époque me propose un ecsta, je refuse catégoriquement à plusieurs reprises mais il insiste, jusqu’à me mettre le cacheton dans la bouche !! À ce
moment précis, j’aurais dû recracher et me barrer en courant mais je ne l’ai pas fait, j’étais amoureuse. Pour moi, c’est le point de départ de vingt années de toxicomanie avec des arrêts plus ou moins importants : ecstas, cannabis, cocaïne, champi hallucinogènes, clopes, alcool, lsd, pour finir par celle qui ne me lâchera plus jusqu’en février 2017 : l’héroïne. Jusqu’à aujourd’hui, mon parcours est teinté de hauts et de bas et même de très bas jusqu’à dire bonjour à la dame à la faux, mais je ne regrette rien. Il m’a tout de même fallu plus de vingt ans pour commencer à me débarrasser de cette drogue, cette fausse amie. Alternant entre décroches à la dure, Subutex®, abstinence, rechutes, un jour, j’en ai eu assez : j’ai quitté mon compagnon, ma famille, ma maison, mon travail. J’ai dit stop à la drogue, stop à cette spirale infernale. La méthadone, ma famille, mon addictologue et de toutes nouvelles rencontres me permettent de me reconstruire, de respirer enfin, de sentir, de toucher, d’éprouver, de pleurer, de déguster un repas, de vivre, tout simplement. La drogue nous isole, nous désocialise même si on a un taf, elle nous rend agressif, passif, égocentrique replié sur nous-mêmes. On se ferme à la vie, on devient aveugle insensible… Si vous souhaitez vous sortir de l’addiction, je n’ai pas de recette miracle. Je peux juste vous dire que je vais mieux dans mon corps et dans ma tête aujourd’hui… Ça serait trop facile, mensonger aussi, et bien prétentieux de ma part de vous dire « alléluia, j’ai le remède miracle ! ». Entourez-vous de personnes bienveillantes, l’amour est source de motivation et d’épanouissement, mais aussi la famille, l’amitié, les échanges avec les autres. Pensez à agir (sport, sorties, passions) et à vous bouger.

Angèle

  1. http://www.asud.org/1998/12/10/methadone-decrocher/
  2. http://www.asud.org/1999/10/10/methadone-experience/
  3. La buprénorphine contenue dans le Suboxone® se fixe sur les récepteurs
    neurocérébraux, réceptacles habituels de la méthadone, et induit un
    effet de manque accéléré. Une méthode de sevrage originale qui semble
    avoir été utilisée à Bruxelles.
  4. Il s’agit d’un programme de cure payant qui applique la méthode dite
    UROD (Ultra Rapid Opiate Detox) à base d’injection de naloxone. Voir
    http://www.asud.org/2009/04/26/sevrage-urod/
couverture brochure VHC

Nouvelle brochure VHC

Retrouvez dans cette nouvelle brochure toute l’information sur l’hépatite C cette maladie qui se caractérise par la destruction des cellules du foie, causée par un virus, l’alcool, les drogues ou les médicaments.

En plus d’une définition de la maladie vous trouverez dans la brochure toutes l’info sur les différentes prises de risques ou l’on peut retrouver l’hépatite C ( injection, sniffe, inhalation, relations sexuelles ou encore hygiène quotidienne)

On vous a listé les moyens de dépistage avec le lien pour trouver le CeGIDD (Centre gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic) le plus proche de chez vous ou les TROD (Test Rapide d’Orientation Diagnostique) qui sont des auto test à acheter en pharmacie.

Enfin nous avons dans cette brochure passés en revue les différentes méthodes d’analyses qui permettront d’avérée la présence et l’avancer de la maladie afin de choisir le traitement le mieux adapté selon que vous ayez ou non une cirrhose, que ce soit ou non votre premier dépistage.

Nous terminerons par vous donner quelques billes pour bien préparer votre traitement et le suivre au mieux, pour clôturer un quiz avec les questions qui nous reviennent le plus souvent.

Pour passer commande via notre boutique en ligne ou le bon de commande.

Drogues et Genre

EHESS, 6-7 juin 2019

Amphithéâtre de l’EHESS, 105 bd. Raspail, 75006 Paris

Colloque organisé par Anne Coppel, Alessandro Stella et le Groupe Genre du CRH

La consommation de drogues n’échappe pas aux constructions sociales et culturelles genrées. Si, chez les jeunes occidentaux d’aujourd’hui, la consommation d’alcool s’est largement répandue chez les femmes, y compris dans les espaces publics, ce phénomène est tout-à-fait récent, car pour les générations précédentes d’Européens et d’Américains les femmes qui buvaient dans les cabarets, les tavernes et les bars, étaient stigmatisées et couvertes de toute sorte d’infamie. À l’instar de l’alcool chez les occidentaux, toutes les autres drogues psychotropes semblent avoir été historiquement des consommations majoritairement masculines. Que ce soit l’opium dans les sociétés indiennes, iraniennes, chinoises, la coca chez les peuples des Andes, ou encore le khat au Yémen et dans la Corne d’Afrique. Faut-il croire que les hommes ont éloigné les femmes de l’accès aux « plantes des dieux » ? Ou alors que les femmes ont pris elles-mêmes des distances avec des substances modifiant les comportements personnels et les relations sociales ? Pourtant, un peu partout, les curanderas, les sages-femmes et d’autres femmes moins sages, se sont appropriées des plantes soignantes. L’histoire au présent des usages de drogues semblent rompre bien de traditions, sous l’effet de la diffusion rapide et mondiale des substances et des changements des comportements personnels. L’hypothèse que nous formulons est que ce n’est pas le type de psychotrope en soi, ni les effets attendus qui produisent une consommation différente selon le genre, mais le cadre culturel, relationnel, dans lequel vivent des hommes et des femmes qui en influence l’usage. Entre psychotropes soignants, ludiques, performatifs, les drogues se mélangent aux construction de soi et à l’environnement collectif.

Jeudi 6 juin 2019, matin : Différence de genre, mélange de drogues

Anne Coppel, sociologue, Présidente honoraire d’ASUD = Introduction = « Drogues et Genre »

Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue, EHESS = « Etats psychotropes et différence des sexes : l’ivresse est-elle sexuée et/ou sexuelle ? »

Cristina Diaz-Gomez, sociologue OFDT = « Usage de drogues chez la population féminine en France, recours aux soins et situation épidémiologique : quelles spécificités ? »

Onata Chaka Coulibaly, Psychologue, Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan = « Genre et usages de drogues en Côte d’Ivoire »

Florent Schmitt, sociologue, Université de Paris XI, et Maïa Neff, sociologue, Université de Laval (Quebec) = « Femmes enceintes, drogues et traitement institutionnel »

Jeudi 6 juin 2019, après-midi : La morphinée, le mauvais genre

Emmanuelle Retaillaud-Bajac, historienne, Université de Tours = « Les drogues au féminin en France, du XIXe siècle aux années 1930 : ambiguïté et contradictions d’une représentation genrée »

Zoé Dubus, historienne, Université d’Aix-Marseille = « La morphinée : construction et représentation d’un mythe dans le discours médical »

Xavier Paulès, historien, EHESS = « Les femmes et l’opium à Canton sous la République (1912-1949) »

Malika Tagounit, intervenante centres de soins = « Héroïne et genre en France dans les années 1970 »

Vendredi 7 juin 2019, matin : Genre et drogues entre usages traditionnels et modernes

Maziyar Ghiabi, historien, Oxford University = « Le genre de l’intoxication. Les femmes iraniennes et l’expérience des drogues »

Maggy Granbundzija, anthropologue = « La révolution (du genre) par le qat ? »

Kenza Afsahi, sociologue, Université de Bordeaux = « La consommation de cannabis au Maghreb : une sociabilité masculine ? »

Vendredi 7 juin, après-midi : Sexe et drogues

Virginie Despentes, écrivaine = « Sexe, drogues et rock and roll » (sous réserve)

Laurent Gaissad, sociologue, Ecole d’architecture de Paris = « Où sont les hommes ? Masculinités gays à l’épreuve du chemsex »

Thierry Schaffauser, travailleur du sexe, STRASS = « Drogues et travail sexuel »

Gianfranco Rebucini, anthropologue, EHESS = « Drogues et politiques queer »

Contact :

Alessandro.stella@ehess.fr

vuckovic@ehess.fr

Anne Coppel : « Introduction »

Résumé: Si la consommation de drogues est soumise à l’emprise des normes de genre, elle a aussi accompagné la mise à l’épreuve de ces normes. A plusieurs reprises au cours du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, l’hétérosexualité construite comme norme naturelle a été interrogée par les mouvements de libération des femmes, et, en leur sein ou à leur marge, par les voix dissidentes théorisées par la problématique queer. Parce qu’elles modifient les états de conscience, les drogues psychotropes ont pu favoriser l’expérimentation de nouvelles construction de soi, avec d’autres expériences subjectives corporelles, d’autres relations aux autres et contribuer ainsi à la construction de nouvelles identité de genre.

CV: Sociologue, Anne Coppel est spécialiste de la politique des drogues, de la lutte contre le sida et de la réduction des risques liée à l’usage de drogues. Entre recherche et action, elle a mené des recherches sur les consommations de drogues, sur les pratiques à risques face au sida, la sexualité, le genre, la prostitution, l’auto-support des usagers de drogues, recherches qui ont débouché sur des projets expérimentaux de réduction des risques (BUS des Femmes, programmes de méthadone). Militante associative, elle a animé le débat public sur la politique de réduction des risques comme présidente du collectif Limiter la casse (1993-1997), puis avec la création de l’AFR, l’association française de réduction des risques (1998-2012). Prix international de la réduction des risques, Rolleston Award 1996. Publications : Le Dragon Domestique, deux siècles de relations étranges entre les drogues et l’Occident, en coll. avec Christian Bachmann, Albin Michel, 1989, 564 p. ; Peut-on civiliser les drogues ? De la guerre à la drogue à la réduction des risques, La Découverte, 2002, 380 p. ; Sortir de l’impasse, expérimenter des alternatives à la prohibition des drogues, avec Olivier Doubre, La Découvertes, 2012, 287p.

Véronique Nahoum-Grappe : « L’ivresse est-elle sexuelle ? l’ivresse est-elle sexuée ?  

Résumé : Ces deux questions, posées du point de vue de l’ethnologie, sont différentes. Au regard de ce psychotrope licite qu’est l’alcool, à l’échelle individuelle, l’invasion du système neurocognitif par l’éthanol est extrêmement hétérogène : à dose égale, l’expressivité de l’ivresse est spécifique non seulement entre les sujets des deux ou cinq sexes, mais aussi au sein d’une même trajectoire de vie lors des diverses « cuites » éventuelles. Différentes dans leur « occasion », leur sémiologie propre pour le buveur (toujours sobre dans son choix de « boire » à ce moment-là), et selon bien sur l’inscription culturelle, historique, sociale conjoncturelle de ce choix, et la scénographie de son présent, les scènes d’ivresse sont à chaque fois particulières pour l’ethnologue. Du point de vue des ivresses en tant qu’expériences psychotropes souvent jouissives, ne sont peut-être pas plus différentes en fonction des sexes qu’entre elles. Mais le fait que les sciences cliniques (chimie médecine psychiatrie) s’accordent   pour dénoncer une plus grande toxicité en terme de santé physique et psychique pour les femmes masque l’ivresse en tant que scène où ce qui se passe d’enivrant n’est pas plus susceptible d’être défini comme « sexué » que l’état de sobriété consciente. Pourtant la différence des sexes est une des constantes de l’épidémiologie des consommations d ‘alcool, plus importante en France que les différences de classes sociales … L’intervention ici voudrai penser cette discordance.

CV : Véronique Nahoum-Grappe, anthropologue, chercheure associée au IIAC EHESS. http://www.iiac.cnrs.fr/article42.html

Cristina Diaz Gomez : « Usage de drogues chez la population féminine en France, recours aux soins et situation épidémiologique : quelles spécificités ? »

Résumé : Cette présentation aborde la question des spécificités des femmes sous l’angle de l’épidémiologie descriptive des drogues. Elle présente les évolutions récentes de l’usage des drogues en population générale, observées en France parmi les jeunes et les adultes, en explorant l’influence du genre. En analysant les situations contrastées, cette intervention se propose également de caractériser les publics féminins fréquentant les dispositifs de soutien aux usagers(ères) de drogues à partir des enquêtes d’observation récentes réalisées à l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (usages, pratiques à risque, comorbidités…). Enfin, la question du recours aux services de prévention, d’accompagnement et de soins des femmes usagères sera analysée ainsi que celle de l’adaptation de l’offre aux spécificités progressivement identifiées par les institutions et les professionnels.

CV : Cristina Diaz Gomez est économiste-épidémiologiste. Diplômée en méthodes de recherche clinique par l’ISPED, Cristina Díaz Gómez détient également un DEA en économie de la santé. Elle a démarré sa carrière à l’international en tant que membre du programme MEANS lancé par la Commission européenne en 1999 qui a permis d’améliorer et de promouvoir l’évaluation des politiques publiques en Europe. A l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), elle est responsable du pôle Évaluation des politiques publiques. À ce titre, elle coordonne et supervise les travaux d’évaluation des dispositifs existants dans le champ des addictions. Elle contribue également à l’évaluation des plans gouvernementaux. Elle est spécialisée dans la recherche interventionnelle, examinant l’efficacité des réponses élaborées pour prévenir les consommations, réduire les risques et accompagner les usagers en difficultés.

Maïa Neff et Florent Schmitt : « Le traitement institutionnel des femmes enceintes en établissements de soins et de réduction des risques « 

Résumé : Comment les femmes enceintes sont-elles prises en charge dans les établissements médico-sociaux de réduction des risques (RdR) – CSAPA et CAARUD ? Cette étude de cas montre que les pratiques et les discours des professionnel·le·s intervenants dans ces structures opèrent un réajustement genrée des principes de RdR lors des périodes de grossesse des femmes usagères de drogues. La temporalité de l’accompagnement imposée par la grossesse (opposé à l’adaptation au « rythme de l’usage.r.e »), le type de normes mobilisées et le déploiement de formes de coercition (opposé à la « libre adhésion » de l’usage.r.e) constituent les différents indicateurs de ces réajustements. La grossesse des femmes usagères de drogues apparait ainsi comme une circonstance favorisant un traitement institutionnel spécifique qui peut venir renforcer la division sexuée des rôles. 

CV : Maïa Neff : Doctorante en sociologie à l’Université Laval de Québec et à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, ma recherche porte sur le genre des carrières institutionnelles en addiction à Paris et Montréal. A ce titre, ma thèse s’axe plus particulièrement sur le traitement institutionnel des usages de drogues au féminin, au sein de structures médico-sociales en addictologie.

Florent Schmitt est doctorant en sociologie à Paris XI et rattaché au Cermes3. Son travail de thèse porte sur le rapport des usage.r.es de drogues aux CAARUD et l’implication du « rester usager.e.s » à long terme sur la mise en œuvre des missions de santé publique et de réinsertion sociale de ces institutions.

Emmanuelle Retaillaud : « Femmes et usages de drogues, entre interdits, exclusions et transgressions (France, 1800-1939) »

Résumé : Lorsque l’usage des produits stupéfiants commence à se répandre en France au cours du XIXe siècle, le regard social dénonce volontiers la femme initiatrice et corruptrice, assimilée à l’Eve de la tradition biblique, alors même que les statistiques disponibles suggèrent une pratique à dominante masculine, découlant de rapports sociaux de sexe structurellement inégalitaires. A contrario, la drogue au féminin apparaît souvent comme un facteur de vulnérabilité – dans le cas, notamment de la prostitution ou des femmes au foyer. En faisant la synthèse d’un siècle et demi d’histoire des drogues, cette communication souhaiterait analyser l’évolution d’un système de représentations dont la dimension genrée apparaît centrale, en montrant que le déplacement des frontières et des motivations de l’interdit reconduit une hiérarchisation du masculin et du féminin qui constitue la femme à la fois, ou successivement, en exclue de la sacralité des paradis artificiels mais aussi en agent de transgression à surveiller et à dénoncer – un double bind qui reconduit l’ambivalence des statuts féminins dans l’ordre de la sexualité, contrôlés parce que redoutés.

CV : Emmanuelle Retaillaud est MCF-HDR en histoire contemporaine à l’université François-Rabelais de Tours (CeTHIS/HIVIS). A notamment publié : Les drogues, une passion maudite, « Découvertes » Gallimard, 2003 ; Les paradis perdus, drogues et usages de drogues dans la France de l’entre-deux-guerres, Rennes, PUR, 2009 ; Stupéfiant, l’imaginaire des drogues de l’opium au LSD, Textuel, 2017.

Zoë Dubus : « La Morphinée : construction et représentation d’un mythe dans le discours médical »

Résumé : La question de la perception genrée de la consommation de morphine à la fin du XIXe siècle a lourdement pesé dans l’élaboration du discours médical, puis populaire, érigeant « la drogue » en problème social dans la société contemporaine. La morphine entre définitivement dans la pratique quotidienne des médecins au début des années 1860 grâce à l’invention de la seringue. Dans un contexte où ceux-ci n’ont guère d’efficacité thérapeutique, le soulagement de la douleur assure au praticien une clientèle fidèle et admirative. Après une décennie d’emploi sous forme injectée, les médecins constatent qu’ils sont à l’origine d’une nouvelle pathologie liée à une prescription médicale et qu’ils vont nommer « morphinomanie » aux alentours de 1875. Il s’agit alors pour les médecins de se dédouaner de la responsabilité de cette pathologie : si les statistiques produites à l’époque démontrent inlassablement que l’origine de la morphinomanie est due à la prescription trop désinvolte d’un homme de l’art, ceux-ci élaborent un archétype du morphinomane sous les traits d’une femme à la sexualité « perverse », qui trouveraient dans la morphine un plaisir nouveau et morbide. Cette condamnation de la morphine à travers ses supposées consommatrices, que l’on nomme désormais les « Morphinées », se retrouve dans la presse, la littérature et les arts de l’époque, ce qui accélère le processus de diabolisation de la substance.

CV : Zoë Dubus est doctorante en histoire à l’Université d’Aix-Marseille en France. Sa recherche traite des transformations des pratiques médicales ainsi que des politiques de santé en lien avec l’utilisation de psychotropes en France, du XIXe siècle à nos jours. Elle s’attache à comprendre les relations qu’entretiennent la médecine et les médecins avec les produits modifiant la conscience et la sensibilité, conçus alternativement comme des médicaments innovants ou comme des toxiques. Ce travail vise enfin à replacer ces mouvements à la fois dans la question de l’expertise médicale et de ses enjeux socioprofessionnels, et dans le contexte plus large des rapports que la société entretient avec les psychotropes et donc avec le plaisir, la folie, la douleur et la mort.

Xavier Paulès : « Les femmes et l’opium à Canton sous la République (1912-1949) »

Résumé : Concernant le rapport entre femmes et opium, dans les années 1930, l’attention de la société cantonaise se porte beaucoup moins sur les consommatrices, même si ces dernières sont soumises à une réprobation toute particulière, que sur les yanhua (« fleurs de la fumée »). Ces jeunes et jolies femmes, d’extraction modeste, sont employées dans les fumeries afin de préparer les pipes pour les clients. Cette fixation sur les yanhua découle du fait qu’elles cristallisent des craintes liées au maintien de l’ordre et, plus encore, de la hiérarchie établis. En effet, les séductions conjuguées de la drogue et de l’attrait physique de ces femmes apparaissent susceptibles de favoriser une mobilité sociale de mauvais aloi, qu’elle soit descendante (ruine du fumeur aisé causée par une consommation inconsidérée d’opium), ou ascendante (lorsqu’une yanhua parvient à séduire et épouser un riche client).

CV : Xavier Paulès est historien, maître de conférences à l’EHESS depuis 2010, ancien directeur du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine (2015-2018). Il est notamment l’auteur de deux livres : Histoire d’une drogue en sursis. L’opium à Canton, 1906–1936 (éditions de l’EHESS, 2010) et L’opium, Une passion chinoise, (Payot ,2011).Il va publier en 2019 une synthèse sur la période républicaine : La République de Chine, 1912-1949 (Belles Lettres) et prépare également un livre sur l’histoire d’un jeu de hasard chinois appelé fantan.

Malika Tagounit : « Héroïne et genre en France dans les années 1970 »

Résumé : Cette présentation concerne les consommations d’héroïne devenues visibles à la fin des années 60. Pour mieux appréhender le comportement d’usage à travers une lecture genrée, il m’a semblé pertinent d’ajouter, dans un deuxième temps, ce que vivent les usagères de crack, drogue qui a émergé à la fin des années 80. Des observations ethnographiques issues de ma pratique professionnelle ou de ma participation à plusieurs recherches montrent que les usagères de drogues sont confrontées à des rapports sociaux, relationnels et culturels liés à leur genre. Leur statut, leur rôle, leur place dépend étroitement de leur singularité et des hommes qui les entourent. Le poids de la dépendance et la nécessité du financement de l’accès au produit, qu’il s’agisse de délinquance, de deal, de prostitution, régentent eux-aussi le comportement d’usage. Dans cet environnement collectif d’hommes et de femmes, où se pose continuellement la question du « qui fait quoi ?» pour permettre l’usage, la construction de soi des usagères d’héroïne fait apparaître des possibilités de catégorisation. Ces catégories d’usagères, seule ou en couple, actrices ou pas dans l’accès au produit, ne sont pas figées dans le temps. L’usagère qui assume seule son comportement d’usage peut devoir faire face à la violence des hommes de son milieu, en plus des risques inhérents à son activité. Pour se sentir « protégée », elle devra faire des alliances. Cette violence masculine sera plus fréquente si l’usagère, jugée se comporter « comme un homme », se lance dans une activité de deal. A l’image d’une Guerrière, elle devra redoubler de stratégies de protection et passer elle aussi par des alliances. Les femmes sont minoritaires dans le milieu des drogues. Elles peuvent même vouloir rester invisibles par peur des réactions de la société à leur encontre, notamment ce qui a trait à la garde de leurs enfants. Les usagères se sentent stigmatisées par la société, plus que les hommes, car elles ne répondent pas aux représentations sociales et culturelles de la femme : mère, épouse. Plus encore, quand elles recourent au travail sexuel. Dans les quartiers Nord de Paris, les usagères de crack gravitent dans un milieu où les hommes, dealers et usagers semblent tenir les premiers rôles. Le travail sexuel auquel elles se livrent constitue pourtant un moteur économique à ce système. Les modalités d’usage du crack et le mode de vie des consommateurs très précarisés renforce le rôle essentiel des usagères. Le travail sexuel permet la survie du groupe élargi, à l’image d’une tribu, en termes d’achat de crack et de besoins primaires.

Pour autant, il ne s’agit pas d’un système matriarcal. Les usagères de crack, à travers leur double identité prostitution/drogue, leur dégradation physique, ont perdu leur image de femme, même aux yeux des hommes du groupe « ce ne sont plus des femmes ». Des actes de violence, de racket, de pressions psychologiques s’exercent sur elles. Pour analyser l’ambivalence de leur statut, à la fois « dominantes par l’argent et victimes », il importe de prendre en compte les conditions de vie très misérables qui influent sur les relations dans le groupe élargi, les rapports sociaux et culturels liés au genre car les minorités ethniques (Dom/Tom, Afrique) sont très représentées dans ce milieu.

CV : Dans lesassociations Charonne, Aurore, Médecins du Monde, Arapej, j’ai travaillécomme intervenante socio-sanitaireauprès d’usagers de drogues (opiacés, crack…), de jeunes en errance, de sortants de prison, de travailleurs sexuels. Comme Chef de Projet, j’ai misen place des projets de Réduction des Risques innovants : des accueils bas seuil « Boutique 18 », « Beaurepaire » et « Itinérances » ; le premier lieu d’accueil pour usagères de drogues en réponse à leurs besoins ; spécifiques « Espace Femmes » ; la première Antenne Mobile auprès d’usagers de crack qui intervient sur les scènes ouvertes et dans les squats. J’ai été Présidente de Limiter La Casse et Membre du Bureau AFR (Association Française de Réduction des Risques). J’ai participé à plusieurs recherches dont : Hépatite C et usagers de crack (Rodolphe Ingold / IREP) ; Usagers de crack (Rodolphe Ingold / IREP) ; Travail sexuel et usagers de crack (Rodolphe Ingold / IREP) ; Nouveaux usagers d’héroïne (Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale / Catherine Reynaud-Maurupt) ;Usagers de kétamine (Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale / Catherine Reynaud-Maurupt) ; Usagers de Rohypnol (Groupe de Recherche sur la Vulnérabilité Sociale / Catherine Reynaud-Maurupt) ; Enquêtrice à l’Ofdt (dispositif Trend).

Onata Chaka Coulibaly : « Genre et usages de drogues en Côte d’Ivoire »

Résumé : Présentation de la problématique de l’usage de drogues en Côte d’ivoire, les évolutions sur la question du genre dans nos sociétés africaines, notamment les mutations en termes de culture et des modifications des comportements sociaux. La représentativité des femmes dans cette population d’usagers de drogues dont nous avons suivis durant l’étude. Les résultats en termes de niveau de scolarisation, le statut matrimonial et l’âge moyen de cette population d’usagers de drogues selon le genre. Les différences qui pourraient exister en termes de types de drogues consommées que d’effets recherchés par la consommation de ces drogues et enfin la discussion des résultats par rapport aux travaux antérieurs et les recommandations.

CV : Onata Chaka Coulibaly, titulaire d’un Diplôme d’études Approfondies de Psychologie, Doctorant au Laboratoire de Psychologie Génétique Différentielle de l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan (Côte d’ivoire). Psychologue consultant dans la prise en charge des usagers de drogues, à la Croix Bleue Côte d’Ivoire, de Septembre 2014 à Septembre 2018.

Maggy Grabundzija : « La révolution (du genre) par le qat ? »

Résumé : Au Yémen, mâcher la feuille de qat est une pratique répandue, auxquels hommes et femmes s’adonnent parfois quotidiennement. Une abondante littérature s’est attelée à analyser la portée sociale, politique, identitaire ainsi que les impacts économiques, médicaux et environnementaux d’une telle consommation qui s’étend depuis ces quarante dernières années dans toutes les régions du pays ainsi qu’au sein de toutes les classes sociales. Si les femmes sont évoquées dans ces écrits, il n’en reste pas moins qu’une grille d’analyse genrée qui met en perspective la pratique du qat dans le cadre des dynamiques des rapports hommes et femmes reste encore à être définie. Notre intervention tentera de formuler des pistes de réflexions pour décrypter la pratique du qat au regard des rôles et fonctions des hommes et des femmes dans diverses régions. Il s’agira également de s’interroger sur le mouvement révolutionnaire de 2011 et notamment de savoir si les nouveaux espaces de luttes inconnus dans l’histoire du Yémen ont permis une nouvelle dynamique de genres se reflétant dans la pratique du qat.

CV : Maggy Grabundzija est une consultante et chercheure indépendante, docteure en anthropologie sur les questions de genres au Yémen, pays dans lequel elle a vécu pendant quinze années. Elle a notamment publié un livre aux éditions L’Harmattan (2015), Yémen morceaux choisis d’une révolution.

Kenza Afsahi : « Maisons de maajoun » : Travail invisible des femmes dans le marché du cannabis (Maroc) »

Résumé : Traditionnellement, au Maroc, le maajoun (préparation sucrée à base de cannabis) était un produit partagé ou offert, non commercialisé. Fait complètement nouveau, de plus en plus de femmes sont arrêtées ces dernières années dans les villes pour leur implication dans la fabrication et la vente de maajoun. Par ailleurs, les produits ont pris de nouvelles formes et ne sont plus conditionnés de la même façon. Quelles places occupent les femmes dans cette nouvelle activité ? Que révèle cette activité sur le marché du cannabis ? 

CV : Kenza Afsahi est Maîtresse de Conférences en sociologie à l’Université de Bordeaux et chercheuse au Centre Emile Durkheim (CNRS). Elle est co-responsable de l’axe de recherche Sociologie (S) de l’International au Centre Emile Durkheim et membre du comité de rédaction de la Revue Française des Méthodes Visuelles. Elle est également associée au Centre de recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales (CNRS). A l’Université de Bordeaux, elle enseigne la sociologie de la déviance, la sociologie du marché du cannabis, la sociologie visuelle, les questions de l’implication des femmes dans le marché de la drogue et de criminalité environnementale. Son parcours de recherche se focalise sur la manière dont les acteurs déviants construisent des normes et des régulations dans le monde de la drogue. Après avoir travaillé sur la production, elle étudie aujourd’hui le marché du cannabis dans son ensemble, en conjuguant l’offre et la demande. Elle s’intéresse particulièrement à la construction socio-économique des marchés, à la circulation des savoirs, aux questions du travail invisible et domestique, en mettant l’accent sur les femmes et les intermédiaires, à l’environnement et aux ressources naturelles. Elle a par ailleurs initié de nouvelles comparaisons internationales Sud/ Sud avec le Liban et le Brésil.

Olivia Clavel : « Sexe, drogues, images »

Résumé et CV : est une plasticienne et autrice de bande dessinée française. Née en 1955 à Paris, elle fait ses études à l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts à Paris à partir de 1972.  En 1975, elle participe au collectif Bazooka associé au mouvement punk sous le pseudonyme Electric Clito. Clavel se lance en particulier dans la bande dessinée, où elle change les conventions du groupe et de la bande dessinée en général. En 1976, elle commence à publier les aventures de « Joe Télé », son alter ego fictif avec une tête en forme d’écran, Pendant plusieurs années elle signe ses œuvres sous le nom d’Olivia « Télé » Clavel. Puis elle s’éloigne de la bande dessinée pour se pencher plus vers la peinture. En 2002, elle participe au projet Un Regard moderne, repris du blog de Loulou Picasso (Libération). Elle participe aussi à quelques projets vidéo : Traitement de substitution n°4 et L’Œil du Cyclone. En juin 2013, elle expose une collection intitulée « Vers Jung » à la galerie Jean-Marc Thévenet de Paris.  En 2019, elle fait partie de l’équipe des dessinatrices du nouveau mensuel féministe satirique Siné Madame, dès son lancement.

Laurent Gaissad et Tim Madesclaire : « Où sont les hommes ? Masculinités gays à l’épreuve du chemsex »

Résumé : Véritable pornotopie (Preciado, 2011), l’usage de drogues chez les gays s’est peu à peu dissocié de leurs mondes festifs pour se replier sur leur sexualité collective à domicile avec le développement d’internet et, plus dernièrement, des applications de rencontre par géolocalisation en ligne. En miroir de la crise du sida, le chemsex (pour chemical sex) a été analysé au prisme des risques pour la santé plutôt qu’en regard des performances corporelles masculines optimisées par les multiples substances consommées (Fournier, 2010) : multi partenariat, endurance, lâcher-prise, surtout pour ce qui concerne la sexualité anale. On reviendra ici sur le rôle-clef que les drogues ont joué dans les normes de genre au cœur des sexualités gays contemporaines, affranchissant le plaisir tout en le conformant aux attendus virils des rôles sexuels. Références : Preciado B. Paul, Pornotopie. Playboy et l’invention de la sexualité multimédia, Paris, Flammarion, « Climats », 2011 ; Fournier Sandrine, « Usages de psychoactifs, rôles sexuels et genre en contexte festif gay (Paris/Toulouse, 2007) », Clio. Histoire, femmes et sociétés, Vol. 31 N° 1, 2010, p. 169-184.

CV : Laurent Gaissad, socio-anthropologue à l’EVCAU (Environnements Virtuels, Cultures Architecturales et Urbaines) à l’ENSA Paris Val-de-Seine. Il a publié de nombreux articles sur l’espace public et la sexualité au temps du sida. Tim Madesclaire, chercheur indépendant, Paris. Éditeur la revue Monstre. Consultant pour les programmes Santé sexuelle des HSH (Hommes ayant des rapports Sexuels avec des Hommes) de Santé Publique France (Prends-moi, Sexosafe). Tous deux ont coréalisé l’enquête APACHES (Attentes et Parcours liés au CHEmSex) pour l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies en 2018.

Thierry Schaffauser : « Drogues et travail sexuel »

Résumé : L’usage de drogues est souvent associé au travail du sexe (appelé « prostitution ») afin de stigmatiser l’une et l’autre pratique. Au milieu des années 1980, l’émergence du VIH au sein de la communauté des travailleuses du sexe, en particulier celles usagères de drogues, a poussé les pouvoirs publics à accepter des politiques et pratiques de réduction des risques et de santé communautaire par & pour. Avec la généralisation des traitements de substitution, la thématique de « l’addiction » comme cause du travail sexuel cède du terrain dans les représentations au profit de celle de « la traite et des trafics » dans un contexte de migration de plus en plus mondialisée. L’association entre l’usage de drogues et le travail sexuel, refait surface depuis quelques années, mais cette fois à travers la thématique du « chemsex » concernant surtout les hommes travailleurs du sexe, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives. Entre représentations, stigmatisations, problématisation des parcours de vie, besoins en santé, et usages personnels des travailleurSEs du sexe, nous essaierons d’y voir plus clair.

CV : Thierry Schaffauser est travailleur du sexe et usager de drogues. Ancien militant d’Act Up-Paris et cofondateur du STRASS, le Syndicat du Travail Sexuel, il défend la syndicalisation des industries du sexe et leur complète décriminalisation. Il est l’auteur du livre Les Luttes des Putes aux éditions La Fabrique et auteur du blog sur Libératio.fr « Ma Lumière Rouge« .

Gianfranco Rebucini : « Drogues et politique queer. Le chemsex comme pratique culturelle en contexte de contrôle capitaliste ».

Résumé : Dans la définition médiatique et médicale, le chemsex est l’association de drogues (chem) au sexe (sex) tenue pour répandue spécialement chez les hommes gays. Cette définition et juxtaposition impliquent donc la possibilité d’une définition préalable de ce qu’est le sexe. Si le chemsex existe c’est parce que le « sexe » existe. Nous savons déjà ce qu’il est et qu’il est forcément sobre. Les « experts » médicaux et communautaires s’accordent à définir le chemsex comme une pratique associant des caractéristiques distinctives, parmi lesquelles l’usage de produits psychotropes, des relations sexuelles répétées, souvent avec des partenaires multiples, mais aussi de modes de rencontre sur les applications de géolocalisation. Dans une perspective queer et marxiste, cette intervention se concentrera plus particulièrement sur ces caractéristiques culturelles. Il s’agir alors d’aborder cette pratique comme une pratique culturelle à part entière dans le contexte plus large du contrôle biopolitique du capitalisme postfordiste touchant à la sexualité et au sexe. D’autre part, nous verrons le chemsex comme pratique de dévoilement et comme potentialité politique et créative parlant peut-être de ce que le sexe est ou plutôt de ce qu’il fait dans ce contexte capitaliste.

CV : Gianfranco Rebucini,est docteur en anthropologie sociale et ethnologie. Chercheur associé au IIAC – LAIOS (EHESS-CNRS), il est spécialiste des études sur les masculinités et sur les sexualités entre hommes et, plus récemment, se consacre à une recherche concernant le rapport entre les identités et les pratiques politiques queer. Parmi ses publications : éditeur scientifique associé de Juliette Rennes (dir.) Encyclopédie critique du genre, Paris, Éditions de la Découverte, 2016.

DROGUES ET CREATIVITE

Lieu = EHESS, Amphitéâtre F. Furet, 105 bd. Raspail, 75006 Paris

Horaires = 17h-20h / gratuit et sans inscription

Séminaire Drogues, Politiques et contre-cultures

Ben Morea, artiste : « LSD et production éditoriale dans le milieu de l’autonomie newyorkaise dans les années ‘60: Ben Morea, Black Mask and le group « Up Against the Wall, Motherfuckers! »

Jaïs Elalouf, artiste : « Psychédéliques et mouvements de contestations »

Kiki Picasso (alias Christian Chapiron), artiste : « Apologie du bad trip »

Captain Cavern, artiste : « Je pense donc je suis drogué »

Pierre-Antoine Pellerin, linguiste, MC Lyon III : « L’Ecriture en manque : addiction, sevrage et delirium tremens dans Big Sur (1962) de Jack Kerouac »

Du club des « haschischins » à William Burroughs et Jack Kerouac, en passant par les « poètes maudits », Henri Michaux et les amateurs de mescaline, des écrivains ont voulu expérimenter les effets des drogues sur leur écriture. A partir des années 1960, des rockeurs aux rappeurs, en passant par les musiciens de reggae et techno, consommation de drogues et musique ont marché de concert. De fait, depuis l’émergence de la beat génération, tous les arts en Occident ont été influencés par l’usage de psychotropes venus d’ailleurs. En particulier les arts dits psychédéliques, exprimés notamment dans la peinture, qui ont donné lieu à un véritable courant artistique. Un courant qui s’est inscrit et a participé au mouvement de contestation non seulement des arts conformistes mais de la société autoritaire et inégalitaire. Faut-il en conclure que les drogues sont propices à la création artistique, qu’elles peuvent apporter un plus au talent, qu’elles ont de l’influence sur les artistes qui s’en servent et, à travers eux, sur les gens qui les lisent, écoutent, regardent ?

Ben Morea est né en 1941. Il est devenu dépendant à l’héroïne quand il était jeune, pendant son adolescence. Sa carrière de peintre commence pendant un séjour dans l’hôpital d’une prison. Dans les années qui suivent, il chevauche la peinture et l’activisme sociale pour atteindre une nouvelle vie. Sa peinture à connu les teintées de la rébellion après avoir rencontré Dada et le Surréalisme ; aussi, il crée avec d’autres la revue « Black Mask ». Il a vite développé une forme de vie subversive ; il fonde aussi le groupe Up Against the Wall, Motherfuckers !, l’un des rares groupes « politiques » à s’approprier des nouvelles possibilités révolutionnaires mises à disposition après la découverte des substances psychédéliques. Après être entré dans la clandestinité et avoir fait face à une réalité changeante, il commence à chercher les moyens d’atteindre une perspective « totale », il est converti à une religion originaire des peuples indiens du Colorado, comprenant éléments psychotropes et animistes. La discussion sera centrée sur cette recherche, et sur la nécessaire escalade vers une nouvelle REALITE’ politique, culturelle et révolutionnaire.

Jaïs Elalouf : Psychédéliques et mouvements de contestations 

Il sera exposé les contradictions entre les valeurs de la société de consommation des années 50 et les caractéristiques du LSD, avec la présentation de quelques protagonistes. Le programme de la CIA « MK-Ultra » vivement actif dès la fin des années 50 et ses fantaisies meurtrières. La contre culture des années 60 et quelques sujets de contastations à travers des exemples de mouvements  comme les : Provo, Diggers, Mai 68 and les communautés. Un voyage graphique à travers des œuvres d’esthétique psychédélique inédites de la Collection Elalouf du Psychedelic Art Center.

 Jaïs Elalouf a présenté 500 shows audiovisuels où il mixe art, son et images; étant à la fois producteur de musique, DJ, réalisateur de films et commissaire d’exposition. Il manage l’agence de promotion Ping Pong qui à représenté le label anglais Ninja Tune pendant 15 ans. Il crée des musiques et films engagés avec ses propres tournages et des samples d’images d’archives, entre douceur rétro et groove électronique. Il créée actuellement le premier Centre d’Art Psychédélique à partir de sa collection, l’une des plus grandes sur ce sujet. 

Pierre-Antoine Pellerin : L’Ecriture en manque : addiction, sevrage et tempérance dans l’oeuvre de Jack Kerouac

Cette communication se propose de lire l’œuvre de Jack Kerouac (1922-1969) sous l’angle des rapports qu’entretiennent drogue, intensité et écriture dans le contexte de l’idéologie de l’endiguement (« containement »), du conservatisme politique des années Eisenhower et des discours de la « crise de la masculinité » dans l’après-guerre. Alors qu’on a souvent tendance à présenter l’auteur américain comme le fer de lance d’une recherche d’intensités propres à revitaliser une époque prise dans les rets du conformisme et du consumérisme, notamment par la consommation d’excitants (« uppers ») et de calmants (« downers »), il s’agit ici de montrer la centralité des notions de maîtrise de soi, de sevrage, de stase et de dépression dans son œuvre, comme l’illustre une lecture de romans comme The Dharma Bums (1957 ; 1958), Desolation Angels (1956 ; 1965) et Big Sur (1961 ; 1962) comme des récits appartenant au genre de la tempérance.

Pierre-Antoine Pellerin est maître de conférences en littérature américaine à l’université Jean Moulin – Lyon 3. Il travaille notamment sur l’expérience et la représentation de la masculinité dans la littérature et les arts à l’époque de l’après-guerre aux Etats-Unis et prépare actuellement une monographie consacrée à l’œuvre de Jack Kerouac.

Christian Chapiron, alias Kiki Picasso, est né en 1956 à Nice. En 1974, il fonde le groupe Bazooka Production avec Loulou Picasso, Olivia Clavel, Bernard Vidal et Lulu Larsen. Les membres de Bazooka pensent que les espaces d’expression alloués par les galeries et les institutions ne sont pas adaptés à leurs créations. Bazooka désire envahir les médias.  L’invasion commence par les journaux de bandes dessinées, elle se poursuit dans la presse militante. Leurs dessins sur l’information déclenchent des polémiques. Les journalistes de Libération disent que « Bazooka fait du Picasso ». A la fin des années 70, « faire du Picasso » sous-entendait dans le langage commun « faire n’importe quoi ». Bazooka commencent à signer les images Picasso.  Après la dissolution de Bazooka, Christian Chapiron s’oriente vers la vidéo et la peinture électronique. En 1995, il retourne vers la presse en prenant la direction artistique du magazine « Maintenant », le premier média français qui dénonce l’implication de la France dans le génocide rwandais. Vers l’an 2000 et après, Kiki écrit et illustre « Psychoactif, un livre hallucinant » sur l’usage récréatif du LSD, réalise le long-métrage « Traitement de substitution N°4 », construit des Chars de Carnaval pour les villes de Paris et de Bordeaux, la Gay pride, la Fête de la musique, la techno-parade… Ses films électrisent les dance floors, ses images décorent les salles de concert et le Cirque électrique. 

Captain Cavern. Né en 1956, dessinateur, illustrateur et peintre, Captain Cavern est armé, non pas d’une massue comme le personnage du dessin animé éponyme d’Hanna & Barbera, mais de crayons, plumes et pinceaux pour nous transporter dans l’espace-temps multidimensionnel des galaxies virtuelles. Un univers enchanté, somnambule, qui défile en images pop, cubistes et psychédéliques. Ses premiers dessins sont apparus sur la scène graphique underground française au début des années 80, dans la lignée de BazookaElles sont de sortie, Placid & Muzo… Il a collaboré à de nombreux graphzines et en a créé plusieurs (VertèbresCrimsex…). Il est aussi le fondateur et rédacteur en chef du journal Vertige, publié en kiosque. Et l’auteur de plusieurs BD : Le Gouffre de la piscine aux Requins Marteaux, Psychic Murder Show chez United Dead Artists. Captain Cavern commence vraiment à peindre en 1985, signant pour la première fois sous ce nom pour un affichage sauvage sur des panneaux publicitaires 4×3 organisé par les Frères Ripoulins autour de la place de l’Opéra. Dès lors, il ne cessera plus de peindre. Dessin, peinture… sont pour lui des moyens d’atteindre, à travers les faux-semblants de la perception, le merveilleux, le féerique, la magie.

Table Ronde : La santé communautaire, le champ des possibles.

  • Animation : Olivier Doubre, journaliste Politis
  • Fabrice Perez, Not for Human et réseaux sociaux : Un rendez-vous manqué.
  • Korzéame ( Toulouse) ,La santé communautaire en milieu techno.
  • Jean Maxence Granier ASUD, Les groupes d’entraides comme outil de santé communautaire.
  • Benjamin Cohadon, Faiza Hadji, Le Village 2 santé ( Echirolles) Association de santé communautaire globale.
  • Thierry Schaffauser , Le Syndicat du Travail Sexuel, de l’héritage de la santé communautaire pour lutter en faveur du droit
  • Vincent Leclercq, AIDES Ligne whatsapp et groupe Facebook : l’autosupport de Aides autour duchemsex – Paroles sur le Chemsex.

Table ronde : Une histoire de la santé communautaire

Introduction : Jean-Marc Priez (ASUD) 00h05mn10s : Tim Greacen (AIDES) : L‘histoire de AIDES 00h23mn58s : Anne Coppel (ASUD) : L’histoire du Bus des Femmes 00h40mn47s : Jef Favatier (ASUD) : L’histoire d’ASUD 01h05mn12s : Thierry Charlois (Techno Plus) : L’histoire de Techno Plus 01h23mn02s : Catherine Patris (Ex-Direction Générale de la Santé) : L’histoire de la Division SIDA 01h44mn49s : Échanges avec la salle

EGUS X : Le programme

Les Etats Généraux des Usagers de Substances (EGUS) vous convient à leur Xe édition. Notre objectif est d’interroger ce qu’il est convenu d’appeler la « santé communautaire » sous toutes ses facettes même les plus improbables. De l’histoire du milieu festif techno en passant par les dispositifs de représentations institutionnels jusqu’au partage de savoirs sur internet, tous les angles qui permettent de cibler cette zone grise seront abordés tout au long de ces deux journées organisées en partenariat avec la Fédération Addiction.

Si la politique de réduction des risques liés à la consommation de drogues (RDR) est historiquement liée à la lutte contre le Sida, celle-ci est organiquement attachée à la notion de santé communautaire, un concept encore mal aimé et surtout mal définie aujourd’hui comme pratique professionnelle ou comme règle de vie.

A l’origine, ce sont des associations comme AIDES, 1ère association de santé communautaire en France, qui faute d’alternative médicale, ont mis en place la politique de lutte contre le Sida. Faute de « communauté » clairement définie, la santé communautaire dans le cadre de l’usage de drogues n’a été officiellement revendiquée, en milieu festif dans la communauté techno qu’au milieu des années 90. Pourtant c’est bien par un acte communautaire que la RdR s’est inscrite en France. Lorsqu’une ministre de la santé courageuse, Michèle Barzach a levé l’interdiction d’acheter des seringues en pharmacies, ce sont d’abord et avant tout les usagers de drogues qui ont arrêté d’utiliser et de partager leurs seringues contaminées, ce que certains  spécialistes nous expliquaient être impossible au regard des plaisirs ordaliques et mortels recherchés. Pourtant ce fut le cas, dès que les seringues neuves furent disponibles, les usagers les utilisèrent et massivement.

La diffusion massive des Médicaments de Substitution aux Opiacés (MSO) a suivi le même chemin. Le laboratoire responsable de la mise sur le marché de la Buprénorphine Haut Dosage prévoyait une dizaine de milliers de traitements pour la fin du millénaire. Il a dû multiplier ses projections par dix pour répondre à la demande des usagers sur le terrain.

La santé communautaire en matière de RdR a mis en valeur le savoir individuel des usagers et leur faculté de transmettre, matérialisé ensuite par leur embauche dans quelques structures, essentiellement des CAARUDS. Or aujourd’hui, nombre de ces structures perdent leurs connaissances empiriques de la consommation. Nous sommes 30 ans après la mise en place de la politique de réduction des risques. La lutte contre le sida et les dynamiques communautaires qu’elle avait engendré, ont fait place à la gestion des addictions sur la longue durée. La chronicité s’est déplacée également sur le terrain social, aggravée par trente années de crise économique .

Quel regard porte-t-on à cette histoire commune ? Aujourd’hui la santé publique peut-elle se passer de la santé communautaire, seul canal pouvant faire remonter les pratiques et surtout des besoins des usagers actuels et futurs ?

Seconde question, la place prise par la représentation des usagers au sein des structures, à l’intérieur de ce qu’il est convenu d’appeler la démocratie sanitaire a-t-elle vocation à s’inscrire dans ce mouvement de transmission des savoirs expérientiels ?

Enfin, alors que les formes et les modes d’achat, de consommation et de transmission des savoirs se diversifient, quel est la place réelle ou fantasmée du citoyen-consommateur de substances achetées parfois sur internet ou consommée sous un motif thérapeutique.

Pour répondre à ces trois questions les Xème Etats Généraux des Usagers de Substances (EGUS) se proposent d’interroger à la fois des usagers, des acteurs professionnels et des institutions.

Première journée: lundi 14 janvier 2019
Une histoire de la santé communautaire.

9h00-9h30 : Accueil autour d’un café

9h30-10h00 : Introduction  des deux journées EGUS

Histoire de la santé communautaire et transformation du toxicomane en patient puis en consommateur, quelle est l’influence des personnes qui utilisent des drogues sur les politiques mises en place depuis 4 décennies ?

Intervenants :Alessandro Stella ASUD et Martine Lacoste FÉDÉRATION ADDICTION

10h-13h00 : 1ère table ronde

Une histoire de la santé communautaire

  • Animation : Jean Marc Priez ASUD
  • Catherine Patris : ex Direction Générale de la Santé Division Sida
  • Tim Greacen, AIDES
  • Jef Favatier , ASUD Nîmes
  • Thierry Charlois, TECHNO PLUS
  • Anne Coppel, LE BUS DES FEMMES

13h00-14h30 : déjeuner libre

14h30-15h00 : La santé communautaire aujourd’hui

Introduction, Ruth Gozlan, MILDECA

Quels sont les défis actuels ? Quels sont les enjeux pour les institutions ?

15h00-17h30 : 2ème Table Ronde

La santé communautaire, le champ des possibles.

  • Animation : Olivier Doubre, journaliste Politis
  • Fabrice Perez, Not for Human et réseaux sociaux : Un rendez-vous manqué.
  • Korzéame ( Toulouse) ,La santé communautaire en milieu techno.
  • Jean Maxence Granier ASUD, Les groupes d’entraides comme outil de santé communautaire.
  • Benjamin Cohadon, Faiza Hadji, Le Village 2 santé ( Echirolles) Association de santé communautaire globale.
  • Thierry Schaffauser , Le Syndicat du Travail Sexuel, de l’héritage de la santé communautaire pour lutter en faveur du droit
  • Vincent Leclercq, AIDES Ligne whatsapp et groupe Facebook : l’autosupport de Aides autour duchemsex – Paroles sur le Chemsex.

DEUXIÈME JOURNÉE mardi 15 janvier 2019 

Du patient au consommateur en passant par l’usager du système de soins, nouvelles libertés ou nouveaux stigmates ?

Entre la démocratie sanitaire, l’achat de substances sur le net, la prescription de drogues sur ordonnance ou le cannabis thérapeutique, la relation de la société avec les usagers de drogues se transforme-t-elle, se normalise-t-elle ou ne sont-ce que de nouveaux visages de l’assignation au silence ?

09h 45 Introduction : Alain Morel, Fédération Addiction et Fabrice Olivet ASUD

10h30-12h30 troisième table ronde :  Droit, pouvoir et démocratie sanitaire  

  • animation : Vincent Benso ASUD
  • Alain Morel Oppelia, la coopération usagers-professionnels dans de nouvelles pratiques est un levier politique de transformation culturelle et sociale
  • Marion GAUD, Association Aubes, l’histoire du Baclofène , une expérience de patients qui se transforme en Autorisation de Mise sur le Marché
  • Georges Lachaze ASUD, l’Observatoire du droit des Usagers (ODU)
  • Estelle Sarrazin, Les conseils de la vie sociale

12h30- 14h déjeuner libre

14H00-15h00 : La demande sociale de drogues est-elle plus légitime aujourd’hui qu’hier?

  • Nicolas Authier, CHU Clermont-Ferrand:  Du cannabis pour se soigner, une demande de patients
  • Marie Jauffret-Roustide INSERM: Les communautés dans la recherche en sciences sociales sur les politiques de drogues, France/USA 

15H00-17H00 Quatrième table ronde : Citoyens, société civile, et consommations, les nouvelles formes de socialisation de l’usage.

Animation Fabrice Olivet, ASUD

  • Sophie Niklaus (Norml) , drogues ,parentalité et sexualité nouvelle image des consommatrices de substances.
  • Vincent Benso , La plate-forme NPS d’ASUD: le citoyen consommateur
  • Sacha Benhamou,( Students for Liberty France), drogues une marchandise comme une autre
  • Christian Andréo (ALPO)  : le consommateur de drogues dans le droit du travail Quel risques sociaux en comparaison avec la prise en charge traditionnelle de l’abus d’alcool ?

17h00 CLOTURE Anne SOURYS, Adjointe à la Mairie de Paris, chargée de la santé et des relations avec l’APHP.

Drogues, Politiques et contre-cultures

Séance du 14 mars 2019

Lieu = Amphithéâtre EHESS, 105 bd. Raspail, 75006 Paris

Horaires = 17h-20h

Drogues, troubles dans la réalité et politique dans les séries TV

La guerre à la drogue peut être considérée comme une co-construction avec les séries censées les représenter Même dans les plus réalistes des séries policières, des coïncidences inattendues ouvrent des pistes qui témoignent d’univers surréels, parallèles de la réalité ordinaire. La temporalité des séries TV fait irruption dans la ligne du temps : « Winter is coming », (la menace qui pèse sur le moyen-âge mythique de la série « The Game of Thrones ») était écrit sur les murs d’Istanbul lors de la révolte populaire en 2013.  Alors que les séries TV entreprennent de décoder le monde dans lequel nous vivons, la prolifération des univers ouvre aussi bien à la construction sociale de la réalité qu’aux croyances alternatives, avec les conceptions complotistes de l’histoire et les fake news. 

Sandra Laugier : « Addictions et séries TV » 

 Les liens qui nous attachent aux diverses victimes de la drogue dans les séries du XXIe siècle, de The Wire à Narcos. 

Sandra Laugier est professeure de philosophie à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne et chroniqueuse à Libération

Richard Mèmeteau : « La temporalité des séries »

De l’ultime saison de Game of Thrones aux 720 épisodes de Naruto ou les 853 épisodes de One Piece prétention. 

Richard Mèmeteau est philosophe et auteur de Pop Culture. Réflexions sur les industries du rêve et l’invention des identités (La Découverte)

Marco Candore : « Sans queue ni tête » : détectives déterritorialisés et envers du décor »

Du détective, entre noir et fantastique, avec une attention particulière pour the return de David Lynch.

Marco Candore est comédien, réalisateur, chroniqueur –radio du cinéma de genre.

Anne Coppel : Introduction et animation 

Anne Coppel est sociologue, entre recherche et action et militante associative 

Psychédélisme, punk et techno : expériences croisées

Des débuts du psychédélisme aux raves parties contemporaines il est possible d’établir une filiation. Difficile en effet de ne pas penser à des teufeurs transportant leur sound system aux quatre coins de l’Europe quand on lit les aventures des Merry Pranksters sillonnant les USA dans un bus bariolé pour organiser des « acid tests » à grand renfort de stroboscopes, de peinture fluo, de déguisements exubérants… Et bien sûr de LSD !

Sans y appartenir, le mouvement punk s’entrecroise avec cette filiation. Son esthétique est différente, pourtant elle se rapproche de certaines composantes de la culture techno… Des punks qui s’éclatent en teknival aux Hells Angels invités à se défoncer avec les Merry Pranksters, la consommation de drogues favorise-t-elle les rapprochements entre les contre cultures qui partagent ce point commun ?

Isaac Abrams, artiste peintre : « Retour sur une carrière d’artiste psychédélique »

Elise Grandgeorge anthropologue (Université Aix Marseille) : traduction

Vincent Benso, sociologue (ASUD / Techno+) : « Techno et drogues, 35 ans de passion… Pour le meilleur et pour le pire ! »

Alexandre Marchant, historien (ISP Cachan) : « Culture et esthétique de la défonce : drogues et mouvement punk (années 1970-1980) »

Florian Bureau, militant associatif (ASUD / Techno+),modérateur

Intervenants

Isaac Abrams, artiste peintre : « Retour sur une carrière d’artiste psychédélique »

Biographie : Isaac Abrams est l’un des pères fondateurs de l’art psychédélique. Après avoir expérimenté avec des drogues psychédéliques au début des années soixante, il se met à peindre et va étudier avec le peintre visionnaire Ernst Fuchs à Vienne. Très impliqué dans le monde psychédélique de New York, il organise la toute première exposition d’art psychédélique en 1965 et rencontre Timothy Leary et nombre de ses associés. 

Description : Cette présentation fera la part belle aux œuvres de l’artiste, qui sélectionnera plusieurs d’entre elles en les commentant. Il reviendra également sur son rôle dans le développement de cette forme d’art et dans la scène psychédélique new-yorkaise d’après-guerre.

« All Things Are One Thing »

Cette peinture a été achetée par Reed Erickson, philanthrope et transsexuel qui a créé une fondation pour étudier la transsexualité.

Alexandre Marchant, historien : « Culture et esthétique de la défonce : drogues et mouvement punk (années 1970-1980) »

Biographie :

Alexandre Marchant est professeur agrégé d’histoire et enseigne au lycée Albert Camus de Bois-Colombes. Docteur en histoire de l’ENS de Cachan, il est chercheur associé à l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP Cachan). Ses recherches portent sur l’histoire de la prohibition des stupéfiants en France dans le dernier tiers du XXe siècle et les économies criminelles de la drogue. Il a récemment publié L’impossible prohibition. Drogues et toxicomanie en France, 1945-2017, Paris, Perrin, 2018.

Résumé :

Le courant musical punk s’est inséré dans le paysage musical français dans la seconde moitié des années 1970. En plus d’être un nouvel avatar du rock, il reposait sur une sous-culture de la transgression permanente, un certain nihilisme et un goût pour la « défonce », et se retrouva donc assez logiquement associé aux drogues : amphétamines, cocaïne ou encore héroïne. Le “trip speed, shooteuse, arnaque et baston” est encensé par exemple dans L’Aventure punk, sorte de manifeste du mouvement punk français écrit par Patrick Eudeline en 1978. Tandis que certains groupes ou artistes phares de la scène punk ne faisaient mystère de leur consommation de « speed ». Mais ce courant a aussi participé à sa manière à la diffusion des drogues dans la société, le nihilisme punk transparaissant dans les poly-consommations de nombreux marginaux de l’époque. Il fut aussi à la source d’un imaginaire de dope-comics, dont le personnage de Bloodi créé par Pierre Ouin est une figure centrale, que se sont approprié de nombreux usagers de drogue des années 1980.

Vincent Benso, sociologue (ASUD / Techno+) : « Techno et drogues, 35 ans de passion… Pour le meilleur et pour le pire ! »

Vincent Benso est sociologue, membre de Techno +, d’ASUD, observateur pour TREND Île de France et rédacteur à la revue Swaps. Acteur de terrain engagé dans le champ de la réduction des risques depuis près de 15 ans, il a mené des recherche-actions sur le trafic, les « nouvelles » drogues, les consommations en espace festif techno et les usages d’Internet liés aux drogues, dont des résumés sont accessibles en ligne. Il a aussi récemment écrit un chapitre de « la catastrophe invisible, histoire sociale de l’héroïne, publié aux éditions Amsterdam sous la direction d’A. Coppel et de M. Kokoreff. 

Résumé : Mis systématiquement en avant par les autorités publiques et les médias, le lien entre musique techno et drogues a largement participé à la création du stéréotype du teufeur et à la perception des fêtes techno comme des situations à hauts risques. Victime collatérale de la guerre à la drogue, la techno underground résiste pourtant depuis plus de 35 ans, donnant parfois l’impression qu’elle se nourrit de la stigmatisation dont elle est l’objet. 

Quoiqu’il en soit, des tensions existent à l’intérieur de la galaxie des musiques électroniques, entre rejet et valorisation des différentes drogues… Nous tenterons de les mettre à jour en les situant dans une filiation culturelle plus large que les seules musiques électroniques afin d’étudier les rapports mouvementés qu’entretiennent drogues et Techno. 

Florian Bureau, militant associatif / Webmaster (ASUD / Techno+)

Florian Bureau est un amateur de free party et de musique techno depuis une quinzaine d’années. Après avoir longtemps côtoyé les associations de réduction des risques et plus particulièrement de santé communautaire comme Techno+ en temps que simple teufeur, il à intégré cette association touché par les valeurs pour lesquelles elle se bât. Tel que le non jugement, l’écoute, la défense de la culture tekno, l’accès à une information sur les drogues objective et la mise en place d’une politique de réduction des risques liés à l’usage récréatif des drogues, c’est-à-dire une politique basée sur la responsabilisation des consommateurs et non sur l’interdit et la répression. Membre du conseil d’administration national de Techno+ et webmaster pour Asud, il est un militant impliqué pour un changement de la politique des drogues.

Organisateurs

Vincent Benso, membre de Techno +
Béchir Bouderlaba, juriste, Directeur Exécutif de NORML France
Mariana Broglia de Moura, anthropologue, doctorante à l’EHESS
Christian Chapiron (Kiki Picasso), artiste
Renaud Colson, juriste, MC à l’Université de Nantes
Anne Coppel, sociologue, présidente honoraire d’ASUD
Bertrand Lebeau Leibovici, médecin addictologue
Julia Monge, anthropologue, doctorante à l’EHESS
Fabrice Olivet, directeur de l’Auto Support des Usagers de Drogues (ASUD)
Alessandro Stella, historien, directeur de recherche au CNRS

Traitements de substitution aux opiacés : L’ODU tire la sonnette d’alarme !

Non-délivrance des TSO : L’Observatoire des droits des usagers tire la sonnette d’alarme

Voilà près de trente ans maintenant qu’ASUD se mobilise pour permettre aux Traitements de Substitution d’exister, près de vingt ans que l’Etat les a autorisé et près de dix ans que nous savons, sans aucune discussion possible, que les pharmacies sont encore majoritairement défavorables à l’idée de les délivrer. Cet été, l’ODU a donc été sur le terrain et a mené un testing de grande ampleur sur la ville de Paris pour évaluer la situation et mettre des chiffres sur une réalité que trop peu envisagent. Cette enquête militante est complétée de propositions concrètes. Elle fait l’objet d’une communication dans le journal Le Parisien

UN TESTING PAR DES USAGERS POUR CHANGER LES POLITIQUES PUBLIQUES

L’étude est réalisée dans le cadre du travail d’observation et de recueil de données de l’Observatoire. Elle avait vocation à confirmer dans un premier temps le principe selon lequel une majorité des pharmacies refusent aujourd’hui de délivrer des Traitements de Substitution aux Opiacés. L’enjeu est surtout de comprendre les raisons de ce refus et de se servir de ces données pour présenter un plan d’action concret en 2019 visant à réduire le nombre de pharmacies qui refusent de délivrer.

Dans ces circonstances, les données concernant les pharmacies sont confidentialisées. Selon les règles établies par l’Observatoire, ces données ne sont pas susceptibles d’être rendues publiques, pour deux raisons : D’une part, l’objectif de l’action est de réfléchir à la mise en œuvre d’actions concrètes, non coercitives pour convaincre les pharmacies qui sont toujours aussi nombreuses à refuser de délivrer, d’autre part, le principe des réponses est déclaratif, ce qui constitue ici l’une des limites du travail réalisé puisque aucun moyen de preuve tangible ne peut être apporté pour confirmer ou infirmer les propos tenus.

La méthode de ce testing se fonde sur le principe que l’enquêteur est un usager de méthadone ou de buprénorphine, qu’il va bientôt emménager dans le quartier et qu’il démarche donc la future pharmacie qui lui délivrera le médicament. 

Le recueil des données se focalise sur l’intérêt de la réponse du pharmacien et ne tient donc pas compte de la distinction entre les deux types de délivrance. 

L’enquête a été réalisée en été, du 20 juillet au 25 août et n’était réalisée qu’en après-midi, sur une amplitude horaire de 13h30 à 17h30 afin de pouvoir prendre le temps de discuter avec les personnes interrogées et favoriser le principe d’une interview non directive individuelle. 

L’enquête a concerné 115 pharmacies au sein de Paris intra-muros. Elles représentent 11,6% des pharmacies parisiennes. Les pharmacies concernées par l’enquête ont été sélectionnés selon leur proximité géographique avec des structures médico-sociales.

Pour obtenir le produit, je dois faire 25 km à l’aller et au retour chaque semaine. La pharmacie à côté de chez moi refuse de délivrer. Faut se mobiliser aujourd’hui, et c’est pour ça que j’ai envoyé une doléance !

Rémy
La Souterraine (Creuse)

Les confirmations de l’enquête

Cette enquête confirme qu’un nombre important de pharmacies continuent de refuser de dispenser les Traitements de Substitution. Au sein de notre échantillon, elles représentent 71% des cas interrogés. 

Le testing confirme aussi le préjugé qui entoure les justifications au refus. L’argument de sécurité, la crainte d’une mise à mal de la réputation de l’établissement, la remise en cause du principe même de la substitution ou le jugement moral sont autant d’éléments redondants dans l’étude et qui démontrent qu’il est nécessaire de penser une campagne d’information à destination des pharmacies sur ce sujet important.

Autre préconisation qui nous apparaît comme évidente, la nécessité de contrôler et de demander aux Agences Régionales de Santé de jouer un véritable rôle de soutien des usagers sur cette question. Aussi bien à travers le service des inspections (pour le coercitif) que celui de la démocratie sanitaire (pour la prise en charge des cas particuliers) peuvent permettre à termes de réduire les cas de refus. 

Plus d’informations ?

Vous pouvez nous contacter en envoyant vos questions et vos demandes à l’adresse ODU@ASUD.ORG

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