Auteur/autrice : Phuong-Tao

Les déclarations de Madame Veil

Une des premières déclarations de Mme Veil, le nouveau (super) Ministre de la Santé a été pour dire que jamais elle n’envisagerait aucune forme de dépénalisation pour les “drogues”.

Et une de ses premières interventions a été de maintenir Georgina Dufoix a la tête de la DGLDT (Direction Générale de la Lutte contre la Drogue et les Toxicomanes …. pardon, la Toxicomanie). Mais, dernière heure, celle-ci vient de démissionner, sans que nous sachions, à l’heure où nous mettons sous presse, qui la remplace. A-t-elle voulu par cette déclaration puis par cette décision, pour le moins mal avisée, marquer sa rupture politique avec la ligne suivie par son prédécesseur M. Kouchner ?

Toujours est-il que nous avions connu Mme Veil mieux inspirée – et plus courageuse. Mais peut-être cette protectrice des droits de l’homme, que sa profonde compréhension et son implication personnelle dans les problèmes de la femme avaient à l’époque conduit à braver courageusement les tenants de l’ordre moral en libérant l’avortement, peut-être Mme Veil – et nous l’espérons – ne pèche-telle que par méconnaissance du dossier.

Auquel cas, les membres d’ASUD, au nom de plus de 150.000 toxicos que ses déclarations semblent vouloir renvoyer une fois de plus à l’illégalité et à la marginalité se proposent de l’éclairer sur le vécu, sur l’expérience quotidienne et sur les véritables besoins et aspirations de cette population qui, plus que d’on ne sait quelle malignité intrinsèque des produits, souffre et meurt de la (non) vie que leur est faite par la répression qui s’y attache.

C’est pourquoi nous nous tenons à la disposition de Mme le Ministre de la Santé pour un dialogue grâce auquel les usagers pourront enfin devenir les partenaires et les interlocuteurs du débat qui les concerne au premier chef. Madame le Ministre, la balle est dans votre camp !

10 mesures d’urgences contre la marginalisation et l’extension du SIDA chez les usagers de drogues

  1. Accès facilité aux seringues, généralisation des programmes d’échanges de seringues et installation de distributeurs automates
  2. Aise en place de programmes méthadone dans toutes les grandes villes françaises. (il n’y a actuellement que 52 places, uniquement à Paris)
  3. Organisation de réseaux de médecins généralistes se répartissant la prise en charge des toxicos, où circulerait une information spécifique. En corollaire, possibilité pour ceux-ci de prescrire des produits de substitution (y compris les spécialités inscrites aux tableau B)
  4. Accès libre, gratuit, anonyme et sans condition de sevrage aux soins médicaux et hospitaliers (prise en compte de la dépendance)
  5. Arrêt immédiat des incarcérations de toxicomanes pour simple délit d’usage de stupéfiant ; suppression de l’injonction thérapeutique.
  6. Prise en charge médicaux-sociale des détenus séropositifs pendant leur incarcération et au delà de leur sortie.
  7. Visite obligatoire d’un médecin aux toxicos en garde à vue depuis plus de 8 heures.
  8. Augmentation des places disponibles en post-cure (actuellement 600 lits pour près de 200 000 toxicos)
  9. Mise en place de structure d’accueil, d’hébergement pour les toxicos les plus marginalisés, souvent sans aucune couverture sociale.
  10. Aides des pouvoirs publics à la création et au fonctionnement autonome de groupes d’auto-support d’usagers et ex- usagers de drogues et participation aux décisions prises en matière de toxicomanie.

Méthadone shootable

Décidément, les Pays-Bas auront toujours plusieurs longueurs d’avance sur le reste de l’Europe en matière de drogue et de réduction des risques.

Témoin, l’expérience d’avant-garde mise en œuvre depuis avril 1991 par l’Autorité Sanitaire Régionale d’Amsterdam. Il s’agit tout simplement de distribution de méthadone injectable, (jusqu’à 100 mg en 5 ampoules quotidiennes) à un nombre restreint d’usagers particulièrement «lourds» et réfractaires au système normal d’administration par voie orale de cette «drogue de substitution». Giel Van Brusel, responsable du département «drogue» de l’Autorité Sanitaire explique : «L’expérience reste limitée. Nous sommes très prudents pour ce qui est de distribuer de la méthadone injectable. Nous ne voulons surtout pas d’une situation où nous rendrions les gens encore plus dépendants du produit. Pas plus que nous ne voulons donner de tentations à ceux qui veulent s’arrêter… Si nous avons mis cette expérience en route, c’est d’abord pour des raisons humanitaires – par compassion. Nous voulions faire quelque chose pour certains cas qui nécessitent un accompagnement médical plus poussé de la dépendance. En particulier les usagers de très longue date, les gens dont il est clair qu’ils ne peuvent pas s `arrêter de shooter et qui par ailleurs ont de gros problèmes sanitaires et sociaux. Ce programme touche actuellement une dizaine de personnes, mais nous espérons arriver à une cinquantaine…»

Cette distribution d’ampoules de méthadone injectable s’accompagne également d’une distribution de seringues stériles et de conseils de prévention… Mais on peut évidemment se demander à quoi cela rime quand on sait qu’une des raisons d’être des programmes méthadone était, en leur distribuant sous forme buvable des doses quotidiennes de ce puissant substitut de l’héroïne, de permettre aux usagers «accros» de gérer leur dépendance et de subvenir à leur besoin de produit opiacé tout en les détournant de l’usage du shoot, avec tous les risques – en premier lieu de SIDA-qu’il comporte. Alors pourquoi la méthadone injectable ?

Là encore, ce n’est qu’une question de bon sens, de pragmatisme. Les responsables des centres de distribution de méthadone se sont en effet aperçus que quelques uns de leurs clients continuaient malgré tout à prendre de l’héroïne, bien que recevant une quantité quotidienne de méthadone suffisante à leurs besoins. Ils se sont alors demandés ce qui poussait ces irréductibles à agir ainsi, nonobstant les risques afférents à la pratique du shoot. La réponse était simple : la méthadone buvable palliait le manque en leur procurant les effets normaux des opiacés «à vitesse de croisière», mais ne pouvait en aucun cas leur donner le «flash», cet instant de plaisir total, orgasmique qu’on obtient en se shootant.

En somme, la méthadone buvable répondait à leur besoin de produit opiacé, mais ne prenait pas en compte le désir du flash, cette soif compulsive de plaisir que seule procure l’injection intraveineuse. Et c’est pourquoi ces «irréductibles» continuaient à prendre le risque de s’injecter de l’héroïne de la rue, malgré la distribution de méthadone. Face à cette situation, les responsables des services de santé d’Amsterdam ont une fois de plus fait appel à leur traditionnel pragmatisme… et commencé à distribuer de la méthadone injectable.

Au delà de la simple information, au delà de l’anecdote qui illustre bien le réalisme des autorités hollandaises, cette histoire pose une question : celle des produits de substitution et en particulier de la méthadone. Nous y reviendrons longuement dans le N°3 de ce journal.

Qu’on se le dise !!

On connaissait surtout MARMOTTAN pour ses cures de sevrage.

Pourtant,il semble depuis quelque temps que le célèbre centre du 17eme arrondissement qui est depuis 20 ans la référence N°1 en matière de sevrage dans notre pays, ait lui aussi pris au sérieux l’impératif nouveau de «REDUCTION DES RISQUES» .

L’équipe de MARMOTTAN a en effet depuis peu ouvert dans ses locaux une consultation de médecine générale où les usagers de drogues peuvent désormais venir gratuitement consulter et se faire soigner, pour tous les problèmes de santé liés ou non à leur pratique des drogues, sans qu’il leur soit pour autant demandé de renoncer à celle-ci.

Éditorial N°1

Pour son premier numéro, le journal ASUD vous offre un scoop : une information exclusive ! Cette information, c’est notre existence elle-même, la naissance ,du groupe ASUD et la parution de son journal. Des usagers des drogues qui s’organisent pour prendre – ou plutôt pour reprendre – la parole : voila en effet du jamais vu en France!

Nous les usagers des drogues, sommes maintenant présents, et plutôt deux fois qu’une, à la tribune du débat national et européen sur ce qu’« ils » appellent la « toxicomanie ». Tout comme nous entendons prendre place au premier rang du combat pour la prévention du SIDA.

Quant à ce journal lui-même, chacune de ses pages, chacune de ses lignes est la pour témoigner, pour se faire l’écho de nos premiers pas d’usagers-citoyens responsables « à part entière ».

Dans la foulée, nous voulons aussi promouvoir un projet qui nous tient tout autant à cœur, celui d’un « café contact », lieu de prévention et de sociabilité, d’échange de seringues géré et animé par les usagers des drogues pour les usagers des drogues, le lieu en fait de toutes les solidarités à venir… Le projet est actuellement en négociation avec les Pouvoirs Publics : leur soutien moral et matériel nous est indispensable pour mettre en place l’ensemble des projets ASUD.

Ce serait là une manière exemplaire de donner la preuve d’une réelle volonté politique de partenariat avec les usagers des drogues.

Depuis des années en effet, des comptoirs de bistrot aux couloirs de ministère nous n’avons que trop entendu l’éternel discours sur le « comportement suicidaire » et « l’irresponsabilité indécrottable du toxico ».

Or ce discours, voilà qu’aujourd’hui, voilà qu’ici même, à travers ces pages, nous faisons entendre notre voix pour le démentir.

Et pour affirmer notre volonté de nous faire les artisans de notre propre destin. A notre façon, pour peu seulement qu’on nous laisse disposer des outils dont nous avons besoin pour atteindre nos objectifs.

Nos objectifs, cela veut dire en priorité : d’une part la prévention des risques sanitaires qui nous menacent (à commencer par le SIDA, cette maladie mortelle qui décime nos rangs à la vitesse grand V) et d’autre part, le respect des Droits de l’Homme … qu’il soit ou non usager des drogues.

Certes des efforts sont faits ici ou là dans cette double direction. Mais l’urgence de la situation nécessite à l’évidence qu’on veuille bien penser de nouvelles forme de fraternité et de solidarité active.

Et que l’on veuille bien, que l’on puisse, en parler sans tabou ni censure. Or, qui mieux que les usagers des drogues est habilité à le faire de façon crédible pour leurs pairs ?

La sauvegarde de notre santé, le respect des Droits de l’Homme : voilà ce qui nous guide. Que ce journal soit comme un pavé lancé dans la mare des préjugés et des indifférences, dessinant des cercles de plus en plus larges se propageant d’onde en onde, à l’infini jusqu’à l’horizon.

Celui d’une humanité souveraine, responsable, enfin rendue à la liberté de ses choix de vie – à la liberté d’être soi-même.

Nous croyons que cela est possible. Si vous le croyez vous aussi, usagers ou non usagers, écrivez-nous, contactez-nous. Ce journal est ouvert à tous, c’est une tribune libre, un lieu d’échange et de confrontation des idées et des expériences dans l’intérêt de tous.

C’est un journal de dialogue…

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