• Accueil
  • Décroche / Sevrage / Abstinence

Groupes d’entraide et Asud, une histoire partagée pour réduire les risques et les dommages

Les usagers de drogues sont souvent frappés par l’opposition entre les approches fondées sur l’abstinence à travers les mouvements dits de « 12 étapes » et celles des groupes d’autosupport issues de la réduction des risques, comme Asud. Il est important de rappeler que ces approches ont pu se succéder dans les parcours des uns et des autres. Les programmes fondés sur l’abstinence s’adressent à des gens qui sont eux aussi les bénéficiaires de prévention des maladies infectieuses, ou de stabilisation par le recours aux traitements de substitution aux opiacés (TSO). Les programmes de « recovery », comme disent les Anglo-Saxons, ont donc vocation à s’inscrire dans la panoplie des offres faites aux usagers.

Abstinence vs RdR : une vieille opposition

Il peut paraître étrange d’aborder la question de l’abstinence en regard de la question de la RdR. En réalité, et on verra pourquoi, il serait étrange de ne pas le faire. De fait, certains acteurs de la RdR sont portés à considérer l’abstinence comme l’envers individuel de la prohibition et comme une solution illusoire directement produite par l’interdit.

Il est vrai que l’abstinence a longtemps été construite comme le pendant de l’approche prohibitive et associée à la dimension privative de la désintoxication. La « War on Drugs » collective et le « Just Say No » individuel ont toujours fait bon ménage dans les représentations et ont été les figures ultimes de la prévention (ne pas passer à l’acte) et de la guérison (vivre sans drogue). Visant à protéger le « drogué » de lui-même, cette thématique sous-jacente parcourt en effet toute la rhétorique prohibitionniste, faisant de celui qui n’a pas consommé la norme et de celui qui ne consomme plus, le modèle du repenti soumis à l’injonction thérapeutique, comme pendant de l’interdit, au cœur des contradictions de la loi de 1970.

Groupes d'entraide et ASUD Pascal 4De plus, l’abstinence peut paraître s’inscrire dans un paradigme moral et ascétique, entre tentation et repentance. Le terme lui-même se retrouve par exemple dans les prescriptions religieuses touchant à la sexualité et est encore parfois dans ce domaine présenté comme la meilleure façon de se prémunir du sida, faisant fi des êtres humains et de leur réalité. Cette dimension judéo-chrétienne peut encore être renforcée, en apparence, par la dimension spirituelle (plutôt que religieuse) de certains de ces groupes d’autosupport. Enfin, elle peut être aussi associée elle-même à une forme d’excès puisqu’elle s’étend souvent à tous les psychotropes, interdits ou non, et apparaître alors comme une autre forme d’addiction, s’opposant alors à la consommation modérée.

Les approches RdR sont nées d’un constat d’échec de l’abstinence comme idéal de sortie de la consommation et de l’interdit comme absolu et s’y sont donc opposées en prenant acte de l’usage en en palliant les risques les plus marquants. Ainsi, au sein des groupes d’entraide, on oppose volontiers ceux qui se centrent sur la RdR dans sa conception traditionnelle et qui s’appuient sur des usagers « actifs », à ceux qui proposent des trajectoires vers l’abstinence (groupes dits de « 12 étapes », par exemple), concernant alors de potentiels « ex » -usagers. Les premiers, engagés dans une revendication plus globale visant à faire des usagers des citoyens à part entière, sont habituellement perçus comme les compagnons, voire le fer de lance d’une RdR qui, poussée à son terme, débouche sur une logique antiprohibitionniste, les seconds pouvant, au contraire, être ressentis comme promouvant implicitement l’interdit salvateur. Dans ce cadre, l’abstinence peut donc apparaître comme l’opposé de la RdR, une réponse trop simple à une question complexe, marquée de moralisme et peu efficiente, et comme un concept de plus dans les soutes de la grande machine à prohiber. On voudrait pourtant démontrer que cela ne va pas de soi.

l’abstinence ne se confond pas avec l’approche prohibitive

Groupe d'entraide et ASUD Pascal 1L’abstinence n’épouse pas obligatoirement la logique de prohibition. Elle n’appartient pas aux prohibitionnistes qui l’ont arrimée à leur doctrine et en ont l’usufruit plus que la nue-propriété. De nombreux éléments d’analyse montrent que le lien qui associe prohibition (comme interdit) et abstinence (comme choix et non comme injonction) n’est en rien essentiel. À l’heure où la frontière entre l’autorisé et le prohibé, dans les produits comme dans les soins, est de moins en moins probante, on se propose de déconstruire cet antagonisme en partie fictif et surtout dangereux, en montrant à la fois comment l’abstinence a vocation à s’inscrire de plein droit dans une logique de RdR et comment la RdR peut s’enrichir de cet apport, face par exemple à la question de la sortie des TSO.

Dans le cadre de ces programmes ou de ces groupes d’entraide, l’abstinence est d’abord un choix individuel et non un choix collectif, une solution et non un principe transcendant. L’histoire de ces mouvements montre comment s’est opérée la distinction entre ligues de tempérance et groupes d’entraide fondés sur l’abstinence, même s’il existe bien une origine commune. Aux États-Unis au XIXe siècle, les Washingtoniens, premiers groupes néphalistes, ancêtres des groupes de 12 étapes, d’abord rassemblement de buveurs alcooliques, se perdirent dans la bataille pour la tempérance. Né après la fin de la prohibition, AA se garda bien de répéter les mêmes erreurs et de se mêler aux controverses publiques sur la question. Aujourd’hui encore, ces groupes d’autosupport s’interdisent de rentrer dans ces débats (prohibition, RdR, légalisation) pour d’abord proposer une solution individuelle à chacun, même si elle s’appuie sur l’entraide et le groupe.

Enfin, celui qui a fait l’expérience des drogues illégales, qui se considère comme toxicomane, assujetti à sa consommation, ce qui n’est pas le cas de tous les usagers et de tous les usages, et qui choisit un jour l’abstinence, ne devient pas ipso facto, même si cela se produit, un fervent prohibitionniste pressé de fermer les portes qu’il a naguère ouvertes. Le choix de l’abstinence n’est pas la prohibition intériorisée, il ne se détermine pas vis-à-vis des autres ou de la loi. De même, celui qui renonce à boire, parce qu’il se considère comme alcoolique, le fait librement, sans songer à vouloir convaincre ses concitoyens que l’alcool est en soi une mauvaise chose. Aujourd’hui aux USA, on peut être abstinent et faire ce choix et soutenir formellement l’abolition du 18e amendement.

L’abstinence : le retour du choix

Groupe-d'entraide-et-ASUD-Flic-Abstinence-Muzo-2L’abstinence rejoint d’une certaine façon la logique d’autonomisation et de responsabilisation qu’on trouve dans la RdR.

« Le consentement intime du patient est donc une condition sine qua non, le préalable indispensable à toute démarche vers la sortie de traitement. »
« Si la nécessité d’en finir avec la dépendance s’impose à l’usager avec la force de l’évidence à un moment quelconque, elle ne doit et ne peut en aucun cas être décrétée par un tiers (médecin, entourage…). »
extrait de la fiche pratique Fin de traitement (rubrique Substitution)

Elle se profile dans l’après-coup, pour quelqu’un qui a une expérience de l’usage et qui a fait la rencontre de la dépendance. Dans les groupes qui fonctionnent sur elle, c’est le désir d’arrêter de consommer qui compte. L’arrêt volontaire de la consommation apparaît comme une solution face à l’assuétude comme expérience dysphorique et donc comme un parcours qui ne se confond ni avec le manque, son envers, ni avec le sevrage.

Il faut noter encore que l’abstinence ne se centre pas sur le produit mais sur la conduite. C’est un choix qui ne s’ancre pas sur la distinction entre le licite et l’illicite et qui, comme l’addictologie, prend en compte la dépendance et le sujet. Il concerne aussi bien des substances appelées « drogues » (interdites) que des « médicaments » (prescrits) ou des « produits de consommation » (disponibles). On sait depuis le rapport Roques combien cette frontière est artificielle, combien il y aurait autant de raisons d’interdire le tabac ou l’alcool qu’il y aurait de raisons d’autoriser l’héroïne ou le cannabis. Or le choix de l’abstinence, quand il est fait, traverse toutes ces frontières. Le fumeur qui choisit de ne plus fumer pour échapper à ce qu’il vit comme une addiction devient abstinent pour les mêmes raisons qui animent le consommateur des drogues dites « dures ». Dans ce cas de figure d’ailleurs, la médecine et la société considèrent comme tout à fait normal qu’un non-fumeur refuse une cigarette, même à la fin d’un bon repas ou un jour de fête, à la différence de quelqu’un qui choisit de ne plus boire par exemple. Il est vrai que la tolérance sociale face à l’abstinence d’alcool est moins grande. Refuser un verre, c’est forcément continuer à avoir un problème avec l’alcool. Ce dépassement du licite et de l’illicite, voire à l’intérieur du licite, montre que la distinction entre l’abstinence comme choix et la prohibition comme interdit est centrale : ici s’exerce la liberté du sujet, là s’exerce la contrainte de la loi qui organise l’inaccessibilité à l’objet.

Enfin l’abstinence, comme la RdR, relève d’un choix d’abord pratique et non moral, même si une certaine valorisation de soi sur le plan éthique peut en être un des bénéfices. C’est un choix dicté par un déplaisir essentiel, au-delà de l’usage et de l’abus, qui vise à améliorer le confort de l’usager enfermé dans son assuétude, un choix qui s’inscrit dans une visée positive (retrouver sa vie) et non privative, un choix qui pèse les risques de l’addiction et vise à les limiter par une forme de radicalité.

L’abstinence comme outil de Réduction des Risques

Groupe d'entraide et ASUD Pascal 2Pas plus qu’elle ne s’oppose à la RdR, l’abstinence ne se confond donc avec la prohibition. Elle apparaît, au contraire, comme sa continuation par d’autres moyens. Encore faut-il être vivant pour pouvoir faire le choix de l’abstinence : tout ce qui protège l’usager des risques (mais non de l’addiction elle-même) s’impose à l’évidence. La RdR et l’abstinence sont donc moins dans un rapport d’opposition que dans un rapport d’articulation. Elles doivent à ce titre, en sortant des oppositions stériles, s’inscrire dans une seule panoplie d’offres, qui assumerait l’une comme une voie possible dans le champ de l’autre.

L’une et l’autre ont des convergences, en particulier lorsqu’elles placent l’usager au centre. La RdR s‘appuie sur la responsabilisation de l’usager décrété capable de prendre soin de lui ou de ses pairs, en dessinant une figure soucieuse de se responsabiliser si on lui en donne les moyens (cf. les salles de consommation supervisées). De même, l’approche par l’abstinence conduit à une responsabilisation dans la sortie de l’usage. De fait, il n’y a qu’un seul sujet : celui de la RdR, qui revendique de consommer en se protégeant, et celui de l’abstinence, qu’il faut savoir entendre comme une autre liberté, qui affirme son désir de plus consommer.

La RdR au risque de l’abstinence

Groupe d'entraide et ASUD Pascal 3En parallèle, la question de l’abstinence vient réinterroger la RdR et l’oblige à se repenser sur plusieurs plans. D’abord, sur celui de la définition même de l’usager : est-il celui qui prend plaisir et qui contrôle ou celui qui souffre de sa dépendance, celui de l’usage, de l’abus, de l’assuétude ? Se dessine alors un usager de produits psychotropes qui, comme personne, subsume ce statut et peut envisager la continuité de son usage mais aussi sa fin, en rejetant l’assignation à sa toxicomanie.

La question des dangerosités et des risques est aussi reformulée. Il faut distinguer, on le sait, la toxicité directe (liée aux substances), la dangerosité vectorielle (liée aux modes de consommation, ex. l’injection), la dangerosité comportementale (liée aux effets) et la dépendance elle-même comme risque intrinsèque. C’est ce dommage addictogène en tant que tel qui est visé dans l’abstinence, tandis que la RdR vise d’abord les risques extrinsèques (toxiques, vectoriels, comportementaux). C’est quand il ne reste que l’addiction, comme état intérieur souffrant, que se trouve posée la question de l’abstinence, non comme envers de l’usage, mais comme son dépassement. Au demeurant, l’abstinence n’annule pas les enjeux de la RdR. Elle peut comprendre des phases critiques dans lesquelles le sujet sera surexposé à des risques (rechute, surdose) pour lesquels l’enjeu de la réduction reste entier.

Au-delà de la question du sida (comme risque vectoriel, non intrinsèquement lié à la nature du produit consommé) qui a structuré le champ jusqu’à aujourd’hui, se pose la question clé de la substitution, de la sortie de la dépendance et celle des traitements terminés ou interminables, point clé sur lequel se fait l’opposition apparente entre abstinence et RdR. Se libérer de l’usage compulsif lui-même, est un désir à reconnaître, en particulier quand les TSO sont vécus par ceux qui y sont engagés comme répétant à terme l’assuétude. Quelqu’un qui se sent bien dans son TSO ne viendra pas frapper à la porte d’un groupe d’entraide, quelqu’un qui souffre de son addiction, y compris dans la substitution, le fera.

« Il n’existe pas d’étude fiable sur les usagers de méthadone devenus abstinents. Cette absence de curiosité est en soi une question. Les fins de traitement constituent encore le point aveugle du dossier TSO. Combien sortent du jeu ? Pour combien de temps ? Après quelle durée moyenne de prescription? Que deviennent-il sur le long terme ? Autant de questions sans réponses. »
extrait de la fiche pratique Fin de traitement (rubrique Substitution)

Ce qui (re)pose la question de la définition même de l’efficacité des traitements ponctuels ou chroniques, des nouvelles possibilités et des limites de l’offre médicamenteuse (voir la question du baclofène face à l’alcool) et des différents modèles de « sorties » de l’addiction par l’arrêt naturel, la substitution, l’abstinence ou la consommation modérée.

L’abstinence au sein d’un nouveau paradigme du soin par l’autosupport

Groupe-d'entraide-et-ASUD-Muzo-1

Comme l’avait vu très tôt Marie Jauffret-RoustideNote1, les associations qui regroupent des usagers « actifs » et les groupes d’entraide par l’abstinence, regroupés sous le vocable de l’autosupport, sont au fond beaucoup plus proches qu’il n’y paraît. Ils partagent une double logique, celle des pairs et celle de la responsabilisation, et relient les uns comme les autres vulnérabilité et autonomie. À ce titre, ils paraissent relever conjointement d’un double paradigme : celui du « care » d’une part (théorisé par exemple par Joan Tronto aux USA et Fabienne Brugère en France), celui de l’approche par les « capabilités » d’autre part (théorisé par Amartya Sen, Martha Nussbaum ou encore Paul Ricœur). Sur fond d’antagonismes apparents, ces convergences poussent non pas à cantonner l’abstinence au sein du paradigme prohibitionniste, mais au contraire à l’inclure pleinement à la RdR, au bénéfice d’un usager qui ne s’inscrit pas à vie dans la continuité de sa consommation, et qui peut souhaiter voir son désir, même fragile et contradictoire, de rompre l’addiction pris au sérieux, comme il souhaitait naguère pouvoir consommer sans stigmatisation ou sans s’exposer à des risques multiples.


Notes :

1/ Jauffret-Roustide M. (2003) , Les groupes d’auto-support d’usagers de drogues : de nouvelles formes d’expertise construites autour d’une expérience de vie, In L. Dumoulin, S. La Branche, C. Robert et P. Warin, Le recours aux experts. Raisons et usages politiques, Grenoble, Presses Universitaires, (Symposium).
Jauffret-Roustide M. (2002). Les groupes d’auto-support d’usagers de drogues, In V. Châtel & M.-H. Soulet (Eds.), Faire face et s’en sortir. Développement des compétences et action collective, Fribourg, Éditions Universitaires, (Collection Res Socialis).
Jauffret-Roustide M. (2002). Les groupes d’auto-support d’usagers de drogues. Mise en œuvre de nouvelles formes d’expertise. In C. Faugeron & M. Kokoreff (Eds.), Société avec drogues : enjeux et limites, Paris, Éditions Érès, p. 165-181.

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Enregistrer

Absolut RdR © WATH

La réduction des risques prend de la bouteille

« Il faut suivre la préférence du patient et écouter ce qu’il est prêt à faire dans l’immédiat. Pour beaucoup de sujets alcooliques, l’abstinence demande des efforts trop importants et les met trop en difficulté. Pour d’autres, c’est parfois plus simple de s‘abstenir que de réduire sa consommation. » Remplaçons « alcooliques » par « toxicos », et l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une phrase prononcée il y a vingt ans par un addictologue.

En fait, elle l’a été tout récemment par le Pr Aubin, président de la Société française d’alcoologie, dans un entretien accordé au Quotidien du Pharmacien. Car, paradoxalement, la dépendance à l’alcool, un produit pourtant bien mieux « accepté » en France que toutes autres drogues, n’a jamais fait l’objet des mêmes réflexions. Et en sortir passait, presque exclusivement, par un sevrage total.

Un nouveau credo

Ce temps est depuis peu révolu, et cette démarche de prévention des risques semble faire consensus. C’est à un nouveau médicament, le Selincro® (nalméfène), dont l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) date de 2013 et le remboursement par la Sécurité sociale de septembre dernier, que l’on doit cette inflexion dans la prise en charge des alccoolodépendants. Ce traitement de première intention s’adresse aux patients dont la consommation est à risque élevé, voire très élevé, mais qui ne sont pas prêts à s’engager dans l’abstinence. Aujourd’hui, le nouveau credo de nombreux alcoologues serait plutôt « face au risque quasi certain d’un échec, dirigeons-nous d’abord vers une baisse de la consommation et améliorons les conditions dans lesquelles elle se déroule ».

Cette nouvelle approche s’accompagne d’un Plan de gestion des risques (PGR) au niveau national. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet souhaité s’assurer du bon usage de ce nouveau produit en remettant au prescripteur et à son patient des documents d’information et de suivi du traitement. Dès la seconde visite, un « agenda de consommation » et de prise du Selincro® est confié au patient qui doit, tous les mois, consulter son médecin pour faire le point sur cette consommation et son état de santé général. S’ajoute à chacune de ces visites mensuelles un suivi psychosocial… Mais plus qu’un lourd suivi thérapeutique (qui n’est pas sans en rappeler d’autres…), il s’agirait surtout d’évaluer régulièrement la situation globale et de faire un point de manière positive avec le patient en le motivant et le responsabilisant.

« Le traitement est pris à la demande, il n’y a pas de stigmatisation (…) », précise le Dr Goni du laboratoire Lundbeck. Quant au Dr Aubin, il conseille à certains « d’en avoir toujours avec eux, en insistant sur le fait que l’on peut en prendre même si la consommation d’alcool a déjà commencé ». On y voit pour l’instant une nouvelle approche intéressante face à l’alcoolodépendance et l’on suivra avec intérêt les résultats des premières études sur son efficacité.

Notons enfin qu’une demande d’AMM a également été déposée par le laboratoire D&A Pharma dans 29 pays européens pour l’Alcover®. Il s’agit d’un dérivé du GHB (la « drogue du violeur ») indiqué dans le sevrage (ou le maintien de l’abstinence) des cas sévères de dépendance à l’alcool. Déjà utilisé sous forme liquide en Italie depuis 1991 et en Autriche depuis 1999, il permettrait d’obtenir un taux d’abstinence moyen de 75%, selon une étude « SMO » menée récemment. À suivre également, donc.

Alcoologie :le grand bouleversement

Avant le grand chambardement actuel, trois médicaments ayant l’alcool pour indication – l’Espéral® (disulfirame), l’Aotal® (acamprosate) et le Revia® (naltrexone) – avaient obtenu leur Autorisation de mise sur le marché (AMM), en 1977 pour l’Espéral®, 1987 pour l’Aotal®, et 1996 pour le Revia®. Ils visent uniquement au maintien de l’abstinence, nullement à la consommation contrôlée qui, dans l’alcoologie classique, était considérée comme un objectif impossible à atteindre.

L’Espéral® est un médicament « antabuse » qui rend malade celui ou celle qui boit après avoir pris un comprimé le matin. Son mode d’action ne repose pas sur une diminution de l’envie de boire mais sur la peur d’être malade (bouffées de chaleur, augmentation du rythme cardiaque…), ce qui peut être utile quand il n’y a pas d’autre solution et quand le corps doit faire un break. Mais il exige une abstinence stricte.

L’Aotal® et le Revia® aident au maintien d’une abstinence préalablement obtenue. Leur mode d’action diffère, et ils peuvent donc être associés. Le principe actif du Revia® est la naltrexone, l’un des deux antagonistes opiacés les plus utilisés avec la naloxone (principe actif des ampoules de Narcan® qui servent à lutter contre une overdose d’héroïne ou de tout autre opiacé vrai). Lorsque la naltrexone sert au maintient de l’abstinence chez l’alcoolodépendant (par un mécanisme qu’on connaît mal), elle porte donc le nom commercial de Revia®. Mais lorsqu’elle sert au maintien de l’abstinence chez l’héroïnomane, elle s’appelle Nalorex®. On conviendra qu’il n’est pas fréquent qu’un médicament porte deux noms différents suivant la « maladie » ou la « population » concernée. Les alcooliques à droite, les héroïnomanes à gauche (ou l’inverse) ! Tout comme l’Aotal®, le Revia® doit être pris une fois le sevrage d’alcool accompli, pour aider à maintenir l’abstinence en diminuant l’envie de boire. Il va sans dire que le Revia® ne peut être prescrit à des personnes sous TSO ou à des héroïnomanes actifs, sauf à provoquer un état de manque.

Le dernier verreAprès la publication en 2008 du livre d’Olivier Ameisen, Le dernier verre, le baclofène commença à être prescrit. Il se trouve désormais dans une catégorie entièrement faite pour lui : la Recommandation temporaire d’utilisation (RTU), qui peut durer jusqu’à trois ans. « Pourquoi pas une Autorisation temporaire d’utilisation (ATU) ? », demanderont unanimement les lecteurs d’Asud. Parce qu’elle précède l’AMM et que le baclofène en a une depuis… quarante ans ! Mais dans une indication qui n’a pas grand-chose à voir avec l’alcool : les contractures douloureuses et involontaires dans certaines maladies neurodégénératives comme la sclérose en plaques (SEP). Le baclofène avait dès le départ deux objectifs différents dans l’alcool : l’abstinence et la consommation contrôlée.

Un nouveau médicament, le Selincro® (nalméfène), a obtenu une AMM dans l’alcool en décembre 2013, la première depuis le Revia®, ça n’arrive donc pas souvent. Le Sélincro® est une sorte de SuperRevia : le Revia® bloque les récepteurs opioïdes mu tandis que le Selincro® bloque les mu et les kappa. Si je n’ai pas encore d’avis clinique sur le Selincro®, il y a déjà une révolution dans son positionnement : c’est le premier médicament disposant d’une AMM dans l’alcool qui permet au patient de choisir entre abstinence complète et consommation contrôlée. Une alternative que les alcoologues classiques considéraient le plus souvent comme une hérésie. Ce qu’ils refusaient de voir, c’est qu’avec une aide pharmacologique, les patients peuvent « contrôler » leur consommation. Un tel contrôle signifie presque toujours qu’ils doivent compter les unités d’alcool qu’ils consomment et apprendre à noter quotidiennement les quantités qu’ils boivent. Nous attendons pour bientôt l’Alcover®, utilisé depuis plusieurs années en Italie. En alcoologie, c’est bien le grand bouleversement.

Château Rouge – Gaza
une expérience d’un sevrage UROD (Ultra Rapid Opiate Detox)

Précisions : nous n’avons pas mis cette article pour faire de la pub pour une méthode miracle, mais pour faire réfléchir sur les sevrages en France (en particulier des produits de substitution) qui sont souvent mal faits. Pour faire le pendant de ce sevrage réussi, nous avons mis dans les commentaires deux témoignages de personnes qui ont suivi la cure et qui ont rencontré l’échec, voire qui ont été confrontées à de plus grandes difficultés par la suite .  Rappelons également que la méthode UROD est un service médical privé qui propose ses services contre rémunération. 
L’équipe d’Asud

Ce n’est pas un nouveau cépage palestinien ni un jeu de mot de mauvais goût sur la violence des territoires mais le compte-rendu, pour les besoins de ce dossier spécial « neurosciences des accros et marché de la détox », d’une épopée israélienne en gonzo journaliste, très à cheval… sur la vérification des sources !!!!

J’ai repris le cheval !! Après un an de quasi abstinence qui avait suivi une longue et assidue carrière d’usager à dosages pachydermiques. J’avais pourtant réussi une décro de Marmotte maso (de 180 mg de métha) et une postcure au fond d’un trou sans fin qui m’avait fait jurer « plus jamais ça ». Mais à trop me laisser la bride sur le cou, le cheval m’a repris comme en 14, au dur front des tranchées urbaines. En 3 semaines, avec ma bouteille et mon côté « il en reste ? », j’en suis déjà à 3 g/jour : ½ pour le dragon du matin qui permet d’atteindre la cafetière, un autre ½ pour atteindre la coupure de midi, ½ pour redémarrer l’aprèm dans de bonnes conditions, 1/4 pour le petit 4 heures… sans compter le demi de CC mini qu’il faut pour boucler la journée sans piquer du zen devant les collègues !! Au secours le budget… après 50 millions de consommateurs, voici les consommations à 50 millions. Tout ça, juste pour fonctionner !!
Les 3 semaines de vacances qui s’annoncent sont l’occasion de mettre un point final à ce n’importe quoi. Je ne vois que 3 solutions : Chez moi, avec un sac poubelle de médocs triés sur le Vidal et une allaise en latex ! La Teuf ! Bordé à Marmottan (souvenirs, souvenirs…) ou enfin, un Easy Jet pour le soleil et le bungalow les pieds dans l’eau… De loin la solution la plus tentante, mais les pays qui sont si chauds sont aussi souvent sous le soleil de la substance. Risqué car comme la chair sa voisine, la veine est faible. Le souvenir de 4 ans sous méthadone me fait écarter d’emblée le confort de la solution substitution dont la porte de sortie est un foutu dédale.

La double promesse

asud_journal_39_waissmanDans ce vaste monde de la toxicomanie, je tombe comme par un hasard bien fait sur une précédente issue de la prestigieuse publication que vous tenez entre les mains et son article concernant le professeur Waismann et sa clinique de détox en Israël. Un petit tour sur le site de l’anachorète et son ANR Clinic, et de décrocher mon téléphone (c’est un début) afin d’en savoir plus sur la méthode et les modalités. C‘est Tamie, parlant un parfait gaulois, qui me met au parfum, et me donne le portable de plusieurs patients français passés entre les mains du Doc. Et de me laisser sur la double promesse : décrocher sous anesthésie générale en quelques heures sans douleurs, et ensuite un traitement qui me ramène à un état neurologique antérieur à ma 1ère addiction !!! Sans dec !? La perspective de m’éviter la terrible déprime post-décro me rallume la lumière dans toutes les pièces (la dernière descente pour quitter des années de métha à dose d’éléphant dura un an).
Coup de bigot aux clients traités, et mon sentiment est nettement plus positif que la réput largement distillée par ceux qui n’ont fait que voir l’homme qui a vu l’homme qu’a vu le doc.
Le gonzo conjuguant investigation journalistique et implication perso, coups de fil pour négocier un étalement de paiement, un emprunt à quelqu’un qui a les moyens et me préfère clean, reste plus qu’à retrouver mon passeport, ma brosse à dents, et un peu de Sub pour le voyage.
Tamie la francophone m’accueille à l’aéroport et me dépose dans le ventre de Tel Aviv. RdV le lendemain à 9 heures pour aller à Ashkelon, 7 bornes avant la bande de Gaza, pour un premier contact avec le Doc avant l’hospi, le surlendemain.

Fin prêt pour la croisière

Après avoir répondu en anglais aux questions et décliné mon CV d’usager (dont sans me vanter je n’ai pas à rougir), le docteur m’explique son procédé « simplissime et vieux comme l’anesthésie » : « N’importe quel anesthésiste utilise la plupart du temps des produits dérivés des opioïdes (rien de tel pour anesthésier !). Si au sortir de l’opération, ce même anesthésiste n’utilisait pas un bloqueur de récepteurs opiacés qui nettoie les récepteurs en se substituant aux molécules morphiniques, l’opéré resterait endormi puis dans le potage pendant des jours. »
C’est ce produit, qui bloque les récepteurs opioïdes après les anesthésies, qu’utilise le Dr Waismann pour nettoyer les récepteurs opioïdes des usagers d’opiacés. Une évidence biblique !
Le lendemain matin, en route dans la Golf de Tamie pour l’Ultra Rapid Detox (URD) dans la clinique où un lit m’attend. Staff d’experts hospitaliers au grand complet : une infirmière à mes petits soins, un anesthésiste qui m’envoie une poignée de cachetons pour me détendre et me mettre en condition, et le Dr Waismann à la manœuvre. À poil, une couche culotte XXXL que je savais pas que ça existait, une blouse jetable, et au pieu avec la télécommande et le docu animalier en hébreu, en attendant que les pilules agissent.
En début d’aprem, les experts redébarquent. Waismann me pose les patchs de l’électrocardiogramme, vérifie le tuyau d’intubation que l’on va me rentrer dans le gosier dès la sieste entamée (ça doit éviter de nettoyer le gerbi), l’infirmière vérifie les lanières qui me sangleront au lit histoire que je saute pas en route, l’anesthésiste me perfuse. Fin prêt pour la croisière…

Pourvu que ça dure !

Au réveil, j’ai un peu l’impression d’avoir fait tous les manèges de la fête foraine, très secoué mais radieux. Rhabillé, mes clics et mes clacs sous le bras, je prends la direction de l’hôtel de luxe sur la plage, à 2 pas de la clinique, que l’on a réservé pour moi et mes émotions… Le Doc exigeant que quelqu’un soit là pour accompagner le convalescent dans sa retraite, une amie Israélienne arrive de Tel Aviv. J’ai un peu le sentiment que je viens de naître et je n’en suis pas si mécontent. Un pas sur la balance, j’ai perdu 1,5 kg par rapport à la veille !!!
Le Dr Waismann me conseille d’aller me faire bichonner à l’hôtel et de me reposer pour me remettre de l’anesthésie, et me glisse 5 mg de Valium® et un potentialisteur de benzo pour m’aider à dormir. Salutations chaleureuses à tout le staff et direction l’hôtel plein d’étoiles, jacuzzi, hammam, rapide aller-retour en ville en fin d’aprèm pour un snack houmous de la mort. Derrière la fatigue, l’état particulièrement apaisé dans lequel je me trouve me rend dubitatif sur le fait d’être effectivement sevré. Je me tâte, je me guette à l’affût d’un des symptômes du manque : pas le moindre frisson, pas la moindre trace de sueur, pas la moindre torsion de boyaux, l’appétit est frugal mais là, l’esprit serein et léger…Pourvu que ça dure ! Le lendemain, je constate avoir éprouvé une légère suée dans la nuit, mais je me sens comme la veille, un peu moins fatigué, en pleine forme dans ma tête, stimulé aussi sans doute par la découverte du pays… Copieux p’tit déj dans la salle de l’hôtel complètement vide.

Protégé contre la tentation

Après le rot, Tamie nous emmène au premier débriefing dans le bureau de Magic Doc.
« Vous m’avez donné du mal, m’accueille-t-il. Une fois anesthésié, je vous ai injecté par doses successives de 25 mg la nettoyeuse naltrexone. À chaque dose, vos récepteurs mécontents ont entraîné une violente réaction de manque pendant laquelle vous en avez traversé tous les symptômes de manière sévère (vomissements, diarrhées, extrême sudation, convulsions qui sans les sangles éjectent du lit…). À la dernière injection, votre corps a cessé de faire le pop corn et de présenter les symptômes de sevrage des doses précédentes. J’ai pu en déduire que j’étais venu à bout de l’ensemble de vos récepteurs opiacés, et la dose totale utilisée m’a donné une estimation assez précise du volume global de vos récepteurs. Je suis aujourd’hui en mesure de vous prescrire un traitement neurobiologique visant à rééquilibrer cette disproportion entre le volume de vos récepteurs et votre production naturelle d’endorphine. J’ai déterminé le dosage quotidien du médicament qui va bloquer vos récepteurs opiacés, ce qui veut dire que si vous prenez des opiacés pendant ce traitement vous n’en ressentirez aucun des effets. Tant que vous prenez ce médicament, vous êtes protégé contre la tentation. Mais cet ange gardien a une autre fonction : il accélère le processus de réduction de la production de récepteurs opiacés par votre cerveau. Dans quelques mois, lorsque ce nombre de récepteurs sera revenu à un seuil plus naturel, vous pourrez stopper la prise de la molécule bloquante. Vous serez alors livré à votre libre arbitre, aurez le choix de décider si vous désirez continuer à vivre sans opiacés ou si vous désirez reprendre une consommation… Retournez vous reposer à l’hôtel, je reste à votre disposition pour vous rencontrer dès vous en ressentez le désir ou le besoin. »

Back to normality

De retour à l’hôtel, j’en mène pas large en Quicksilver, les pieds dans l’eau du lagon. Nous sommes en février, le 1er bain de l’été attendra, pas question d’ajouter un naufrage au sevrage !!! Merav et moi checkons out (ce qui réduira encore la note globale), direction Tel Aviv, non sans faire une dernière visite au docteur Waismann. Une dernière discussion au cours de laquelle il me rappelle que, tant que je suis son traitement de postcure, je suis protégé de l’effet des opiacé. Mon boulot désormais consiste à stimuler ma fonction endorphinique naturelle, en faisant tout ce que j’aime faire dans la vie : « Faites du sport, faites l’amour, masturbez-vous, écoutez de la musique, allez au cinéma, au théâtre… Évitez tous les stimuli qui vous rappellent la drogue, si vous avez besoin d’un psy allez en ville et pas dans un centre spécial drogués, etc. En un mot, back up to normality !!! »
À Tel-Aviv, séjour touristique dans un état de santé plutôt bon. Seules quelques sudations nocturnes me rappellent que je viens de décrocher de 3 g d’héroïne quotidiens. Elles stopperont progressivement au bout de 3 semaines…
Votre serviteur doit cependant confesser une assez nette compensation par l’alcool, surtout dans les premier temps, avec de très problématiques effets secondaires car le traitement neurologique qui bloque mes récepteurs donnent à cette consommation des effets un peu incontrôlables (perte de mémoire, déséquilibre…), qui s’aggravent sévèrement avec le cocktail alcool/cocaïne.
À la finale, quelques mois après le retour et un suivi à 80% du traitement à la naltrexone (quelques périodes de rupture d’appro et quelques oublis), je n’ai retouché qu’une seule fois au brown pour vérifier que je n’en ressentais pas les effets (sevré mais curieux, hé ! hé !). Ce que j’ai effectivement pu vérifier. Je dois reconnaître que je n’avais jamais traversé de sevrage aussi confortable physiquement et psychologiquement et de sortie de sevrage avec un moral aussi bon et une volonté aussi stable. Rien de particulièrement significatif n’est intervenu dans ma vie, ni en positif ni en négatif, qui aurait facilité ou mis à mal la démarche de ce sevrage. Encore 6 mois de naltrexone avant de retrouver ma liberté totale. Vous savez… l’excitante et dangereuse !!

Ibogaïne aux USA

La dépendance aux opiacés et à la cocaïne soignée grâce à l’ibogaïne, un produit tiré de l’iboga, drogue traditionnelle des sorciers camerounais.

C’est la solution que proposent, à l’initiative des groupes d’autosupport d’usagers de drogues, certains thérapeutes américains. Bien que l’ibogaïne soit actuellement très difficile à trouver aux USA, de nombreux spécialistes US se font les avocats d’une extension de son usage thérapeutique.

Dans la mesure où ce produit, malgré son actuel statut de semi-clandestinité ni légal ni illégal, ne figure pas non plus sur la liste américaine des stupéfiants, il semble que le NIDA (National Institute on Drug Abuse), qui est le plus important organisme spécialisé aux USA, ait donné son feu vert a des programmes prioritaires de recherche et d’expérimentation sur l’ibogaïne. La raison de cet empressement ? C’est que les pontes du NIDA se sont aperçus que cette drogue africaine peut jouer un rôle important dans la prévention du Sida en détournant les UD, à la fois de la pratique du shoot et de la consommation de la came frelatée des rues américaines, dont on pense par ailleurs qu’elle contribue à déprimer le système immunitaire.

Par ailleurs, l’Université de Miami a annoncé qu’elle commencerait dès le début 93 une série d’expérimentations cliniques de l’ibogaïne sur les personnes dépendantes de la coke…

Coke et héro : Une ambivalence qui pourrait surprendre au premier abord, la coke ayant un effet stimulant alors que celui des opiacés est sédatif…

Elle s’explique par le fait que ces deux types de produits, chacun à sa façon, partagent la caractéristique d’activer la production de dopamine dans le cerveau, la dopamine étant la substance chimique qui produit la sensation d’euphorie caractéristique des stupéfiants. C’est précisément à ce niveau qu’agit l’ibogaïne. Affaire à suivre.

© 2020 A.S.U.D. Tous droits réservés.

Inscrivez-vous à notre newsletter