Étiquette : Méthadone

Traitements par Agonistes Opioïdes (TAO), la nouvelle appellation des TSO.

Ce guide sur les TAO (Traitements par Agonistes Opioïdes) qui est la nouvelle dénomination internationale des TSO car la notion de substitution ayant été trouvée trop ambigüe par les organisations d’usagers de drogues comme EuroNPUD (la déclinaison européenne du Réseau International des Personnes qui consomment des drogues INPUD) , est la traduction et l’adaptation à la France du guide réalisé en anglais par cette organisation EuroNPUD OAT Client Guide.

C’est un projet européen soutenus par les organisations d’Usagers de Drogues de Grande Bretagne, d’Ecosse, de Grèce, de France (ASUD) , d’Espagne (Catalogne),d’Allemagne, de Suède et de Norvège, chacune ayant traduit dans sa langue et adapté aux réalités de son pays ce guide qui en français nous donne:

TAO, On y est ensemble! Tout sur la dépendance aux opioïdes par les personnes qui l’ont vécu…

Vous y trouverez la liste des molécules et traitements disponibles donc en France, avec même celui que l’on aimerait bien comme l’héroïne médicalisée et surtout nos conseils d’usagers de ces traitements, les régles et les devoirs mais aussi les choses qu’il ne faut pas accepter dans les centres de délivrances et certains trucs pour passer aux travers de règles qui vont à l’encontre de nos droits!

Bonne lecture les ami.e.s!!

Speedy Gonzalez

Voyager à l’étranger avec son traitement de substitution.

La question nous est souvent posée du coup on s’est dit qu’on aller faire un petit récapitulatif des informations existantes et des différentes dispositions à prendre lorsque l’on est sous substitution et que l’on veut partir en vadrouille à l’étranger.

Il faut savoir que la procédure varie en fonction du pays ou vous vous rendez :

  • Si celui ci fait parti de l’espace Schengen (Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie,  Finlande, France, Grèce, Hongrie, Islande, Italie, Lettonie, Liechtenstein Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse.) Il vous faut demander une autorisation de transport valable 30 jours à l’agence régional de santé (ARS) dont vous dépendez. Vous trouverez en lien une cartographie interactive afin de trouver votre ARS.
  • Si le pays ne fait pas parti de l’espace Schengen il applique dans ce cas c’est propre règle, Il est conseillé de se renseigner auprès de l’ambassade ou du ministère de la Santé du pays de destination. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) peut délivrer une autorisation de transport si le pays exige ce document. Pour ça il vous faut contacter l’ANSM au moins 10 jours avant le départ à l’adresse suivante : stupetpsy@ansm.sante.fr en précisant le pays de destination, les dates du voyage et en joignant la copie de l’ordonnance qui couvre la durée du voyage. Le service est également joignable par téléphone au 01 55 87 36 33. Les attestations sont délivrées pour des quantités transportées correspondant à une durée de traitement ne dépassant pas la durée maximale de prescription autorisée de 28 jours (14 jours pour la méthadone sirop). Pour les déplacements de plus longue durée, il est conseillé d’effectuer les démarches nécessaires à la prolongation de votre traitement dans le pays d’accueil.

Pour connaitre les dispositions des différents pays, vous pouvez consulter le site de l’Organe International de Contrôle des Stupéfiants (OICS).

Vous trouverez sur le site de l’ANSM les informations et formulaires dont vous pourriez avoir besoin pour votre voyage.

Et pour les personnes qui se retrouverez en galère de TSO en Thaïlande n’hésite pas à lire l’article en lien.

L’équipe d’ASUD est aussi disponible pour répondre à vos questions et sur ce BON VOYAGE !

Fareng en galère (panne de TSO en Thaïlande)

Les « farangs », ce sont les nombreux étrangers qui déambulent sur les trottoirs de Bangkok ou sur les plages de Ko Phi Phi. Ce nom dériverait de « farrangset », le mot pour dire « Français » en langue thaïe. Notre pays entretient depuis de longues années une relation privilégiée avec cette destination qui réussit le tour de force d’être à la fois le pays de la  boxe et celui des massages, mais qui fut aussi longtemps célèbre pour la qualité de son héroïne blanche. Récit de galère stupéfiante au royaume de Siam.

Le drame

L’histoire débute avec un mail reçu le 5 août 2014, à 13h38, dans les locaux d’Asud :

« Je suis en Thaïlande depuis 2 semaines… je suis très emmerdée. J’ai pris le train de Bangkok à Ko Pha Ngan, une île à l’est de la Thaïlande, et durant le trajet de nuit je me suis fait voler mon sac à dos contenant mon traitement méthadone, des vêtements et quelques objets sans importance. Je prends 40 mg par jour en gélules. Dans mon malheur, j’ai toujours mon sac à main qui contient mon passeport, une ordo en anglais, une ordo en français, bref, tout ce qu’il faut pour être « en règle » avec les autorités, ce qui prouve ma bonne foi. Je commence à être vraiment très mal, à pas dormir, à ressentir des “coups de jus” dans tout le corps… j’ai très froid… je me sens hyper émotive… Je suis allée hier à la clinique locale mais j’ai dû patienter trois heures pour voir le médecin qui, au final, m’a dit qu’il n’y avait pas de méthadone sur l’île. Il m’a juste conseillé d’acheter du Valium® à la pharmacie du coin (10 comprimés pour 500 baths, 15 euros environ…) pour pouvoir dormir mais sans succès… je n’ai pas réussi à fermer l’œil. Je vais écourter mon séjour sur cette îile pour me rendre à Bangkok afin de régler ce problème qui me pourrit la fin de mon voyage. J’aimerais pouvoir voir un médecin ou me rendre dans un hôpital mais je n’ai aucune adresse. Je repars à Paris le 12 août, mais cela me semble tellement long que je ne vais pas pouvoir tenir, je suis très mal !! Avez-vous une adresse sur Bangkok ? Le nom d’un médecin, d’un hôpital, d’un centre méthadone ? Que puis-je faire ? Quelle est la marche à suivre ? Merci si vous pouvez m’aider », Chantal.

Trouver une prescription de méthadone en urgence à Paris au mois d’août, c’est déjà pas gagné, tout le monde est en vacances, alors en Thaïlande… Cet appel sonne comme un véritable défi lancé à notre réseau. En l’occurrence, notre seul espoir réside dans le maillage international des militants de la réduction des risques que nous rencontrons depuis de longues années dans les différentes conférences. Pour la Thaïlande, notre meilleur contact s’appelle Karyn Kaplan. En 2002, après une décennie au service des populations les plus stigmatisées du royaume, Karyn fonde avec Paisan Suwanawong le Thaï Aids Action Group, la première ONG dont l’objet est de dénoncer les atteintes permanentes aux droits de l’homme endurées par les prostitué(es), les junkies et les membres de minorités ethniques. Karyn vit aujourd’hui à New York mais n’hésite pas à sonner le tocsin sur Internet pour trouver une relais local à Chantal.

George Barbier - Chez la marchande de pavots
George Barbier (1882-1932), Chez la marchande de pavots, 19 , tirée de l’ouvrage « Le Bonheur du Jour, ou Les Graces a la Mode » assemblé et publié par Jules Meynial, 1924.

La remédiation

Deux jours passent, et le 8 août à 14h13, nous recevons ce mail incroyable : « Je suis avec Chantal a l’hôpital Thanyarak – elle a reçu sa méthadone à l’instant. Tout est en ordre », Pascal. Que s’est-il passé en quarante-huit heures ? Qui est ce mystérieux Pascal capable de transformer l’eau en opium ? Le SOS lancé par Karyn a été entendu par Pascal Tanguay, militant des droits de l’homme, lui aussi mobilisé depuis de longues années au service des plus démunis. D’abord engagé avec l’Asian Harm Reduction Network (Réseau asiatique de réduction des risques), il a ensuite travaillé pour une organisation thaï, la PSI Thailand Foundation, officiellement chargée de venir en aide aux toxicos.

Chantal n’en revient pas de la réactivité dont elle a bénéficié à 8 000 km de la Sécurité sociale, mais reste mesurée quant à celle déployée par les Thaïlandais :

« Encore merci à tous… Quelle efficacité !! rapidité !!!!!! À peine arrivée de Ko Pha Ngan, j’ai vu Pascal dans l’heure qui a suivi mon arrivée. Nous nous sommes rendus à l’hôpital public des « toxicomanes » qui prend en charge les conduites addictives et problèmes de dépendance en tout genre… »

Suit le récit détaillé en 4 étapes d’une prise en charge qui n’a rien à envier aux meilleurs services de l’Hexagone :

« Tu rentres dans une salle d’attente ou il doit faire 15°C, la clim à donf, et là, tu attends :

– 1ère étape : Tu es d’abord reçu par le service administratif afin de créer ta petite carte comme à l’hosto avec ton nom et prénom, puis tu attends…

– 2e étape : Dans cette même salle d’attente, une infirmière ou aide-soignante prend ta tension, te pèse, demande ta taille, te pose quelques questions du genre “comment te sens-tu ? As-tu des douleurs ?” Puis, avec une lampe de poche elle regarde tes pupilles, apparemment pour éviter de donner des TSO à des gens trop défoncés. Et là, tu attends à nouveau, 1 heure, 2 heures, tu attends… et tu as de plus en plus froid avec cette clim… Et puis, ô miracle !, les derniers patients viennent d’être appelés et tu te dis c’est toi la prochaine…
Mais tu attends encore 20 minutes, puis, enfin, on t’appelle… 


– 3e étape : Un docteur arrive tout sourire… te fais la prescription, te demande si tu veux du Xanax® pour dormir, et te remet un document pour pouvoir transporter légalement tes fioles afin de passer la douane sans encombre.

– 4e étape : Tu sors de cette salle d’attente pour te rendre à la caisse et à la pharmacie.

Au total pour une semaine de traitement à 40 mg par jour et une plaquette de Xanax®, j’ai payé 1 750 baths (50 €), et peut-être même puis-je me faire rembourser en France. Sans Pascal, rien n’aurait été possible, il m’a accompagnée, a fait le traducteur, est resté toute l’après-midi avec moi, et toujours bienveillant, m’a rassurée de 14h30 à 19h afin de s’assurer que je parte avec mon traitement. M’a fait appeler un taxi. Bref, un mec en OR. Et respect pour son boulot dans un pays où les toxicomanes sont considérés comme des criminels, et où ceux qui ont l’hépatite n’ont pas accès aux soins. Bravo et encore merci Pascal qui est vraiment la personne que vous pouvez contacter pour les farangs en galère de TSO en Thaïlande. »

Épilogue

19 août, 13h40, retour à X, ville du sud-ouest de la France :

« Je suis de retour, je vais m’empresser de raconter mon histoire à ma généraliste, le docteur Bip, qui a REFUSÉ de me faire une attestation en anglais avant mon départ en m’expliquant que « traductrice, ce n’est pas mon métier »... »

Voici donc un récit édifiant sur les aléas de la traversée des frontières en mode TSO. Si vous êtes un farang en galère à Bangkok, ou si vous en connaissez un ou une, adressez-vous à PSI Thailand Foundation* et demandez Pascal Tanguay.

Enfin, n’oubliez jamais de préparer en amont votre voyage en faisant rédiger votre prescription en français pour la pharmacie et en anglais pour la douane, et renseignez-vous pour obtenir le certificat de transport de stupéfiants (voir encadré).

PSI Thailand Foundation – Q.House Convent Building- Unit 12A –12th Floor – 38 Convent Road – Silom, Bangrak, Bangkok 10500 – Thailand Tél. : + 66 (02) 234-9225-29 Fax : + 66 (02) 234-9230

Serial-Dealers

A retenir

Après avoir longtemps été le pays de production, de consommation, et de vente de la meilleure héroïne du monde, la Thaïlande a refusé de prescrire des TSO jusqu’en 2010. Depuis, comme le prouvent les aventures de Chantal, des prescriptions sont faites à Bangkok. Il est de toute façon impératif d’avoir une ordonnance rédigée en anglais et une attestation de transport de stupéfiants délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Enfin, pour tous les volumes de médicaments supérieurs à la durée légale de prescription (28 jours pour la méthadone depuis 2014), une prise de contact de votre prescripteur avec un relais sur place est possible.

Dans tous les cas, n’hésitez pas à consulter la fiche pratique Partir à l’étranger de notre  rubrique Substitution.

La méthadone gélule prescrite pour 28 jours

Suite à l’avis favorable du 20 mars 2014 donnée par la Commission des Stupéfiants et Psychotropes de l’ANSM pour l’allongement de la durée de prescription du Chlorhydrate de Méthadone sous la forme gélule, un arrêté du 13 octobre 2014, publié le 17 octobre 2014 au JO, modifiant l’arrêté du 20 septembre 1999 modifié fixant la liste des médicaments classés comme stupéfiants dont la durée maximale de prescription est réduite à quatorze jours ou à sept jours exclu la méthadone sous forme gélule.

En pratique, à compter du samedi 18 octobre 2014, les patients stabilisés bénéficiant d’un traitement par Chlorhydrate de Méthadone GÉLULE, peuvent bénéficier, si leur médecin l’estime possible, d’une prescription tous les 28 jours. Pas de changement pour la délivrance à la pharmacie de la méthadone, tous les 7 jours sauf mention expresse par le prescripteur qui peu moduler cette fréquence. Par exemple : « … tous les quatorze jours », « … en une fois pour vingt-huit jours » …

Voir le décret :

Accès Journal officiel

Pour toute information au sujet des médicaments de substitution aux opiacés, notre rubrique Substitution contient des fiches pratiques .

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Evaluation de la campagne de sensibilisation des usagers recevant un traitement par la méthadone (sirop ou gélule) dans le cadre du Plan de Gestion des Risques (risque d’intoxication pédiatrique accidentelle)

Article écrit par Dr Catherine HERBERT (Caen), Dr Thierry JAMAIN (Nancy), Dr Maroussia WILQUIN (Abbeville), Dr Marie-Pierre PETIT (Avignon), Dr Etienne HIEGEL (Metz), Dr Sophie VELASTEGUI (Clermont), Dr Philippe MASSON (Pont-à-Mousson), Dr Olivier POUCLET (Thionville), Dr Christelle PEYBERNARD (Arpajon), Dr Antoine GERARD (Le Puy-en-Velay), Dr Dominique JOURDAIN DE MUIZON (Chauny), Dr Béatrice CHERRIH (Charleville), Dr Sylvie BALTEAU (Metz), Dr Marie-Christine BLANQUART (Armentières), Dr Gérard FUZET (Le Puy-en-Velay), Dr Etienne KAMMERER (Mulhouse)
Source : http://www.rvh-synergie.org/images/stories/pdf/Evaluation_sensi_metha.pdf

A la demande des services de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), en charge du suivi du PGR (Plan de Gestion des Risques) qui accompagne la mise sur le marché des gélules de méthadone, la firme qui commercialise ce médicament a mis en place en juin 2012 une étude d’impact concernant la remise des lettres-patients mettant en garde les usagers parents contre le risque d’intoxication pédiatrique. En effet, depuis la mise sur le marché de la méthadone sous forme de gélules en avril 2008, les bilans réalisés périodiquement montrent un risque d’intoxication pédiatrique qui, compte-tenu du potentiel létal de la méthadone (1 mg/kg pour des sujets naïfs ou peu dépendants), doit mobiliser tous les intervenants (médecins, pharmaciens, personnel des services spécialisés) et, en premier lieu, les patients-parents ayant des enfants à leur domicile.

Méthode

En juin 2012, une centaine de médecins ont reçu un mail leur demandant de participer (bénévolement) à cette étude d’impact. Compte-tenu de l’enjeu et de notre sensibilité sur le sujet, nous sommes 24 à avoir répondu souhaiter participer à cette étude et avons demandé un nombre de questionnaires correspondant à nos possibilités. Dès ce moment, nous avons reçu ces questionnaires de la firme, accompagnés d’une enveloppe avec l’adresse préinscrite pour le retour. Nous sommes 16 à avoir effectivement retourné les questionnaires remplis, répartis sur toute la France, avec une surreprésentation dans le Nord et l’Est. Cent-soixante-trois questionnaires ont pu être ainsi traités. Les questionnaires devaient être administrés à des patients ayant des enfants au foyer (plus ou moins régulièrement) et emportant leur traitement à domicile. Le traitement des données a été confié à la société Cenbiotech.

Population étudiée

La population à laquelle a été soumise cette enquête est majoritairement masculine, mais avec une surreprésentation inhabituelle de femmes (40 %). Cette part est généralement de 25 % lorsqu’on étudie une population d’usagers de drogues avec ou sans TSO. Il est probable que la problématique ‘enfant’ soit à l’origine de cette surreprésentation.

Sexe

N

%

Masculin

96

59.6

Féminin

65

40.4

Total

161

100.0

Données manquantes : 2

Les patients interrogés dans plus de la moitié des cas (54,7 %) ont entre 30 et 40 ans 23 % ont moins de 30 ans et 22,4 % ont plus de 40 ans

L’âge moyen de la population est de 34,6 ans avec des extrêmes à 20 et 57 ans.

Concernant la forme de méthadone prescrite, il s’agit de gélules dans 54,7 % des cas

Méthadone prescrite

N

%

Sirop

72

44.7

Gélule

88

54.7

Sirop et Gélule

1

0.6

Total

161

100.0

Données manquantes : 2

La posologie moyenne est de 59,3 mg/jour avec un minimum de 2 mg/jour et un maximum de 180 mg/jour. La médiane se situe à 60 mg/jour. Dans plus de la moitié des cas (52 %), il s’agit de parents ayant 1 seul enfant au foyer.

Evaluation_sensi_metha_Picture2

L’âge moyen des enfants les plus jeunes pour ceux ayant 1 enfant ou plus est de 5,5 ans. C’est une population de patients en majorité suivis en centre de soins ou services hospitaliers. En effet, seuls 3 médecins ayant répondu à cette enquête exercent en ville.

Résultats

Après avoir lu la lettre remise par le médecin, à la question : « Cette lette a-t’elle attiré votre attention ? », la réponse est : Oui à 93,1 %, Non à 5,6 %, Ne sait pas à 1,3 %

Concernant le message sur les différents risques, il est jugé comme clair par la quasi-totalité des patients interrogés. Seul, le message quant à la nécessité de ne pas prendre son traitement devant un enfant ne fait l’unanimité. Toutefois, 92,6 % des patients le juge clair.

Clarté du message dans la lettre sur les risques DM Non Oui Ne sait pas Total
N N % N % N % N %
Clarté du message concernant le risque mortel en cas d’ingestion par un enfant 1 0 0 162 100.0 0 0 163 100.0
Clarté du message quant au risque de déconditionner à l’avance des gélules de méthadone ou d’ouvrir le flacon à l’avance 1 0 0 162 100.0 0 0 163 100.0
Clarté du message quant à la nécessité de ne pas prendre son traitement devant un enfant 1 7 4.3 150 92.6 5 3.1 163 100.0
Clarté du message quant au risque mortel de laisser son traitement méthadone à la portée d’un enfant 1 1 0.6 161 99.4 0 0 163 100.0

DM = Données manquantes

Par ailleurs, 149 patients sur 160 (93,1 %) déclarent avoir déjà eu une information sur le risque d’ingestion accidentelle par un enfant et ses conséquences. Dans plus de la moitié des cas, c’est le médecin prescripteur habituel qui a déjà informé le patient et, assez souvent, dans la cadre du centre de soins (en cohérence avec le lieu d’exercice principal des médecins investigateurs).

Evaluation_sensi_metha_Picture3

Provenance d’une information préalable sur le risque d’intoxication

Autres résultats :

Augmentation de la connaissance du patient sur le risque d’ingestion accidentelle par un enfant et ses conséquences après avoir lu la lettre : Oui, pour 71 patients sur 161

Une majorité des patients (55,3 %) déclare que leur connaissance des risques n’a pas été augmentée suite à la lecture de la lettre.

Modification du comportement à domicile et précautions prises pour que l’enfant (ou les enfants) n’ai(en)t jamais accès au traitement après avoir lu la lettre : Oui, pour une courte majorité (50,3 %)

Apport pour le patient de cette lettre d’information :

Apport pour le patient de cette lettre d’information N %
N’a rien changé à votre perception (vous en étiez déjà convaincu) 101 65.2
Vous a sensibilisé plus que vous ne l’étiez déjà 50 32.3
Vous a sensibilisé alors que vous ne l’étiez pas ou peu 3 1.9
Vous a fait prendre conscience d’un risque que vous ignoriez complètement 1 0.6
Total 155 100.0

Données manquantes : 8

Si une majorité de patients déclare que cette lettre n’a rien changé à leur perception (déjà convaincus), presqu’un tiers a déclaré avoir été sensibilisé plus qu’il ne l’était déjà. Un seul patient reconnait qu’il ignorait complètement le risque et que cette lettre lui en a fait prendre conscience. En effectuant un croisement des données recueillies, il n’y pas de différence significative de perception du risque et des modifications que la lettre a occasionné, selon : l’âge, le sexe du parent interrogé, ou la forme prescrite.

Conclusion

Cette étude d’impact, réalisée quelques mois après la mise en place de nouvelles mesures de minimisation des risques décidées en juillet 2011, conjointement par l’ANSM et la firme qui commercialise la méthadone et mises en œuvre dès octobre 2011, semble confirmer l’intérêt des lettres remises aux patients-parents ayant des enfants à leur domicile.

Une majorité de ces patients déclare avoir déjà eu une information sur les risques d’intoxication pédiatrique, en lien certainement avec le fait que depuis avril 2008, ceux qui reçoivent un traitement par gélules de méthadone recevaient déjà une lettre destinée à les mettre en garde contre ces risques. En juillet 2011, il a été décidé d’étendre cette remise de lettre aux patients-parents sous sirop de méthadone devant le constat d’un nombre d’intoxications pédiatriques élevé (9, 6 et 5 lors des 3 premières années de traitement), avec l’ajout d’un visuel sur la lettre

Méthadone enfant

Malgré la déclaration d’une connaissance du risque d’intoxication pédiatrique, la moitié des patients déclare que cette information va changer leur comportement à domicile afin de faire en sorte que l’enfant (ou les enfants) n’ai(ent) jamais accès au traitement. La lettre retient l’attention des patients dans plus de 90 % des cas et les messages sont jugés clairs sur tous les aspects liés aux risques d’intoxication pédiatrique (92,6 à 100 % selon les items).

Il nous parait donc nécessaire de continuer, sans relâche, à diffuser les lettres aux patients, élaborées conjointement par la firme qui commercialise la méthadone et les services de l’ANSM, tout en étant conscients de la difficulté de réduire à 0 le nombre d’intoxications pédiatriques.

Discussion

Depuis avril 2008, cette campagne a permis certainement de sensibiliser beaucoup de patients-parents à conduire leurs enfants aux urgences, même en cas de simple suspicion d’absorption de méthadone, ce qui est une bonne chose.

Effectivement, un grand nombre de ces intoxications pédiatriques se traduit fort heureusement par un score d’intoxication nulle ou mineur, laissant penser que l’enfant n’a pas réellement absorbé le contenu du flacon (ou réellement absorbé la gélule). C’est un effet positif des campagnes d’information qui ‘affolent’ un peu les parents.

D’ailleurs, le bilan des intoxications pédiatriques montre une absorption moyenne de 15 mg pour des enfants de 2 ans (valeur médiane) dans les cas sirop et 30 mg pour les cas gélule. Il nous parait évident qu’il ne peut s’agir de doses réellement ingérées mais en réalité non ingérées dans de nombreux cas (peut-être partiellement ou pas du tout), sans quoi le nombre d’intoxications sévères, voire de décès, serait considérablement plus élevé. Ce bilan est disponible sur le site de l’ANSM à l’adresse : http://www.centres-antipoison.net/CCTV/Rapport CCTV Methadone Pediatrie VF Octobre 2012.pdf.

Evaluation_sensi_metha_Picture7

Tableau de synthèse du bilan à 4 ans

Notons également dans ce rapport que, dans la majorité des cas d’intoxications pédiatriques telles qu’elles sont notifiées par les services de toxicovigilance, les flacons ont été ouverts à l’avance ou les gélules déconditionnées du blister sécurisé. Dans ces conditions, il est clair qu’aucun dispositif ‘child-proof’, comme les bouchons des flacons de méthadone ou les blisters sécurisés, ne présente une quelconque efficacité.

Pour les cas où il est fait état de jeunes enfants (moins de 3 ans) ayant ouvert eux-mêmes les flacons de méthadone, même s’ils ont été notifiés ainsi sur la base de la déclaration du ou des parents, nous nous permettons de rester dubitatifs !

Evaluation_sensi_metha_Picture8En tant que cliniciens proches des patients, nous connaissons la difficulté à ouvrir les flacons de méthadone. Nous la constatons quotidiennement quand des patients adultes ou des infirmiers évoquent cette difficulté d’ouverture. Par contre, nous comprenons parfaitement qu’un parent, ‘coupable’ d’une négligence en ayant laissé sa méthadone à portée d’un de ses enfants, puisse ‘se disculper’ (vis-à-vis de lui-même ou de l’autre parent) et puisse déclarer donc au médecin qui va notifier le cas d’intoxication pédiatrique que c’est son enfant qui aurait ouvert lui-même le flacon !

Quoi qu’il en soit, cela pose la question de savoir pourquoi un flacon de méthadone (ouvert à l’avance ou non) se retrouve à la portée d’un enfant de 3 ans. Nous soutenons l’idée de la firme d’aller plus loin dans la minimisation de ce risque, projet qui a été soumis aux autorités de santé dès la mise sur le marché des gélules de méthadone en avril 2008.

En effet, elle a proposé l’affichage des visuels dans les salles d’attente des CSAPA, CAARUD et dans tous les lieux de passage obligé des patients sous méthadone. Ceci permet d’agir plus efficacement encore sur le risque d’intoxication pédiatrique en rendant le message permanent, répété et visible et en sensibilisant les soignants comme les patients à ce risque, de manière plus efficace. L’ANSM a rendu un avis favorable à cet affichage en septembre 2013. Il se met donc en place progressivement à l’heure où nous terminons cet article

Par ailleurs, si l’on exclut du bilan de toxicovigilance à 4 ans (avril 2008 à avril 2012) les cas d’intoxication jugée nulle ou mineur (38 cas sur 55, laissant penser que le contenu du flacon ou la gélule n’a pas été réellement – ou totalement – ingéré), les cas graves sont au nombre de 3 (1 intoxication grave et 2 décès). Dans 1 cas de décès, il s’agit d’une gélule belge (préparation magistrale, pas de blister sécurisé) et il y un cas avec le sirop. Il y a 12 cas d’intoxication modérée avec 2 fois une gélule belge et une fois du sirop belge.

Il ne semble pas y avoir d’évolution significative du nombre de cas rapportés chaque année, notamment compte-tenu du fait que la population exposée à la méthadone évolue de façon constante depuis plusieurs années. Si l’on rapporte le nombre d’intoxication grave et mortelle (3), ou modérée à mortelle (15) à la population exposée (près de 50 000 patients) et surtout au nombre de flacons et de gélules que cela représente chaque année (en 2012, près de 20 millions de flacons unidose et près de 19 millions de gélules – données fournies par la firme), le risque, s’il est réel, nous parait plutôt faible. Surtout si l’on tient compte de certains contextes difficiles (sociaux, psychiatriques…) dans lesquels se trouvent beaucoup de nos patients. Les cas récents (comme les deux enfants de Nancy qui ne sont pas dans le bilan) et qui ont défrayé la chronique fin 2012, montrent en effet la nécessité d’appréhender les contextes cliniques et sociaux difficiles, facteurs de risque supplémentaire et intervenant bien au-delà de considérations pharmaceutiques ou de conditionnement. La seule comptabilité des cas, même si elle est nécessaire dans un dispositif de vigilance, mais sans prendre en compte la complexité des prises en soin et des situations ne peut suffire. Elle peut, par contre, provoquer des réactions émotionnelles disproportionnées.

Enfin, les cliniciens doivent eux-aussi adapter leurs prises en soin. Le risque Zéro n’existe pas, surtout dans une population d’usagers dont la particularité est d’avoir des pratiques et des conduites à risque et chez lesquels on va prescrire (souvent par nécessité vitale) un traitement opiacé comme la méthadone. Mais, les traitements de substitution opiacée s’inscrivent résolument dans une approche plus globale de réduction des risques ou des dommages. Donc, cette réduction des risques ne doit pas se limiter au risque de mortalité, de séroconversion ou de désocialisation. Elle doit aussi concerner les dommages collatéraux que sont les ingestions accidentelles de méthadone (comme de tout autre médicament) par un enfant.

  • Nous incitons donc tous les médecins à participer activement à la diffusion des lettres-patients, mesure inscrite dans le plan de gestion des risques qui accompagne la commercialisation de la méthadone, en évaluant les situations à risques (présences d’enfants au domicile, conditions de stockage, pratiques de déconditionnement…)
  • Les conditions de prescription et de délivrance doivent être adaptées aux possibilités de gestion des patients d’un stock pouvant être parfois de plusieurs dizaines d’unités de prise.
  • Les prises en soin psycho-sociales doivent être mises en œuvre, aussi pour sécuriser les traitements !
Conflit d’intérêt : les médecins ayant participé à l’enquête et les rédacteurs n’ont perçu aucune rémunération de la part du titulaire de l’AMM des spécialités à base de méthadone (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris), ni de la firme qui commercialise ces spécialités (Bouchara-Recordati). Les auteurs n’ont perçu aucune rémunération pour la rédaction de cet article.

Prise en soin des douleurs post-opératoires chez les patients recevant un traitement par méthadone ou buprénorphine

Dans cette étude australienne publiée dans le journal « Anaesthesia and Intensive Care », les auteurs rappellent en introduction que le nombre de patients sous TSO (BHD ou méthadone) est en augmentation régulière.

Lorsqu’une intervention chirurgicale est nécessaire, il est communément admis de continuer la méthadone. La poursuite de la BHD ne fait pas la même unanimité : certains préconisent de continuer le traitement tandis que d’autres, par crainte de diminution de l’efficacité du traitement antalgique post-opératoire (en raison de la compétition agoniste partiel / agoniste complet), incitent à un arrêt temporaire.

En l’absence de preuve permettant le choix d’une stratégie plutôt qu’une autre, les auteurs ont mené une étude de cohorte prospective évaluant le soulagement de la douleur et la posologie d’opiacés antalgiques nécessaire dans les 24 heures après une intervention chirurgicale. 22 patients sous BHD et 29 patients sous méthadone ont été inclus, l’analgésie était autocontrôlée par morphine ou remifentanyl.

Les résultats n’ont pas permis de relever de différence significative en termes de scores de douleurs, d’incidence des nausées ou de la sédation, que le patient ait reçu on non son MSO (méthadone ou BHD) au lendemain de l’intervention. Concernant l’analgésie contrôlée par le patient, il n’y avait pas non plus de différence constatée dans les posologies employées, sauf pour les patients qui n’avaient pas reçu leur BHD après l’opération. Dans ce cas, les patients nécessitaient après l’opération une posologie d’antalgique significativement plus élevée.

En discussion, les auteurs précisent que par rapport aux patients sous méthadone, une proportion plus importante de patients sous BHD a reçu du remifentanyl plutôt que de la morphine. Ce dérivé du fentanyl présente une activité et une affinité extrêmement importante pour les récepteurs opiacés. Cette particularité pourrait expliquer une action antalgique efficace même après une prise de BHD.

En conclusion, et comme cela était déjà admis pour la méthadone, les résultats de cette étude confirment que l’accompagnement des douleurs péri-opératoire chez les patients sous BHD peut se faire efficacement sans arrêter le traitement et avec pour bénéficie la nécessité d’une posologie plus faible d’opiacé antalgique. Avec toutefois, un effectif restreint dans cette étude pour en tirer des conclusions définitives.

Auteurs :  PE Macintyre, RA Russell, KAN Usher, M Gaughwin, CA Huxtable / Department of Anaesthesia, Pain Medicine and Hyperbaric Medicine, Royal Adelaide Hospital, North Terrace, Adelaide, South Australia 5000, Australia

Etude : Variation du poids sur 4 ans pour des patients en traitement de maintien par la méthadone

En février 2008, dans le numéro 34 de la revue, nous avions fait part des résultats d’une étude slovaque s’intéressant à la prise de poids chez les patients en traitement de maintien par la méthadone : 274 patients suivis dans un centre à Bratislava étaient évalués pour leur IMC (Indice de Masse Corporelle) avant et après une année de traitement. Les résultats de l’étude ont fait état d’une augmentation du poids. Après comparaison avec l’IMC de la population générale slovaque, les auteurs ont conclu que la prise de poids sous méthadone n’était pas un effet secondaire direct du traitement, mais était en lien avec un changement des habitudes alimentaires des patients. Ces derniers, en améliorant leurs conditions de vie, rejoignaient les normes pondérales de la population générale. Fin 2012, la même équipe a publié les résultats d’une étude complémentaire menée sur 42 patients évalués pendant 4 ans selon différents critères parmi lesquels le poids et l’IMC. L’objectif de l’étude était de rechercher l’impact de facteurs pharmacologiques ou socio-culturels sur la prise de poids.

Poids et méthadone

Les résultats (repris sur le graphique ci-dessus) ont permis de noter une augmentation significative de l’IMC après 1 an de suivi (p < 0,001) et dans une proportion plus faible entre la 1ère et la 2ème année (p < 0,05). Par la suite, aucune autre augmentation n’a été relevée. Pendant la durée de l’étude, il n’a pas été mis en évidence de lien entre posologie de méthadone et augmentation de l’IMC. Les conclusions des auteurs complètent leurs résultats précédents : les patients admis en traitement par méthadone présentent une prise de poids significative la première année, en parallèle de l’amélioration de leur condition de vie (et dans une moindre mesure la deuxième année). Leur poids reste stable à l’issue de la 2ème année.

Idées reçues : La découverte de la méthadone par les nazis !

Les premières expérimentations avec la méthadone ont été menées en France dès les années 1970. Sa commercialisation en 1995, dans un cadre plus large, est intervenue dans un climat de méfiance. Ce climat s’est depuis lors adouci, malgré toujours quelques pesanteurs et grandes peurs autour du médicament lui-même, héritages de plusieurs décennies d’idéologie anti-substitution et pro-abstinence et de combats idéologiques qui les ont accompagnées. Pourtant, le rapport bénéfices-risques de ce médicament paraît scientifiquement indiscutable.

Et, de ce fait, comme le soulignait notre ami Stéphane Robinet dans le Flyer 49, progressivement, un nombre croissant de patients (50 000 en 2012) a bénéficié d’un traitement de substitution par méthadone. Le traitement s’est en quelque sorte banalisé ou, tout du moins, a fini par être dé-stigmatisé.

Cependant, lorsque l’on s’interroge sur la composition, les effets, ou les origines de la méthadone, force est de constater que certaines idées reçues persistent. A titre d’exemple, il n’est pas rare que la découverte de la méthadone soit associée à l’Allemagne nazie :

  • La méthadone aurait été employé en Allemagne pendant la 2ème guerre mondiale pour faire face à un manque d’opiacés ;
  • Elle aurait été surnommée Dolophine ou Adolphine en référence à Adolph Hitler.

L’encyclopédie en ligne Wikipédia, même si elle a corrigé le tir depuis, a pendant longtemps affiché cette information sur la page consacrée à la méthadone.

Sur le site de la MILDT, l’information selon laquelle, la méthadone aurait été synthétisée pendant la seconde guerre mondiale est toujours présente.

 

Méthadone MILDT

 

Or, lorsqu’on se plonge quelques décennies en arrière, on peut s’apercevoir que ces affirmations ne sont pas exactes et qu’il s’agit plutôt de « légendes urbaines » alimentées soit par des détracteurs, soit par des reprises de fausses informations répétées sans aucune vérification.

La méthadone – une molécule découverte il y a plus de 70 ans

Dans les années 1880, en parallèle au développement de la chimie, se créé en Allemagne un contexte de recherche accrue d’antipyrétiques et d’antalgiques : commercialisation de l’Antipyrin® en 1884 ; Pyramidon® en 1897 et Novalgin® en 1921.

Par la suite, la recherche de molécules possédant des propriétés antalgiques et anti-spasmodiques se poursuit et en 1937, deux chimistes de la firme allemande Hoescht, Max Eisleb et Gustav Schaumann, découvrent la péthidine. Quelques temps plus tard, en 1938, un dérivé de la péthidine est synthétisé par deux chercheurs de l’IG Farbenindustrie : Max Bockmühl et Gustav Ehrhart. La molécule est brevetée sous le nom VA 10820.

Les premières expérimentations seront menées en 1942, le VA 10820 prenant le nom de code Amidon®. Son utilisation durant la 2ème guerre ne dépassera pas le cadre expérimental : en quantité insuffisante, la péthidine lui sera préférée car mieux connue et plus accessible.

Après la seconde guerre mondiale, les forces alliées récupérèrent l’ensemble des brevets détenus par la firme IG Farbenindustrie. Les données issues de la recherche seront dans le même temps collectées par le Département Américain de Renseignement Commercial (U.S. Department of Commerce Intelligence).

C’est uniquement à partir de 1947 que l’Amidon® prendra le nom de méthadone, attribué par le Conseil de la Pharmacie et de la chimie de l’Association Médicale Américaine (Council on Pharmacy and Chemistry of the American Medical Association). C’est également cette même année, que la firme Lilly, fera l’acquisition des droits de la méthadone pour 1$ et commercialisera une spécialité sous le nom de Dolophin®.

A la suite d’expérimentations en 1960, le comité des narcotiques du conseil de recherche médicale (Narcotics Committee of the Health Research Council) de New York mandate Vincent Dole pour effectuer des recherches sur la prise en soin de la dépendance à l’héroïne.

L’étude, menée conjointement avec Marie Nyswander et Marie-Jeanne Kreek, montra que la méthadone à la posologie de 80-120 mg/j permet, contrairement à la morphine utilisée jusqu’alors, d’empêcher de ressentir le manque en héroïne, d’améliorer l’état de santé global tout en permettant une reconstruction sociale de l’usager dépendant aux opiacés.1

L’idée (fausse) selon laquelle la méthadone aurait été appelée Dolophin®/Adolphin en référence à Adolph Hitler, apparaitra bien plus tard. Dans les années 1970, cette propagande sera employée dans les rues de New York par les détracteurs de la méthadone dans le but de la discréditer en associant l’Allemagne nazie2 et ses horreurs à une modalité de traitement à laquelle ils s’opposaient. En France, dans les années 80-90, cette même allégation faisait partie de la doxa anti-méthadone, notamment dans une partie du milieu spécialisé de l’époque. Tous les intervenants en toxicomanie français ont entendu cette affirmation souvent exprimée par des orateurs qui eux-mêmes l’avait entendu dans les propos ou lu dans les textes d’un autre. Depuis, plusieurs articles ont fait une mise au point sur le sujet, mais comme toute idée reçue, celle-ci a la vie dure, très dure !

——————————

1 Dole VP, Nyswander MA. Medical treatment for diacetylmorphine (heroin) addiction: a clinical trial with methadone hydrochloride. JAMA. 1965;193(8):646-650

2 Kleber HD. Methadone: the drug, the treatment, the controversy. In: Musto DF, ed. One Hundred Years of Heroin. Westport, CT: Auburn House; 2002:149-158.

Méthadone et allongement de l’espace QT : Analyse de quelques publications récentes…et moins récentes

substitutionPour tout savoir et échanger sur les traitements de substitution opiacés rendez vous sur la Plateforme Substitution d’ASUD.

Un risque connu depuis des décennies…

La prescription de méthadone est courante depuis plus d’un demi-siècle comme analgésique morphinique et comme médicament de substitution opiacée dans de nombreux pays. Depuis plus de 30 ans, elle est connue pour allonger l’espace QT chez certains patients et dans certaines conditions, par un mécanisme parfaitement connu et dans des proportions assez proches de nombreux médicaments utilisés en pratique courante (antibiotiques, anti- allergiques, psychotropes, cardiotropes…).

Jusqu’au début des années 2000, hormis quelques publications, ce risque d’allongement de l’espace QT aux conséquences cliniques rares, sinon exceptionnelles, était relativement inconnu de tous, jusqu’à la publication de Krantz en 2002. Il y décrivait 17 cas de torsades de pointes, mettant ainsi en lumière et de façon alarmante, un risque de torsade de pointes en lien avec la méthadone.

 

Méthadone et QT long (2)

 

Il faut repréciser ici que la posologie moyenne de méthadone dans cette analyse rétrospective de cas, près de 400 mg/jour, était tout simplement ‘stratosphérique’ (commentaire d’Andrew Byrne à l’époque de la publication de Krantz), que 7 patients souffraient d’une hypokaliémie et un autre d’une hypomagnésemie (facteurs reconnus d’allongement de l’espace QT). Par ailleurs, 9 d’entre eux recevaient conjointement un traitement connu pour allonger l’espace QT. Au total, en dehors d’une posologie (très) élevée de méthadone, 14 des
17 patients avaient au moins un facteur de risque d’arythmie. Disons simplement que si on avait voulu montrer la toxicité cardiaque de la méthadone, on aurait guère pu mieux faire qu’en prenant un échantillon « aussi dosé » et comorbide ! Notons toutefois que l’auteur, prudent dans sa conclusion, précisait que les données suggéraient mais ne prouvaient pas que de très hautes doses de méthadone puissent être la cause de torsades de pointes. Beaucoup de publications ont alors suivi, rediscutant souvent les cas de Krantz et une littérature très pléthorique mais indigente a vite envahi l’espace dédié à la communication autour des TSO.

Très rapidement, les défenseurs des TSO par la méthadone ont réagi à cette littérature peu originale et redondante, s’inquiétant parfois des conflits d’intérêt des auteurs d’une revue bibliographique avec une firme qui commercialise un concurrent de la méthadone (!) ou regrettant l’argent et le temps dépensé en études n’établissant aucune nouveauté clinique (toujours Andrew Byrne, plus récemment encore).

Méthadone et QT long Marie-Jeanne KreekCitons aussi Marie-Jeanne Kreek, co-inventeure des TSO à la méthadone (et 50 ans de prescription au compteur !), qui a rappelé au dernier congrès THS en 2011 ce qui lui semblait être l’innocuité de la méthadone, à condition de suivre des règles connues depuis des décennies et au regard des centaines de milliers de patients traités. D’autres équipes ont publié des études prospectives rassurantes dont notamment celles que nous traiterons ici.
Notons qu’en France, le titulaire des AMM de la méthadone, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, a lui-même demandé en 2005 une modification de l’information contenue dans les RCP pour y inscrire les mesures de précautions vis-à-vis de l’allongement du QT. La firme qui commercialise la méthadone, communique depuis lors et très régulièrement sur le sujet recommandant notamment la pratique d’ECG, voire celle d’un dosage sanguin de potassium à la recherche notamment d’hypokaliémie.

Une polémique réactivée en 2012…

En 2012, une étude publiée dans Addiction a relancé une énième fois la polémique sur le sujet (on se demande pourquoi et dans quel intérêt ?).

 

Méthadone et QT long (3)

 

Sans remettre en cause l’honnêteté des auteurs de cet article, il semble bien que cette étude souffre de quelques biais méthodologiques et, surtout, affiche un titre et une conclusion peu en rapport avec ce qu’elle est en droit d’avancer.

En premier lieu, son titre laisse supposer une augmentation de l’incidence de prolongement de l’espace QT pour l’échantillon étudié, alors que les auteurs ne disposaient pas d’un ECG de base, avant la mise en place du traitement. Dans le passé, d’autres auteurs comme Lipski et ses collègues, en 1973, ont rapporté que 19 % des consommateurs d’héroïne dans la rue présentaient un allongement du QT avant de commencer un traitement par méthadone. Très certainement en rapport avec des poly-consommations ou des conditions sanitaires et sociales favorables à des perturbations électrolytiques et un état de santé général parfois (souvent) mauvais.

En second lieu, il est fait référence dans cette étude à de « plus faibles dosages » de méthadone responsables de prolongement de l’espace QT. Or, dans cette étude, la posologie moyenne de l’échantillon est de 80 mg/jour, moyenne supérieure au 60-70 mg constatée en France (dispositif OPPIDUM) comme ailleurs. S’il s’agissait de dire que les posologies sont plus faibles que dans la série de Krantz (400 mg/jour), c’est un fait ! Pour autant, elles sont plutôt normales dans le contexte de la pratique clinique courante en addictologie.

En troisième lieu, dans cet échantillon, plus de la moitié des patients consomme encore de l’héroïne, sans que les auteurs n’aient jugé utile de corréler ce constat objectif (analyse urinaire) avec le prolongement de l’espace QT. Par ailleurs, aucun ionogramme n’a été réalisé, à la recherche de perturbations électrolytiques, parmi lesquelles une hypokaliémie, dont la responsabilité dans l’allongement de l’espace QT est bien établie.

Enfin, on peut noter que les auteurs ont retenu 450 ms comme valeur seuil au dessus de laquelle on pouvait parler d’un allongement de l’espace QT, alors qu’il est possible de retenir des valeurs supérieures à 470 ou 480 ms selon certaines sociétés savantes en cardiologie. Dans l’hypothèse du choix de ces dernières valeurs, le taux de QT prolongé passe à 2.2% (4 patients sur les 180 de l’échantillon) avec un espace QT supérieur à 470 ms. Par ailleurs, aucun patient ne présente d’espace QT supérieur à 500 ms, valeur au-delà de laquelle on estime un risque significativement augmenté d’arythmie (Journal of Addictive Diseases. Volume 30, Issue 4, 2011. QT Interval Screening in Methadone Maintenance Treatment: Report of a SAMHSA Expert Panel). Pourtant, ces auteurs, dans leur discussion, évoquent longuement le risque torsadogène de la méthadone alors qu’aucun des patients n’a été victime d’un quelconque incident suggérant une arythmie ou une torsade de pointes !!

Méthadone et QT long (4)Au regard de ces remarques, il ne nous semble pas que cette étude apporte un quelconque élément nouveau dans la conduite à tenir dans la prise en soins des patients bénéficiant d’un traitement par la méthadone. Dans une réaction publiée sur son blog à la suite de la publication de cette étude, le Dr Andrew Byrne, en dehors de sa question de la pertinence à dépenser du temps et de l’argent pour établir ce que l’on sait déjà, met l’accent dès le titre de son article sur l’impact de la méthadone sur la baisse de la mortalité des usagers en regard du rare risque de survenue d’un arrêt cardiaque non fatal tout en encourageant à rechercher une posologie adaptée (synthèse en fin d’article).

Des études à la méthodologie plus rigoureuses…

Toujours dans la même revue Addiction, deux équipes expérimentées (Kreek à New York et Peles à Tel Aviv) ont publié en 2006, une étude visant à établir un lien entre QT et posologie de méthadone d’une part et, de façon très pertinente, le lien entre QT et taux sériques de méthadone d’autre part.

 

Méthadone et QT long (5)

 

Pour ce faire, ils ont étudié une série de 138 patients recevant une posologie très élevée de méthadone (en moyenne 170 mg/jour), avec des taux sanguins de méthadone en moyenne à 708 ng/ml, bien au-dessus des valeurs retrouvées chez la plupart des patients traités en pratique courante (400 ng/ml). Le QTc moyen calculé dans cette série est de 418 ms.

  • Seuls, 3 patients présentaient un QTc supérieur à 500 ms (très prolongé par rapport à des valeurs normales) sans possibilité d’établir un lien de cause à effet avec la méthadone, puisque les chercheurs ne disposaient pas de mesure de l’espace QT avant la mise en place du traitement.
  • 19 patients avaient un QTc compris entre 450 et 499 ms.
  • Aucun de ces 22 patients, dans un suivi à 2 ans, n’a souffert de problème cardiaque.

S’il n’y pas dans cette étude de corrélation étroite entre posologie et taux sanguins de méthadone d’une part et valeur QTc d’autre part, les auteurs notent que tous les patients avec un QTc > à 450 ms avaient une posologie supérieure à 120 mg/jour. Ils en concluent naturellement que le traitement par la méthadone est sûr (malgré ici des posologies et des taux sanguins largement supérieurs à la normale) mais que, pour autant, les patients avec une posologie supérieurs à 120 mg/jour doivent faire l’objet d’un ECG. C’est exactement le seuil retenu pour le RCP des spécialités à base de méthadone commercialisées en France, au- delà duquel, sans autre facteur de risque associé, il est conseillé de pratiquer un ECG.

Une étude en 2012, avec mesure du QTc avant et après…

Encore plus récemment, une étude norvégienne a été publiée en octobre 2012 dans la revue Drug & Alcohol Dependence.

Méthadone et QT long (1)

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Les auteurs rappellent en préambule que la méthadone et la buprénorphine sont largement utilisées dans le traitement de la dépendance aux opiacés. Certaines études suggèrent que l’emploi de la méthadone serait associé à un risque accru d’allongement de l’espace QT et de survenue de torsades de pointe alors que ces risques n’auraient pas été observés avec la BHD.

Par ailleurs, si un lien entre posologie de méthadone et allongement de l’intervalle QT a pu être décrit au sein de plusieurs études (mais pas toutes comme nous venons de le voir), beaucoup d’entre elles révèlent de nombreuses faiblesses méthodologiques parmi lesquelles :

  • L’absence de mesure de l’espace QT avant l’entrée des patients en traitement : les seules valeurs prises en considération sont les intervalles QT évalués à un instant donné (permettant de conclure à un QT prolongé par rapport aux valeurs normales et non à un allongement de l’espace QT lié au traitement) ;
  • L’absence de prise en compte des consommations associées, notamment de drogues ou de médicaments connus pour allonger l’intervalle QT ou pour interagir avec la méthadone ;
  • L’absence de mesure des concentrations plasmatiques en potassium : l’hypokaliémie étant un facteur connu d’allongement d’intervalle QT, sinon le principal.

L’objectif de cette étude a donc été de déterminer le risque d’augmentation de l’intervalle QT corrigé (QTc) pour des patients en traitement de substitution opiacée et d’étudier les potentielles associations entre modification du QTc et concentrations plasmatiques en méthadone et buprénorphine.

90 patients ont été recrutés au moment de l’instauration de leur traitement de substitution opiacée par méthadone (n = 45) ou buprénorphine (n = 45). L’intervalle QTc a été déterminé par électrocardiogramme (ECG) à l’admission (avant la mise en place du traitement), après 1 mois (n = 79) et après 6 mois (n = 66). Des échantillons sanguins ont également été recueillis pour analyse des concentrations plasmatiques en buprénorphine, (R)-méthadone, (S)-méthadone et mélange racémique de méthadone. Les valeurs de kaliémie ont également été mesurées.

Quel que soit le groupe, aucun patient n’a présenté de QTc prolongé (défini ici par une valeur de QTc supérieure à 450 ms) au moment de l’admission, après 1 mois ou après 6 mois de traitement. Les valeurs de QTc moyennes pour la buprénorphine étaient respectivement de 405 ms, 399 ms et 398 ms au 3 temps de l’étude. Celles pour la méthadone de 406 ms, 409 ms puis 408 ms, soit une augmentation non significative de quelques millisecondes. Les posologies moyennes dans cette étude sont autour de 90 mg pour la méthadone et autour de 16 mg pour la buprénorphine.

Dans cette étude, après analyse à l’aide d’un modèle de régression linéaire, l’augmentation du QTc n’a pas été associée aux concentrations plasmatiques de buprénorphine (p = 0,90) ou de méthadone (p = 0,37). Seule, une faible concentration en potassium (hypokaliémie) était associée à une augmentation significative du QTc (p = 0,037).

Ces données soutiennent et renforcent les résultats précédents selon lesquels la méthadone à posologie modérée (inférieure à 100 mg/jour) n’est pas associée à une augmentation significative du QTc. Selon les auteurs, malgré l’absence d’écart entre les 2 médicaments, la buprénorphine (à posologie usuelle) est une alternative viable à la méthadone en regard du risque d’allongement du QTc (!).

Cette étude met réellement en lumière un élément plus nouveau, c’est l’association (qu’on aurait déjà pu craindre) entre allongement de l’espace QT et l’hypokaliémie. Elle incite, de ce fait, à la pratique d’un ionogramme ou plus facilement d’un dosage du potassium, à la recherche d’une hypokaliémie chez des patients qui vont, de surcroit, présenter des facteurs de risques associés (co-prescriptions d’inhibiteurs du métabolisme de la méthadone ou de médicaments allongeant l’espace QT, posologie supérieure à 120 mg/jour, antécédents cardiaques…)

En pratique…

Sur cet aspect, le suivi de patients bénéficiant d’un TSO doit comprendre :

  • L’information des patients sur les risques et la recherche d’antécédents à l’anamnèse (syncope, arythmies, atteintes cardiaques préexistantes, antécédents familiaux de mort subite…).
  • Un ECG, au moins pour tout patient avec une posologie supérieure à 120 mg/jour comme les RCP des spécialités à base de méthadone le préconisent mais, pourquoi pas, pour tous les patients bénéficiant du traitement, en raison de l’existence d’autres facteurs aggravants (consommations illicites associées – cocaïne notamment, médicaments co-prescrits, hypokaliémie…).
  • Une recherche de signes cliniques :
    • pouvant être en lien avec une arythmie pour les patients déjà traités (malaises, vertiges…) même s’ils sont non spécifiques.
    • pouvant être responsable d’une fuite potassique (diarrhée, déshydratation),
  • L’évaluation d’un éventuel déséquilibre alimentaire (pauvre en fruits et légumes) qu’il faudra tenter de corriger.
  • Un dosage du potassium, à la recherche d’une hypokaliémie, notamment en cas de QTc > à 450 ms et pour les patients en cours du traitement.
  • Un suivi rapproché si le QTc est > à 450 ms et < à 500 ms, avec ECG et kaliémie répétés, sans négliger l’effet anxiogène d’un tel suivi.
  • Si le QTc est supérieur à 500 ms :
    • Une diminution de la posologie, si elle est possible.
    • Un changement des co-prescriptions, si il est possible
    • Un changement de MSO : buprénorphine haut dosage par exemple, si il est possible et souhaitable (par le patient, ex : ex-injecteur de buprénorphine) ou par morphine LP, avec l’avis du médecin-conseil et, par exemple, dans le cadre d’un protocole de soins ?

Concernant la buprénorphine, les études sont rassurantes sur le risque d’allongement de l’espace QT. Il faut noter toutefois que celles-ci ont été réalisées avec des posologies généralement inférieures ou égales à 8 mg/jour (sauf celle de Stallvik et coll.). Il existe peu de données pour des patients avec des posologies supérieures à 16 mg, promues par certains cliniciens ainsi que les firmes qui commercialisent les présentations à base de buprénorphine. Idem pour ceux qui mésusent les formes de buprénorphine et dont l’injection ou le sniff peut entrainer des concentrations plasmatiques plus élevées et moins anodines en matière de cardiotoxicité.

Concernant la morphine, elle ne semble pas avoir d’effet sur le QT aux posologies habituellement efficaces, mais n’ayant pas d’AMM pour son utilisation en tant que MSO, sa prescription peut être refusée, même si le dispositif Girard (du nom de l’auteur de la circulaire qui en permet normalement l’utilisation à titre dérogatoire) est censé rendre possible la prescription dans des cas comme celui-ci.

Dans tous les cas de figure, après changement de MSO, il convient de vérifier l’impact qu’il a eu sur l’intervalle QT.

Enfin, la question de la pratique d’un ECG préalable au traitement se pose. Elle a divisé et divisent encore de nombreux cliniciens. Si elle apparait comme une mesure de bon sens a priori, il faut la discuter à l’aune d’une évidence. Il y a peu de chance, avant l’initiation d’un traitement par la méthadone, d’être en présence d’usagers sans consommations de substances licites ou illicites qui allongent l’intervalle QT.

On disposerait alors d’un QTc de référence peu éclairant sur le risque pris en démarrant un traitement. Par ailleurs, comme la littérature scientifique le confirme, le risque d’allongement du QT est quasi nul pour des posologies < à 120 mg/jour. Il n’y a donc pas lieu de faire systématiquement une ECG avant la mise sous traitement, sauf si cette pratique n’entrave ni ne ralentit la mise en place effective dudit traitement.

Si toutefois, on dispose d’un résultat d’ECG avec un QTc > à 500 ms, mieux vaut surseoir à la mise en place du traitement par la méthadone (en prescrivant dans l’attente de la buprénorphine ou de la morphine – si possible), tout en corrigeant d’éventuels facteurs responsables de QT longs (co-prescriptions, déséquilibres hydro-éléctriques).

En complément, un résumé de la réaction du Dr Andrew BYRNE à la publication de Roy 2012 dans Addiction…

Le faible risque de survenue d’un arrêt cardiaque ne doit pas empêcher des bonnes pratiques de posologies adaptées de méthadone qui permet de sauver des vies.

Le Dr Andrew Byrne est médecin généraliste en Australie. Dès 1986, il a été un des premiers praticiens du pays à instaurer des traitements par méthadone pour ses patients usagers de drogues dépendants aux opiacés. En parallèle de sa pratique, il publie régulièrement de nombreux courriers, commentaires et avis dans des revues telles que l’Australian Medical Journal, Addiction Research, Journal of Maintenance in the Addictions, British Medical Journal, Addiction, British Journal of Psychiatry, Australian Family Physician, The International Journal of Drug Policy ou encore the New York Times. Il contribue également à de nombreuses discussions sur Internet dans le cadre de son blog.

Fin Août 2012, le Dr Byrne à réagi à un article publié par une équipe irlandaise concluant à un allongement de l’intervalle QT même pour des « posologies faibles » de méthadone. Après une première discussion de la publication, il retrace l’historique de la question de l’allongement de l’intervalle QT au travers d’une revue de la littérature. Dans sa réaction, le Dr Byrne apporte plusieurs précisions qui peuvent être notées :

  • 10% à 19% des consommateurs d’héroïne de rue présentent un QT long avant de commencer un traitement par la méthadone (Wedam et al. ; Lipsky et al.) ;
  • Un allongement notable de l’intervalle QT, même à un taux supérieur à 500 ms ne semble pas entrainer un risque notable de torsades de pointe (dans la population de patients en MMT étudiée par Wedam et al.) ;
  • Au sein de la littérature, il n’existe aucun décès documenté dû à une torsade de pointe chez des patients en traitement de maintien par la méthadone (avec cependant un seul décès suspect documenté en France).

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En conclusion, le Dr Byrne rappelle que la population d’usagers de drogues est une population présentant plusieurs facteurs de risque parmi lesquels la prise de nombreux médicaments, la présence de pathologies sous-jacentes (VIH, hépatite C…) et la consommation d’alcool. Il s’interroge également sur le fait de dépenser autant d’argent et de temps au sujet de l’allongement de l’intervalle QT alors que la question des « standards » du traitement n’est pas encore résolue.

L’abandon du traitement, les décès, les overdoses, les infections virales, le chômage, etc… sont toutes des conséquences bien documentées de posologies insuffisantes, d’un encadrement inadapté et d’une absence de soutien psychosocial. L’ensemble de ces facteurs a été décrit dans le premier article sur la méthadone rédigé par Vincent Dole en 1965. Cependant, ces données ne sont pas toujours prises en considération et in fine, le Dr Byrne rappelle que ce sont les patients qui en font les frais.

par Dr William LOWENSTEIN, Boulogne (92), Dr Claude FONTANARAVA, Aubagne (13) & Dr Philippe RIVAT, Cardiologue-rythmologue, St-Amand-les-eaux (59)

Conflits d’intérêt : Les auteurs n’ont perçu aucune rémunération des firmes qui commercialisent les spécialités concernées (à base de buprénorphine ou de méthadone) pour la rédaction de cet article.

Histoire de la Méthadone

Ecrit par Andrew Preston(1) et extrait du magazine JUICE(2)

Les mythes concernant la méthadone sont nombreux. Cette première partie de notre histoire de la méthadone en détruira quelques uns parmi ceux qui sont considérés comme les plus vénérables.

Que savez-vous sur l’origine du produit que vous consommez tous les jours ? Comme la plupart d’entre nous, deux faits vous ont probablement frappés :

  1. La méthadone aurait été découverte par les allemands dans un désespérant effort de guerre pour suppléer au manque d’opium dont l’approvisionnement était interrompu par l’offensive alliée.
  2. La première appellation de la méthadone aurait été la « Dolophine(3) » en souvenir de « Adolph » (Hitler). 

Les deux sont faux.

Le rôle de Max et Gustave…

La préhistoire de la méthadone débuta avec son ancêtre chimique : la péthidine (en France le Dolosal®). Créée en 1937 par deux scientifiques allemands : Max Eisleb et Gustav Schaumann, la péthidine permit de soulager rapidement les douleurs liées à l’accouchement chez des milliers de femmes. Ses deux créateurs travaillaient pour le conglomérat chimique allemand I.G. FarbenIndustrie dont les laboratoires mirent également au point le procédé pour fabriquer de l’héroïne à partir de l’opium il y a un peu de 100 ans. L’usine de la compagnie étant située à Höchst-am-Main, la péthidine fut baptisée du numéro de série : Höchst 8909. Plus tard elle fut appelée Dolantin®.

Pratiquement depuis que la dépendance est connue, le St Graal des chimistes a toujours été la recherche d’une drogue analgésique non addictive. En d’autres termes une drogue supprimant la douleur  mais ne produisant aucun des effets agréables dont certains ne veulent ensuite plus se passer.  Ils crurent avoir réussi avec la péthidine mais, comme avec l’héroïne il y a un siècle et avec la buprénorphine (Temgesic®, Subutex®) actuellement, douleur et plaisir ne se laissent pas dissocier si facilement et la recherche continue toujours.

Des collègues de Eisleb et Schaumann, les dr Max Bockmühl et Gustav Ehrart continuèrent à tripoter la structure moléculaire du principe actif du Dolantin® , espérant créer un analgésique suffisamment différent de la morphine afin de proposer une alternative aux opiacés dont la prescription avait très mauvaise réputation dans l’Allemagne nazie.

En 1938, parmi leurs 300 créations, une constellation d’atomes de carbone, d’hydrogène, de nitrogène, d’oxygène et de chlorine devint une molécule que nous connaissons sous le nom de méthadone.

L’œuvre de Max et de Gustav fut enregistrée sous le label « Höchst 10820 » et plus tard fut baptisée Polamidon®.

Oublié dans un placard

Les chercheurs de Höchst firent suffisamment de recherches pour démontrer les qualités analgésiques de la méthadone. Pour ne pas se faire déposséder, le 25 septembre 1941, Max Bockmühl et Gustav Ehrart remplirent un formulaire afin de breveter leur découverte. Après ça, ils remirent leur produit aux militaires sous le nom de code « Amidon » pour une série de tests plus vastes.

Peut-être les militaires utilisèrent-ils des doses trop fortes entraînant trop d’effets secondaires et cela les dissuada de continuer l’utilisation de la méthadone comme anti-douleur ? Peut-être les conditions de la guerre et le contexte d’après-guerre empêchèrent-ils toute recherche supplémentaire? En tout cas, quelle qu’en soit la raison, aucune tentative d’importance ne fut faite pour lancer une production commerciale de « Höchst 10820 » durant la guerre et les recherches pour trouver de nouveaux médicaments analgésiques continuèrent.

Les accords signés à la fin de la guerre obligèrent l’ Allemagne à remettre tous ses brevets, découvertes et marques déposées aux alliés. Le pays fut partagé par les vainqueurs ; la société Höchst se trouvait dans le secteur sous contrôle américain. Les autorités US dépêchèrent  une équipe de quatre personnes – Kliederer, Rice, Conquest et Williams – afin d’évaluer les travaux des chercheurs de Höchst durant la guerre. En 1945, leur rapport fut publié par le US Department of Commerce.

Ce fut la première publication documentant les effets de la méthadone. Cette drogue, bien que chimiquement différente, avait des effets analgésiques proches de la morphine. Comme les américains furent les premiers à publier ces informations, quelques uns crurent que les allemands ne connaissaient pas les effets de la drogue. En réalité les américains avaient simplement rapporté ce que les allemands leur avaient appris.

Les USA récoltent les lauriers

Tout le stock des créations chimiques de Höchst fut saisi par les américains et les formules des inventions furent distribuées librement dans le monde entier. La méthadone ainsi que d’autres produits débutèrent ainsi une carrière commerciale dans l’industrie pharmaceutique. Les bénéficiaires reconnaissants purent choisir le nom commercial ou de marque déposée qu’ils voulaient.

La compagnie pharmaceutique US Eli-Lilly choisit le nom d « Dolophine » que de nombreuses personnes prétendirent inspiré par le prénom de Adolph Hitler. Cette affirmation est sans fondement. Jamais les responsables de Eli-Lilly n’auraient voulu ainsi commémorer le führer. Ce nom fut probablement inspiré par le nom français « douleur » lui même dérivé du latin « dolor » et phine proviendrait de « fin », le tout donnant l’idée de « fin de la douleur ».

En 1947, une équipe américaine, qui expérimenta largement la méthadone, sous la direction de Isbell, publia un résumé de ses travaux. Mais ils firent comme les militaires allemands et employèrent des doses bien trop élevées de méthadone. A certains volontaires on injecta jusqu’à 200 mg quatre fois par jour. A de telles doses, Isbell observa « un rapide développement d’une tolérance ainsi qu’une euphorie » et probablement quelques décès qui furent passé sous silence. On dut diminuer les doses car les volontaires souffraient de  « toxicité….inflammation cutanées… profonde narcose… et une apparence clinique de malaise général.  (A ASUD on aurait dit qu’ils étaient  vachement défoncés) Mais tout le monde ne trouva pas la méthadone sans intérêt ni attrait. Des médecins affirmèrent que : « des personnes dépendantes de la morphine répondent positivement à la méthadone. »

Ces expériences amenèrent les chercheurs US à mettre sévèrement en garde contre le potentiel addictif de la méthadone : « Nous pensons que si la fabrication et l’utilisation de la méthadone (déjà appelée ainsi) ne sont pas strictement contrôlées, la dépendance à ce produit deviendra un grave problème de santé publique. »

Alors que les scientifiques US récoltèrent la renommée, les créateurs allemands de la méthadone ne présentèrent leur travail original qu’en juillet 1948 et il ne fut pas publié avant 1949.

Les premières publications d’après-guerre voulurent démontrer que, par rapport aux autres analgésiques centraux, les avantages de la méthadone étaient minimes par rapport à tous ses inconvénients tels que : nausées, dépression respiratoire et devant le danger d’une forte dépendance.

Seule l’armée américaine faisait une très parcimonieuse utilisation expérimentale de la méthadone en tant qu’anti-douleur quand en 1965, les médecins US Marie Nyswander et Vincent Dole, en relisant la littérature spécialisée, eurent l’idée d’employer le produit pour un nouvel usage. Ce couple, à présent célèbre, cherchait un médicament pour traiter les personnes dépendantes de l’héroïne. Ils espèraient trouver une drogue de type opiacé qui puisse être utilisée par voie orale et qui n’entraînerait pas une augmentation des doses pour maintenir l’effet recherché.

Leurs premières expériences trouvèrent rapidement un emploi à la méthadone… et le reste fait partie de l’histoire.

Chronologie

1937 – Création de la péthidine ; premier précurseur de la méthadone par les scientifiques allemands Eisleb et Shaumann.

1938 – Max Bockmühl et Gustav Ehrart synthetisent la méthadone à partir de la pethidine.

1941 – Bockmühl et Ehrart fontbreveter leur nouvelle création.

1945 – A la fin de la deuxième guerre mondiale, les USA font main basse sur l’usine qui fabriquait la méthadone

1945 – Les Etats-Unis publient un premier rapport basé sur le travail de recherche des allemands.

1947 – Après leurs expériences, Isbell et ses collègues mettent en garde contre les risques de dépendance.

1949 – Les recherches originales de Max Bockmühl et de Gustav Ehrarhart sont finalement publiées.

1964 – Les médecins US Nyswander et Dole expérimentent la méthadone pour traiter la dépendance à l’héroïne.

1964 et plus tard : Depuis leur clinique new-yorkaise, la méthadone, grâce à la persévérance de Vincent et Marie devient le traitement de l’héroïnomanie le plus populaire du monde.


Notes

1 Andrew Preston, infirmier psychiatrique de formation, est l’auteur et l’éditeur d’ouvrages pour les personnes travaillant dans le champ de la toxicomanie et leurs clients. Il travaille comme intervenant en toxicomanie à Dorchester dans un service d’aide aux personnes dépendantes de l’alcool et des drogues.

2 Juice fut un magazine anglais consacré exclusivement à la méthadone et s’adresse à ceux qui consomment ce produit. Créé en 1996, avec le soutien d’un laboratoire pharmaceutique,  par Andrew Preston et Mike Ashton du magazine « Druglink », JUICE s’arrêta malheureusement après le premier et unique numéro pour des raisons budgétaires.

3 Espérant donner une connotation particulièrement négative à la méthadone, certains détracteurs, fanatiquement opposés aux traitements de substitution, prétendirent que le médicament fut inventée sur l’injonction de Hitler et que sa première appellation fut « Adolphine » ou « Adolfine », soit disant en hommage à Adolphe Hitler. (note du traducteur).

Commentaires sur le « lien » entre débat sur les SCMR et l’accès à la méthadone dans les CAARUD

Le 19 janvier, lors de son audition à la mission d’information sur les toxicomanie, Étienne Apaire, le président de la MILDT, disait « vouloir autoriser la prescription du traitement de substitution aux opiacés méthadone dans les Caarud » pour remplacer les salles de consommation à moindre risque (SCMR) (Cf dépêche APM).
Voici un commentaire de Thierry Kin, spécialiste de la méthadone, pour éclairer ce débat.

Le débat sur les SCMR qui a opposé différentes parties au cours des derniers mois ne semble pas avancer beaucoup, en tous cas du côté des prises de position par les pouvoirs publics. Il semble même que la position de « refus de ce dispositif » soit désormais dans le marbre et on perçoit aisément qu’en période pré-électorale, le débat ne puisse avancer et les positions s’inverser en faveur d’une expérimentation de ces lieux de re-socialisation, si ce n’est de Réduction des Risques.

A titre personnel (et non en tant que salarié de la firme qui commercialise la méthadone), je me suis déjà exprimé au travers d’une note disponible sur le site du Club Jade. A titre tout aussi personnel, je tiens à m’exprimer sur le lien supposé qu’il y aurait entre, d’une part, le refus de principe de l’ouverture des SCMR et, d’autre part, l’amélioration de l’accès à la méthadone, passant notamment par la proposition de la MILDT d’une possible primo-prescription dans les CAARUD. La seconde proposition étant avancée comme une alternative rendant inutile la première proposition !

Je n’ai pas d’avis sur la primo-prescription de la méthadone dans les CAARUD (cela nécessite probablement réflexion), mais je ne vois pas en quoi elle permettrait d’évacuer la question de la pertinence des SCMR. Il me semble que les deux questions doivent être traitées différemment, ne serait-ce que parce qu’elles touchent des usagers différents (la plupart du temps) dans leurs parcours, dans leurs pratiques et leurs demandes de soins.

Il semble également que les lieux où les SCMR pourraient être utiles sont aussi ceux où l’accès à la méthadone ne posent pas forcément le plus de problèmes (Paris, Marseille entre autres, qui disposent de dispositifs bas seuil de type Bus Méthadone). Ce qui rend caduque d’autant plus ce lien. De la même façon, des régions de France où l’accès à la méthadone est difficile ne semblent pas relever de la nécessité de voir ouvrir une salle de consommation.

Si on souhaite aujourd’hui régler le problème de l’accès à la méthadone qui, il est vrai, reste insuffisant dans certains endroits, on sait a priori comment faire. Cela passe évidemment par un élargissement de la primo-prescription par les médecins généralistes, à condition toutefois qu’il soit réservé à des médecins formé et ayant un souci de bonnes pratiques (limitation des mésusages, collaboration avec les médecins des CPAM pour éviter le nomadisme par exemple, tout cela restant à discuter). L’objectif devant être certes un meilleur accès, mais bien sûr un maintien du rapport bénéfices-risques de ce traitement. Les ARS pourraient, dans le cadre de Schémas Régionaux en Addictologie, se chargeaient de définir les zones sur lesquelles le besoin existe et de ‘certifier’ des médecins volontaires ou, s’il en manque, de susciter des vocations. L’actuel Ministre de la Santé avait lui-même, il y a quelques années, annoncé l’élargissement de la primo-prescription de la méthadone après une expérimentation qui vient de se terminer….

En France, la réduction des risques est souvent en opposition sinon en concurrence avec la pratique de l’addictologie. Selon l’endroit où on se trouve, l’une ou l’autre est présentée comme une mesure d’accompagnement à la pratique mise en œuvre par l’un ou l’autre.
Quand on observe ce qui se passe dans les pays où est né le concept de réduction des risques, les traitements de substitution par la méthadone ou par la buprénorphine sont abordés comme des approches RdR au même titre que l’échange de seringues.

A nouveau, présenter une alternative ‘accès élargi à la méthadone’ à l’ouverture des SCMR parait incongrue. C’est un peu comme si on estimait que l’accès à la méthadone pouvait être une alternative à l’échange de seringues. Personne ne défendrait cette idée et, au contraire, ce qui semble fonctionner en termes de risques infectieux, c’est l’accès au 2 (étude de Van Den Berg) dans les meilleures conditions.

Il n’y a donc pas de collusion entre la position de la MILDT (pas de SCMR et accès plus large à la méthadone) et la position de ceux en charge de promouvoir l’accès et la sécurité des traitements par la méthadone.

La méthadone gélule

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Bientôt les petites gélules ! Fini ces horribles flacons disgracieux, impossibles à dissimuler, et remplis d’un liquide au goût disons… inqualifiable.

Une bonne nouvelle qui pourrait ne plus en être une si ce changement devait préfigurer la seconde vague de détournement à grande échelle d’un médicament de substitution vers le marché noir. La méthadone n’ayant pas les mêmes propriétés chimiques que la buprénorphine – le principe actif du Subutex® –, une invasion de gélules sur le marché parallèle aura inéluctablement comme conséquence la montée en flèche des overdoses. Et de là à voir l’ensemble du dispositif vaciller sous les coups d’une campagne de presse adroitement pilotée par les adversaires de la substitution, il n’y a qu’un pas que nous n’avons pas intérêt à franchir. Car si trop de dérives sont constatées, ce sont les usagers eux-mêmes qui en pâtiront en premier et seront renvoyés dare-dare dans les centres en attendant la prochaine éclaircie. Loin de nous l’idée de promouvoir une morale gnangnan destinée à rassurer les autorités, car si nous déconseillons de faire du biz avec ce nouveau cachet, ce n’est pas parce que dealer c’est mal mais parce que, dans le cas présent, ça tue. Et contrairement au Sub, ça tue presque à tous les coups.

Un traitement sûr et efficace

Globalement, la méthadone est un traitement sûr et efficace. Et comme le rappelle Le Flyer, l’excellente publication des laboratoires Bouchara-Recordati (propriétaires du brevet de la méthadone) dans sa livraison de janvier 2008, « … l’accroissement très sensible du nombre de patients traités par la méthadone, qui a presque triplé en 8 ans… ne s’est pas accompagné d’une augmentation du nombre de décès recensés dans le dispositif Drames… »

Si le nombre d’usagers en traitement méthadone a progressé, c’est principalement grâce à la possibilité de quitter les contraintes d’un centre, ses contrôles, ses heures d’attente et, disons-le, son dispositif parfois infantilisant. 26 000 patients sont désormais en traitement (ils étaient 4 000 il y a moins de 10 ans), dont une large majorité bénéficient d’une prescription « de ville », avec des avantages évidents : discrétion, responsabilisation, anonymat, et accueil comme n’importe quel autre patient.

Selon Le Flyer, certaines sources policières s’inquiéteraient cependant de l’augmentation du marché noir de méthadone. Sans être inexistant, ce phénomène est loin d’atteindre l’ampleur du trafic de Sub, les informations dont nous disposons à l’association indiquant plutôt un trafic de « connaisseurs » : des usagers ayant besoin de compléter une prescription trop faiblement dosée (ça arrive), ou des usagers amateurs de longue date des propriétés « stupéfiantes » de la métha, qui l’utilisent en connaissance de cause. La métha est de plus en plus consommée pour « descendre » après un épisode de speed ou de coke « basée », ou tout simplement pour faire une « teuf ». Il s’agit donc essentiellement d’usagers qui connaissent les effets du produit et surtout, la manière dont leur organisme y réagit.

A.M.M. limitée

Le 18 septembre 2007, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a accordé une autorisation de mise sur le marché (AMM) à la méthadone sous forme de gélule. Le débat, déja ancien autour de cette question sensible, a maintenu les autorités sanitaires dans les limites de la prudence la plus extrême. Comme dit de
manière pudique dans le cadre de prescription et de délivrance : « La formule gélule n’est pas destinée à la mise en place d’un traitement… » Seuls sont donc concernés les patients sous métha depuis au moins un an. Selon les termes du décret, les patients pris en charge par un médecin généraliste de ville devront, en outre, obligatoirement repasser tous les six mois dans un centre ou un service hospitalier spécialisé dans l’accueil des usagers de drogues. «Volontaires» et devant « accepter les contraintes du traitement », ils devront également « se soumettre à une analyse urinaire à l’instauration du traitement et à l’occasion de chaque renouvellement semestriel de la prescription. » Enfin, les dosages restent faibles à modérés : 40 mg pour le dosage maximal, puis 20, 10, 5, et 1 mg. La bonne nouvelle, c’est l’arrivée de ce dosage à 1 mg, réclamé depuis des années pour faciliter les diminutions progressives sur le long ou le très long terme. Promise à la vente pour 2007, la méthadone gélules devrait apparaître sur le marché du médicament à partir du 15 avril 2008 (dans le meilleur des
cas). Pour tous renseignements complémentaires, n’hésitez pas à contacter directement les laboratoires Bouchara-Recordati, promoteurs industriels du traitement.

Premier danger : l’overdose

Reste que comme le souligne encore Le Flyer, « ces bénéfices ne doivent pas faire oublier le risque que courent certains usagers, voire non usagers de drogues, de décès par overdose…». La première chose à savoir est que la méthadone est mortelle pour les organismes naïfs d’opiacés. Comme l’héroïne, me direz-vous ? Et bien non ! Beaucoup plus. La longue durée d’action de la méthadone dans le corps prolonge, en effet, ce risque de mort tandis qu’une consommation d’alcool, de benzodiazépines ou même la simple fatigue peuvent entraîner une dépression respiratoire longtemps après l’absorption du cachet.

Le constat est donc, hélas, sans ambiguïté : seuls les patients déjà sous traitement sont peu ou pas vulnérables à la surdose, dans la mesure où leur accoutumance les préserve. Tous les autres, y compris les héroïno-dépendants, courent, par contre, des risques jusque-là inconnus des usagers de drogues. Le Fyer identifie ainsi plusieurs situations où les risques d’overdose sont majeurs :

  • Les usagers naïfs ou peu dépendants aux opiacés. La dose létale (c’est-à-dire mortelle) étant de 1mg par kilo, une jeune femme de 55 kg qui vous demande de la dépanner en vous assurant être accro aux opiacés pourra très facilement faire une OD avec seulement 2 gélules de 30 mg que vous lui aurez cédées. Des risques d’autant plus grands que les usagers ignorent la sévérité et le caractère soudain de la surdose de méthadone. D’où l’importance de mettre en garde les victimes potentielles, par exemple, en sortant de cure ou de postcure, après avoir décroché aux sports d’hiver ou, moins rigolo, après avoir été incarcéré. Dans tous les cas, on est sevré des opiacés. C’est en général dans ces moments-là que l’on se dit qu’une petite entorse à la règle ne tire pas à conséquence, a fortiori si l’on se contente d’une gélule de méthadone, une rupture de jeûne considérée comme moins grave que l’héro. Mais attention, vous êtes en danger ! Divisez par deux la dose que vous aviez l’intention de prendre, et n’oubliez pas le seuil du 1 mg par kg de poids.
  • Les overdoses délibérées chez des consommateurs habituels. Autre exemple cité par Le Flyer, les suicides déguisés en overdoses, autrement dit des « overdoses délibérées » de méthadone surreprésentées dans une étude américaine réalisée à l’hôpital parmi les rescapés d’OD. Selon les auteurs, de nombreux patients des programmes de substitution seraient ainsi de « faux suicidés », ce qui laisse supposer la détresse psychologique dont ils souffrent fréquemment. Encore un facteur de risque qui dépend, pour partie, de la qualité de la prise en charge et de la plus ou moins grande proximité entre patients et prescripteurs.
  • Les accidents domestiques. En l’occurrence, toute prise de toxique par un consommateur qui ignore ou se méprend sur la nature de ce qu’il ingère. Pour la méthadone, cela concerne surtout les enfants (voir Asud-Journal n° 25). Le conditionnement en gélule est à la fois rassurant et inquiétant. Rassurant, car l’apparence sirupeuse et le goût sucré du sirop en flacon pouvaient être un facteur d’attractivité, surtout pour les gosses. Inquiétant, car une gélule peut contenir beaucoup plus de produit actif qu’une gorgée de sirop. Encore une fois, nous ne saurions trop conseiller aux utilisateurs de ne pas consommer leur substitution devant des jeunes enfants susceptibles de vouloir imiter les gestes des grands et surtout, de bien reboucher les flacons hermétiques avant de les ranger hors de portée des enfants, même grands. Grâce au nouveau système d’ouverture des flacons – « child proof » – et à la prise de conscience des usagers (mieux informés par les professionnels du soin), le nombre d’accidents domestiques dont sont victimes des jeunes enfants a considérablement diminué. D’où l’importance de rester vigilant.

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Quelles solutions ?

Pour Le Flyer, seule la délivrance fractionnée lors de la période probatoire de mise à disposition des gélules de méthadone permettra de prévenir le risque d’inflation des OD : « La délivrance de 14 jours de traitement ne peut être une règle pour tous, sauf à considérer que tous les usagers de drogues pharmacodépendants aux opiacés sont systématiquement aptes à l’autogestion de substances opiacées. »

Journal d’autosupport, Asud ne peut contester une part de justesse à cette remarque, même si elle réduit l’ensemble du problème à ce qui est le moins susceptible d’évoluer. Car il existera toujours des usagers tricheurs, fragiles financièrement et psychologiquement, et donc tentés de revendre ou de céder tout ou partie de leur traitement. Mais tout ce qui relève du contrôle et de la coercition ne sera toujours qu’un pis-aller. Tout système bâti sur la contrainte, les contrôles urinaires, le ramassage de flacons vides, la délivrance journalière, court, en effet, le risque d’être détourné, truandé, vidé de sons sens. La meilleure garantie de voir une règle respectée, c’est de la voir réinterprétée par les patients eux-mêmes, dès lors qu’ils la comprennent comme une composante du succès de leur propre traitement. De nombreux usagers de buprénorphine se battent, par exemple, contre eux-mêmes durant de longues années, multipliant les dispositifs draconiens pour abandonner l’injection, jusqu’au jour où, utilisant une autre molécule comme la méthadone, ils ressentent un bien-être intérieur supérieur à celui procuré par un shoot de Sub. D’autres, salariés, craignant à la fois la perte de temps et d’anonymat, continuent à se fournir au marché noir jusqu’au jour où, grâce à un centre compréhensif, ils réalisent que la prescription par un médecin relais peut être rapide, discrète et surtout, beaucoup moins onéreuse.

Satisfaire la demande

Évidemment, la méthadone en gélule ne sera jamais un remède contre la pauvreté, la folie, ou la violence des rues, autant de facteurs qui poussent une partie des plus vulnérables vers le trafic. Mais le marché noir est aussi une soupape de sécurité face aux ratés du système. S’il existe, c’est bien parce que l’offre réglementaire ne couvre pas l’ensemble de la demande des usagers. Afin de permettre à cette règle d’être respectée par le plus grand nombre, il conviendrait donc parfois de faire preuve de psychologie en étant moins répressifs, moins tatillons sur les règlements. Entre la prudence nécessaire pour protéger d’eux-mêmes les usagers vulnérables et la tolérance indispensable pour ne pas rebuter certains besoins légitimes, la marge de manoeuvre est ténue. Ouverts à toute heure et peu regardants sur les dépassements de la dose prescrite, ce sont pourtant les dealers qui gagneront dans le cas contraire. C’est d’ailleurs tout l’enjeu d’une véritable collaboration entre répression des trafics et réduction des risques liés à l’usage, deux politiques non pas alternatives mais au contraire, complémentaires.

La chasse aux sorcières continue

Le docteur Patrick de la La Selle, s’est vu interdire d’exercer pendant un an (dont six mois avec sursis) par le conseil de l’ordre des médecins : l’une de ses patientes, qui désirait réduire son traitement, lui a ramené des fioles de méthadones (19 pour 675ml). Partant le soir même en vacances, il les a déposé dans un tiroir fermé à clef de son cabinet. Ses associés, en conflit avec lui à cause de sa clientèle d’exclus, ont mis la main dessus et se sont empressées de les apporter au conseil de l’ordre des médecins qui a fait derechef un signalement au parquet pour « trafic de méthadone ».

Aujourd’hui, la DASS a émis un avis favorable n’estimant pas nécessaire des poursuites, la Sécurité Sociale, après une enquête poussée de l’activité du médecin, n’a pas donné suite, et la Brigade des stupéfiants a classé l’affaire. Mais la DRASS a émis un rapport à charge que le Conseil de l’Ordre a repris à son compte en portant plainte pour « détention illégale de substances classées comme stupéfiants » et « prescription dangereuse »

Le Conseil Régional de l’Ordre, saisi de cette plainte, a statué en première instance et a décidé d’interdire au Docteur de La Selle, l’exercice de la médecine pendant un an. !! Mais il est bien sur en appel au Conseil National de l’Ordre des Médecins.

Outre la mise en cause ridicule de cet acte que tout médecin pourrait être amener à faire, il nous semble important de dénoncer cette chasse aux sorcières et de démasquer les mécanismes mis en place :

Tout d’abord, au niveau local, n’oublions pas que Montpellier est la seule ville de France ayant connu une expérience de « salle de shoot », initiée par Asud en 1994 et vite vouée aux gémonies. Depuis cette époque, le fossé ne cesse de s’élargir entre partisans et adversaires de la réductions des risques. Plus récemment, c’est Marie-Ange Augé-Caumon, pharmacienne très impliqué dans la réduction des risques qui a fait les frais de la malveillance de son ordre professionnel. L’existence d’une nombreuse population d’exclus, de « travellers » amateurs d’opiacés et clients potentiels du marché noir contribue à radicaliser les positions : d’un coté deux CSST, très frileux avec seulement une quarantaine de patients chacun , de l’autre, un petit réseau de médecins de ville très impliqués qui suivent 3500 usagers dont ce médecin dynamique qui gère une file active de 200 usagers à lui tout seul, faute de réponse satisfaisante au niveau local.

Ensuite, au niveau national, le docteur De la Selle est l’ancien Président de la Coordination Nationale des réseaux ville-hôpital. C’est aussi une figure dans le milieu de la réduction des risques. En attaquant ce symbole, le conseil de l’ordre envoie un message fort aux autres médecins : « si nous pouvons nous en prendre à lui, nous pouvons aussi nous en prendre à vous ».
C’est un énième pas en arrière pour la libéralisation de la prescription de méthadone en médecine de ville. Combien de médecins, après cette épisode, voudront rendre service à leur patient ? Encore plus grave, combien voudront prescrire de la méthadone ? Un comité de soutien est en cours de constitution.

Pour toute information, n’hésiter pas à appeler le journal ou à nous envoyer un mail.

Méthadone, les français préfèrent la Belgique

Vous connaissait la dernière blague belge sur les français ? « Pourquoi tous les mois, des milliers de français passent la frontière pour aller chercher leur traitement de méthadone en Belgique ?». A l’heure ou tout les intervenants en toxicomanie réclament un accès plus large à la méthadone, notamment avec la primo-prescription en médecine de ville, Asud a tenté de répondre à la blague de nos amis belges et s’est demandé pourquoi certains de nos concitoyens parcouraient des centaines de kilomètres, payaient le trajet, la consultation et la méthadone, et boudaient notre beau système de soins, pourtant anonyme et gratuit depuis la loi de 1970.

Un peu d’histoire

On aurait pu croire qu’en 1996, avec la multiplication de nombre de place dans les CSST que la situation n’allait pas perduré. Mais dans les CSST, les fils d’attente sont longues, et les seuils d’exigence élevés. De plus, la buprénorphine qui est largement plus accessible à partir de 1996, ne convient pas à un certain nombre d’usager : au total, même si le « tourisme de substitution » se ralentit, c’est toujours l’afflux en Belgique de patients français pour qui ni les conditions de délivrance de la métha, ni la molécule de buprénorphine ne conviennent.

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Et maintenant ?

Depuis 1996, le cadre de la substitution n’a guère évolué en France : certes, après avoir « fidéliser leur patient pour une meilleure prise en charge », les CSST délèguent de plus en plus aux médecins de ville pour désencombrer leur files d’attente.

Mais, le cadre légal impose un circuit de soin unique pour les patients « stabisés socialement » ou totalement « désinséré » là ou en Belgique il existe tout un panel de services différenciés avec des modalités variés concernant la primo-prescritpion, les délais de prescriptions, les modes d’administrations et types de délivrance de la métha :

  • En France, les conditions d’accès à la métha restent toujours soumises à des critères de haut seuil et la primo-prescription se fait uniquement en CSST, alors qu’en Belgique, la primo-prescription comme le suivi du traitement à la méthadone peuvent etre faits par un médecin généraliste, une MASS (Maisons d’Acceuil Socio-Sanitaire), ou un centre spécialisé. Ainsi, beaucoup de français qui passent la frontière ne veulent pas être soumis aux contraintes du système français (passage quotidien, analyses d’urine, psychologue…), qu’ils consièrent demesurées et inadaptées, voire infantilisantes.
  • Dans la plupart des CSST, les files d’attente sont longues. Au contraire, en Belgique, un simple rendez-vous avec un médecin généraliste suffit pour accéder à la métha. Ainsi, pour contourner les files d’attentes des CSST, il n’est pas rare que des usagers se servent du système belge comme un tremplin vers les CSST. Ils vont ainsi consulter un médecin belge en attendant le rendez-vous en CSST. Certain passent même du système belge à un suivi en médecine de ville, squizant ainsi les CSST.
  • Autres différences notables, la méthadone se fait uniquement sous forme de sirop en France, ce qui est « une punition » pour beaucoup d’usager. En Belgique, la méthadone est disponible sous forme de sirop ou de gelules préparées magistralement par le pharmacien, avec le dosage approprié. De ceux qui vont en Belgique, beaucoup de Français sont à un haut dosage (plus de 120mg), du en particulier à l’interaction de leur traitement VIH avec la métha, et ne supportent plus de boire « des litres » de ce sirop. Il faut reconnaître aussi que les flacons sont assez difficles à stocker. Par exemple, quand on part en vacances, il faut un véritable sac à dos de fioles.
  • la durée de prescrition est limité à 14 jours en France, alors que chez nos voisins, elle peut être d’un mois ou plus. Ceux qui vont en Belgique se voient parfois préscrire leur substitution pour plusieurs mois. Ils échappent à la contrainte de revenir au moins tout les 15 jours, à la fois vers le prescripteur, mais aussi vers le pharmacien.

Et les OD ?

Une des grandes peurs de la libéralisation de la méthadone en France, ce sont les overdoses possibles. En Belgique, ils nous répondent que les usagers sont des personnes sachant gérer leur dépendance et non candidate au suicide, et que les quelques OD recensées sont dues a des personnes « naïves », c’est à dire à des personnes qui n’ont jamais pris de métha ou qui n’en n’ont pas pris depuis longtemps. C’est par exemple, le cas des personnes non dépendantes aux opiacées qui voudrait gouter le produit, des personnes qui sortent de prisons, ou encore des personnes qui laissent trainer leur métha qui tombe sous la main d’enfant.

Conclusion

Bien sur, le tableau n’est pas si noir que cela : un certain nombre de CSST ont assoupli leur seuil d’exigence au fil des années et passent de plus en plus le relais à la médecine de ville. Mais il reste que beaucoup d’usager, pour des raisons variables, vont chercher un autre cadre en Belgique. Ce « tourisme de la méthadone » (1500 français passent la frontière tout les mois) est le syndrome d’un problème collectif, conséquence de la frilosité des pouvoirs publics en particulier avec à la méthadone. Après le bond en avant de 1996, avec la multiplication des places méthadone et à la mise sur le marché de la buprénorphine, il est temps de réclamer d’autre forme de substitution, que ce soit la primo-precription de méthadone en médecine de ville, d’autre forme galénique de la méthadone, de la substitution injectable ou d’autres molécules comme le sulfate de morphine, pour que la France reste une terre d’accueil…pour ses toxicomanes…

Au fait, avez trouvé la réponse à la dernière blague belge ?

Les tribulations d’un « méthadonien » à Madrid

En Espagne, méthadoniennes et méthadoniens font le pied de grue dans des programmas de tratamiento (centres de traitement) mis en place, comme en France, dans la foulée de la lutte contre le sida des années 90. Néanmoins, au quotidien, le train-train des patients n’est pas exactement celui des vacanciers de la Costa Brava. Vamos à la métha !

Madrid, 10h45

Comme chaque matin, je me rends à mon CADE (Centro de Atencion para Drogodependientes, centre de soins pour toxicomanes) pour prendre ma dose quotidienne. J’espère que le bus ne va pas tarder à arriver, car si je me pointe après 11h31 je suis bon pour attendre la réouverture à 12h15. Alors que le CADE n’ouvre que le matin de 8h30 à 13h30, il faut en effet jongler avec les horaires pour ne pas se casser le nez : premier obstacle ! Bien que ces centres soient publics, chacun d’eux a son propre mode de fonctionnement. Pour commencer, il existe de sacrées différences entre usagers d’une même région car, suivant où tu vis, tu peux y aller soit toute la journée, soit seulement le matin, et pour certains CADE (en grande banlieue), ça se réduit à 1⁄2 heure ! Cela prouve au moins que tout le monde n’est pas traité sur un pied d’égalité.

Aujourd’hui tout baigne, je suis arrivé dans les temps devant le bâtiment reconnaissable par sa fresque murale dans les tons bleu nuit, genre grande ville à la new-yorkaise. À l’entrée, un panneau indique clairement la fonction de cet endroit : « Centre d’addictions ». Il y a toutes sortes de gus dans mon centre, d’abord ceux qui y vont pour la coke et le cheval, ensuite les accros aux cachetons (amphés, tranquillisants), les alcoolos, et même les joueurs ! Avec la prolifération dans tous les cafés de machines à sous, la ludopathie s’étend et touche toutes les classes sociales, mais surtout les plus défavorisées, genre mère de famille qui craque tout le blé des courses du mois !

La carotte et le bâton

Devant, assis sur les marches, des habitués fument une clope ou parlent entre eux sous le doux soleil d’octobre. J’échange un regard complice avec Juan (tous les prénoms de cet article sont fictifs), on se voit souvent ici. On se connaît depuis le temps où j’allais « pécho » dans les bidonvilles gitans (lire l’article Las Barranquillas, supermarché des drogues version ibérique publié dans le n°31 d’Asud-Journal) et où on se fumait ensemble un alu (En Espagne, sida oblige et attrait de la base aidant, le gros de la conso de coke et de cheval se fume). Aujourd’hui, Juan est un peu emmerdé car il a peur qu’on lui demande de faire une analyse d’urine sous contrôle : généralement, une personne mate le patient à travers une vitre sans tain, sans tenir compte de son sexe, bonjour l’humiliation ! En ce moment, comme il n’arrive pas à avoir des résultats négatifs aux tests qui sont obligatoires tous les 10 jours pour l’héro et la coke, et ayant la malchance d’être suivi par un médecin moins cool que les autres, il sent qu’on va l’obliger à revenir tous les jours pour prendre sa dose de métha (à Madrid, c’est le seul produit de substitution, il n’y a donc pas de Subutex® et autre Skénan®), alors qu’il avait péniblement obtenu de l’avoir 1 fois par semaine. Bien sûr, officiellement, il ne s’agit pas de le punir, mais c’est soi-disant un problème de confiance. Il paraît que l’on ne peut pas donner 7 doses de métha à un mec qui se défonce, car il pourrait les prendre d’un seul coup ou les vendre ! On peut en douter. D’une part, résultats négatifs ou pas, quand tu dois quitter Madrid (preuves à l’appui), le CADE peut te filer jusqu’à 1 mois de traitement ! D’autre part, les vendre ne t’assurerait pas, ni en fric ni en durée, la même « couverture » qu’avec la métha ! Non, en vérité, ils pensent qu’en appliquant la réglementation à la lettre, tu vas être plus raisonnable, alors que ce système de carotte et de bâton ne peut marcher que dans… 10 % des cas…

« Alors, ça va ?, me demande le pote.
— On fait aller, je réponds laconiquement.
— Tu connais personne qui a une caisse ?
— Non, mais si tu attends un peu c’est l’heure où José le cundero (« Taxi » de la drogue qui t’emmène pour 4 €) vient prendre sa métha. Tu vas aller pécho ? Moi, j’essaye d’être sérieux, cela fait presque 3 mois que je ne prends que de la métha. Mais ils ne me la donnent pas encore une fois par semaine, et ils m’obligent à venir comme avant tous les jours ! Ah, si on réagissait tous ensemble, on pourrait déjà les obliger à ne plus nous traiter comme des mômes !
— Ben dis donc, t’es speed ce matin ! J’comprends que t’aies les boules. Moi au moins, j’me défonce à la base et un peu au bourrin, quelle merde ce système. Tu te souviens quand ils m’ont dit de m’démerder pour trouver un boulot « compatible avec la méthadone » quand je me plaignais des horaires d’ouverture !!
— Ouais, encore un bâton dans les roues. Bon, il faut que je rentre pour la prendre. Fais gaffe à toi quand même. »

ASUD33 Les tribulations d'un méthadonien à Madrid 2Poissons dans un aquarium

Avant de pousser la porte du centre, je regarde en arrière, et je vois soudain deux types sortir d’une caisse. Leur dégaine jeune et pseudo cool ne me trompe pas : ce sont des flics en civil, des chapas comme on dit par ici ! Ils arrêtent un gars qui sortait au même moment, et l’embarquent après lui avoir mis les menottes. Bien que la scène ne soit pas courante, je l’ai déjà vue, car c’est bien sûr plus pratique d’arrêter le suspect là où il doit venir prendre sa métha que d’essayer de le choper chez lui ou dans la rue. Tout s’est fait sans que personne ne bronche, et surtout pas le personnel du centre ! Seul hic dans l’histoire, cela n’encourage pas les futurs patients à venir suivre le programme de substitution. Encore une belle incohérence ! Je finis par rentrer dans le centre : l’atmosphère est aseptisée, froide, il y a même un vigile pour assurer le service d’ordre. Tout est nickel, des meufs, derrière leur vitre comme des poissons dans un aquarium, prennent les rendez-vous et s’occupent du côté administratif. On se croirait dans une banque. Tout est fait pour le confort du personnel, même si ce n’est pas très cool pour nous. On a l’impression d’être des pestiférés. On a beau dire que c’est pour notre bien et qu’un grand nombre d’entre nous ayant des défenses très basses, nous sommes plus vulnérables face aux microbes des gens bien portants, je n’y crois pas. Quelle hypocrisie ! Ces vitres sont évidemment là pour protéger le personnel administratif et sanitaire (distribution de métha, analyses d’urine…), tant au niveau d’éventuelles agressions que pour limiter les contacts. Seuls le médecin et le psy circulent librement !

Je fais la queue pour prendre ma dose journalière. Le vigile quitte son bureau d’où il matait les extérieurs avec un circuit de vidéosurveillance pour venir près de nous, on ne sait jamais ! C’est enfin mon tour. J’en profite pour demander des préservatifs et, comme d’habitude depuis 3 mois, on me répond qu’il n’y en n’a plus par manque de crédits. Vu que beaucoup d’entre nous sont séro et/ou porteurs du virus de l’hépatite C, cela paraît un peu léger. Du fric, il y en a pourtant bien eu pour refaire tout le centre à neuf…

Puis, je vais au comptoir où j’essaye de prendre un rencard avec le toubib, et surtout avec le psy de mon équipe. Véritable mission, impossible avant la fin du mois ! Les deux équipes de 4 membres (1 médecin, 1 psy, 1 infirmière et 1 assistante sociale) sont, en effet, nettement insuffisantes pour assurer le suivi raisonnable de XXX patients, et tous sont débordés, surtout le psy !

Pour un pays qui a la réputation d’être à la pointe du progrès en matière de drogues, la distribution de produits de substitution reste timorée en Espagne, coincée entre la méfiance des uns et la paranoïa des autres. Malgré les quelque 160 000 traitements métha (pour une population de 30 millions d’habitants), la question des drogues reste un souci majeur pour la société espagnole. D’autant que, comme en France, le challenge à relever ces prochaines années sera de faire face à l’explosion du marché de la base.

Y-a-t-il une vie après la Méthadone ?

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C’est la question que bien des usagers se posent après quelques années de traitement et multiples tentatives réussies ou non pour y mettre fin. Deux témoignages radicalement opposés illustrent toute la diversité des réactions individuelles.

Samia, 32 ans, 10 ans d’héroïne

J’avais 10 années d’héro derrière moi et de plus en plus de mal à assurer mon demi-gramme quotidien lorsque j’ai décidé de me mettre à la substitution. Au début, tout ce que je voulais, c’était déjà ne plus avoir à me prendre la tête avec le manque, le fric et le plan à trouver ! Le reste, on verrait plus tard…

J’ai commencé par le Moscontin, du costaud : 6 à 700 mg par jour. Ça allait bien, trop bien même, car j’ai vite découvert comment le shooter. Mais je me suis aperçue que, même si ça m’avait permis de quitter le circuit came/dealers/fric, je ne voyais pas où cela me menait de passer mon temps à me faire des trous en guettant le flash !

Alors je suis passée à la Métha et là, j’ai pu “faire le deuil” de la shooteuse et de la défonce. Ce qui était mon véritable objectif… Pas maso pour autant, j’ai commencé avec un gros dosage : je suis restée à 100-mg pendant un an… Je voulais faire le pas suivant et me suis mise à réduire peu à peu, par 5 ou 10 mg, jamais plus. Et ça allait, à part quelques insomnies. Il m’a fallu un peu plus d’un an pour redescendre à 20 mg et encore six mois pour arriver à 5 mg.

Puis, j’ai décidé d’arrêter : ça n’avait aucun sens de rester prisonnière (à vie ?) de cette toute petite dose de 5 mg qui, de toute façon, ne me faisait plus aucun effet. Je pensais que ce ne serait qu’une formalité : à ce stade, cela ne me ferait plus ni chaud ni froid de tout arrêter du jour au lendemain. Erreur, lourde erreur !

En réalité, j’ai commencé par me farcir une semaine de manque grave… Pas à me taper la tête contre les murs, non, mais le mal de dos, les courbatures, les insomnies persistantes…

C’était comme si tous mes problèmes de santé “suspendus” depuis quel-ques années me tombaient
dessus d’un seul coup !

Et puis j’étais à cran, déprimée, fatiguée en permanence, mais pas au point de m’empêcher de sortir et d’aller bosser. Disons que j’arrondissais un peu les angles avec du Prozac, des somnifères légers et aussi avec un peu de shit et de l’alcool…

Il m’a bien fallu quinze jours pour commencer à me sentir un peu mieux… et puis tout à fait bien, et voilà ! Ça fait maintenant sept mois que je ne prends plus rien.

Ce que je conseillerais à ceux qui, comme moi, veulent arrêter la Méthadone sans avoir à passer par une vraie cure de décroche, c’est de baisser en douceur, surtout pour les derniers milligrammes, en prenant des trucs pour dormir. Et aussi de ne pas rester trop longtemps sous Métha-: c’est encore plus dur après. Trois ans, pour moi, c’était trop !

Au fond, le seul intérêt de la Métha, c’est de n’en avoir aucun – au niveau de la défonce. Ce qui fait qu’on est naturellement amené à baisser les doses et à arrêter.

Si on veut juste une “maintenance” pour se défoncer sans risque et gérer ses flashes sur ordonnance, ce n’est pas de la Métha qu’il faut. Moi ce que je voulais, c’était arrêter la drogue, redevenir performante, avec la pêche, quoi !

Là oui, la Métha a été positive. Peut-être aussi parce que j’ai eu la chance de l’avoir presque tout de suite en médecine de ville, ce qui m’a donné une certaine liberté. Je ne crois pas que j’aurais supporté les contraintes d’un centre.Le psychosocial, non merci !

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Frank, 40 ans, 20 ans de came et 5 années sous substitution

Malgré les conseils de prudence de mon toubib, j’en étais arrivé, sans trop de mal, à descendre des 120 mg de Métha par jour à la moitié d’un flacon de 5 mg. Ça ne me faisait plus rien ; restait la contrainte du rendez-vous hebdomadaire chez le docteur et ces quelques gouttes de sirop poisseux à avaler (beurk !) tous les matins. Il était temps d’en finir pour de bon !

Je devais partir un mois avec ma copine en Corse et je pensais que c’était l’occasion de couper le cordon ombilical. J’ai donc laissé mon stock de Métha (que j’avais économisé en réduisant peu à peu) à Paris, n’emportant que 10 petits mg et un bout de shit : mes doses pour 4 jours, histoire de passer le cap en douceur. Je pensais que ça irait puisque cette mini dose n’avait plus (c’est ce que je croyais !) qu’un effet psychosomatique ; dont ces vacances m’aideraient définitivement à me passer.

La première semaine a été super : plage déserte, p’tits joints, couchers de soleil sur la mer, etc. J’avais réussi à baisser encore les doses, si bien que ma quantité de Métha m’a duré 6 jours. A peine si je sentais une légère appréhension à la veille du 7e jour, lors du grand plongeon ! C’est sans doute pour cette raison que, ce soir-là et le lendemain, j’ai poussé un peu sur les joints et le rosé de pays.

Je tenais une solide gueule de bois au réveil du 8e jour ! Car c’était bien la gueule de bois, ces nerfs à vif, ces nausées, ces bâillements à répétition, ces migraines et ces courbatures, ce mélange de fébrilité et de fatigue écrasantes ? J’ai essayé de m’en persuader tout au long de la journée, jusqu’à ce que, mon état ayant empiré, je me rende à l’évidence tant redoutée : je me tapais une sérieuse crise de manque ! Bon, je me suis dit que ce n’était qu’un mauvais moment à passer, que je n’avais qu’à serrer les dents etc. Quand, au bout d’une soixantaine d’heures, j’ai commencé à faire des crises de tétanie, à me vider par tous les trous, j’ai compris que je n’y arriverais pas et qu’il fallait faire quelque chose.

Consternée, ma copine décide alors de partir faire la tournée des pharmacies des villages du coin. Après une journée d’autostop et pas mal de rebuffades (sur cette île de Beauté, les toxicos n’ont pas vraiment la cote), elle finit donc par ramener quelques boîtes de Néocodion : ouf !

Ça m’a suffisamment requinqué pour retourner à Bastia, où j’espérais vaguement trouver un toubib… Mais, pour éviter la tentation, j’avais laissé à Paris mon stock mais aussi mes ordonnances, lettres, etc. , bref tous les papiers susceptibles de me permettre un dépannage d’urgence.

Après quelques coups de fil et un rendez-vous avorté nous nous sommes aperçus qu’il valait mieux ne pas compter sur les médecins corses pour une ordonnance de Moscontin ou de Skénan. Alors, comme les pharmaciens étaient de plus en plus réticents pour le Néocodion, auquel je reprenais goût à toute vitesse – oui, c’était crade mais au moins ça défonçait ! – on est rentrés à Nice. Je pensais y trouver un médecin qui me prescrirait de quoi repartir en Corse sans problème, mais… … Mais au lieu de trouver le toubib qu’il ne cherche que mollement (notre ami a repris goût au truc !), c’est sur un dealer que Frank finit par tomber en débarquant sur le continent : un gramme, puis un autre, puis…

On n’arrivait plus à décoller de Nice. C’est seulement quand tout l’argent des vacances a fini par passer dans la came (et aussi un peu de coke : quitte à faire la teuf, au point où on en était…)… Bref, au bout d’une semaine, il a fallu rentrer à Paris. Ma copine était furieuse et moi, la queue entre les jambes, je me retrouvais frustré et accro comme une bête – à nouveau !

La suite ? Après une explication orageuse avec mon toubib, il a bien fallu reprendre de la Métha, à 60 mg, cette fois-ci. Tout était à recommencer.

Maintenant, quand je pense à l’avenir, je ne sais plus comment je vais faire. Je me sens pris au piège.

Décrocher de la méthadone

extrait d’ASUD Journal n° 13 (hivers 1997-98)

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La méthadone n’accroche pas plus que l’héroïne, elle accroche différemment. Avec une méthode et de la discipline il est tout à fait possible d’arrêter. Putain ! Qu’est-ce que ça accroche la métha ! Voilà une phrase qu’on entend de temps en temps.

La méthadone est un morphinique très puissant. Voyez les dosages : 80mg à 100mg de métha suffisent en moyenne pour remplacer 400-500 mg de Sulfate de morphine (Moscontin ou Skénan). Et ceux qui se sont retrouvés en manque à de telles doses de morphine savent que ce n’est pas une partie de plaisir. Il y en a même qui affirment que le Moscontin accroche plus que l’héroïne. Ces deux drogues accrochent exactement de la même façon.

metha1

500mg de Moscontin correspondent à 1/2 gramme de morphine pure. Mais rares sont ceux qui actuellement peuvent prétendre s’envoyer un demi-gramme d’héroïne pure surtout s’ils achètent la poudre dans la rue. Avec une drogue à 10% (ce qui n’est pas si mal) il faut consommer 5 grammes par jour pour avoir l’équivalent d’un demi-gramme d’héroïne pure.

Donc si vous preniez un gramme de dope de la rue et que vous êtes substitué à 80 mg, vous êtes ce qu’on appelle confortablement dosé. Mieux vaut alors éviter de vous retrouver en manque de métha.

Le manque de méthadone (8 à 10 jours) dure plus longtemps que le manque de l’héroïne ou de la morphine (4-5 jours).

Avec la métha, le manque met longtemps à venir. Il faut en général environ 36 à 48h après la dernière prise avant de commencer à se sentir vraiment mal et ensuite on a l’impression de ne jamais en voir le bout. Ceux qui se sont retrouvés en taule, par exemple, en rupture de méthadone en savent quelque chose.

Il faut savoir que la métha est un produit fort avec un mode d’action particulier dont il faut tenir compte.

Lors d’un traitement à la méthadone il est essentiel de trouver votre dosage personnel optimum. 80, 100 mg pour les uns, 60 ou même 40 mg pour les autres. Si certains aiment bien se sentir « confortables « , ils en ont le droit s’ils sont bien ainsi, d’autres par contre, veulent simplement être « opérationnels « , en forme.

Nous aimons bien cette phrase du Dr Deglon, spécialiste suisse de la méthadone :

 » Quand un patient est correctement dosé, personne, pas même lui, ne devrait remarquer qu’il est sous l’effet de la méthadone. ! « .

Pour certains, la méthadone sera un programme de maintenance qui peut durer quelques années et même toute la vie et pour d’autre la méthadone sera une étape progressive vers l’abstinence. C’est vous qui décidez. Le principal c’est de prendre ses distances avec la galère, se projeter dans l’avenir et se donner les moyens de réaliser ses projets.

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Baisser la méthadone et décrocher de en douceur

metha3Une fois que vous avez trouvé votre vitesse de croisière, c’est-à-dire votre dosage de confort, restez-y et occuper vous de mettre de l’ordre dans votre vie. NE CHERCHEZ PAS A BAISSER TROP VITE. La méthadone correctement dosée permet à votre cerveau et système nerveux de retrouver un véritable nouvel équilibre, préservez-le. Quand vous vous sentirez prêt, et uniquement à ce moment, (parlez-en avec un thérapeute de confiance), baissez doucement. En principe, par paliers de 5 mg, jusqu’à 30-40 mg, ça ne pose pas de problème. Ensuite, il faut être pragmatique et faire un petit calcul.

Lorsque vous passez de 50 à 45 mg vous baissez de 5mg, soit 10%, mais lorsque vous passez de 25 à 20 mg, vous baissez d’environ 20 %. (Cinq mg enlevés de 25mg = 20% en moins), ce qui pour l’organisme est plus éprouvant. Votre corps ne réagit pas en terme de milligrammes mais de proportions.

Par exemple, passer de 10 mg à 5 mg, c’est-à-dire réduire de moitié, ce peut être très dur. (C’est un peu comme si vous passiez de 50 à 25 mg d’un coup.)

Donc si vous voulez arrêter en douceur, ce qui est vivement conseillé, ne baissez jamais de plus de 10% à la fois. Voici comment procéder:

Méthode 1

Sur 10 semaines avec des flacons de 5, 10 ou 20 mg. Ces flacons contenant la même dilution, c’est facile de doser.

Pour cela, servez-vous d’une seringue à insuline graduée, en sachant que 1mg de cette méthadone = 30 unités (U), c’est-à-dire moins d’un cc.

De 20mg à 10 mg, baissez de 2 mg = 60 U.

De 10mg à 0 mg, baissez de 1 mg = 30 U.

10% par semaine semblent être un bon rythme, à vous de l’adapter. Et souvenez-vous : Qui va piano, va sano.

Méthode 2 (A la chinoise)

Sur 10 semaines avec des flacons de 60 mg. Pour ceux qui préfèrent les méthodes exotiques, il existe une autre et très ancienne méthode. « La décroche à la chinoise « . C’est ainsi qu’on arrêtait l’opium chez les fils du ciel.
Admettons toujours, que vous avez réussi à baisser jusqu’à 20 mg/jour.

  • Il vous faut 15 flacons de 60 mg (15ml) de méthadone, soit 900 mg.
  • 1 bouteille vide
  • 1 préparation bien sucrée de sirop d’orange (genre Teisseire)
  • Une seringue ou un doseur de 5 cc ou 5 ml

Versez les 15 flacons de métha tous dans la bouteille, ensuite, le premier jour, avec la seringue, dosez 5 ml, soit 20 mg, buvez le contenu de la seringue remplacez la quantité bue, soit 5 ml, par la même quantité de sirop. (Versez le dans la bouteille contenant la métha).

Faites de même chaque jour. Prenez 5 ml dans la bouteille de métha (chaque fois un peu plus diluée) et remplacez par la même quantité de sirop.

Au bout de 10 semaines ce ne sera plus que du sirop et vous aurez décro sans rien sentir.

Il est recommandé de garder la préparation au frigo , sinon le mélange peut devenir un peu acide.

Bien sûr pour que ces méthodes réussissent il faut être déterminé. Si vous reprenez de l’héro pendant, vous risquez de devoir recommencer à zéro.

Ces méthodes personnalisables ont été pratiquées avec succès par des milliers de gens, surtout en Asie.

En France, jusqu’à présent, ceux qui voulaient arrêter la métha et n’arrivaient pas à baisser, n’avaient souvent pas d’autre choix qu’un sevrage en hôpital avec du Catapressan, des benzodiazépines et autres douceurs préconisées par les psy français.

La « méthode chinoise » est une adaptation du procédé utilisé par les colons français accrochés à l’opium jusque dans les années 50. Ils pratiquaient ainsi avec un tonnelet de Laudanum ou de sirop opiacé. Chaque fois qu’ils en buvaient un verre, ils reversaient l’équivalent du verre d’un liquide quelconque dans le tonnelet. A raison de trois fois par jour, au bout de six semaines, la quantité d’opium ingérée ne subsistait plus qu’à l’état de trace infinitésimale, comme en homéopathie. Souvent « la décroche » se faisait sur le bateau qui les ramenait d’Indochine à Toulon. Le voyage durait 6 semaines. Juste ce qu’il fallait pour arriver sevré en douceur en France.

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Goering

On peut également se servir de la méthadone pour décrocher en douceur (et sans douleur) de l’héroïne, selon le même principe, mais plus rapidement (3 à 6 semaines). Après près de 30 ans d’usage massif d’héroïne, de morphine et de dihydrocodéine, le Reichsmaréchal SS Goering, dans sa prison de Londres, a été sevré progressivement à la morphine, sans aucun problème en 6 semaines. Le premier jour de la 7e semaine il en réclamait encore, affirmant qu’il était en manque. A ce moment les médecins lui ont avoué qu’ils ne lui administraient plus que de l’eau depuis une semaine. Celle-ci était un placebo efficace.

La méthadone marche mieux parce qu’elle n’est pas associée au plaisir ni à la seringue.

Réponses à quelques questions anticipées.

Partout où la méthadone est prescrite depuis longtemps (Suisse, Etats-Unis, Hollande, Angleterre….),les traitements qui ont bien marché ont duré en moyenne 4 ans.

Plus vous avez pris de la méthadone pendant longtemps, plus vous avez intérêt à faire doucement et à décrocher progressivement.

Dans tous les cas, si vous pouvez vous le permettre, profitez des vacances ou d’un changement de vie pour décrocher.

Ne JAMAIS arrêter brusquement la méthadone (surtout en cas de dosage important). Certains se sont retrouvé dans un état de confusion et de délire impressionnant et ont fini en hôpital psy.

Ne JAMAIS prendre de Subutex ou de Temgésic par-dessus la méthadone, sous peine de se payer une crise de manque à pleurer sa mère.

Est-ce que c’est vrai que la métha rend impuissant et fait transpirer ?

 

Mettons les choses au clair. Si certains se servent d’un peu ‘héroïne pour baiser, la plupart ont déclaré forfait depuis qu’ils sont bien accro.

Bloodi métha lit captote cachets, ASUD journal n°17 (automne 1999)
Bloodi métha lit captote cachets, ASUD journal n°17 (automne 1999)

Si vous avez un dosage élevé, la méthadone, comme tous les opiacés, affectera votre libido. Par contre, si vous prenez simplement la quantité dont vous avez besoin pour votre équilibre, la méthadone vous rendra normal. Le dosage idéal est celui avec lequel vous vous sentez normal. (C’est quoi normal ?) Les mecs devraient pouvoir bander, baiser et éjaculer normalement. Pour certains c’est d’ailleurs un bon baromètre pour évaluer leur dosage. S’ils en prennent trop ils ont du mal à jouir et s’ils sont sous-dosés, ils jouissent trop vite, comme lorsqu’ils sont en manque. La même chose peut se vérifier chez les femmes.

Pour la transpiration, c’est un peu différent. Il semblerait qu’au delà de 50-60 mg, et surtout au début du traitement on transpire beaucoup. En dessous de 40-50 mg, la transpiration excessive a tendance à disparaître.

D’autres effets indésirables ou légendes urbaines de la méthadone sont décrits ici.

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Qu’en est-il de la fameuse lune de miel avec la méthadone ?

La lune de miel, c’est la période un peu euphorique, lorsqu’on on est substitué la première fois. On peut enfin s’occuper d’autre chose que de courir après la came toute la journée, tout en n’étant jamais en manque. Le danger c’est lorsqu’on commence à se faire chier. Souvent au bout de quelques mois à la métha, l’ambiance de la défonce, l’univers glauque du deal, les tunes vites gagnées, le flash que procure la shooteuse commencent à manquer. C’est vrai quoi ! On peut trouver que la métha transforme les UD en gentils toutous qui viennent chercher leur Canigou et faire pipi dans le flacon sous le regard soupçonneux du bon docteur. C’est pas une ambiance très Rock’N’Roll. Certains vont alors chercher leur kif en suçant la queue du diable (c’est ce que les Américains appellent fumer le Crack) et patacrack, ils se retrouvent dans la galère puissance 10. D’autres se mettent à tiser et deviennent des piliers de l’annexe (le café à la sortie du programme). Les plus tristes sont ceux qui gobent les cachetons par plaquettes. Les pires font les 3 à la fois.

Heureusement ces cas de figure ne concernent qu’une minorité, les autres se mettent à bosser, à faire des études, à militer, à tirer des plans sur la comète, refaire le monde, à draguer, à s’éclater…. S’éclater ! en voilà une bonne idée, par exemple … mais de préférence pas avec la cocaïne.

Méthadone shootable

Décidément, les Pays-Bas auront toujours plusieurs longueurs d’avance sur le reste de l’Europe en matière de drogue et de réduction des risques.

Témoin, l’expérience d’avant-garde mise en œuvre depuis avril 1991 par l’Autorité Sanitaire Régionale d’Amsterdam. Il s’agit tout simplement de distribution de méthadone injectable, (jusqu’à 100 mg en 5 ampoules quotidiennes) à un nombre restreint d’usagers particulièrement «lourds» et réfractaires au système normal d’administration par voie orale de cette «drogue de substitution». Giel Van Brusel, responsable du département «drogue» de l’Autorité Sanitaire explique : «L’expérience reste limitée. Nous sommes très prudents pour ce qui est de distribuer de la méthadone injectable. Nous ne voulons surtout pas d’une situation où nous rendrions les gens encore plus dépendants du produit. Pas plus que nous ne voulons donner de tentations à ceux qui veulent s’arrêter… Si nous avons mis cette expérience en route, c’est d’abord pour des raisons humanitaires – par compassion. Nous voulions faire quelque chose pour certains cas qui nécessitent un accompagnement médical plus poussé de la dépendance. En particulier les usagers de très longue date, les gens dont il est clair qu’ils ne peuvent pas s `arrêter de shooter et qui par ailleurs ont de gros problèmes sanitaires et sociaux. Ce programme touche actuellement une dizaine de personnes, mais nous espérons arriver à une cinquantaine…»

Cette distribution d’ampoules de méthadone injectable s’accompagne également d’une distribution de seringues stériles et de conseils de prévention… Mais on peut évidemment se demander à quoi cela rime quand on sait qu’une des raisons d’être des programmes méthadone était, en leur distribuant sous forme buvable des doses quotidiennes de ce puissant substitut de l’héroïne, de permettre aux usagers «accros» de gérer leur dépendance et de subvenir à leur besoin de produit opiacé tout en les détournant de l’usage du shoot, avec tous les risques – en premier lieu de SIDA-qu’il comporte. Alors pourquoi la méthadone injectable ?

Là encore, ce n’est qu’une question de bon sens, de pragmatisme. Les responsables des centres de distribution de méthadone se sont en effet aperçus que quelques uns de leurs clients continuaient malgré tout à prendre de l’héroïne, bien que recevant une quantité quotidienne de méthadone suffisante à leurs besoins. Ils se sont alors demandés ce qui poussait ces irréductibles à agir ainsi, nonobstant les risques afférents à la pratique du shoot. La réponse était simple : la méthadone buvable palliait le manque en leur procurant les effets normaux des opiacés «à vitesse de croisière», mais ne pouvait en aucun cas leur donner le «flash», cet instant de plaisir total, orgasmique qu’on obtient en se shootant.

En somme, la méthadone buvable répondait à leur besoin de produit opiacé, mais ne prenait pas en compte le désir du flash, cette soif compulsive de plaisir que seule procure l’injection intraveineuse. Et c’est pourquoi ces «irréductibles» continuaient à prendre le risque de s’injecter de l’héroïne de la rue, malgré la distribution de méthadone. Face à cette situation, les responsables des services de santé d’Amsterdam ont une fois de plus fait appel à leur traditionnel pragmatisme… et commencé à distribuer de la méthadone injectable.

Au delà de la simple information, au delà de l’anecdote qui illustre bien le réalisme des autorités hollandaises, cette histoire pose une question : celle des produits de substitution et en particulier de la méthadone. Nous y reviendrons longuement dans le N°3 de ce journal.

Méthadone à Barcelone

Il semble que le «tir à l’arbalète» (intraveineuse) n’ait décidément pas droit de cité aux Jeux Olympiques de Barcelone. Pas de toxicos dans les rues pendant les Jeux, ont en effet décidé les autorités de la capitale catalane.

Les pauvres faisaient déjà des cauchemars à l’idée de hordes de camés surgis des ruelles sordides du Barrio­Chino pour aller se shooter en direct devant les caméras du monde entier ou taper une crise de manque au pied des tours High-tech du Village Olympique, avant d’aller harceler pour quelques pesetas les malheureux touristes venus prendre l’air sur les ramblas. C’est vrai que ça aurait- fait désordre – pas bon du tout pour l’image de la future super métropole méditerranéenne du XXlème siècle.

Mais comment s’en débarrasser ? Les emprisonner ? difficile : 40 ans de franquisme ont rendu le pays plutôt chatouilleux sur la question des Droits de l’Homme, fût-il toxico ! Les déporter en masse dans un quartier périphérique comme pour les prostituées et les travelos ? Dangereux ! pas question de créer un ghetto qui tournerait vite au souk à la défonce.

Que faire ? C’est là que les édiles catalans ont eu une idée lumineuse : pour éviter que la vision des camés en manque ne ternisse l’image de leur belle cité sportive moderne et dynamique, il n’y avait guère que 2 solutions. Ou bien supprimer les camés – ce qui était, on l’a vu plus haut, impossible – ou bien supprimer le manque … ce qu’ils se sont évertués à faire en faisant discrètement avertir les intéresses que des programmes méthadone d’urgence étaient mis à leur disposition dans les centres spécialisés – et voilà !

Même si l’on peut déplorer qu’il ait fallu attendre les Jeux Olympiques pour qu’on se préoccupe enfin de donner libre accès au produit à une population lourdement frappée par le Sida, il y aurait lieu de se réjouir de voir les autorités catalanes faire ce pas décisif dans la direction d’une vraie politique de réduction des risques. Mais il y a un «mais» – et de taille : c’est que les programmes méthadone en question étaient strictement limités à la durée des Jeux. Ce qui signifie que ceux-ci terminés, les toxicos ont été gentiment renvoyés, à la rue, à la marginalité et au Sida.

Décidément, même si les Jeux Olympiques on fait, l’espace d’un été, monter les toxicos catalans au podium de la réduction des risques, la médaille était, une fois de plus, en chocolat.

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