Speed story

Comme l’héroïne, la méthadone et de nombreuses autres drogues, ce fut un scientifique allemand, Edeleano qui fabriqua, en 1887, l’amphétamine à partir de l’éphédrine puis sa découverte fut oubliée. Divers scientifiques s’y intéressèrent en faisant des recherches sur les « antinarcotiques ». Puis ce furent les américains qui la mirent sur le marché sous le nom de Benzédrine® en 1937. On trouvait qu’elle rendait euphorique et travailleur tout en aidant à traiter la narcolepsie et les troubles de la concentration ainsi que l’asthme. Elle était préconisée pour 39 indications. En 1938, les allemands mettent au point la méthamphétamine qu’ils testent massivement auprès des militaires. C’est la Pervitin® que les anglo-saxons nomment Methedrine®. Durant les années d’après guerre et 50, après le japon, c’est Europe et les Usa qui confrontés à de véritables épidémies d’abus d’amphétamines. Voyant les dégâts causés par ces excès, l’industrie pharmaceutique chercha à inventer un produit coupe faim, stimulant, non euphorisant. Il en apparut des dizaines : phenmétrazine, fenfluramine, Fringanor@. Les risques d’abus, de dépendance et effets secondaires furent souvent plus nombreux que les avantages et ils furent retirés réservés à certains spécialistes. Aujourd’hui, en France, seul les hôpitaux peuvent délivrer amphétamines et anorexigènes (coupe faim) dans les cas de narcolepsies, troubles de l’attention et graves cas obésités.

Drogues de guerre

La méthamphétamine donne de l’énergie, de l’assurance, rend agressif et surtout recule le seuil de la fatigue. Dès le début de la deuxième guerre mondiale, les belligérants comprennent les avantages d’un tel produit. Grâce à la pervitin®, les nazis lancent leurs fulgurants blitzkrieg. Des dizaines de millions de doses furent dispensées aux troupes. Au moment de l’invasion de la Russie, les cruels SS qu’on avait laissé piétiner durant des semaines, furent exhorées à semer implacablement la terreur en Ukraine puis on les gava de Pervitin. Les barbares nazis galvanisés par la méthamphétamine, écumant d’agressivité, laisserent libre cours à leur penchants sadiques. De nombreuses opérations spectaculaires nécessitant une endurance inouïe furent réalisées. Ainsi la libération urgente de Mussolini mobilisa par commando allemand qui s’entraîna intensivement, soutenu par la drogue, pour enlever le duce. Les scientifiques nazis essayèrent maintes combinaisons, associant parfois amphétamine, cocaïne et opiacés pour explorer les limites de la résistance et des possibilités humaines sur leurs soldats et… dans les camps de la mort. Cependant la prise d’amphétamine entraînait fréquemment trop de confusion et d’effets secondaires. Les enjeux étant trop importants, les médecins recommandèrent plutôt l’usage prolongé de pilules fortement dosés en caféine. Les commandos italiens préféraient les tablettes de « Simpamina D » ( Dextrometamphetamine). Le besoin d’action provoqué par ce produit étant irrésistible.
A la fin de la guerre le « Times » titrait en première page : « La méthédrine a gagné la bataille d’Angleterre. » On découvrit alors que cette drogue a permis aux aviateurs de tenir les cadences de dizaines d’heures de vol non stop, la RAF, manquant cruellement de pilotes. En 3 un peu plus de 3 ans les anglais en avaient consommé 72 millions de doses. Les GI’s en ont consommé 180 millions de comprimés durant ce conflit. Plus tard au Vietnam, ils étaient 10% des à en en consommer. Au Liban les milices vendaient la méthamphétamine à leurs ennemis en la coupant avec de l’héroïne. Cela atténuait la descente et les accrochait plus sévèrement. Récemment, en Afghanistan, des pilotes de chasse US ont tiré sur une patrouille canadienne, en tuant plusieurs, les prenant pour des Talibans. L’enquête révéla qu’ils avaient abusé de la Ritaline® qui leur était très légalement prescrite pour maintenir vigilance et combativité durant leurs missions qui durent généralement plus de 12 heures.

Guerre, drogue et folie…

En 1995, Shawn Nelson, ancien GI défonçait la ville de Clairmont en Californie avec un tank volé de 60 tonnes jusqu’à ce que la police l’abatte. Dans « Cul de sac » le film sur cette affaire, les auteurs expliquent le rôle joué par la « meth » qu’il avait découvert à l’armée et qui l’avait rendu fou.. Saura-t-on un jour quelle fut l’influence réelle de la methamphétamine dans les décisions de Hitler. A partir de 1942, le fameux Dr Morell, son médecin personnel lui administra régulièrement des injections d’un mélange variable appelé « Vitamultin » dont on sait qu’il contenait de la methamphétamine et parfois des opiacés sans parler des badigeonnages du larynx de cocaïne. Ses états psychotiques, sa paranoïa et sa mégalomanie peuvent trouver là des éléments explicatifs pertinents. De même que sa fin. Hagard, tremblant, confus et mentalement diminué.

Senyoku, kamikazes et Philopon

Le japon fut le premier pays a payer un très lourd tribut à sa politique de guerre ; dès le début des années 40, le pays encouragea vivement l’utilisation des methamphétamines, en vente, libre pour faire face aux exigences de la guerre. Les militaires et tous ceux qui travaillaient dans l’industrie de guerre étaient encouragés à consommer pour la plus grande gloire de l’empire du soleil levant. Dans l’armée les consommateurs étaient 500 000. Le speed leur donnait le « Senyoku » (énergie guerrière). Les Kamikazes étaient fréquemment défoncés à mort au Philopon, méthamphétamine baptisée ainsi parce qu’en grec ancien cela signifie « qui aime le travail ». Après la guerre, les stocks, surtout militaires, étaient énormes. Déboussolés par la défaite fulgurante et le drame d’Hiroshima, les consommateurs étaient des millions. « « Philopon vide la tête et donne le tonus au corps » disait une pub. Ce fut une épidémie de psychoses, de dépressions… Le gouvernement réglementa la vente des comprimés et des poudres mais les formes liquides et injectables étaient toujours librement vendues. Beaucoup se mirent à injecter. Ce fut une catastrophe : pétages de plombs, crimes, suicides et passages à l’acte furent innombrables. La moitié des meurtres commis au début des années 50 à Tokyo y sont attribués. Le nombre des toxicomanes avérés aux amphétamines se chiffrait par centaines de milliers. On estime que 5% des jeunes de 15 à 25 ans était accrochés. La législation devint plus stricte mais les énormes stocks de drogues étaient passés dans la clandestinité et firent la fortune des yakusas. En 1954, les lois d’une sévérité inouïe furent promulguées. De nombreux consommateurs écopèrent de 10 ans de travaux forcés et d’amendes énormes et en 1955, il y eut « que » 32143 arrestations de contrevenants à la loi sur les stimulants. La mafia s’était mise à fabriquer des tonnes. On s’attaqua alors vigoureusement aux produits précurseurs et en 1958 il n’y eut plus que 271 arrestations.

Drogues de l’aveu et d’obéissance

La police de certains pays totalitaires comme l’Argentine sut faire un usage très particulier de ces produits. Les victimes étaient anesthésiées avec un mélange de scopolamine et de barbiturique puis on lui injectait une dose de methamphétamine. Sous l’effet du choc elle se mettait parfois à révéler, sans vraiment s’en rendre compte, ce que le bourreaux voulait savoir, allant jusqu’à s’accuser de crimes imaginaires. Des psychiatres inventèrent la narco-analyse en mélangeant diverses doses de penthotal barbituriques et methédrine. pour explorer l’inconscient de certains malades plongés dans un état « hypnagogique ».Le mélange engendrait une deshinibition, un besoin de parler, se confier mais aussi parfois des logorrhées compulsives où il arrivait que le malade évoque des faits totalement imaginaires. Ces pratiques ont toutes été abandonnées car peu sûres et un peu « fantaisistes ». La Ritaline ® (methylphenidate), est utilisée chez les enfants hyperactifs qu’elle calme en agissant de façon paradoxale. Elle les aide à se concentrer et ils deviennent plus sociables. Du coup de plus en plus de parents, aux USA surtout, cherchent à faire prescrire cette pilule de l’obéissance à leurs enfants dès qu’ils semblent un peu turbulents

Amphétamines et dopage

Les sportifs ont payé un lourd tribut aux amphétamines. Les combinaisons de la « petite famille » Mémé (Mératran®), Pépé (Pervitin®), les Tonton (Tonedron® et Maxiton®), Lili (Lidépran®), Lili (lidépran®) et les copains (Captagon®) ont fait des ravages dans les pelotons cyclistes.
Ce fut le décès du coureur Tom Simpson au sommet du Mont Ventoux lors du tour de France 1967 qui alerta l’opinion publique. Les yeux exorbités, la bave aux lèvres, la gueule tirée, il faut le voir sur les photos de l’époque, ravagé par l’abus de Maxiton®. A ce moment la presse sportive commence à s’intéresser aux comportements délirants de certains athlètes qui fonçaient comme des buffles enragés puis s’effondraient, ravagés par les abus d’amphétamines. Les livres sur le dopage sont pleins d’anecdotes édifiantes : des coureurs ont les mâchoires tellement crispées qu’on n’arrive plus à les faire boire, d’autres sont tellement délirants qu’il faut les évacuer avec une camisole de force. Les stimulants masquent la fatigue et empêchent la récupération et épuisent dramatiquement les organismes déjà éprouvés qui alors ont besoin de quantités encore plus importantes pour continuer.. le cycle est infernal et se paie souvent au prix fort :, problèmes cardiaques et autres séquelles diverses, crises de démence, décès précoce. Notons que les amphétamines étaient souvent revendues par leurs préparateurs aux athlètes entre 100 et 200 fois plus chers que le prix en pharmacie.

« Amphétaminomanie »

Aux Usa et dans l’Europe d’après guerre et jusqu’au milieu des années 70, il y eut quelques vagues «d’amphétaminomanie » avec des conséquences sociosanitaires graves. En Amérique, où les comprimés n’étaient plus en vente libre, les amateurs se sont tournés vers les inhalateurs de benzédrine® qu’ils démontaient pour en extraire l’équivalent de 25 pilules d’amphétamine.

Chiffres vertigineux:

En 1966, en Angleterre, les personnes dépendantes des amphétamines sont évaluées à 80 000. En France en 1970 les seules pharmacies ont délivré plus de 10 500 000 comprimés d’amphétamines et dérivés. En 1971, les pharmacies US délivrent 12 milliards de comprimés d’amphétamines diverses. Au début des années 70 aux USA, certains en injectaient jusqu’à 5 grammes de méthédrine en ampoule par jour

Les gardiens de prison en ramenaient facilement aux détenus qui se plaignaient de difficultés respiratoires. La suède, très libérale à cette époque, connut une importante vague d’injection d’amphétamine. Une pub pharmaceutique y affirmait « Deux pilules valent mieux qu’un mois de vacances ! ». Dans la France des années 45 à 60, les amphétamines furent souvent utilisées par les médecins pour faire face à une clientèle de plus en plus importante qui bénéficiait depuis peu de la toute nouvelle sécurité sociale. Durant l’épidémie de grippe de 1952-53, il y eut de sérieux cas de pétages de plombs dans le corps médical confronté à une surcharge de travail très éprouvante et qui recourait souvent aux « amines psychotoniques » pour y faire face.

« Speed kills »

Vers le milieu des années 60 aux USA, des milliers de jeunes hippies se dirigeaient vers la Californie où ils s’échouaient souvent. Certains shootaient du speed dans des « runs » de12 jours, sans dormir. Jusqu’à cette période la Méthédrine® était facilement délivrée. Quand l’accès devint plus réglementé, les gangs de motards, déjà gros consommateurs, se lancèrent dans la fabrication et le trafic. Des médecins se spécialisèrent. Les riches branchés passait en plusieurs fois par jour pour leur piqûre de « survolteur », réputée aphrodisiaque dans l’ambiance permissive de ces années « peace and love ». Le fameux Summer of Love de 66 se terminait très mal pour des nombreux de jeunes marginaux qui atterrirent dans les hôpitaux psychiatriques où l’on ne savait qu’en faire. Depuis les années 50 chaque génération eut ses victimes sacrificielles. Rockers, Mods, Hippies, Hardrockeux, Punks et Skinheads jusqu’aux teuffeurs d’aujourd’hui, ont versé leur obole en sacrifiant leurs neurones à la méchante folie des speeds.
Des Dexies Midnight Runners jusqu’aux « Mothers’s little helper » des stones en passant par la saga des Freaks Brothers l’usage des amphétamines a souvent été profondément associée, utilisés, revendiquée par certains sous groupes de la contre culture.

Comprendre ???

Les millions de gens qui ont pris des amphètes n’ont pas tous mal fini quoique… John F Kennedy par exemple, fameux « speedhead », fonctionnait beaucoup à la dexamphetamine. Jean Paul Sartre a écrit « critique de la raison dialectique » sous amphetamine. Le père d’un de nos anciens ministres de l’intérieur, surnommé « Tonton Maxiton » par les députés était connu pour ses interminables harangues dans l’hémicycle de la nation, qui ne s’arrêtaient qu’avec les effets de la methamphétamine. Au japon de plus en plus de « salarymen » (cadres) japonais deviennent « karosaï » (travailler à mort ) et meurent d’épuisement ou deviennent fous après avoir travaillé 100 heures par semaine durant des années.
Guettez la sortie du prochain numéro de votre magazine préféré où ASUD vous expliquera pourquoi l’abus de stimulants grille les neurones et pourquoi nous ne semblons pas tous égaux devant les drogues, certains étant plus égaux que d’autres comme aurait dit Coluche »…

Amphétamine, dexamphétamine, méthamphetamine, c’est quoi ?

Le système de récompense

L’amphétamine est une molécule fabriquée, au départ, à partir de l’ephedra, utilisée depuis la nuit des temps par les asiatiques pour ses effets stimulants et pour traiter l’asthme, grâce à son action sur les bronches.

Les chimistes ont décliné de multiples variétés amphétaminiques. Principaux effets recherchés : stimulation, recul du seuil de fatigue donc produit dopant, résistance au besoin de sommeil, excitation sexuelle, coupe faim et perte de l’appétit donc perte de poids… Elles ont aussi des applications thérapeutiques comme le traitement de l’hypotension, l’asthme, la narcolepsie , et calment même des enfants hyper-actifs. Au niveau cérébral les amphétamines agissent principalement sur les neuromédiateurs qui régulent la vigilance, les émotions, la concentration ainsi que les comportements instinctifs comme la faim, la sexualité. Ces substances participent de façon fondamentale à la perception et à la recherche du plaisir et qu’on appelle « système de récompense »..Les formes dextrogyres (voir tableau) peuvent agir plus spécifiquement sur le renforcement de l’ego et tout en étant plus euphorisantes, elles peuvent rendre aussi plus agressif..

Dex, méth, dexméth

Selon les manipulations sur la structure de la molécule pour adapter son action sur les neuromédiateurs, les chimistes ont pu atténuer ou renforcer certains effets, voire les multiplier. Selon la combinaison moléculaire, la drogue module et affine son action sur le système nerveux . Ain si la levo-amphétamine (basique) a une action stimulante simple, la dexamphétamine procure une stimulation moyenne mais une sensation d’éveil plus vive, la methamphétamine procure une euphorie et un besoin d’action plus intense, la dextromethamphétamine procure, une sensation d’éveil et un débordement de l’ego encore plus fort.

Pour comprendre voici un petit tableau avec des graduations de 1 à 6 selon l’intensité provoquée :

amphétamine dexamphetamine methamphetamine dexmethamphetamine
Sensation de stimulation 1 2 4 6
Euphorie 1 3 5 6
Confiance en soi 1 2 4 5
Durée 4h 4h-6h 8h-12h 12h-20h

La durée des effets peut varier selon le mode de consommation (injecté, sniffé, fumé, ingéré).et la quantité.
Avalé, le produit agit plus longtemps et plus en douceur que s’il est sniffé, injecté ou fumé. Les contrecoups et conséquences pénibles de la descente seront ensuite inversement proportionnels à l’intensité et à la durée des effets ressentis. Si les 3 premiers furent parfois des médicaments, la dexmethamphétamine ne fut jamais qu’une drogue.

Speed, Ice, Crystal, Tina, Crank, Yaba

Le speed en poudre qu’on trouve sur le marché noir français, parfois de couleur rose ou orange est en général du sulfate d’amphétamine qui contient rarement plus de 5 à 10% de produit actif. Le reste est souvent de la caféine, des sucres divers et parfois (speed gras) du stéarate de magnésium dont on se sert pour faire les bougies. Aux USA, dès les années 60, des gangs de motards se sont spécialisés dans la fabrication, le commerce (et la conso) de sulfate de méthamphétamine appelé « crank ». Depuis les années 80, ont trouve du chlorhydrate de méthamphétamine (ce qu’on appelle le Crystal ou « meth » ), et au début des années 90 apparaît l’ « Ice » à Hawaï et aux Philippines (Shabu) puis aux USA. Il s’agit de de chlorydrate de dextromethamphétamine. Actuellement aux USA on trouve de la « Meth » et de la « Dexmeth » sous forme d’Ice. Cette dernière est plus rare, plus violente, plus chère. L’Ice est principalement fumé. Le sniff d’Ice, théoriquement possible est extrêmement douloureux pour les narines de même que l’injection qui fait très mal à la veine. Les petites pilules rouges de Yaba (méthamphétamine) qu’on trouve en Asie du Sud-Est sont en général ingérées ou fumées (leur odeur de vanille est typique). Les déchets de l’Ice peuvent être refumés, un peu comme le « dross » (cendre d’opium). Par ailleurs, le « Snot », une écume résiduelle, provenant de la fabrication, est très prisée par certains qui acceptent de la payer la payer très cher, considérant que c’est une drogue d’élite. C’est une pâte un peu mousseuse, très prisée au japon, où elle est aromatisée à l’essence de briquet. Il existe des dizaines de procédés clandestins pour fabriquer lce et crystal. La plus connue est la « nazi method », appelé ainsi parce que son promoteur était un Hells Angel fou de symboles nazis. La plupart utilisent de la pseudoephedrine, (longtemps en vente libre par cartons entiers aux USA), du phosphore rouge et un produit ammoniacal employé dans l’agriculture. Certains « methcooker » ont gratté le phosphore de dizaines de milliers d’allumette pour s’en servir dans la fabrication de « meth ».

Dosage

Les doses « thérapeutiques » contenues dans les médicaments à base d’amphétamines contiennent en général 3 à 10mg de principe actif, mais le plus souvent 5mg par comprimé. Les comprimés de Dexédrine® (dexamphétamine) prescrits dans les pays anglo-saxons contiennent 5mg. Pour les succédanés et analogues (tel le methylphenidate (Ritaline®) ou anorexigènes comme le Dinintel®), la dose efficace prescrite est en général comparée à 5mg d’amphétamine dite racémique (basique).

Effets secondaires et dégâts

Les effets que procurent ces drogues ont toujours un prix. En cas d’abus celui-ci peut être très élevé. La résistance au sommeil se paie par un surcroît de fatigue. L’augmentation momentanée de la capacité de concentration, du sentiment d’acuité mentale, se paie par un déficit de l’attention, des pertes de mémoire, l’augmentation de la confiance en soi est suivie par l’abattement, voire la parano, la perte d’appétit entraîne carence et amaigrissement, le besoin irrépressible de parler fait passer pour un bavard vaniteux,… Certains lecteurs d’ASUD savent combien les personnes sous speed avec leur ego débordant et leur irrésistible besoin de parler, de bouger, peuvent être pénibles.
En cas d’abus ou de consommation régulière, la perte de contrôle et l’augmentation des doses peuvent être spectaculaire. Les psychose amphétaminiques avec sentiment de persécution et paranoïa insensés sont redoutables. Les plus anciens se souviennent des speedfreaks des années 70 qui après quelques mois d’abus sombraient parfois dans une torpeur et une langueur impossible à guérir. Complètement éteints, ils s’étiolaient comme des petits vieux. A cette époque, la pharmacopée contenait des dizaines de stimulants : on en prescrivaient contre la dépression, la fatigue, pour maigrir, travailler. Si le produit à pu aider certains à passer un cap, les plus fragiles, surtout s’ils injectaient, se transformaient en zombis décharnés, édentés, hallucinés au bout de quelques temps. Les Maxiton®, Tonédron®, Adiparthrol®, Captagon®, Dinintel®, Survector®, Orténal®… ont tous été retirés du marché : trop d’abus.

Éphedra et éphédrine

De nos jours l’éphédra est parfois connu comme « Herbal Ecstasy » et vendu sur Internet. Les utilisateurs qualifient les effets de « physiques et nerveux, un peu comme beaucoup de café fort». La vente libre d’éphédrine est interdite en France depuis 2003. Une enquête aurait prouvé sa toxicité cardiaque et neurologique.
L’éphédra pousse aussi en Amérique du Nord, où dans la secte des Mormons, chez qui le café est interdit, on s’en sert pour faire une boisson permettant de ne pas piquer du nez pendant les soporifiques prêches des pasteurs. On l’appelle d’ailleurs « thé des Mormons ». Longtemps, dans les bars et stations services le long des « Highways », les camionneurs achetaient des pilules de caféine et/ou pseudo éphédrine afin de lutter contre le sommeil en conduisant sur les longues distances américaines

19 conseils pour réduire les risques liés à la consommation de cannabis

  1. Éviter de consommer régulièrement, la nocivité provient de l’usage régulier, comme la baisse de sensibilité ou le « processus de blocage » sur le produit. 5 à 15 % des consommateurs sont considérés comme abusifs.
  2. Le cannabis ne fait rien oublier et ne peut pas constituer un refuge. Ne pas se réfugier derrière l’excuse du cannabis pour justifier une flemme existentielle ou une angoisse profonde.
  3. L’usager peut subir des dommages réversibles sur ses facultés de concentration, de mémorisation et de réflexion. Cesser l’usage et/ou demander de l’aide en cas de troubles répétés.
  4. Dans les cas rarissimes (de 0,1 à 0,9 % selon les études) où le consommateur présenterait des troubles schizophréniques ou des crises délirantes, consulter un spécialiste.
  5. Certains consommateurs abusifs, sociologiquement et/ou psychologiquement affaiblis, peuvent se désocialiser ou perdre toute motivation. Ne pas hésiter à demander de l’aide.
  6. Par souci de sécurité, l’usager s’abstiendra durant son travail ou son apprentissage.
  7. Ne pas conduire de véhicule ni effectuer toute autre activité dangereuse pendant au moins 3 heures après une consommation inhalée, 6 heures après ingestion.
  8. Les principaux risques pour la santé sont liés au joint et à l’absorption de fumées. Fumer peut provoquer de nombreuses maladies graves : bronchite chronique, asthme, cancers, accidents cardio-vasculaires…
  9. Le tabac mélangé dans le joint entraîne une dépendance à la nicotine et expose à la combustion d’agents de saveurs et de conservateurs chimiques. Pour éviter cette toxicomanie, il est préférable de fumer pur.
  10. L’utilisation de dispositifs destinés à rafraîchir la fumée comme un long filtre, une pipe, un bang… diminue les brûlures des tissus de la bouche et de la gorge, mais ne prévient pas de l’assimilation de la plupart des substances toxiques.
  11. Pour limiter les risques liés à l’inhalation, utiliser un vaporiser qui chauffe suffisamment la plante pour libérer les principes actifs sans carbonisation, chaleur, goudrons et autres agents nocifs.
  12. Mieux vaut manger du cannabis qu’en fumer. Renseignez–vous bien sur les modes de préparation et les quantités de substance à utiliser pour éviter des désagréments gastronomiques et le surdosage.
  13. En cas d’ivresse cannabique incontrôlée, de crise d’angoisse, d’accélération cardiaque, ne pas céder à la panique : la surdose de cannabis n’est jamais mortelle et le consommateur retrouvera ses capacités plus ou moins vite selon l’excès.
  14. Un lieu de relaxation calme et aéré, un entourage rassurant, l’absorption d’un sucre rapide et d’un verre d’eau favorisent la redescente de l’usager incommodé.
  15. Des risques supplémentaires proviennent des engrais, des pesticides et des produits de coupage utilisés par des producteurs et des dealers peu scrupuleux. Éviter de consommer les produits douteux. Consulter un médecin en cas de trouble inconnu.
  16. Bien qu’il n’existe aucun système d’approvisionnement contrôlé, le consommateur doit être exigeant sur la pureté du cannabis et boycotter les produits suspects.
  17. La polyconsommation de stupéfiants multiplie les risques liés aux autres substances psychotropes et peut entraîner des interactions dangereuses, notamment avec l’alcool.
  18. L’automédication au cannabis ne doit se pratiquer qu’après la consultation d’une solide documentation, de préférence en concertation avec le personnel soignant.
  19. Toujours se souvenir que le cannabis est classé sur la liste des stupéfiants prohibés et que son simple usage peut conduire devant les institutions policières, judiciaires et pénitentiaires

Foie et cannabis

Oui, il y a bien écrit : “ foie et cannabis ”, j’insiste : “ Foie ” avec un E, s’il vous plait ! Et non pas “ Foi & Cannabis ”, comme Bob Marley invoquant ses louanges raggaephiles à Jah Rastafary. Non nous ne parlerons pas non plus de la controverse concernant le cannabis et les accidents de la route, qui finalement sont plus spécifiques des excès d’alcool, n’est-ce pas mon petit Nicolas ?

Les fautes d’orthographes peuvent mener à des sérieux malentendus, d’où l’avantage de régler ces problèmes à l’oral. C’est ce que nous avons fait au sujet d’un malentendu avec le Dr Hézode, un hépatologue de l’Hôpital Henri Mondor, à Créteil qui avait déjà publié une brillante étude sur les risques d’aggravation de fibrose chez les gros fumeurs de tabac.

Le différent porte sur son étude sur l’impact du cannabis sur le foie, intitulée “Consommation quotidienne de cannabis fumé comme facteur de risques de progression de fibrose dans l’hépatite C chronique”[1], qu’il a présenté à l’occasion du congrès européen d’hépatologie de l’E.A.S.L., à Berlin en 2004. J’y étais et je peux rapporter que la salle était restée assez sceptique ou du moins partagée, sur certaines zones d’ombres méthodologiques, surtout quand il conclut : “ La consommation quotidienne de cannabis chez les patients ayant une hépatite C est à proscrire ”. Le problème c’est que cette étude a depuis été largement reprise par bon nombre de médecins et notamment des hépatologues, et d’ailleurs peut-être le votre vous a t-il déjà fait des remarques à ce sujet ?

Elle vient d’être publié dans le numéro trimestriel de la revue Réseaux Hépatites, de septembre 2005. Nous nous sommes immédiatement ébahis d’admiration devant la couverture de cette revue médicale de vulgarisation scientifique (voir photo), qui est éditée grâce aux larges financements de certains laboratoires pharmaceutiques bien connus des usagers de drogues substitués.

Nous pensions qu’ils allaient contrecarrer cette étude puisqu’en couverture, il y a un magnifique “ pétard de chez Mr Pétard ”. Mais alors, la salive nous monte encore aux oreilles rien que d’en parler tellement il est bien roulé.

Nous ne saurons résister à l’envie de quelques précisions prudentes de RdR, à l’attention des lecteurs et plus particulièrement ceux du Ministère de l’Intérieur, il s’agit d’admiration devant la technique de roulage de cette cigarette multi-feuilles, œuvre d’un artiste, il va sans dire, vous nous l’accorderez ? Nous voudrions éviter une condamnation d’incitation à l’usage à quelques heures de “ tige ” (Travail d’Intérêt Général) pour quelques feuilles !
Nous ne conseillerons jamais à personne d’utiliser des drogues, et encore moins tous les jours, car ça serait bien inutile, voir même dangereux, surtout sans conseils avisés de réduction des risques (RdR), récents et adaptés ! D’ailleurs au sujet du cannabis vous pourrez vous reporter au numéro d’ASUD, pour les conseils avisés de RdR, puisque ça, c’est notre domaine de compétence.

Mais en fait il faut à ce stade détailler cette étude avant de prendre pour argent comptant cette conclusion, et voir ce qu’elle vaut à la lumière d’une contre-analyse comme seul G-Laën en a le secret !

Il faut d’abord rappeler le contexte et l’état des connaissances qui ont justifié l’intérêt de cette étude. Depuis vingt ans, la plupart de grands laboratoires pharmaceutiques ont tous fait des recherches sur les cannabinoïdes, c’est-à-dire les 60 composants du cannabis. Mais plus récemment quelques découvertes étonnantes nous ont appris que dans le corps humain, nous avons à l’état naturel deux types de récepteurs spécifiques aux cannabinoïdes qui ont été baptisé CB1 et CB2. Des généticiens bien intentionnés ont cherché à savoir quand est-ce que dans l histoire de l’humanité, l’être humain a commencé a avoir ces récepteurs au cannabis. La réponse est assez étonnante, sauf pour des usagers, puisque ces récepteurs seraient apparus environ il y a cent mille ans, c’est-à-dire juste avant que l’humain commence à utiliser la parole !

De plus, les chercheurs nous ont même appris que nous sécrétons naturellement, sans avoir jamais consommé de cannabis, des cannabinoïdes naturels, dont les rôles sont toujours assez mystérieux.

Très récemment, des chercheurs s’étaient intéressés à chercher des récepteurs dans le foie. Ils ont été surpris de constater que ces récepteurs ne sont pas présents dans le foie d’une personne en bonne santé. Mais par contre, ils sont activés par les fybroblastes. Ce sont les éléments qui provoquent la fibrose et donc les principales lésions chroniques du foie. Donc il faut comprendre que dès qu’on est atteint par une maladie chronique du foie comme une hépatite virale, et que le foie commence à fibroser, on développe des récepteurs au cannabis dans le foie, aussi bien les CB1 que les CB2.

Des études sur la cirrhose ont confirmé qu’il y avait une sorte de sur-activation des récepteurs CB1. L’équipe de recherche de l’INSERM d’Henri Mondor, travaillant avec le Dr Hézode, venait de démontrer que l’activation des récepteurs CB2 dans le foie pouvait minimiser la production de fibrose. C’est donc ce qui les a poussés au départ à organiser cette étude afin de pouvoir évaluer quel était l’impact réel de cet effet antifibrosant des CB2 dans le foie.

Seulement très rapidement, la même équipe de l’INSERM a aussi démontré que l’activation des récepteurs CB1 avait le rôle inverse c’est-à-dire de favoriser la fibrose du foie. Nous voyons bien qu’il devenait alors crucial de pouvoir étudier de plus près ce qu’il en était dans la vraie vie et non plus sur des éprouvettes de laboratoire, afin de départager l’incidence des CB1 et CB2 dans un contexte d’épidémie d’hépatite C.

Certes si la volonté du Dr Hézode et de son équipe semble tout à fait compréhensible, il fallait par contre mettre au point un protocole d’étude assez complexe afin de pouvoir isoler réellement l’impact du cannabis uniquement. C’est bien là que se situaient nos désaccords.

Ils ont donc recruté 270 malades porteurs chroniques d’hépatite C dans leur service, en ayant défini trois groupes. C’est-à-dire :

– un groupe de 143 personnes déclarant n’avoir jamais fumé de cannabis (53%), et c’est bien vrai ce mensonge ? hein et pourquoi t’as les yeux rouges ?

– un groupe de 41 fumeurs occasionnels (15%) n’ayant jamais consommé quotidiennement de cannabis, avec une consommation moyenne d’environ huit pétard par mois, tiens ça me rappelle quelqu’un !

– un groupe de 89 fumeurs quotidiens (33%) avec une consommation moyenne d’environ 60 pétards par mois,

– et que le dernier ferme la porte, s’il tient encore debout et qu’il voit quelque chose au milieu du nuage ! Ouvrez la fenêtre, les oiseaux vous ferons un joli sourire bête !

Foie et cannabis Non Fumeur Fumeurs occasionels Quotidiens
Tous patients confondus 53% 15% 33%
143 41 89
Contamination VHC par injection de drogue 16% 86% 93%
23 35 83

Les malades avaient été sélectionnés car ils avaient fait plusieurs biopsie du foie qui permettaient de déterminer l’évolution de leur fibrose dans le temps et donc d’examiner une possible accélération de cette fibrose potentiellement due au cannabis. Il a donc fallu étudier aussi d’autres causes possibles d’accélération de la fibrose afin de ne pas fausser cette étude. Donc bien sûr, les facteurs étudiés sont la consommation d’alcool supérieure à trois verre par jour, la consommation de plus d’un paquet de cigarettes par jour, l’âge à la contamination, le fait d’avoir plus de 40 ans, une stéatose (graisse dans le foie), etc…

Donc le mercredi 11 janvier 2006, je fait cette interview téléphonique. Je lui demande : “ Avez-vous détaillez dans votre étude, les consommations antérieures et régulières des 54% d’usagers participants et déclarant avoir été contaminés par injection ? En effet, il nous semble évident que si ces usagers ont eu recours pendant de nombreuses années à des injections de cocaïne, de sniff d’amphétamines, avec en prime des surdosages de benzodiazépines, il y aurait de quoi avoir un foie particulièrement fibrosé non ? ”

Le Dr Hézode me répond que : “ Il faut rappeler tout d’abord quels sont les types de lésions sur le foie que provoque ces produits. À savoir, la cocaïne ne provoque que des hépatites aiguës. Il n’y a jamais eu de forme d’hépatotoxicité chronique de décrite chez des usagers de cocaïne. Il m’est déjà arrivé de faire prendre en charge un usager ayant fait une hépatite aiguë à la cocaïne particulièrement sévère puisqu’il a dû être greffé du foie.
Sinon, concernant les benzodiazépines, il en est de même pour ainsi dire, il s’agit d’hépatite médicamenteuse de type aiguë et d’évènements plutôt rares qui surviennent surtout chez des personnes ayant déjà un foie fragilisé par une hépatite virale ou alcoolique, le plus souvent. Il me semble évident que plutôt que les produits eux-mêmes, il faudrait aussi améliorer nos connaissances sur les produits de coupes.
Aussi nous n’écartons absolument pas que toutes ces autres consommations aient pu biaiser nos conclusions, toutefois nous ne pensons pas qu’elles aient pu avoir une incidence importante ”.

Face à autant d’humilité, ce qui est toujours appréciable chez un médecin, mais aussi afin de faciliter la lecture de cette retranscription, je ne saurais résister d’avantage à l’envie de baptiser le Dr Hézode, le Dr H.

G-Laën : “ Nous avons un problème avec vos conclusions puisqu’elles ont été reprises par bon nombre de vos collègues hépatologues qui les appliquent sans forcément les comprendre. Aussi nous craignons que cet argument concernant le cannabis ne serve de contrainte supplémentaire qui vienne compliquer encore l’accès aux soins des hépatites pour les usagers de drogues. Aujourd’hui nous savons que bon nombre d’hépatologues ne sont pas motivés pour prendre en charge les usagers et donc il ne faudrait pas qu’ils interprètent à tort cette étude. Qu’en dites-vous ? ”

En effet, dans le numéro 24, de la revue THS de décembre 2004, le Pr Couziguou, hépatologue de “ débordé ” dans la région Bordelaise propose un suivi hépato pour le cannabis.

Dr H. “ Nous devons rappeler très clairement, que notre conclusion est qu’un malade atteint d’hépatite C chronique doit s’abstenir, s’il le peut, de fumer tous les jours du cannabis. Et ce message s’adresse surtout à des patients non-répondeurs aux traitements par interféron, chez qui on voudrait minimiser toutes les causes d’aggravation de la fibrose en attendant la possibilité de pouvoir retraiter et guérir son hépatite C.
À mes patients qui viennent me consulter pour initier un traitement et qui me demandent est-ce que le cannabis pose un problème, vu que ça les aide ? Je leur dis très clairement qu’il y a des malades pour qui le cannabis semble être une aide face aux nombreux effets secondaires d’un traitement à base d’interféron. Aussi je leur dit qu’il n’y a pas de contre-indications majeures puisque ce qu’il faut absolument favoriser à ce moment là, c’est l’observance à ce traitement et arriver à ce que la malade tienne jusqu’au bout. ”

En effet, dans leur première étude nationale sur les hépatites virales en 2002, SOS-hépatites avait déjà rapporté que sur les 2 226 personnes ayant participé dont la moyenne d’âge était plutôt de 55 ans (36 % 18-44 ans, 48 % 45-64 ans et 16 % plus de 65 ans), il y avait 20 % de contamination par la seringue. De plus, 13% des malades ont reconnu utiliser régulièrement du cannabis pour faire face aux effets secondaires des hépatites et de leurs traitements.

Dr H.“ Donc même si notre étude démontre une possible toxicité hépatique du cannabis, il faut rappeler que nous ne pouvons toujours pas en expliquer les mécanismes et de plus, que cette étude est une première qui doit être complété par d’autres travaux.
Nous avons remarqué dans notre groupe de malades consommant quotidiennement du cannabis qu’il y en a qui n’ont pas du tout de fibrose. Et puis notre étude concerne uniquement des malades d’hépatite C chronique. Il ne faut donc pas faire l’erreur de penser qu’on aurait démontré que le cannabis est hépatotoxique chez une personne en bonne santé. C’est faux ! On a clairement démontré qu’on ne voyait pas de différence entre le groupe de non-fumeurs et celui des fumeurs occasionnels (8 pétards par mois en moyenne), ce qui fait que dans l’analyse finale de notre étude, on a groupé ces deux sous-groupes pour les comparer aux fumeurs quotidiens. En usage occasionnel, le cannabis fumé ne semble avoir aucune incidence sur la progression de fibrose dans l’hépatite C ”.

Et bien, voilà des conclusions qui me semblent très clair non. Et vous ?

[1] Hézode C. et al. “ Daily cannabis smoking as a risk factor for progression of fibrosis in chronic hepatitis C ”. Hepatology 2005 ; 42 : 63-71.

Salle de consommation à moindre risques : et la France ?

Les premières salles de consommation à moindre risque (SCMR) ont été implantées en Suisse à la fin des années 80. Aujourd’hui, il en existe aussi aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, en Australie, au Canada, en Norvège, et depuis juillet 2005, au Luxembourg, le neuvième pays à ouvrir une SCMR pour usagers de drogues.
Actuellement, ce sont donc 78 structures dans 45 villes du monde qui ont opté pour ce type de programme.
Et la France ? Un dossier concocté par Bernard Bertrand.

Les salles de consommation à moindres risques sont des lieux où les personnes qui consomment des drogues ont la possibilité de le faire au moyen de matériel stérile, sous encadrement de professionnels formés. Aucune drogue n’est fournie sur ces lieux et les professionnels n’aident pas à son administration.
Elles ont pour objectifs de :
– réduire les problèmes de santé pouvant découler de la pratique de consommation (contamination par le VIH et les hépatites, abcès, surdose, etc.);
– réduire les nuisances associées à la consommation de drogues illicites dans les lieux publics et semi-publics ;
– améliorer l’accès aux services socio-sanitaires et thérapeutiques;
– et offrir un contexte de consommation qui libère de toute crainte d’appréhension policière et de violence.
Aujourd’hui, les associations d’autosupport, de réduction des risques et de lutte contre le sida, certains élus, les professionnels du champ sociosanitaire, différentes instances d’experts comme le Conseil national du sida, le Comité stratégique du programme national hépatites virales, l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (des instances créées par l’État français), le Conseil de Senlis (centre de réflexion qui regroupe des experts internationaux) et le Réseau des bases factuelles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) demandent de passer à cette nouvelle étape. Dès 2004, le rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) sur les salles de consommation (1) reconnaissait que celles-ci « remplissent leur objectif» et mettait en évidence qu’elles «parviennent à établir un contact avec un groupe hautement problématique de consommateurs de drogues et à promouvoir l’accès de ceuxc-i à des soins de santé primaires dont ils ont grandement besoin ainsi qu’aux services sociaux et de traitement. Le taux de morbidité et les risques de mortalité, ainsi que la nuisance suscitée par consommation de drogue en public, sont consommateurs de drogue à un matériel
d’injection. »

Question d’éthique

L’ouverture ou non des salles de consommation à moindres risques ne semble désormais qu’une question éthique puisque le décret n° 2005-347 du 14 avril 2005 ouvre la possibilité d’expérimenter des salles de consommation(2). C’est d’ailleurs ce que le président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), Didier Jayle, tente de nous expliquer : «Organiser officiellement l’injection de produits illicites pose un problème éthique.» Les politiques de lutte contre la toxicomanie menées sous l’égide de la loi du 31 décembre 1970 n’en soulèvent-elles pas? Est-il éthique d’empêcher l’accès à des mesures de réduction des risques telles que les salles de consommation à moindre risque, en présence d’une somme considérable de résultats d’autres pays qui en démontrent l’efficacité ? Est-il éthique, comme le souligne David Roy (3), «de conserver des approches fondées sur la criminalisation pour contrôler l’usage de drogues alors que ces stratégies échouent à rencontrer les objectifs pour lesquels elles avaient été conçues [Voir également les propos tenus en décembre dernier par Nicolas Sarkozy qui, pour lutter contre les trafiquants, veut s’attaquer aux clients] ; qu’elles engendrent des maux qui sont d’ampleur équivalente à, ou pire que, celle des maux qu’elles sont supposées prévenir ; qu’elles intensifient la marginalisation de personnes vulnérables et qu’elles favorisent la montée au pouvoir d’empires violents et socialement destructeurs? Est-il éthique de continuer de tolérer avec suffisance l’écart tragique entre ce que l’on peut faire et devrait faire, dans l’ensemble des soins aux utilisateurs de drogues, et ce qui est fait dans la réalité, devant les besoins fondamentaux de ces personnes? Est-il éthique de conserver des politiques et des programmes qui insistent sur l’abstinence de l’usage de drogues d’une manière si unilatérale et si utopique qu’on laisse de côté l’urgence qui appelle une attention plus immédiate : celle de réduire les souffrances des utilisateurs de drogues et d’assurer leur survie, leur santé et leur croissance vers la liberté et la dignité? Et n’est-il pas impératif de reconnaître, avec toutes les conséquences éthiques de cette réalité éthique, que les personnes qui font usage de drogues possèdent la même dignité que tous les autres êtres humains?»
La question éthique fondamentale n’est-elle pas l’impératif de prendre adéquatement soin des utilisateurs de drogues ? Inaction consternante Les consommateurs de drogues frontaliers, notamment avec la Suisse, ont compris l’importance de cet outil de réduction des risques et des dommages et l’utilisent. Une étude menée en 2003 par un collectif d’intervenants en toxicomanie de Mulhouse montre que 73,6% des consommateurs sont favorables à l’ouverture d’une salle de consommation à moindres risques(4). Cette étude mulhousienne concluait par : «On ne peut pas se permettre de retarder encore une action qui se fait attendre depuis déjà trop longtemps en continuant à faire des enquêtes qui nous montrent toujours les mêmes résultats, en parlant d’actions pragmatiques que d’autres pays ont déjà faites et évaluées depuis des années. La tragédie sociosanitaire et psychologique parmi les utilisateurs de drogues va se poursuivre encore pendant plusieurs années – en sachant que l’on aurait pu en prévenir au moins une partie si les gouvernements étaient allés au-delà de stratégies électives, au profit d’une réelle action pour faire face aux problèmes immédiats. Jusqu’ici, l’inaction est consternante.
En attentant, sans une action immédiate remédiant à cette situation, de nombreux usagers de drogues continuent de contracter des infections mortelles. »

Note :
(1) Hedrich D., 2004 (february), European report on drug consumption rooms, European Montoring Centre for Drugs and Drug Addiction. Site Web : <http://www.emcdda.eu.int/>.
(2) JO du 15 avril 2005, approuvant le référentiel national des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue et complétant le code de la santé publique.
(3)Roy D., 1999, L’injection de drogue et le VIH/sida : questions juridiques et éthique, Documents de fond, Réseau juridique canadien VIH/sida.
(4)Bertrand B., Sartori M. et Gérome M.L., 2003, Vers l’ouverture d’une structure d’accueil et de consommation à Mulhouse. Résultat de l’enquête interassociative, Mulhouse, ARGILE.
(5)Selon la littérature, une pîquerie est une salle de consommation non autorisée gérée par les consommateurs de drogues.

Las Barranquillas, supermarché des drogues version ibérique

En matière de drogue aussi, l’Europe a du mal à réaliser son unité. Influencé tant par sa culture que par ses lois ou son régime social, chaque pays continue de mener sa barque.

Après la movida des années 1980-1990, l’Espagne a vu se développer des sortes de « supermarchés de la dope » équivalents aux grands squats parisiens, mais en beaucoup plus grand. Des scènes ouvertes qui prouvent – in vivo – que, sans véritable éducation à la santé et programmes de réduction des risques, le libre accès au produit favorise surtout les dealers qui, comme toujours, font leur beurre sur le dos des usagers.

Aujourd’hui, la voiture de la copine qui me conduit à ce bidonville gitan du sud de Madrid n’a rien à voir avec celles que j’avais l’habitude de prendre pour y aller il y a quelque temps. À l’époque, je m’y rendais avec des cundas, des « taxis de la drogue » comme diraient les médias, qui, pour 4 euros et une pointe de dope par tête, trimbalent 3 à 4 personnes du centre-ville jusqu’à la porte de la baraque où tu vas faire tes « courses », te laissent consommer dans la caisse – sauf te fixer – et te ramènent à la case départ. En général, la caisse est dans un sale état, tout comme son conducteur : vitres éclatées, papiers pas toujours en règle, hygiène des plus précaires…

Jungle organisée

Notre voiture quitte la route principale et en emprunte une autre plus petite mais en bon état jusqu’à la fourrière. Après, c’est une autre histoire, plus rien à voir ou plutôt tout ! Les yeux du néophyte s’écarquillent devant le spectacle qui s’offre à lui. Un ensemble de 80 baraques – Aujourd’hui, ce bled est en perte de vitesse au profit d’un autre, El Salobral. La pression policière, les grands travaux ont eu raison de lui, mais de 2001 à 2003, il a compté jusqu’à 300 baraques ! – , faites de matos de récup et de tôles ondulées, s’étendant de part et d’autre d’une piste boueuse ou poussiéreuse suivant la saison, pleine de trous, que des centaines d’UD parcourent à pied ou en caisse. Cela fourmille toujours : depuis le tox version BD d’Asud-Journal jusqu’au cadre dynamique (surtout après sa prise de coke !). À sa belle époque, ce bidonville, ou plutôt devrais-je dire cet hypermarché ouvert 24 h/24, recevait la visite de 4 000 personnes par jour et quelque 13 000 UD venaient s’y approvisionner (Selon El País du 16/04/2001).

Toute cette faune se croise, s’effleure, s’engueule, se parle parfois ou, le plus souvent, s’ignore. La vision est dantesque. Tu croises des zombis qui, le regard vide, te lancent un : « shuta-tranki-plata » (shooteuse-trankimazim-papier d’alu), mais cette jungle est bien plus structurée et organisée qu’il n’y paraît au premier abord. Une foule de petits métiers essaye d’y survivre : les cunderos qui t’emmènent en caisse, ceux qui vendent pour 0,50 euros une shooteuse ou l’alu que les bus de Médecins du monde ou d’Universida (groupe de RdR) leur ont échangé contre une poignée d’arbalètes ramassées par terre ou qu’ils sont allés prendre à la Narcosala (salle d’injection et de soins, cantine avec 3 repas chaud par jour, et dortoir) qui est à l’autre bout du bled, les guetteurs avec leur talkie-walkie à l’entrée du bidonville qui avertissent leur patron de l’arrivée des flics (police nationale, municipale et brigade des stups) dont ils connaissent toutes les voitures même banalisées, puis les machacas qui montent la garde devant la baraque même et qui utilisent un code pour le collègue qui ouvre et ferme la grosse porte en fer : uno (1) – tout beigne –, dos (2) – keufs en tenue –, tres (3) – civils-stups –.

Micra, machacas & chapas

Derrière la lourde, un long couloir sordide éclairé par une ampoule blafarde qui mène à un mur intérieur troué par une fenêtre grillagée derrière laquelle une femme, généralement une gitane (souvent la meuf du patron), te sert quand c’est ton tour et qui prend la commande : une micra (1/10 de gramme pour 5 euros) de cruda (coke non cuisinée), de caballo (héro) ou de base, ou 2 micras, ou ce que tu veux. La gitane, protégée par des barreaux prend ton fric, pèse devant toi, te donne ta micra, et au suivant !

Car il faut bien le dire, même si ce n’est pas politiquement correct, les gitans tiennent à Madrid et dans la plupart des grandes villes d’Espagne le marché au détail de la coke et de l’héro : Quartier Rusafa à Valence, Las Tres Mil viviendas à Séville, quartier de San Francisco à Bilbao… (El País du 15/05/2003). Et ce n’est pas tout : les mecs s’occupent de rentrer la dope dans le bidonville et d’assurer le service d’ordre, mais la vente est faite par leur meuf. Quand il y a une descente, ce qui est rare, ce sont les femmes qui se font embarquées et il n’est donc pas étonnant qu’elles constituent en taule 70 % des détenues alors que cette communauté ne représente que 0,3 % de la population (La population gitane espagnole et portugaise représente environ 100 000 personnes.). Plus grave encore, les fameux machacas ne sont que de pauvres hères, des non-gitans pratiquement réduits en esclavage, souvent battus à la moindre faute, qui servent leur patron avec une servilité qui ne s’explique que par leur niveau d’intoxication et qui ne touchent que quelques micras pour leur travail et leur docilité.

Au dehors, la salle d’injection étant trop loin, des mecs et des nanas se fixent par terre car le manque ou tout simplement l’envie les presse. D’autres vont se réfugier dans un taudis en ruine pour chasser le dragon à l’abri du vent, et tout cela sous le regard impassible des patrouilles de flics qui, jour et nuit, vont et viennent à 2 par voiture, parfois s’arrêtent à la hauteur d’une caisse pour demander au conducteur de leur montrer les clefs et de démarrer le véhicule avec celles-ci au premier coup de préférence (preuve indéniable que la voiture n’est pas piquée), puis repartent. D’autres fois, surtout la nuit, le contrôle est plus sévère : identité des occupants, papiers du véhicule, fouille de celui-ci, appel au central afin de voir si personne n’est recherché… Mais il n’est pas question, ou très rarement, de savoir si tu as de la drogue et combien ! En général, la division du travail des flics se fait de la façon suivante : ceux en uniforme s’occupent des consommateurs (avis de recherche…) et du maintien de l’ordre, les civils se chargent du trafic, donc des gitans. Ces derniers ne craignent d’ailleurs que les chapas (les civils qui te montrent leur plaque pour s’identifier), bien qu’il me soit arrivé sous le gouvernement de droite de me faire mettre par les stups un PV de 450 euros pour 2 micras de cc ! À deux pas d’une baraque où cela dealait sérieux, ils n’ont pas peur du ridicule !

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