Courrier des lecteurs (hiver 1996)

Salut à tous,

Je commencerai par de banales mais sincères félicitations pour votre travail. Je peux imaginer sans peine les difficultés que vous devez rencontrer pour avoir osé vous attaquer à un sujet aussi sensible. Sensible et convoité, car « le gâteau » que représente la dope est sous la coupe d’une poignée de « spécialistes » autoproclamés, incompétents notoires, qui n’apprécient certainement pas de devoir y découper une part supplémentaire, ceci se faisant obligatoirement à leur détriment. Tous ces « Olivenstein » et autres « Curtet » prennent certainement votre action comme une atteinte à leur toute puissance ainsi qu’a leur porte-feuille.

Votre journal m’est apparu à un des moments les plus noirs de mon existence, dans la salle d’attente de l’éducateur que je venais solliciter pour obtenir la méthadone, il y a environ un an. Votre militantisme m’a emballé, m’a redonné un peu de courage, et j’aurais voulu vous contacter, mais j’étais bien trop mal pour faire quoi que ce soit à ce moment là, et l’obtention de la substitution mobilisait le peu de temps que me laissait la dope. En vain. Quatre mois plus tard, j’étais toujours en galère, et ce que je craignais est arrivé : la taule. Pas la peine de détailler, vous connaissez l’histoire.

Une vingtaine de jours plus tard, quand j’ai eu peu repris mes esprits, j’ai cherché du soutien auprès de l’antenne toxico de la prison, qui m’ont dit à peu de choses près de ne surtout pas hésiter à les solliciter si je n’avais besoin de rien. Je leur ai demandé de me procurer à défaut d’autre chose quelques exemplaires de votre magazine mais même ça je n’y ai pas eu droit. Apparemment, vous êtes tricard. Dans un pays qui se prétend le garant des droits de l’homme, qui se permet de donner des leçons au reste du globe, nos animaux domestiques ont droit à bien plus de respect que la gente toxicomaniaque, l’espèce la plus méprisée de notre territoire.

Des décennies d’échecs à tous les niveaux, mais jamais de remise en question. Le discours, c’est pas que leur politique est à revoir, c’est les toxicos qui doivent changer. Que ce soient les politiciens ou les « intervenants » en toxicomanie, l’incapacité dont ils ont largement fait la preuve est criminelle, et nulle part on n’évoque la détresse, la souffrance. Elle est pourtant présente au quotidien du dépendant et l’immense majorité des médecins nous a cependant exclus du fameux serment d’Hippocrate. Cette situation est intolérable, et seuls les toxicos pourraient défendre leurs droits. Personne ne le fera pour eux. J’en ai marre d’être traité comme de la merde, marre du mépris, et seules des actions comme celle de votre magazine pourront faire évoluer les choses. Je vous remercie d’exister et je suis à votre disposition, dans la mesure de mes moyens, pour collaborer à votre combat.

À bientôt j’espère.

Nicolas

Bonjour,

Je vous écris cette lettre parce que j’ai vraiment un truc à dire à tous les junks. Junk moi-même depuis 25 ans, ça fait deux ans que j’suis à la métha et tout va bien pour moi, merci. Par contre, ma copine, mon amie de toujours, ma compagne de shoot vient de se faire gober par un étrange animal : Narcotiques Anonymes. Je voudrais dire, crier à tous les junks de france et de Navarre de faire hyper gaffe quand ils entendent ces deux mots : Narco Ano.

Ma chère copine que j’aime, Babette, était pas vraiment accro : 2 ou 3 jours de spleen lui suffisaient pour récupérer la pleine forme physique. Hélas, son chemin a croisé une de ces Narco Ano. « Viens à nos réunions, viens voir ! » Elle est allée, puis retournée. C’était il y a trois mois. Au bout de 3 mois de réunion midi et soir, ma copine n’est plus qu’une zombie, un robot, une ombre : elle ne pense qu’a travers les Narco Anonymes.

Il faut dire que leur soi-disant méthode pour oublier la dope peut laisser perplexe : Il faut croire en Dieu. C’est Dieu qui te sauve, en te donnant une douzaine de commandements. Chez les Narco, t’es qu’un sale putain de dépendant, et pour pas l’oublier il faut le dire à chaque réunion ; « Je me présente, Donald, dépendant ». Il y a des mecs là-bas, ça fait six ans qu’ils ont arrêtés mais ils se présentent toujours comme dépendants. Ma copine ne veut plus me voir car je ne suis qu’un drogué à la méthadone et « je ferais mieux de tout arrêter tout de suite ». Vous êtes donc astreint à faire votre mea culpa tous les jours, midi et soir.

Bonjour le bourrage de crâne, obéir à leur douze commandements « je suis un pêcheur, je crois en Dieu », « je me soumets au traitement des Narco », « je ne mens jamais », etc. Moi qui me suis déjà fait baisé par une secte il y a dix ans, j’y retrouve tous les ingrédients. Alors, je dis à tous les junks de bon sens : « Faites gaffe » à ces gens pleins d’amour et super compréhensifs de Narco Ano. En un rien de temps, ils vous lavent le cerveau, dans quel but, je ne sais pas. Tout ce que je peux en dire, c’est que c’est craignes à mort et si je vois un seul de ces zombies dans mon centre de métha je lui latte la gueule de suite.

Merci de me publier, surtout pour les autres.

Jean-Luc

JUNKIE BARBE QUI ?

Junkie qui jeûne
décroche à la méthadone.
Le toxico n’a plus de pedo,
le temgésic sera sa future musique.
Accro, accro, et pas qu’à l’héro,
vive la substitution,
qui est le reflet de l’illusion.
Dépendant de ton médecin,
ton dealer c’est le pharmacien,
et toi toujours aussi arnaqueur.
Il y a longtemps que ton cœur
est une boite de néocodion.
La came a remplacé ta raison.
Je sais que tu ne veux pas arrêter,
tu veux mélanger les produits
et profiter de cette défonce
pharmaceutique, de cette dope merdique.

Saïdem

Salut les potes.

Si je prends la plume c’est juste parce que j’ai repris l’habitude d’écrire pendant les 14 derniers mois que j’ai passé au club med des Baumettes. Ça n’était rien de grave, juste un petit cambriolage, et vol = mobilier, appareils photo, caméscopes… = brozoufs = came, ça tombe sous le sens. Bon.

Donc, 14 mois de sport, business, boston et miouzik. Cette dernière activité j’ai eu la chance de la pratiquer car l’assistante sociale qui s’occupait de moi était mélomane et a bien apprécié que je lui joue la sérénade 3 après-midi par semaine. En plus, elle était bonne (l’assistante, pas la sérénade). Mais je m’épanche un peu, là.

J’ai découvert ASUD par le biais d’une copine qui a récemment perdu son mec (because AIDS, œuf corse) et qui est bénévole depuis pas mal de temps. Pour ma part, fervent consommateur de poudre depuis 12 ans (j’en ai 28) de shit, d’herbe (de mon jardin s.v.p.) et de champipi, champipi, de champignons de « Paris » quand c’est la saison, j’ai eu la chance de passer au travers de toutes les infections virales et autres hépatites. Ouf ! J’apprécie énormément votre journal et j’adhère à fond à vos idées. Bien sûr, j’ai les miennes aussi, mais je les garde pour la prochaine lettre.

Le but de la présente est, en fait, une demande. Si vous pouviez m’envoyer les plans du vaporisateur d’herbe (ou de shit) dont vous parlez dans votre journal du printemps… ce serait très très cool. Je joins une enveloppe timbrée à cet effet. Merci les gars. S’il vous prenait la fantaisie de publier cette lettre, sachez que je ne vous en tiendrai pas rigueur. Ouala, c’est à peu près tout.

Ah, ouais j’allais oublier, je fabrique artisanalement des bongs (bhangs) de toutes tailles pour déco ou usage perso, c’est selon. N’hésitez pas, écrivez, donnez-moi les mensurations de l’objet de vos désirs et j’exaucerai. Je pense qu’il est inutile de préciser que je n’utilise que du bambou et, bien entendu, les prix sont très modiques (100/150 baluches). Bon. Fin de la coupure pub, je vous remercie encore et dés que je touche un peu de francs (un bong ou le chomage), je m’abonne, c’est promis.

Katia, ma copine vous fait de grosses bises (elle est très câline), quant à moi je me contente de vous en serrer cinq en vous disant à bientôt, au plaisir de vous lire.

Marc

Si vous désirez contacter Marc, écrivez au iournal, on fait suivre.

Je rêvais d’être pompiste

Je rêvais d’être pompiste, je finis RMIste
Avec mon âme d’artiste, je persiste
Insertion, Exclusion, Expulsion
Y’a pas vraiment que du bon.
Administration, tu rentres avec un carton
Tu ressors avec un jeton.
Secours Catholique, on appelle les flics
Secours populaire, mieux vaut me taire
Resto du Cœur, c’est juste pour ma petite sœur
Y’en a vraiment marre, je prends une arme,
Merde ! un gendarme.
Prison, j’ai fini de tourner en rond.
Je rêvais simplement d’être pompiste…

Gaby

Chers Amis d’ASUD,

J’ai croisé Mr Quotidien, lors d’un voyage de routine, lequel côtoyait Mme Habitude, fidèles à la vie à la mort. D’un rouleau de p-cul à un rouleau de papier, il n’y a qu’un pas, des tubes cathodiques aux tubes à insuline, il me fallut un autre pas (aux trépas…), bien-sûr, je les ai franchis, les deux pieds joints (joints…).

Finies ces heures giratoires à l’emploi du temps du tant et temps, terminé ce no man’s land iournalier et autre Républicain Lorrain, j’avais trouvé l’intemporel, la belle kafkaïenne au pays des merveilles de fixette ! Sans parler de la sœurette au visage si pale. La mariée était en blanc, vêtue de ses plus beaux cristaux, j’avais toujours sur moi l’appareil et son flash automatique, vous me suivez ?

Et ça fait presque 10 ans que je ne fréquente plus Mr Quotidien et Mme Habitude, non maintenant, mes meilleurs amis sont ce charmant couple, vous connaissez sûrement, Mr Débit et Mme Galère. Je dois avouer qu’on s’entend bien et cette fois, je crois pouvoir dire que c’est à la vie à la mort ; Et on continue à penser que les T.O.X* ne sont ni fiables ni fidèles, non-non, ce n’est qu’une métaphore.

Et si on arrètait l’auto-flagellation, la masturbation intelectuelle de nos neurones en voie de disparition. Vous savez, ce qui me chagrine le plus en ce bas monde, ce sont l’augmentation des prix, le pouvoir d’achat en continuelle baisse, c’est l’abatage répressionniste, la concurrence déloyale, la quantité au profit de la qualité et j’en passe et des pires et tutti-quanti. Et ces putains d’enculés des deux côtés de la barrière, oh pardon ma langue a fourché. Et sorry pour tous les terriens omosapiens en mal de vivre mais j’aime faire l’amour et parfois ça fais mal et j’aime la dope et parfois et je ne fais de mal qu’à moi-même. Je suis une consommatrice en puissance, parmi tant d’autres et personne ne me dit rien quand ça engraisse la corruption de sa mémère et de son pépère.

Vous savez, quand j’étais gosse, j’avais des crises de foie à cause des bananes. Le docteur me disait, ralentie ça ira mieux. Aujourd’hui 20 néocodions attaquent plus mon foie qu’un pet et le docteur me dit, prend de la viscèralgine forte et du lexomil mais surtout, arrêtes tes un ou deux sniffs (ou pets) par jour et j’attends patiemment qu’il termine son ordonnance par un « ça ira mieux ». I like it, my dear.

Et essayons d’être un peu positif… Je vous laisse, ça va mieux.

* = terrain à oxygène xénophobe

Bisous.

Sophie

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