La Brimade des Stups

Disons-le tout net, ce bouquin répond de manière claire, honnête et sans omettre les sujets qui fâchent, tout en démontrant une empathie touchante pour toutes les victimes de ce conflit planétaire, à une question qui devient primordiale pour nos sociétés d’aujourd’hui : la prohibition favorise-t-elle la consommation de stupéfiants ? La réponse est : oui. Malgré une féroce répression, pratiquement toutes les sociétés ont en effet vu exploser non seulement leur consommation (1) mais aussi les effets collatéraux de violences et de corruption des institutions.

Même si le titre français (2) est rigolo, il reste faible, car il s’agit malheureusement de bien plus qu’une « brimade » que les stups, bras armé de la prohibition, infligent généralement aux usagers de drogues, surtout s’ils sont noirs, latinos ou arabes, et à tous ceux qui ont voulu les aider dans le passé. Tout au long de ce livre, Johann Hari, journaliste anglais aux multiples collaborations (3), réalise un véritable plaidoyer assorti d’exemples aux quatre coins du monde, pour la fin des hostilités de cette guerre à la drogue et pour que les droits de l’homme reviennent avec la santé publique dans le débat. L’auteur veut enterrer à jamais cette idéologie antidrogue qui n’a pas hésité à se nourrir des pires relents sexistes avec sa parano pour la protection des femmes blanches, racistes (« c’est difficile de buter un nègre cocaïné ! » (4) et antipauvres (« des classes sociales instables, émotives, hystériques, dégénérées mentalement, arriérées et vicieuses » (5), mais qui n’a fait que broyer des milliers de vies de par le monde. Johann nous met tout de suite dans le bain avec la présentation d’un cas emblématique : Billie Holiday. Cette sublime chanteuse noire mais écorchée vive qui, malgré son immense succès, fut pourchassée pour son addiction à l’héroïne jusqu’à sa mort (à l’hosto), provoquée par un système vindicatif qui la privera même de méthadone. Car l’un des grands mérites de ce livre est de faire remonter cette guerre aux drogues aux années 1930 et de nous faire (re)découvrir son général en chef : Harry Anslinger ! Un drôle de zèbre qui incarne toute l’horreur et les contradictions de ce conflit, pourchassant sans relâche ceux qui veulent aider les UD, mais très tolérant avec certains Blancs qu’il admire bien qu’ils soient… héroïnomanes ! Comme l’actrice Judy Garland, qu’il conseille paternellement pour prendre moins de came et surtout, le sénateur Joseph McCarthy ! Oui, le grand pourfendeur de communistes était junkie et n’avait aucune envie d’arrêter ! Quand Anslinger le découvre, il tombe des nues mais va continuer à le protéger, lui qui avait fermé les lieux où l’on pouvait avoir de l’héroïne sous contrôle médical, jetant les UD dans les bras des dealers, va procurer cette drogue à son héros jusqu’à la fin de sa vie. Car comme le dit fort bien Johann, « personne n’est d’accord pour mener la guerre contre la drogue à quelqu’un que l’on aime ».

Si tous les partisans de la répression devraient changer d’avis à la lecture de ce livre, les antiprohibitionnistes pourront aussi mieux expliquer la sortie de ce système, retrouvant au passage pour la France une trilogie asudienne : Fabrice Olivet, Olivier Maguet (notre trésorier préféré) et surtout, Anne Coppel, notre présidente d’honneur, présentée ici en addict du thé de chine. Pour les drogues et leurs effets, une mention spéciale à notre ami Carl Hart, de l’université Columbia (N.Y.) également cité… Espérons, avec Johann, que nous assistons bien aux « derniers jours » de cette guerre même si les résultats de l’Ungass 2016 sont bien décevants !

 

La Brimade des Stups
Johann Hari
Éd. Slatkine & Cie
(414 pages, 23 €, préface du Pr Bertrand Dautzenberg)

 

Références

1) Même la France, championne de la répression, a le taux de conso de cannabis le plus élevé chez les ados de l’UE, contrairement à nos voisins portugais où la conso a été dépénalisée et où un jeune de 15 ans a 50% moins de risque d’en consommer qu’un jeune français.
2) Je lui préfère son titre anglais bien plus profond, Chasing the Scream, un nom qui joue sur la proximité avec « chasing the dragon », c’est-à-dire fumer de l’héroïne.
3) The Independent, New York Times, Los Angeles Times, The Guardian et Le Monde diplomatique.
Il a aussi été nommé « Journaliste de l’année » à deux reprises par Amnesty International.
4) Dixit un médecin légiste US dans les années 1930 !
5) Harry Anslinger, créateur des stups US à propos des consommateurs de drogues.

LSD, contre-culture et CIA : une love story

Si l’histoire de l’invention du LSD, substance psychédélique mythique, est relativement bien connue, le déroulement de son introduction comme drogue récréative dans la société reste plus flou. Et à l’heure où deux nouvelles substances de synthèse (NPS) apparaissent sur le marché européen chaque semaine, il est peut-être bon de se remémorer le parcours d’un des premiers NPS à se démocratiser.

Le meilleur « incapacitant chimique »

En avril 1953, Allen Dulles alors directeur de la CIA, autorisa l’opération MK-Ultra. Richard Helms prendra la tête de cette opération, qui visait à rattraper un retard supposé sur leurs adversaires communistes en matière de manipulation mentale. À la recherche d’un « sérum de vérité », les services secrets américains orienteront rapidement leurs recherches vers les molécules psychoactives. Des hallucinogènes, du cannabis, des amphétamines, des barbituriques et d’autres substances ont été administrés à des héroïnomanes emprisonnés à Lexington (dans le Kentucky), à des patients atteints de cancer en phase terminale à l’hôpital de Georgetown ou à des délinquants sexuels hospitalisés à l’hôpital Ionia (dans le Michigan). Des prostituées de New York et de San Francisco furent embauchées par George Hunter White et ses collègues de la CIA, qui observaient les réactions des clients drogués à leur insu derrière des glaces sans tain.

De nombreux médecins et psychiatres participèrent à ces expériences et violèrent ainsi le code de Nuremberg de déontologie médicale. Le docteur Cameron, par exemple (qui faisait partie de ceux ayant jugé les criminels nazis à la fin de la guerre), fit subir diverses méthodes de lavage de cerveau à 93 patients du Allan Memorial Institute de Montréal.

LSD et CIAMais la substance qui fascina le plus l’Agence fut sans aucun doute le LSD : inodore et incolore, actif à des doses infinitésimales et à longue durée d’action, il perturbait fortement le psychisme. Parallèlement à l’idée de l’utiliser dans les interrogatoires d’espions étrangers, la CIA se mit à l’expérimenter sur ses propres agents. Il fut aussi étudié par le service chimique de l’armée et testé directement sur des soldats à Edgewood Arsenal, dans le cadre d’un programme de recherche sur les « incapacitants chimiques ». Le PCP fut aussi utilisé à cette fin, mais c’est finalement le « BZ » (un anticholinergique) qui remporta la palme : ses effets hallucinogènes peuvent durer quarante-huit heures, il provoque désorientation, amnésie, vertiges et des effets secondaires jusqu’à plusieurs semaines après la prise.

Le Stanford Research Institute (SRI) de Palo Alto a également reçu des bourses du gouvernement pour mener des travaux en ce sens. C’est d’ailleurs là-bas que l’écrivain Ken Kesey et Robert Hunter (chanteur des Grateful Dead) expérimenteront pour la première fois l’acide, la mescaline et d’autres psychédéliques tels que l’AMT (pour plus de détails, lire Acid Test de Tom Wolf). Par la suite, Ken Kesey et les Merry Pranksters ont parcouru les États-Unis dans un bus multicolore en organisant les fameux « Acid Test », ces événements musicaux qui mélangeaient rock psychédélique, LSD et effets visuels…

Leary, Ginsberg… et les autres

L’autre grand promoteur de l’acide à cette époque fut Timothy Leary. En 1957, le magazine Life publia un article de Gordon Wasson, banquier chez J.P. Morgan et mycologue, qui fit connaître les « champignons magiques » à Leary (ainsi qu’au grand public). N’ayant jamais pris aucune drogue, le futur gourou de la contre-culture s’envola pour le Mexique afin d’expérimenter ces fameux champignons. À son retour, le psychologue entama des recherches sur la psilocybine à l’université de Harvard, avec l’autorisation du Dr Harry Murray (président du département des Affaires sociales qui s’était occupé de recruter pour l’OSS pendant la Seconde Guerre mondiale). Il découvrit ensuite le LSD grâce à l’écrivain Aldous Huxley, qui conseilla à un certain Michael Hollingshead (ayant acquis 1 gramme de LSD en provenance des laboratoires Sandoz) de se rapprocher de Leary. À partir de ce moment, Timothy n’aura de cesse de promouvoir l’usage du LSD et finira par se faire expulser de l’université avec un collègue.

LSD-et-CIA-love-story-PascalAvec l’aide de William Mellon Hitchcock, un richissime homme d’affaires, il créa la Castalia Foundation et pu continuer ses expériences à Millbrook, dans un vaste domaine de l’État de New York. Et curieusement, les méthodes utilisées n’étaient pas si éloignées de celles de la CIA : les sessions étaient soigneusement « programmées » et des drogues mystérieuses distribuées. Le JB-118 par exemple, une substance proche du BZ, sorti des labos militaires fut offerte par un scientifique de la NASA (Steve Groff).

Le mouvement prit de l’ampleur, l’ancien psychologue de Harvard utilisait les médias à son avantage et son livre L’expérience psychédélique (inspiré du Livre des morts tibétain) devenait une sorte de bible pour ceux que les journaux appelaient « hippies ».

Si certains écrivains de la contre-culture (comme Allen Ginsberg) suivirent Leary, ce n’est pas le cas de tous. William Burroughs mettait en garde dès 1964 contre une possible manipulation, notamment dans une de ses nouvelles intitulée Nova Express : « Tirez la chasse sur leur Septième Ciel. Ils empoisonnent et monopolisent les drogues hallucinogènes. Apprenez à y arriver sans gnole chimique. »

Et alors que la guerre du Vietnam battait son plein et que les mouvements de contestation se multipliaient, les radicaux de la Nouvelle Gauche voyaient d’un mauvais œil l’apolitisme lié au mouvement psychédélique. Effectivement, le discours de Leary était sans équivoque : « Ne votez pas. Ne signez pas de pétition. Vous ne pouvez rien faire pour l’Amérique sur le plan politique. »

Même John Lennon, qui avait promotionné l’acide au travers de ses chansons (Lucy in the Sky with Diamonds ou Day in the Life) finira par dire : « Je lisais cette connerie de Leary. Nous jouions au jeu de tout le monde et je me suis détruit… »

Haight-Ashbury pour laboratoire

Le lieu emblématique de l’époque, un quartier de San Francisco du nom de Haight-Ashbury, était un concentré de contre-culture. Mais selon Tim Scully, un des chimistes clandestins de l’acide pendant les sixties, ce qui se passait là-bas ressemblait à une expérience de laboratoire… En effet, après une pénurie d’herbe au milieu de l’été 67, les amphétamines envahirent le quartier. Vint ensuite le DOM (2,5-dimethoxy-4-methylamphetamine) surnommé « STP » (sérénité, tranquillité, paix). Cette molécule avait été inventée en 1964 par un chimiste de la Dow Chemical Company qui fournissait Edgewood Arsenal, et avait servi d’incapacitant pour l’armée. La CIA l’utilisait aussi dans le cadre d’expériences sur la modification du comportement. Début 1967, curieusement, la formule avait filtré dans la communauté scientifique. Un des précurseurs essentiels à la fabrication du LSD étant très difficile à trouver à ce moment-là, Owsley (le plus gros fournisseur de LSD de l’époque) décida d’introduire le STP en remplacement. Surdosées (20 mg), les pilules entraînèrent de nombreux bad trips (tout comme le PCP qui circulait aussi). Il était utilisé au même moment par la CIA pour le programme MK-Ultra… et, selon un ancien membre de l’Agence, cette dernière aida des chimistes à monter des labos clandestins de LSD en Californie. Tout cela au moment du Summer of Love et soi-disant pour « surveiller ce qui se passait dans le ghetto de l’acide ». Un autre agent a qualifié le quartier de Haight-Ashbury « d’élevage de cobayes humains ». Le Dr Louis Jolyon West (psychiatre ayant travaillé pour la CIA) prit d’ailleurs une location au cœur de ce quartier afin d’étudier au plus près les hippies.

Pendant ce temps, certains membres du Black Power étaient hostiles aux chanteurs de Soul Music qui faisaient l’apologie des psychédéliques : tout comme les radicaux de gauche, ils voyaient de nombreux « frères » plaquer la politique pour l’évasion. Il faut dire que l’usage de drogues devint aussi un prétexte bien utile au FBI pour arrêter certains militants.

Un des personnages les plus intrigants de cette période est probablement Ronald Stark (son vrai nom serait Ronald Shitsky), qui fut certainement le plus gros producteur de LSD entre 1969 et 1974. Mais ce trafiquant international avait une large palette d’activités à son actif : il fournissait l’organisation contre-culturelle des Brotherhood of Eternal Love aux USA, mais était aussi en lien avec des terroristes du Moyen-Orient, de l’IRA et de l’extrême droite italienne. La conclusion d’un magistrat italien qui enquêtait sur lui est qu’il appartenait aux services secrets américains ! Stark s’en vantait lui-même, et c’est grâce à une info de la CIA qu’il aurait pu fermer au bon moment son laboratoire français, en 1971. Tim Scully admit qu’il était possible qu’il ait été employé par l’Agence afin de répandre les hallucinogènes.

Comme le constatait William Burroughs, « le LSD rend les gens moins compétents, facile de voir pourquoi ils veulent qu’on se défonce ». De fait, de nombreux vétérans des années 60 (dont l’ancien White Panthers John Sinclair) pensèrent rétrospectivement qu’il était tout à fait envisageable que les services secrets aient inondé la jeunesse pour affaiblir leur révolte.

Quoi qu’il en soit, Timothy Leary estimera plus tard être parvenu à son objectif : mettre le plaisir et l’hédonisme au cœur de la société. Des années après, il déclarera que « le PC est le LSD des années 90 » et deviendra une figure importante de la cyberculture, mais c’est une autre histoire.

Lee-M-A-Lsd-Et-Cia-Quand-L-amerique-Etait-Sous-Acide-Livre-895561671_L[1]Les sources utilisées pour cet article proviennent essentiellement de l’excellent livre LSD et CIA: quand l’Amérique était sous acide de Martin A. Lee et Bruce Shlain. Les auteurs ont notamment utilisé plus de 20 000 documents gouvernementaux.

Génération H, Têtes chercheuses d’existence

Deux ans après la sortie du premier tome, Génération H revient dans les librairies avec Génération H, Têtes chercheuses d’existence, le deuxième épisode de cette trilogie sociale. Rencontre avec l’auteur, Alexandre Grondeau.

Asud : Peut-on dire que le succès du premier tome marque la victoire du réseau social contre l’autocensure et la censure dans les médias Old School ?

On peut le voir ainsi, mais de manière plus large, je crois que c’est surtout la revanche d’une génération qui se reconnaît pour la première fois dans des romans qui parlent d’elle, de ses expériences, de son quotidien, de ses excès, de ses aspirations à une autre société… C’est peut-être cela qui a dérangé ces messieurs du CSA quand ils ont rappelé à l’ordre le 13h de France Info après mon interview chez eux, et gêné les quelques libraires qui refusent encore de vendre mes romans !

Le pitch du tome 2 ?

Intitulé Têtes chercheuses d’existence, le tome 2 est la suite de aventures festives et cannabiques de Sacha et sa bande. Cinq ans après leur road trip initiatique, on les retrouve plus motivés que jamais, écumant les soirées sound system, les teufs et les capitales de la bringue que sont Barcelone et Amsterdam. Ils essaient de rester fidèles à leurs aspirations de liberté mais se heurtent à une société qui ne veut pas les entendre ni les reconnaître.

La génération H a-t-elle sombré dans l’héroïne, la coke ou la MDMA ?

Évidemment non. Il y a bien des parcours plus ou moins agités et dramatiques mais, que les parents de mes lecteurs se rassurent, la très grande majorité des héros de mes romans sont aujourd’hui bien insérés dans la société. Ils sont chefs d’entreprises, infirmiers, professeurs, avocats, intermittents, ouvriers, artisans… et sont confrontés à la même vie que tous les citoyens français. La prohibition et la répression en plus.

Est-elle sous-diplômée et abonnée à Pôle Emploi/boulots galères ?

Quand on parle de millions de fumeurs, on parle d’une diversité de cas particuliers qui impose de ne pas généraliser. Il y a donc des chômeurs et des galériens dans la Génération H, autant que des surdiplômés, des hyperactifs, des tire-au-flanc, des doux rêveurs et de grands pragmatiques… Il faut arrêter les caricatures même si on voit bien les intérêts qu’elles servent.

A-t-elle des enfants ? Comment gère-t-elle le passage sexe/drogues/musique à boulot/biberon/barbecue ?

Bien sûr, le cannabis n’a pas rendu stérile les héros de mes romans ! Ils ont plein de marmots aujourd’hui et si les bringues se finissent plus tôt, elles sont remplies de petits bouts de chou qui courent dans tous les sens. Si mon travail de romancier permet de lutter contre les poncifs qui tournent autour des fumeurs, tant mieux !

Comment la BO de la génération H a-t-elle évolué ? Doit-on impérativement kiffer le reggae pour en être ?

Ah ah, certainement pas ! ! ! La BO de la Génération H a évolué mais se caractérise toujours par son éclectisme. Dans le tome 1, je parlais de l’explosion du mouvement techno au début des années 90, du phénomène hip-hop, du déclin du rock alternatif et du punk, de l’arrivée du grunge, de groupes décalés à l’époque comme les Têtes Raides et aussi du renouveau du reggae roots avec des artistes comme Garnett Silk et Buju Banton, par exemple.

Le tome 2 s’inscrit dans sa continuité et, à la fin du livre, il est conseillé d’écouter une playlist sélective pour lire le roman où l’on retrouve autant Jimi Hendrix que NTM, Snoop Dog, Nina Simone, UK Apache, Tricky, les Pistols, Lou Reed, Rage Against the Machine… Dur de faire plus large comme sélection, non ? La Génération H n’est pas sectaire. Elle aime toutes les musiques tant qu’elles sont de qualité et qu’elles véhiculent un message contestataire.

Prépares-tu un festival, chansons clips, événements pour soutenir le marketing viral autour du tome 2 ? As-tu une large communauté de followers ?

Je suis déjà en tournée pour présenter le livre un peu partout en France où des organisateurs de festivals et de sound systems m’invitent. Je suis en train de finaliser la compilation qui sera offerte à tous les lecteurs du livre et il y aura du Big Tune, crois-moi ;) Pour les clips, je devrais en réaliser un ou eux effectivement. Pour le plaisir bien sûr, et pour remercier tous ces artistes de se mobiliser pour mes romans ! ! ! Quand je vois que le clip de Yaniss Odua a dépassé les 5 millions de vues, je me dis que je ne suis pas seul et que mes romans touchent les gens. C’est déjà beaucoup pour un écrivain. Facebook me permet de rester proche d’eux. C’est la base, ma base, et c’est un kiff d’avoir autant de gens cools qui apprécient mes romans.

Quelque chose à rajouter pour nous donner encore plus envie de lire ton ouvrage ?

Rien à ajouter, si ce n’est que vous aimerez les aventures de la Génération H, pour peu que le sexe, la musique et la ganja vous intéressent. La littérature underground n’a pas d’autres ambitions que de distraire les lecteurs en parlant d’histoires qui les touchent.

Génération H, Têtes chercheuses d’existence,
Alexandre Grondeau,
Éditions La Lune sur le toit

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Mémento de prise en charge des urgences en contexte addictologique

Bon nombre d’intervenants de santé non spécialisés sur les drogues (secouristes, urgentistes, infirmerie scolaire ou universitaire…), se trouvent désemparés, dès qu’ils doivent prendre en charge une personne sous l’effet de substances psychoactives. Voici un guide clair et concis pour face à bon nombre de situations.

Qu’entend-on quand nous parlons d’urgences ? Quelles sont les situations qui requièrent une réponse immédiate ? Comment agir et réagir ? Quelles sont les ressources existantes ? Qu’il s’agisse d’urgences physiques, psychologiques, comportementales ou sociales associées à la consommation de substances psychoactives ou d’un arrêt brutal de ces consommations, ce guide collaboratif publié par le RESPADD, élaboré par un groupe de travail interdisciplinaire auquel ASUD a participé, rappelle les bonnes pratiques et conduites à tenir à travers des conseils simples et des pratiques validées.

Un guide pratique en format “poche” qui s’adresse à tous les professionnels et intervenants en contact avec des usagers de produits psychoactifs.

Télécharger le PDF
« Prise en charge des urgences en contexte addictologique »

Bloodi – intégrale tome 1 à 5 + bonus

En hommage à Pierre Ouin, décédé le 10 novembre 2015, BDZ, un webzine consacré à la BD, propose en téléchargement (avec accord de la famille) l’intégrale des 5 tomes de Bloodi agrémenté d’un paquet de bonus dont de nombreux dessins faits pour ASUD.

Cette intégrale numérique reprend les planches BD de Bloodi publiés par Pierre Ouin dans ses 5 tomes :

  • Tome 1 : Trouve pas l’égout
  • Tome 2 : Bloodi et les rongeurs
  • Tome 3 : C’est les rats !
  • Tome 4 : Les rats passent !
  • Tome 5 : La rate qui s’délatte
  • Des bonus surprises BD, photos, illustrations etc…

Vous pouvez télécharger tout ça (350 Mo) soit au format PDF, soit au format CBR (pour liseuses) en respectant la licence suivante : creative common by-nc-nd.

source : https://bdzmag.actualitte.com/Bloodi-integrale-tome-1-a-5-bonus-en-hommage-a


Illegal! magazine

Illegal!

Le magazine danois sur les drogues lance une édition anglaise.

« Le journal qui aide les toxicomanes à acheter leur dose », « Un magazine vendu par des drogués pour financer leur addiction », etc. Il y a dix-huit mois à Copenhague au Danemark, la sortie du premier numéro d’Illegal! n’est pas passée complètement inaperçue… La presse locale a voulu accrocher ses lecteurs avec des titres à sensation. Et lorsque fin 2014 est arrivée l’édition britannique, les journaux anglais ont à nouveau titré sur cela.

Faire baisser la délinquance

Certes, le fondateur du journal, Michael Lodberg Olsen, ne cachait pas que la diffusion par des usagers de drogues pouvait faire baisser la délinquance puisqu‘ils ne seront plus obligés de commettre des délits pour pouvoir acheter leur came. Ce fut même l’un des sujets abordés dès le départ dans le journal : cela va permettre de « décriminaliser les toxicomanes et de faire baisser prostitution et crimes ». En septembre 2013, il estimait dans son numéro de lancement que la vente de 15 à 30 numéros d’Illegal! permettait de subvenir aux besoins financiers d’un héroïnomane – vendu 40 couronnes danoises, 25 reviennent au vendeur, soit environ 3,50 euros par journal. Mais il semble avoir depuis peu changé son argumentation. Dans une interview récente à Télérama, il insiste sur le fait qu’Illegal! a été créé « pour éduquer et susciter la discussion, et non pour provoquer ni fournir de la drogue aux toxicomanes comme certains le disent ». Il souhaite également que la dépendance aux stupéfiants devienne une priorité pour les responsables de la santé plutôt que pour le système judiciaire, regrettant « que la guerre contre les stupéfiants se résume beaucoup trop à une guerre contre les consommateurs ».

Collection illegal! magazine

Susciter le débat et changer les mentalités

C’est donc en septembre 2013 à Copenhague que débute l’histoire du magazine Illegal!. Dès le départ, l’ambition de Michael Lodberg Olsen est de susciter le débat et de changer les mentalités sur un sujet aussi sensible que les drogues. N’y sont donc abordées, six fois par an, que les questions tournant autour de ce sujet. Au départ diffusé à 5 000 exemplaires, le tirage a rapidement doublé, puis triplé pour atteindre les 15 000. Il y a quelques mois à Londres, ce sont, dans un premier temps, 2 000 exemplaires qui ont été vendus par les toxicos du quartier de Hoxton dans l’est de la capitale britannique. Et, d’après la presse anglaise, toujours avec la volonté de faire baisser les chiffres de la délinquance en permettant aux usagers de drogues, principalement héroïnomanes, de pouvoir se payer leur came avec les bénéfices de la vente du magazine. Une démarche qui ne plaît pas à tout le monde. Un porte-parole de la police déclarait récemment que « cette initiative qui justifie la collecte de fonds pour l’achat de drogue n’est pas la réponse ». Mais cet argument mettant en avant les répercussions de la vente du magazine sur les chiffres de la criminalité ne semble plus être d’actualité au sein du journal. Peut-être le doit-on à Louis Jensen, qui dirige l’édition londonienne. Ayant rencontré Olsen alors qu’il filmait un documentaire, il a souhaité ramener le concept en Grande-Bretagne. Il explique alors au Daly Mail que ce journal veut surtout « contester les idées fausses et les stéréotypes. Il n’est pas nécessairement là pour créer un revenu pour acheter de la drogue ». Pour lui, il y a une réelle méconnaissance sur les drogues au Royaume-Uni : « pas seulement sur les produits mais également sur leurs usagers ou sur la façon de les prendre ». Une « philosophie » qui se rapproche beaucoup, en France, de celle d’Asud-Journal. Qui, peut-être aux regrets de certains lecteurs, n’est de toute façon (toujours) pas en vente dans les rues…

Bernard Rappaz… Pionnier !

Pêle-mêle, Bernard, le premier de l’école et champion d’athlétisme, crée dans les années 70 le Mouvement Valaisan d’actions non-violentes et écrit dans Combat non-violent. Il devient le promoteur de l’objection de conscience et participe à la création du WWF. Il contribue grandement à l’essor de l’agriculture biologique qu’il pratique dans sa ferme (l’Oasis) achetée en 1975 et il créé un syndicat agricole, l’Union des producteurs suisses. Il organise avec quelques amis un festival façon Woodstock et manage un groupe de rock helvétique.

Mais sa renommée, la partie la plus développée de cette autobiographie qui débute par « la chronologie de ses différentes incarcérations et grèves de la faim », Bernard Rappaz la doit à sa passion pour le chanvre et à son acharnement pour défendre sa légalisation dans cet étrange pays où on a le droit d’en cultiver, à condition de ne pas le transformer en stupéfiant.

De la prison au chanvre

La première fois qu’il se retrouve en prison, ce n’est pas à cause du chanvre, mais pour un casse de banque, pas une petite banque à la noix, mais une vraie banque à la Suisse. Il sera condamné à quarante mois de prison et entamera sa première grève de la faim, une méthode héritée du jeûne que Bernard, disciple de Gandhi, pratique… « Le jeûne, c’est la santé et une automédication efficace », écrit-il dans son livre.

Grâce (ou à cause) de la prison, il ose se lancer dans la culture à risques du chanvre. En 1992, les policiers découvrent (suite à une dénonciation) 250 pieds de chanvre dans une tomatière, ce qui l’amène à s’intéresser de près à la loi suisse, puis à militer pour la légalisation du chanvre. Ponctuée de grèves de la faim, cette première peine sera suivie de nombreuses autres. Bernard Rappaz enchaîne avec la tisane de chanvre qu’il paie de quelques jours de prison, puis avec l’huile de chanvre riche en oméga 3. Il fonde la société Valchanvre et participe à la création des Amis suisses du chanvre (ASAC), qui deviendra célèbre en 1999 lorsque Bernard ouvre les portes de sa petite entreprise aux caméras de M6.

Bernard Rappaz et le WWF

Du chanvre à la prison

En 1996, il est rattrapé par la justice pour ses activités chanvrières, et plus particulièrement la commercialisation de coussins thérapeutiques. Il sera condamné et entamera immédiatement une grève de la faim qui durera quarante-deux jours.

C’est bien sûr dans la solitude de sa cellule que Bernard a écrit ses mémoires. Le livre raconte ses démêlés avec la justice valaisanne, un combat singulier entre de féroces magistrats soutenus par Le Nouvelliste, feuille de chou valaisanne, et une forte tête sûre de son bon droit qui se considère comme un prisonnier politique et qui jamais n’abandonne, comme le prouvent ses interminables grèves de la faim.

Si voulez en savoir plus sur la politique suisse des drogues et sur le combat de Bernard Rappaz, lisez Pionnier ! Un cahier central, avec des photos du Jack Herer valaisan et des extraits de presse sur ses aventures, complète la lecture.

Pionnier !
Bernard Rappaz
Éditions Favre
(18 euros)

Bernard Rappaz est aussi l’un des principaux protagonistes du documentaire Le chanvre en Suisse que vous pouvez voir ici.

Le cannabis fait peur aux libraires

Adoptée en 1970, la loi « relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses » se singularise en punissant tant la « présentation sous un jour favorable » que « l’incitation ou la provocation à l’usage » de stupéfiants. Et marche allègrement sur les droits de l’Homme en mettant en péril la liberté d’expression.

Cachez ces livres que je ne saurais voir

Dans les années 1990, de nombreuses associations voient le jour pour remédier au manque de courage politique du gouvernement Mitterrand sur les problèmes de société. C’est ainsi que, dans la foulée d’un livre, Fumée clandestine, sera créé le Circ (Collectif d’information et de recherche cannabique), association dont l’objectif est de collecter et de diffuser toute information liée à l’usage du cannabis.

Cet ouvrage à vocation encyclopédique qui a fait les beaux jours des libraires est vite devenu le porte-drapeau des partisans du changement jusqu’à ce jour de 1997 où, sous le titre « Cannabis, savez-vous planter des joints ? », une journaliste de France Soir s’en prenait à la Fnac qui exposait, au su et au vu de tous, un livre (en l’occurrence, le second tome de Fumée clandestine) dans lequel étaient transmises des informations sur l’art de cultiver du cannabis chez soi.

Comme on s’y attendait, une quinzaine de jours plus tard les fonctionnaires de la brigade des stups débarquaient à la Fnac Forum suite à une plainte déposée pour « présentation du cannabis sous un jour favorable », plainte qui n’eut jamais de suite. Mais le ver était dans le fruit et les livres qui présentaient la prohibition sous un jour défavorable passèrent des tables d’exposition aux étagères.

La droite est de retour et les censeurs avec…

Une coalition composée d’associations, de mouvements et de partis politiques fondent en 1998 le Collectif pour l’abrogation de la loi de 1970 (Cal 70). Leur première revendication : supprimer l’article L630 du code de la Santé publique, qui punit de cinq ans de prison et de 75 000 € d’amende le fait de présenter le cannabis sous un jour favorable. La nomination à la tête de la Mildt (Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie) de Nicole Maestracci est une bouffée d’air frais. Par hasard, deux éditeurs, le Lézard et Trouble-Fête, découvrent en septembre 2002 que des livres sur la cannabiculture ont disparu du site de Virgin, dont le PDG est par ailleurs un ardent défenseur de la légalisation.

Ils s’en émeuvent. Le responsable du magasin de Toulon, apprennent-ils, a été mis en garde à vue. Pourquoi ? Parce que les policiers ont découvert, lors d’une perquisition chez un jardinier en herbe, des livres sur l’art de cultiver du chanvre achetés en toute légalité chez Virgin… Il faudra un article dans Libération pour que les livres incriminés soient remis en vente.

En 2004, effet collatéral d’un retour en force de la morale à deux sous, la direction de la Fnac (encore elle) demande de « surseoir temporairement à la vente » de quatre livres sur le cannabis « suite à une enquête de la brigade des stupéfiants » dans l’un de ses magasins, sans pour autant en informer les éditeurs concernés… Des livres qui, à l’exception de Fumée clandestine, sont tous consacrés à la cannabiculture.

Une censure qui n’a jamais ose dire son nom !

Ne pouvant interdire des livres, les ennemis de la liberté d’expression portent plainte, et si les grandes enseignes (Fnac, Virgin, Cultura) sont les premières visées, les libraires indépendants ne sont pas à l’abri d’une descente de police dissuasive. Les livres incriminés ne font pas de prosélytisme pour le cannabis comme voudraient nous le faire croire les associations (familiales et catholiques) qui usent et abusent de l’article L3421-4 pour intimider, voire menacer, les libraires. Une manœuvre qui a fonctionné au-delà de toute espérance. J’en veux pour preuve la dernière production de Trouble-Fête, Cannabis, 40 ans de malentendus, un livre sur la petite et la grande histoire du cannabis boudé par les grandes enseignes et les libraires indépendants, de peur qu’une simple feuille de cannabis leur attire des ennuis.

Nous ne sommes plus au temps de l’inquisition

En 2011, la Global Commission on Drug Policy, qui réunit des personnalités au-dessus de tout soupçon comme l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, ou encore trois anciens présidents de la République et deux prix Nobel de littérature, publiait un rapport dénonçant une « guerre à la drogue » inutile et criminogène.

En 2013, l’Uruguay, talonné de près par le Colorado, légalisait le cannabis. En France, entre une timide avancée sur le front du cannabis thérapeutique et une proposition de loi déposée au Sénat par une élue d’Europe Écologie-Les Verts, le débat est relancé… Et le triste temps où les fonctionnaires de la brigade des stups triaient les bons des mauvais livres sur les drogues dans les librairies est révolu.

Exploration drogues : Premier contact 11-15 ans

Alain Roy relève avec brio le défi d’écrire un livre sur les drogues destiné aux ados. Jamais dramatisant ni banalisant, il tente de renouer la confiance avec ce public qui a arrêté de croire aux mensonges des adultes depuis trop longtemps.

Arrivé à la fin de l’été 2013 pour les jeunes Québécois, Exploration Drogues, Premier contact, est aussi disponible en France depuis cette même date en version papier et électronique. Malheureusement, aucun spécialiste des ados que nous avons rencontrés ou presque ne semble le savoir. De quoi s’agit-il ?

Ceci est une révolution

De la même façon que l’abandon progressif des politiques d’abstinence et de sevrage frappe la fourmilière du traitement des toxicomanies et de l’alcoolisme à grands coups de consommation prescrite, voire maîtrisée, la prévention de l’usage de drogues auprès des jeunes se voit ici reprogrammée en une séance d’informations objectives sur les produits et leurs effets dans une optique plus sociologique que médicale.

À quoi ressemble un choix éclairé de consommation pour un jeune entre 11 et 15 ans ? Pour y arriver, Alain Roy, aka M. Drogues, fait du fonctionnement biologique et psychique des substances psychoactives toutes catégories confondues un passage de lecture obligé. Le premier élément qui permet de briser la glace de la méfiance entre le jeune et l’adulte est la suppression des frontières imaginaires entre les produits légaux et illégaux. C’est juste une norme sociale, explique-t-il, qui n’a rien à voir avec la dangerosité d’un produit. Caféine, nicotine, alcool, médicaments psychotropes et cannabis sont traités pareil, c’est-à-dire en respectant les particularités de chaque substance. Les jeunes ne se fient plus aux messages officiels car ils savent qu’ils visent toujours à leur faire peur, pas à les informer. Alors, M. Drogues informe, montre des images, fait des schémas, vulgarise et répond aux questions des jeunes sans tabou. La maquette est colorée, aérée et psychédélique

Dis papa comment on fait les drogués ?

À travers des scénarios simples et réalistes, il dissèque les comportements des 11-15 ans sous l’influence de ces produits en diverses occasions : seul, en groupe, lors d’une fête, en période d’examen… Il autopsie les facteurs de choix individuels qui conduisent à l’abus, à l’incident, à la dépendance, mais aussi au plaisir d’une consommation maîtrisée ! L’acte de bravoure du livre est de compléter chacune de ses fiches-produits par une série de conseils de consommation à respecter pour rester dans un usage acceptable pour soi et la société.

Loin d’être une autorisation à se droguer, ces conseils impliquent habilement les parents, et leur redonnent une responsabilité dont ils cherchent à se débarrasser et qu’ils ont volontiers déléguée à la morale et/ou aux professionnels. Ce livre ne vise pas à émanciper les collégiens de leurs parents à propos des drogues. Au contraire, il permet de les faire discuter ensemble de cet usage acceptable dans une société en perte de repères sur la question. Ce livre est donc aussi un guide pour que les gens ordinaires puissent se positionner là où les scientifiques et les législations se contredisent. Un cahier d’exercices associé au livre est en vente chez le même éditeur.

Exploration Drogue : Premier contact 11-15 ans (et son cahier d’exercice)
Auteur : Alain Roy assisté par Lisa Ann Ellington
Éditeur : MultiMondes
Tarif : 35€ papier / 20€ électronique (cahier d’exercice : 15€ papier / 7€ électronique)

Feuilleter quelques extraits du livre

M DroguesM. Drogues vs. Drogue Info ServiceDrogues info service

Si en France il n’y a pas d’équivalent au livre d’Alain Roy, il existe néanmoins un service de l’État discret mais efficace 7j/7 qui répond aux questions des jeunes sur les drogues. Nous avons posé à Drogues Info Service les mêmes questions qu’à ce M. Drogues canadien en nous faisant passer pour des ados. Comparatif d’extraits de réponses :

Philippe, 13 ans :
Est-il préférable/acceptable pour un jeune de mon âge de prendre ou de ne pas prendre de l’alcool ?

M. Drogues Drogues Info Service

Si tu respectes les conditions de l’usage acceptable d’alcool, alors c’est vraiment une question de choix personnel.

Commencer à consommer maintenant serait plutôt « inacceptable » et nocif pour votre équilibre tant physique que psychique.

Justine, 15 ans :
Est-il vrai qu’il y a moins de risques d’abuser du shit que de l’alcool ?

M. Drogues Drogues Info Service

Je dois t’avouer que le risque de faire un abus est plus grand avec l’alcool. Chaque année, plusieurs jeunes se retrouvent à l’hôpital à cause de l’alcool, ce qui arrive rarement avec le shit.

Il est vrai que le cannabis a une toxicité moins élevée que l’alcool. On peut mourir d’une trop grosse consommation d’alcool alors qu’il n’existe pas « d’overdose » liée à une consommation excessive de cannabis.

Jérémy, 15 ans :
Est-ce que je peux fumer 10 joints de beuh par an sans nuire à mon développement ?

M. Drogues Drogues Info Service

La réponse est oui.
Depuis une quarantaine d’années, les études démontrent que cette quantité annuelle ne nuit pas au développement de la majorité des jeunes.

D’un point de vue physiologique, certaines études tendent à montrer qu’une consommation précoce de cannabis peut avoir des effets sur les performances intellectuelles à l’âge adulte.
D’un point de vue psychologique, on sait que consommer tôt un produit psychotrope augmente le risque d’en être dépendant dans les années qui suivent

Didi, 15 ans :
Est-il vrai qu’une jeune qui commence à fumer du shit à 14 ans a 80% de chances de finir un jour par prendre de l’héroïne et devenir dépendante ?

M. Drogues Drogues Info Service

Non ce n’est pas vrai. C’est une fausse rumeur.Les études scientifiques démontrent qu’il n’y a même pas 1% des fumeurs de cannabis qui deviennent dépendants de l’héroïne.

La « théorie de l’escalade » est fausse. Ce n’est pas une drogue en soi qui appelle la consommation d’une autre qui serait plus forte, ce sont d’autres raisons, comme par exemple la curiosité, la recherche de plaisir, ou encore une recherche d’effets différents pour tenter de gérer un problème ou une souffrance.

Faut-il dépénaliser le Cannabis ?

Posez une question sujette à débat. Au hasard « Faut-il dépénaliser le cannabis ? ». Invitez une personnalité au-dessus de tout soupçon pour présenter l’état des lieux, mettez face à face des experts dont les idées sont diamétralement opposées et vous obtiendrez un livre polémique, un livre qui devrait, précise la quatrième de couverture, permettre de vous «  forger votre propre opinion » sur la question posée.

Saviez-vous que « les interpellations d’usagers de cannabis ont été multipliées par six entre 1990 et 2010 » ou qu’avec la loi de la prévention de la délinquance de mars 2005 et les fameux « stages de sensibilisation aux dangers des produits stupéfiants » qui s’ensuivirent, on a assisté à une « repénalisation de l’usage simple » ? C’est que nous rappelle opportunément Ivana Obradovic, chargée d’études à l’Ofdt et médiatrice de cet ouvrage.

Si vous suivez un tant soit peu l’actualité cannabique, vous connaissez forcément Jean Costentin, ses métaphores à deux balles et son mépris pour celles et ceux qui ne partagent pas ses idées spécieuses. Et si vous lisez régulièrement Asud-Journal, vous connaissez forcément Laurent Appel, militant de la réduction des risques et auteur de nombreuses et passionnantes contributions. Ce sont les deux principaux débatteurs de ce duel où s’immisce aussi Alain Rigaud, président de Fédération française d’addictologie.

Jean Costentin, membre de l’Académie de médecine, nous présente le cannabis comme « la drogue de la résignation, de l’indifférence, du rire bête, de la bêtise assumée, de la perte de l’estime de soi, de la sédation, du rêve éveillé (autant dire du délire) et de la faillite assurée ». Pêle-mêle, il nous assène « qu’un joint, c’est pour une semaine dans la tête » et déroule à l’envi les dangers du cannabis, de l’infarctus du myocarde au cancer des testicules. Il croit à la dépendance physique au cannabis et affirme qu’en abuser expose ses consommateurs à des crises de schizophrénie ou encore, que pour cause de récepteurs sensibles, le cannabis est l’antichambre de l’héroïne et qu’il tue. Évidemment, le chanvre n’a aucune valeur thérapeutique et « déguiser le cannabis en un médicament procède de la stratégie du cheval de Troie pour le faire entrer dans la cité sous les acclamations ». Le professeur Jean Costentin qui voudrait qu’on « invalide une performance artistique qui porterait la marque des drogues » méprise tous les scientifiques, et ils sont nombreux, qui ne partagent pas ses délires.

Dans le chapitre intitulé « Pour une régulation du cannabis », Alain Rigaud et Laurent Appel font preuve de plus de discernement et démontrent que le problème n’est pas le cannabis, mais sa prohibition et ses multiples effets pervers.

Alain Rigaud préconise une dépénalisation de l’usage simple, une mesurette déjà adoptée par une majorité de pays européens qui, non seulement « soulagerait le travail de la police et de la justice », mais aussi permettrait de mener une politique de prévention plus réaliste.

Quant à Laurent Appel, il estime que la « dépénalisation ne suffirait pas à réguler le marché ni à financer une politique efficace de prévention ». Aussi milite-t-il pour la légalisation du cannabis avec un pari : « intégrer les populations vivant du deal dans un nouveau modèle de régulation ».

Il appelle de ses vœux la création d’une Agence du cannabis chargée d’organiser tant sa production que sa distribution à travers les Cannabistrots créés sur le modèle de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)… Une mesure qui, en prime, rapporterait (soyons réalistes) beaucoup d’argent au gouvernement sous forme de taxes.

En fin du livre et en quelques lignes, un droit de réponse est accordé aux contradicteurs. Jean Costentin, en mal d’arguments plausibles, s’en prend à Laurent Appel « chantre des drogues et des addictions », mais la bave du crapaud n’atteignant pas la blanche colombe, Laurent répond point par point aux élucubrations du docteur Folamour du cannabis.

Entre le premier qui défend une application stricte de la loi de 1970, le second qui propose de dépénaliser l’usage, donc de maintenir un interdit social, et le troisième qui présente un « bon hybride de libéralisme et de cogestion, ni trop capitaliste, ni trop étatique, avec un contrôle direct des pouvoirs publics et des consommateurs », à vous de choisir !

Vous pouvez même participer au débat en ligne organisé par l’éditeur.

Faut-il dépénaliser le cannabis ? Jean Costentin, Alain Rigaud,Laurent Appel. Le Muscadier, 2014.

Les Chérubins électriques (Guillaume Serp)

Cette autofiction est aussi contrastée que sa couverture. L’écriture est belle et quelques passages restent en tête mais le récit des tribulations de ce post-adolescent dans la jet set underground des années 80 (tendance electro punk/new wave) n’est pas à la hauteur du mythe qui auréole le bouquin. En effet, sa promotion n’a cessé de rappeler qu’il s’agit de la réédition d’un texte introuvable, initialement paru en 1987, dont l’auteur – suicidé à 27 ans – fût, entre autres, le chanteur d’un groupe de new wave. Difficile dès lors de ne pas être déçu par un livre dont l’intrigue mal ficelée s’axe autour des déboires amoureux et des états d’âme d’un alter ego de l’auteur qui – rappelons-le – avait 23 ans à la parution du bouquin…

Les chérubins électriques. Guillaume Serp, L’Éditeur singulier, 2014.

SQUAT (de Yannick Bouquard)

D’un coup de pied de biche, Yannick Bouquard – qui vit depuis huit ans dans les squats d’Île-de France – vous ouvre les portes de son microcosme de glandeurs, de paumés, de toxicos, de punks, de rebelles… Pardon, d’artistes – qui ont comme principal point commun d’être à peu près tout le temps bourrés à la cheap beer et de consommer tous les produits psychoactifs existant en ce bas monde.

Malgré une légère tendance à la misanthropie et une partie franchement cafardeuse, les personnages sont attachants et le bouquin est plein d’un humour contagieux. Impossible par exemple de ne pas se bidonner devant la lettre au Maire ou les pitreries du capitaine Cheval et de son alter ego, le candide M. Pain d’Épice.

À la fois témoignage précis de la vie dans les squats dits « d’artistes », roman hautement divertissant et excellente autofiction, Squat tape très fort pour un premier roman. Chapeau l’artiste !

Yannick Bouquard, éditions du Rouergue, 2014.

Cannabis, 40 ans de malentendus (Volume 2 : 1997-2002)

Des députés enfumés et des militants interpelés ! Des jardinier en herbe et de l’herbe en politique ! Kouchner à la manœuvre et une madame Drogue à la hauteur ! Un cannabistrot à Paris et une cannabis cup dans les Vosges !
Ce n’est qu’une part des sujets hauts en couleur abordés dans ce 2ème volume (1997/2002).

Le deuxième volume de Cannabis, 40  ans de malentendus débute en 1997, année où de joyeux drilles réunis sous la bannière du Circ envoient un pétard aux députés et se termine en 2002, année où dans le cadre de l’élection présidentielle les mêmes transforment un meeting politique en cannabistrot.

Alors que l’auto-production prend de l’essor et que les instances officielles reconnaissent « qu’un monde sans drogues n’existe pas ». Alors que les partisans de l’abrogation de la loi de 1970 se mobilisent et que la question de la place du cannabis est posée lors de la campagne présidentielle de 2002, de nombreux observateurs pensaient que la loi évoluerait dans le sens d’une dépénalisation.

Il n’en sera évidemment rien et les défenseurs de la pénalisation dopés par le retour de la droite au pouvoir balaieront tout espoir de réforme, mais ce sera l’objet du futur et dernier volume de Cannabis, 40  ans de malentendus qui vous entraînera jusqu’en 2014 où tous les espoirs d’une révolution cannabique sont permis.

Parution le 9 mai 2014

 

Pour en savoir plus sur le volume 1 :
40 ans de malentendus volume 1 couv

 

Participez au débat : Faut-il dépénaliser le cannabis ?

La collection «Le choc des idées» éditée par Le Muscadier propose un panorama inédit sur la question du cannabis en confrontant les grandes positions antagonistes autour de dépénalisation du cannabis. Sous l’égide d’une spécialiste en évaluation des politiques publiques, Ivana Obradovic, chercheure à l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies (OFDT) et au CURAPP, 2 camps s’affrontent.

D’un côté, le serial prohibitionniste, Jean Costentin (CNPERT) défend l’interdiction et la sanction et de l’autre Alain Rigaud (ANPAA) et Laurent Appel (ASUD) qui plaident respectivement pour dépénalisation et la légalisation.

Outre la lecture de cet ouvrage collectif (lire la critique dans ASUD Journal N°55) pour entendre les arguments des auteurs, chacun peut participer au débat grâce au site hyperdebat.net qui propose un excellent outil interactif pour organiser les idées : arguments, contre-argument, commentaires, sources, référence, etc. L’interface demande un petit temps d’adaptation pour comprendre son fonctionnement. Les deux débats proposés sont :

Faut-il dépénaliser le cannabis ?

  • Non car :
    • La loi actuelle a un caractère dissuasif
    • Il faut protéger l’individu
    • La société doit se protéger
    • Ce n’est pas parce qu’une politique a échoué que l’on doit y renoncer.
    • La dépénalisation ou la légalisation ne sont pas possibles ni souhaitables
    • La dépénalisation ou la légalisation seraient préjudiciables
  • Oui car :
    • La prohibition est inefficace
    • La prohibition est préjudiciable aux usagers
    • La prohibition entraîne le développement d’une économie parallèle avec ses conséquences
    • La prohibition manque de légitimité
    • La loi de 1970 est inadaptée
    • La dépénalisation ou la légalisation seraient bénéfiques

Un modèle pragmatique de légalisation du cannabis

  • Marché régulé mais compétitif
  • Réglementation plus drastique que celle de l’alcool et du tabac
  • Création d’une Agence du cannabis, financée par une redevance de 1% sur le chiffre d’affaires des cannabistrots.
  • Fonctionnement des cannabistrots sous le statut de Sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC)

Cannabis, 40 ans de malentendus (Volume 1 : 1970-1996)

Coupures de presse, documents classés « secret défonce » par les activistes, dessins inédits d’artistes en herbe, photos souvenirs de manifestations cannabiques à l’appui, Jean-Pierre Galland vous invite à un voyage dans le monde du cannabis, un ouvrage férocement politique et furieusement militant.

 Parce que le sujet est en permanence d’actualité et l’iconographie foisonnante, pas moins de trois volumes seront nécessaires pour rendre compte des événements ayant marqué la petite comme la grande histoire du cannabis.

 Le premier volume de Cannabis, 40 ans de malentendus débute en 1970, l’année où a été votée la loi et s’interrompt en 1996, l’année où les activistes dans la ligne de mire de la justice préparent néanmoins une action explosive.

L’impact négatif de la “guerre contre la drogue” sur l’épidémie d’hépatite C

Ce matin à Genève, la Commission globale de politique en matière de drogues vient de lancer son rapport sur « L’impact négatif de la guerre contre les drogues sur la santé publique : l’épidémie cachée d’hépatite C ».

Kofi Annan, Javier Solana, sept anciens présidents, Richard Branson (fondateur du Groupe Virgin), Georges Schultz (ancien secrétaire d’état américain).. Voici quelques-uns des commissaires qui lancent un message fort dans ce rapport : la criminalisation de l’usage de drogues alimente l’épidémie d’hépatite C, véritable bombe virale à retardement.

Les chiffres fournis dans ce rapport sont frappants : parmi les 16 millions de personnes qui utilisent des drogues injectables dans le monde, on estime que 10 millions d’entre eux vivent avec l’hépatite C. Le taux d’infection est plus élevé dans les pays avec des lois les plus répressives et une politique restrictive sur les mesures de réduction des risques. Ainsi en Russie ou en Thaïlande, 90% des personnes s’injectant des drogues auraient été contamines par l’hépatite C.

Ces chiffres pourraient d’ailleurs sous-estimer l’ampleur de l’épidémie réelle étant donné le manque de données et le fait que l’hépatite ne se déclare pas tout de suite après la contamination mais peut rester en sommeil plusieurs années.

Malgré cette réalité frappante et le fait que l’OMS a déclaré l’hépatite C comme une bombe virale à retardement, «L’hépatite C est une des maladies les plus négligées par les gouvernements à l’échelle internationale», selon le Pr. Michel Kazatchkine (vidéo ci-contre), membre de la Commission et Envoyé Spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le VIH/SIDA en Europe orientale et en Asie centrale.

Méconnaissance complète de la maladie et de ses dégâts si elle n’est pas détectée et traitée -même chez des consommateurs de drogue dans certains pays comme la Thaïlande, inexistence ou manque important de mesures de santé publique pour enrayer l’épidémie, de programmes de dépistage pour les publics à risque .. Le constat est accablant

Le rapport souligne la gravité et l’urgence de la situation

Le virus de l’hépatite C est trois fois plus répandu chez les usagers de drogue que le VIH. Ceci est certainement dû à sa prévalence mais aussi au fait que l’hépatite C est une maladie hautement infectieuse et facilement transmissible via un contact sanguin. Aux USA, entre 1999 and 2007, plus de personnes sont mortes à cause de l’hépatite C que du HIV alors qu’elle est «totalement évitable et curable », comme le dit Mme Ruth Dreifuss (vidéo ci-contre), membre de la Commission et ancienne Présidente de la Confédération suisse.

Les mesures de réduction des risques déjà bien connues comme les programmes d’échange de seringues et les traitements de substitution par opioïdes sont suffisantes pour enrayer cette épidémie (mais également celle du SIDA) si elles sont mises en œuvre sur une échelle suffisante. L’expérience écossaise que cite le rapport a fourni des preuves tangibles: grâce à leur politique de long terme, les écossais vont réussir à enrayer de manière significative les contaminations à moyen terme.

Les commissaires exigent également la fin de la guerre contre les drogues

Le rapport dénonce ainsi l’échec flagrant des politiques répressives qui n’ont pas permis la réduction de l’offre de drogues dans le monde : l’approvisionnement mondial des opiacés a augmenté de 380% ces 10 dernières années. Le rapport insiste également sur le fait que cette guerre a mené à l’incarcération à grande échelle des consommateurs de drogue, à leur stigmatisation. Elle a généré plus de violence et de violations des droits de l’homme mais a également été un désastre du point de vue social et de la santé publique. « La guerre contre la drogue est une guerre contre le bon sens et [cette épidémie] est une preuve additionnelle que le statu quo en matière de politique drogues a lamentablement échoué » comme le dit Mme Ruth Dreifuss.

Les Etats Unis ont ainsi par exemple dépensé (gâché ?!) 1 trillion de dollars US dans cette guerre contre la drogue et pourtant, ils sont aujourd’hui dans le trio de tête des pays qui ont le plus grand nombre de consommateurs de drogues injectables atteintes par l’hépatite C avec 1.5 millions de malades, après la Chine (1.6 millions) et avant la Russie (1.3 millions).

Ce rapport est le troisième que la Commission Globale sur la politique en matière de drogues publie. Son premier rapport de 2011 a catalysé un véritable débat mondial sur la nécessité de changer de politiques de drogue et de sortir du régime répressif. Espérons que celui-ci permettra une avancée vers une politique des drogues dans le monde plus humaine et basée sur les enjeux de santé publique et non sur la répression.

Comme le conclut le rapport :

“Le silence qui pesait sur les dégâts causés par la “guerre contre les drogues” a été brisé. Il y a maintenant un véritable élan vers l’adoption de réformes et le public commence à critiquer avec objectivité les politiques et pratiques existantes …. Action is needed now (nous devons agir maintenant)”

source : talkingdrugs.org

Génération H : sexe, drogues, rock’n’roll & Co dans les 90’s

Qu’y a-t-il dans la tête d’un garçon l’été de ses 17 ans ? Depuis l’irruption de la contre- culture, la réponse varie peu : se barrer loin des parents pour expérimenter ou approfondir les jeux du sexe et de l’amour, se regrouper entre semblables dans des campements provisoires pour faire la teuf en amplifiant son empathie et ses perceptions avec de l’alcool et des produits psychoactifs, écouter et danser sur les sons et concerts des musiciens à la mode…

Certains se contentent du camping d’Argelès ou de Soulac-sur-Mer et leur inénarrable discothèque en plein air. D’autres prennent la route au gré du vent et des évènements. Sacha, le héros du roman, fait un trip dans le sud de la France et s’intègre à presque tou- tes les tribus avec un bon joint comme ticket d’entrée. Seul refus mais de taille : Burning Spear, la légende du reggae, qui préfère un verre de bon bordeaux.

Ce livre témoigne bien de l’ambiance festive des années 90, de l’apparition de nouvelles substances comme l’herbe indoor ou le MDMA, du bon gros son qui sortait dans presque tous les genres (l’auteur est aussi critique musical). Il a déjà rencontré son public, l’ouvrage bénéficie d’un deuxième tirage. Pas sûr par contre qu’il plaise à ceux qui n’ont pas vécu des plans Génération H : le style est un peu plat et le récit insiste beaucoup sur les émois amoureux et sexuels de Sacha sans les rendre vraiment passionnants. Laurent Appel

Asud : Le pitch de ton livre ?

Alexandre Grondeau : C’est un road trip musical et hachiché, une bande de jeunes qui prend la route au milieu des années 90 et qui va l’espace d’un été découvrir le début des Teknivals, les squats, les sound systems reggae qui explosent à ce moment. Ces jeunes vont assouvir leur quête de liberté et expérimenter tout un tas de choses. Au‑delà de l’histoire, le propos est d’exposer le développement d’une culture cannabis. La génération H regroupe toutes les personnes de 18 à 70 ans qui consi‑ dèrent que la culture cannabis a totalement intégré tous les pans de la société française.

Génération de glandeurs rastas ?

Je veux casser le stéréotype selon lequel les gens qui fument sont en dehors du système, caricaturaux, tout peace. Il y a 500 000 fumeurs quotidiens et 1,2 million de Français qui fument plus de 10 joints par mois, il n’y a pas 1,2 million d’amateurs de reggae avec des dreadlocks dans la rue. Et quand je parle du mouvement techno, du mouvement rock, de l’explosion du mouvement hip‑hop, c’est pour montrer que tous ses mouvements décrits sociologiquement comme des sociétés tribales ont un vecteur commun : la consommation de cannabis.

N’est-ce pas plutôt la génération H + C + MD + vodka Redbull ?

Il n’y avait pas encore de vodka/Redbull à l’époque. Il n’y a pas d’opposition entre la génération H et les précédentes générations en recherche de sensations. Elle s’inscrit dans une continuité depuis Baudelaire et Théophile Gautier en passant par Huxley, Timothy Leary, tout un tas de têtes chercheuses qui réfléchissent sur ce que c’est de vivre, le plaisir, la jouissance. Dans ce road trip, ces jeunes se retrouvent dans des contextes d’expérimentations sensorielles où le cannabis prédomine.

Pourquoi la génération H n’est-elle pas très motivée pour militer en faveur de la légalisation ?

La génération H considère que la consommation de cannabis est normale, ils ont voté, ils ont des enfants, leur usage ne semble pas poser de si gros problèmes, il est totalement intégré à leur vie. Ils ne voient donc pas la nécessité de s’engager pour la légalisation du cannabis. Pourtant, il y a des problèmes de qualité des produits, de stress de l’arrestation, surtout si on a des enfants. Moi, je me positionne plus en termes de responsabilisation des citoyens adultes que de légalisation, notre société doit être capable d’être adulte sur cette question et de former la jeunesse à la mesure en matière de consommation, à connaître les effets, à savoir reconnaître les qualités et adapter le dosage. Les excès font partie de la jeunesse, mon bouquin en parle, mais après, on doit pourvoir choisir son parcours de vie et avoir une attitude responsable.

Pourquoi le gouvernement n’est-il pas motivé par l’intégration citoyenne de la génération H ?

Il y a des pratiques mafieuses que la responsabilisation permettrait d’évacuer. La question est donc : les gouvernements ont‑ils un intérêt au maintien de ces pratiques mafieuses ? Si le gouvernement veut acheter une sorte de paix sociale par les trafics, cela ne marchera pas longtemps.

Génération H, Alexandre Grondeau, La lune sur le toit,18€

The New Jim Crow et le Nouveau Bougnoule

Michelle Alexander nous parle d’une nouvelle société de caste, née sur les décombres d’une guerre à la drogue, menée rigoureusement et méthodiquement et contre la communauté afro-américaine. Une société ou un adulte noir de sexe masculin sur deux, a été incarcéré au moins une fois pour un délit lié aux stupéfiants. L’actualité des banlieues françaises éclaire ces propos d’un jour sinistre. Et si Michelle Alexander nous parlait de notre futur ? Et si le New Jim Crow était en train de s’appeler le nouveau Mohamed ?

Jim Crow ( Jim le Corbeau),  c’est le « négro », naïf, gourmand, superstitieux, un peu lâche, bref, un topos du folklore raciste américain rangé entre l’Oncle Tom et le rapper gangsta. Ce brave Jim  prête son nom à tout un ensemble de mesures législatives votées par les États du Sud après la guerre de Sécession pour organiser la ségrégation raciale, un dispositif connu sous le nom de « lois Jim Crow », bref un symbole à la fois de la suprématie blanche et de l’hypocrisie qui l’accompagne.

 En intitulant son essai « The New Jim Crow », Michelle Alexander connaissait le poids des mots. ASUD a déjà évoqué ce best seller: l’instrumentalisation de la guerre à la drogue dans la lutte séculaire menée contre les noirs, démontrée, analysée, statistiques à l’appui, dans un livre-événement paru en 2012. L’ouvrage est toujours l’objet de centaines de débats menés à travers le pays. En choisissant ce titre, qui parle d’un passé qui ne passe pas, Michelle Alexander,  savait qu’elle allait déclencher des réactions…disons vives. Imaginez un livre -programme sur la criminalité en banlieue intitulé « Les nouveaux bougnoules, aveuglement ethnique et incarcération de masse »1.

ASUD52_Bdf_Page_25_Image_0001Jusque très récemment, Michelle Alexander partageait l’analyse de la plupart des militants des droits civiques à propos de la politique des drogues et plus spécifiquement de l’histoire de l’héroïne, puis du crack dans les getthos des grandes villes. Pour ces activistes de gauche, l’introduction des drogues dures relève au mieux d’un laissez-faire des autorités, au pire d’un complot des services secrets pour briser toutes velléités révolutionnaires des groupes protestataires, type Black Muslims ou Black Panthers.  Puis, la lecture des archives judicaires américaines, où, à la différence de la France,  l’origine ethnique est scrupuleusement mentionnée, lui a fait découvrir l’ampleur de la cette « nouvelle société de caste ». La guerre à la drogue serait avant tout une machine infernale montée par les Républicains de l’équipe Nixon pour capter le vote des petits blancs du sud et stopper le mouvement d’émancipation des noirs. La thèse n’est pas nouvelle, ce qui l’est, c’est le  succès. Un succès grand public, assez inattendu. De plus, cette médiatisation n’ôte rien du rigaurisme d’une démonstration, basée sur l’étude des courbes d’incarcération  des « colored people » depuis les années 70 jusqu’à nos jours.

Pourquoi ce livre mérite-t-il notre attention ? Parce qu’il nous parle aussi de nous et de nos fantasmes raciaux si diffiçiles à énoncer dans notre paradis républicain.  Parce qu’il dénonce la guerre à la drogue et ses slogans sécuritaires comme un outil conçu pour capter le vote des pauvres de la classe ouvrière blanche. Parce-que trop souvent, il suffit de remplacer le substantif “Blanc” par « Français de souche », et celui de « Noirs » par “immigrés” ou « racaille », et soudainement cette lecture nous semble étrangement familière. Parce-que nos débats sur « la drogue et les banlieues » mérite cet éclairage nouveau. Et surtout, parce-que visiblement, le pire est à venir. Les afro-américains, tous les afro-américains ont dans leur famille, qui un oncle, un frère, un fils, ou même parfois une sœur, qui a été ou sera incarcéré pour des faits relatifs à la répression des drogues.  Qui, à l’exception de notre ineffable Eric Zemmour, est en mesure de répondre à cette question : les minorités visibles sont-elles en train de subir l’incarcération de masse décrite par le New Jim Crow ?

 “Pas de chemins vers l’égalité raciale sans statistiques ethniques” nous dit Michelle A. La grande stratégie anti-noire mise en point par l’administration Nixon sous la bannière war on drugs est peut-être en passe de se décliner  termes à termes sur notre bonne vieille terre de France.

 1 Michelle Alexander, The New Jim Crow, Mass Incarceration In Colorblindness, N.Y.

Ces auteurs qui dénoncent la prohibition

AIDES, ASUD, la Fédération Addiction en partenariat avec la Mairie du 18ème arrondissement de Paris ont le plaisir de vous inviter à un salon littéraire dédié à la réforme de la politique des drogues vendredi 23 septembre de 14h à 21h, Mairie du 18ème arrondissement de Paris, Salle des Fêtes. (Métro Jules Joffrin)

La version française du rapport de la Commission internationale pour la politique des drogues sera présentée à cette occasion ainsi que la version intégrale du rapport sur la légalisation contrôlée du cannabis du groupe SRC à l’Assemblée Nationale et le rapport de la Transnational Institute sur l’expérience espagnole de Cannabis Social Club.

Programme

14h -14h15 : Accueil

14h15 : Table ronde

Usagers actifs/substitués/ex-usagers, quel rapport à l’interdit légal?

Étrangement, le discours sur la loi est aujourd’hui surtout une parole d’élu ou de professionnel du soin. Que disent les personnes concernées par la loi qui les pénalise ? Existe-t-il des points des vue spécifiques des consommateurs ?

Auteur invités :

  • Patrick Pharo « Philosophie pratique de la drogue »
  • Marc Dufaud « Les peaux transparentes »
  • Nicolas Rey « Un léger passage à vide » (sous réserve)

Modérateur : Fabrice Olivet (ASUD)
Témoin :  Jean-Pierre Galland (CIRC) sur les rapports entre usagers et législations

15h15 -15h45 : Échanges avec le public.

15h45-16h00 : Pause-café, rafraîchissements, dédicaces  

16h00 : Conférence

Des rapports qui plaident pour la réforme des lois sur les drogues

Lancement de la version française du rapport de la Global Commission on Drug Policy.

Présentation par Ruth Dreifuss, membre de la Global Commission, Ex-Présidente de la Confédération Hélvétique, ancienne Conseillère Fédérale à l’Intérieur (Réforme de la politique suisse des drogues dite des 4 piliers)

Le rapport sur la légalisation contrôlée du cannabis

Présentation par Annick Lepetit, Députée, adjointe au Maire de Paris, du rapport sur la légalisation contrôlé du cannabis du Groupe de travail SRC de l’Assemblée Nationale présidé par Daniel Vaillant, Député-Maire du 18ème arrondissement, ancien Ministre de l’Intérieur.

Cannabis Social Club : l’exemple espagnol

Présentation par Laurent Appel (ASUD) de la publication de la Transnational Institute (TNI)« Cannabis social clubs en Espagne : une normalisation alternative en cours »

Modérateur : Christian Andréo, directeur des programmes nationaux de AIDES.
Témoin: Anne Coppel, sociologue : « rapports officiels et politique des drogues, un dialogue de sourds »

17h30 – 18h00: Échanges avec le public.

18h00-19h00 : cocktail et dédicaces

19h00 : Table ronde.

Réformer la politique des drogues : quelles stratégies ?

De nombreuses voix dénoncent aujourd’hui l’échec de la prohibition et Ban Ki-Moon va réunir une commission onusienne pour étudier les alternatives possibles.  En France, le gouvernement français refuse d’en débattre et  l’opposition est divisée.  Comment pouvons-nous rassurer l’opinion publique et convaincre les décideurs?
Auteur invités :

  • Stéphane Gatignon et Serge Supersac « Pour en finir avec les dealers »,
  • Michel Henry « Drogues : Pourquoi la légalisation est inévitable »,
  • Christine Renaudat « Les tribulations d’un gramme de coke » (vidéo-conférence en direct avec la Colombie)
  • Jean-Pierre Couteron et Alain Morel « Drogues : faut-il interdire les drogues ? »
  • Olivier Maguet “Changer de lunettes pour lire le cas afghan” (Multitudes 44)

Modérateur : Arnaud Aubron, journaliste, rédacteur en chef des Inrocks, Drogues News
Témoin : Charles-Henry de Choiseul, Président de l’Observatoire Géopolitique des Criminalités, sur les obstacles à la réforme

20h30 – 21h00: échanges avec le public.

21h00 : clôture.

Pierre Ouin et ASUD vous présentent : Courrier Toxique

H. conduit un bus à Londres où la drogue circule dans les 2 étages. Consommateur lui-même, il ferme les yeux, enfin pas trop…

F. est spécialisé dans le braquage de « particuliers bourrés de coco ». Le comble : ces messieurs/dames ont porté plainte et F. finit en taule.

D. fait la tournée des pharmacies du Var pour se procurer du Néo. Dans ses bons jours, il récolte quinze à vingt boites, consommées illico.

R. nous dit comment une cure d’Interféron® l’a conduit à placer le canon d’un 22 long rifle sur son cœur. Cinq petits cm de déviation d’impact lui permettent aujourd’hui de raconter son histoire.

D. adepte du « divin cannabis » et puis L. « dans son fameux taxi hollandais » qui l’a conduit directement à la douane.

J. lui va chercher de l’ibogaïne chez les sorciers Bwiti de la forêt congolaise.

F. encore, ce « retraité de l’arbalète » qui évoque le Golf Drouot des années 70, ces années de plomb qui changèrent l’or en poudre blanche.

S. qui demande, qui nous demande, combien de temps elle pourra tenir entre quatre murs.

Et puis d’autres encore, des lettres de taulards et de taulardes comme Y., jugé aux Assises pour avoir laissé sa copine se faire un shoot de curare…

ASUD 27 Ouin Bloodi Beuh outdoorVoilà un florilège de la nourriture de base du journal d’ASUD. Nous en publions des extraits dans le courrier des lecteurs. Mais, l’essentiel dort à l’abri d’un classeur poussiéreux au fond du local.

Un après-midi d’automne ou peut-être un matin d’hiver, Pierre Ouin, passe nous saluer comme souvent. Ce jour là, le papa de Bloodi me demande de potasser le fameux classeur. Un an plus tard, il en sort ce petit livre en forme d’hommage. Hommage aux oubliés de la guerre contre la drogue, les petits, les sans-grades, car comme je l’ai souvent répété la guerre à la drogue a, comme toutes les guerres, ses morts ses blessés et ses disparus.

Un siècle de guerre contre les drogués

ASUD 27 Ouin Royal tarpéEn 1916, Antonin Artaud écrivait dans sa célèbre lettre à Mr le législateur : « les toxicomanes ont sur la société un droit imprescriptible qui est celui qu’on leur foute la paix ».

Malheureusement, presque un siècle plus tard, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas été entendu. L’enfer des bonnes intentions s’est abattu sur les consommateurs de substances illicites. Traqués par la police, exploités par les dealers, décimés par les différents virus que la prohibition des seringues a diffusés, les usagés de la drogue occupent par millions (oui par millions !) les prisons de notre planète. La guerre à la drogue n’est pas un vain mot. C’est bien une véritable guerre qui est livrée non pas contre La drogue, les molécules chimiques étant par nature difficiles à menotter, ni même contre les trafiquants, mais contre le petit peuple des drogués qui pourrissent dans tous les coins craignos de nos cités.

ASUD 27 Ouin CimetièreLes morts, les blessés et les disparus, donc. Les morts et les blessés, je viens de les évoquer. Les disparus sont par définition des oubliés. Arrêtons-nous quelques instants sur ceux dont on ignore absolument le devenir parce que brusquement, la prison, la désintoxication ou la fuite ont interrompu votre relation, qu’elle soit affective, amicale, sexuelle ou les trois à la fois. Ces ruptures sont fréquentes, presque banales dans l’univers que la répression nous impose. Un jour… Plus rien… Même pas de vagues rumeurs, non,…rien !…Il y a aussi ceux dont on décide sciemment de ne plus avoir de nouvelles, par peur d’être renseigné …Définitivement.

Voilà encore une raison pour le journal des drogués heureux de faire parler La Drogue à la première personne du singulier. Nous recevons des lettres écrites simplement, pour extérioriser un vécu inénarrable, pour poser un moment le fardeau d’un quotidien un peu encombrant. C’est peut être la fonction primordiale d’une association comme la nôtre, permettre à la grande majorité des consommateurs qui ne se vivent ni comme des aventuriers, ni des rebelles et encore moins des délinquants, de poser leur sac dans la banalité d’une causerie de comptoir.

L’humour est politesse du désespoir

ASUD 27 Ouin Bloodi shoote sur des seringuesPour naviguer dans l’étroit goulet qui sépare l’exhibitionnisme du pittoresque, une solution existe, c’est le rire.

C’est le rire qui nous fait adorer Bloodi, qui pourtant n’est qu’un punk vivant dans une poubelle avec un rat. Le rire est l’arme du pauvre. Il. nous sert de cache-sexe pour exposer notre quotidien de Martien. Le rire est une valeur commune du journal d’Asud et de l’univers de Pierre Ouin, parce que le rire est une forme de pudeur. Il permet d’échapper à l’œil du voyeur, effrayé par l’éclat insolent de la caricature.

Quelqu’un a dit : « l’humour est la politesse du désespoir ». Il avait compris que dans son énormité, le malheur est horriblement grossier. Il s’empare sans ménagement de nos petits égoïsmes sans se soucier de l’habituelle culpabilité qui accompagne l’énoncé de la misère d’autrui. Pour éviter ça, rien de mieux qu’une tarte à la crème !

Alors bonne lecture, le rire permet à votre cerveau de fabriquer des particules chimiques voisines de la structure moléculaire des produits opiacés et jusqu’à présent le rire est encore légal…Quoiqu’à bien y réfléchir, ne laissez pas traîner ce bouquin, on ne sait jamais.

ASUD 27 Oin Bloodi part hips

William Burroughs

William Burroughs est né en 1914 à St Louis (Missouri) au sein d’une respectable dynastie bourgeoise. Après une jeunesse sans histoires et des études à l’université de Yale, son existence bifurque brusquement lorsqu’il se rend à New York pour s’y lancer dans une vie d’aventures et, entre autres, vivre son homosexualité en liberté.

Successivement gardien de nuit, détective privé, exterminateur de parasites puis voleur professionnel, il rencontre la came au début des années 40. Un véritable coup de foudre qui durera plus d’une vingtaine d’années et, en même temps qu’il déterminera sa vocation littéraire en lui fournissant la matière première de ses livres (il publie “Junkie” dès 1953), le lancera dans une carrière de bourlingueur de l’Afrique à l’Amérique du Sud en passant par la France, infatigable explorateur de toutes les marginalités et expérimentateur de toutes les transes et de toutes les extases. Une trajectoire qui fera tout naturellement de lui une des têtes de file de la fameuse “beat generation” avec ses amis Ginsberg,

Kerouac, Corso et cie… Mais une trajectoire aussi qui le mènera bien au-delà de l’épopée de ces grands ancêtres de nos “babs” des années 60-70. Car, au delà des modes, des attitudes, des multiples expériences de drogue et du radicalisme politique, Burroughs est et reste, à près de 80 ans, un révolutionnaire de l’écriture avant toute chose. Les techniques de cut-up (version littéraire du collage pictural ou du sampling musical), d’écriture automatique et de pastiche, le mélange d’ironie glaciale et de délire hallucinatoire, la violence prophétique et la richesse poétique qu’il a mises toutes ensemble au service d’une conception visionnaire d’un monde façonné par un verbe libéré des conventions narratives, miroir subversif d’une réalité altérée par les drogues, font de lui un des plus grands écrivains américains de ce siècle.

Si, de “Junkie” aux “Cités de la Nuit écarlate”, il est l’auteur de près d’une vingtaine d’ouvrages (la plupart disponibles aux éditions Christian Bourgois et dans la collection 10/18), beaucoup de ses admirateurs s’accordent à voir dans le “Festin Nu” (aux éditions Gallimard) la pièce maîtresse de son œuvre. En voici deux courts extraits…

“…je saisis l’aiguille et, en même temps, je pose instinctivement la main gauche sur le garrot. Je reconnais à ce signe que je vais pouvoir piquer dans la seule veine encore utilisable de mon bras gauche (le processus du garrotage est tel qu’on se lie habituellement le bras avec lequel on a appris le garrot). L’aiguille s’enfonce comme dans du beurre le long d’un cal. Je fouille ma chair de la pointe. Une fine colonne de sang jaillit soudain dans la seringue, aussi nette et solide qu’un toron de câble rouge. Le corps sait parfaitement quelles veines on peut piquer et il transmet cette intelligence aux mouvements instinctifs que l’on fait pour préparer la piqûre… Parfois, l’aiguille pointe aussi droit qu’une baguette de sourcier. D’autres fois, il faut attendre le signal – mais quand il arrive le sang jaillit toujours.

“…Une orchidée rouge s’épanouit au fond du compte-gouttes. Durant une longue seconde il hésita, puis il pressa le caoutchouc et regarda le liquide disparaître d’un trait dans la veine, comme aspiré par la soif silencieuse de son sang. Il restait une mince pellicule de sang irisé dans le compte-gouttes et la collerette de papier blanc était souillée comme un pansement. Il se pencha, emplit le compte-gouttes d’eau et, au moment où il le vidait à terre, l’impact de la came le frappa à l’estomac, un coup étouffé, onctueux…

“…Le vieux camé a trouvé la veine… Le sang s’épanouit dans le compte-gouttes comme une fleur chinoise… L’héroïne court en lui et soudain l’enfant qui jouissait au creux de sa main il y a un demi-siècle resplendit, immaculé, à travers la chair délabrée, embaumant la cabane d’un parfum sucré de noisettes, l’odeur des adolescents en rut…”

Thomas De Quincey : le premier junky moderne

C’est l’anglais Thomas de Quincey qui, en tant qu’Individu, peut être considéré comme “l’inventeur” de la conception actuelle du “junky”, de l’usager d’opiacés dépendant. De Quincey a lui-même été dépendant du Laudanum (élixir à base d’opium) durant 52 ans ! C’est pourquoi du fait de la conception problématique de l’usage des drogues qu’il a développée, de Quincey peut être considéré comme le premier Junky.

Il était écrivain, et à travers ses œuvres, en particulier les “Confessions d’un opiomane anglais” (Collection 10/18), il s’est attaché à tracer les contours d’un modèle de dépendance et d’usage des opiacés qui demeure très actuel. De plus, c’est lui qui, pour la première fois, a attiré l’attention du corps médical sur le problème de la dépendance aux opiacés. Et c’est lui, en particulier, qui a fourni les informations directes sur le syndrome de manque. Grâce à des description très précises et détaillées de sa relation physique et mentale au Laudanum, il est devenu le principal cas de référence en la matière pour les savants du XIXème siècle.

Pour nous, toxicos des années 90, c’est un peu comme si la dépendance aux opiacés était quelque chose qui a toujours existé. Un peu comme si l’idée que nous nous faisons des opiacés et de leur usage était une réalité unique et universelle. Mais au fond, l’origine de ce concept de “dépendance aux opiacés” n’a été que peu étudiée au point de vue historique. Pour la médecine, en particulier, étant donné le fait que sa conception même de la dépendance a toujours été liée à la politique officielle de prohibition des drogues, la question de cette origine peut receler certains problèmes. Car s’il y a d’autres conceptions possibles de l’usage et des usagers des drogues, cela signifie que ce qui constitue la base de la politique actuelle de prohibition peut être remis en cause, et du même coup, toutes les instances qui la servent, y compris la justice et la bureaucratie répressive.

De ce point de vue, on trouve en ce début du XIXème siècle une approche critique de l’examen de ce qui fonde notre conception actuelle de la dépendance aux opiacés. Du fait que nous considérons celle-ci comme une question à la fois d’ordre médical et légal, il est assez surprenant que les individus qui eurent la plus grande influence sur son origine furent des écrivains, dont un poète. De Quincey a subi, à la fois dans sa vie personnelle et dans son œuvre littéraire l’influence du poète Samuel Taylor Coleridge. Ce dernier est considéré comme l’un des plus grands poètes du XIXème siècle. Parmi ses œuvres, le poème “Kublai Khan” s’est acquis une renommée mondiale. Dans la préface, qu’il lui est adjointe, il déclare avoir pris une forte dose de laudanum et être tombé dans un état de semi-somnolence au cours duquel il a écrit le poème en rêve. À son réveil, il avait gardé un souvenir très exact de celui-ci et s’était mis à le transcrire. Malheureusement interrompu par l’apparition d’un visiteur, il devait s’apercevoir par la suite qu’il avait “perdu” la fin du poème dont il ne subsiste que les 57 premiers vers transcrits avant l’arrivée du visiteur inopportun.

Coleridge était “accro” au Laudanum, et l’est resté depuis environ 1797 jusqu’à sa mort en 1833, ce qui fait 36 ans. Et ce qui est curieux, c’est que pendant tout ce temps, il n’a jamais pris conscience de sa dépendance. Il est vrai qu’à l’époque l’opium et ses dérivés étaient en vente libre sans aucun contrôle. Il n’y a d’ailleurs jamais eu en Angleterre de restriction à sa vente ou à son usage avant le milieu du XIXème siècle. On pouvait se le procurer chez l’épicier du coin, le pharmacien ou l’apothicaire aussi bien que par les camelots et les marchands ambulants. On l’utilisait couramment comme analgésique, comme calmant ou comme somnifère. On en prenait aussi simplement pour le plaisir et dans beaucoup de quartiers ouvriers, les épiciers et les pharmaciens préparaient des paquets d’opium spécialement destinés à la vente pour le samedi soir, où il était très prisé du petit peuple, étant même moins cher que le gin ! Dans certaines régions urbaines, son usage était très répandu et régulier. SI bien qu’un grand nombre d’individus qui, comme Coleridge, étaient dépendants de l’opium et de ses dérivés mais ne s’en sont jamais aperçus, n’ayant jamais connu le manque du fait de problème d’approvisionnement…

Cela dit, l’idée que se faisait Coleridge de son usage de l’opium ne manque pas d’intérêt. À savoir qu’il était bien conscient d’avoir cette habitude, mais que pour lui, ce n’était qu’une habitude parmi tant d’autres, jamais considérée comme une dépendance. Il déclarait avoir commencé à en prendre à cause d’une maladie, et en avoir gardé ensuite l’habitude. Il en concevait cependant un certain remords, à cause de sa morale chrétienne qui le poussait à se reprocher de succomber à ce qu’il concevait comme un luxe et un plaisir. Lorsque par la suite, la dépendance s’est installée à son insu, et qu’il a essayé d’arrêter, il s’est bien sûr aperçu que cet arrêt était accompagné d’un malaise physique. Mais il n’a considéré celui-ci que comme la résurgence de la maladie qu’il avait jugulée grâce à l’opium. Pour lui, les choses étaient limpides : il était malade, il prenait de l’opium et sa maladie s’arrêtait. Il arrêtait l’opium et elle revenait. Coleridge n’a jamais pensé à associer ses symptômes à ce que nous connaissons aujourd’hui comme le “manque”. Il n’est pas indifférent de noter que le poète avait exigé qu’après sa mort, on procède à l’autopsie de son cadavre afin de découvrir la nature de cette “mystérieuse” maladie.

Coleridge était très célèbre à cette époque en Angleterre, à la fois pour ses écrits et sa personnalité. Pour nous, il semble évident que les descriptions qui ont été faites alors de son expression radieuse et de son regard brûlant sont caractéristiques de l’usage d’opiacés, de même que les interminables monologues qu’il se plaisait à tenir. Il était très respecté des jeunes écrivains et des intellectuels de son époque. Au premier rang desquels Thomas De Quincey, fils d’un négociant et né en 1785 à Manchester. Le jeune homme, qui avait des ambitions littéraires, tenta à plusieurs reprises de rencontrer Coleridge. Pourtant, son intérêt à son égard ne venait pas seulement de leur goût commun pour l’écriture, la poésie et la philosophie, car déjà au moment de leur première rencontre en 1807, De Quincey avait commencé sa carrière d’usager d’opiacés.

Les aspects que revêtait à l’époque l’usage d’opium, avant l’institution des lois restrictives, ne sont pas sans intérêt pour nous. Pour Coleridge comme pour de Quincey il n’y avait en effet ni restriction, ni barrières légales à l’usage d’opium – pas plus d’ailleurs que de restriction d’ordre social ou médical. De Quincey parle des années 1804 à 1812 comme des années de “simple pratique” des opiacés. C’est en 1813 qu’une “irritation stomacale” fut selon-lui responsable de l’augmentation de ses doses quotidiennes de 340 grains d’opium à 8000 gouttes de Laudanum (« une formidable quantité », écrit A.H.Japp, le premier biographe de l’écrivain, bien que, ajoute-t-il, « nous savons que c’est à peine plus de la moitié que ce que prenait Coleridge à la même époque »). C’est durant toutes ces années, pendant lesquelles de Quincey a tenté de réduire sa tolérance croissante au produit, qu’il a mis en lumière en analysant les effets de l’Opium sur son corps, un syndrome de dépendance qui, à peu de chose près, correspond à ce que nous connaissons actuellement.

C’est au cours des années 1818-1819 que De Quincey s’est mis à utiliser couramment des doses croissantes de Laudanum. Une période féconde au cours de laquelle il commença de concevoir ses “Confessions” ; Sa capacité “onirique” était puissante et chaque fois qu’il “piquait du nez”, c’était pour tomber dans un état fertile de visions, de rêves et de fantasmes. : “Lorsque je suis étendu au lit”, écrit-il, “j’ai souvent l’impression d’avoir vécu un siècle en une seule nuit… la splendeur d’architectures de rêve… j’ai contemplé dans mes rêves les merveilles de cités et de palais que l’œil éveillé n’a jamais vues… çe furent des années embrumées dans la mélancolie de l’opium”.

C’est en retrouvant par la suite le contrôle de ses doses et de sa vie qu’il a pu connaître le succès littéraire. De Quincey a été le premier d’une longue lignée d’écrivains qui ont utilisé leurs expériences avec les drogues pour en faire le sujet de leur livre. Les “Confessions d’un opiomane anglais” ont été publiées en deux parties dans les “London Magazine” de septembre et Octobre 1821. À l’époque, ce genre de périodique connaissait une grande popularité chez les lecteurs qui y trouvaient des commentaires sophistiqués sur les événements contemporains, le débat intellectuel, ainsi que de la fiction et des articles d’opinion. C’est ainsi que les “Confessions” ont connu un vif succès et d’excellentes critiques. Ce qui permit à De Quincey de continuer à écrire pour ce genre de magazines et de devenir un personnage célèbre du Londres littéraire de l’époque. Les “Confessions” furent rééditées sous forme de livre en 1822.

Cette œuvre est fascinante, surtout du point de vue contemporain. De Quincey y décrit en effet son usage de l’opium dans un luxe de détails sensationnels, mais n’oublie pas de le replacer dans le contexte de sa vie, dans la mesure où il considère celle-ci comme la clé et l’explication de sa carrière d’opiomane. Pour la première fois, l’usage d’opiacés est ici considéré, non pas comme une simple habitude, mais comme le résultat du processus de toute une vie. C’est cette approche qui a conduit à la conception actuelle, psychologique, selon laquelle l’opiomanie est le résultat à la fois d’une éducation et d’un caractère individuel.

L’histoire de De Quincey, telle qu’il la raconte dans la première version des “confessions” nous narre comment il s’est enfui de l’école en 1802. Il a ensuite vagabondé à travers l’Angleterre et le Pays de Galles pour se retrouver à Londres. C’est là qu’avec de très maigres ressources financières et souvent en proie à la faim, il a végété, trouvant refuge où il pouvait. Et, comme de juste pour quelqu’un qui est obligé de vivre dans la rue, a naturellement rencontré de nombreuses prostituées de l’époque victorienne, dont une jeune femme de 18 ans nommée Ann. Il en tomba amoureux lorsqu’elle prit soin de lui alors qu’il s’évanouissait de faim. Puis, comme un ami de sa famille avait fini par le reconnaître et lui accorder son aide, il essaya de la retrouver mais dans les labyrinthe des rues de Londres, en vain… Dans les rêves qu’il devait faire plus tard, sous l’influence de l’Opium, De Quincey se revoyait souvent en train de chercher désespérément une jeune femme dans l’immense cité fantomatique aux rues interminables.

La deuxième partie du livre relate sa découverte de l’Opium. Après une maladie consistant en “d’insupportables douleurs rhumatismales” à la tête et au visage, un ami lui avait recommandé de l’opium. C’était par un triste et pluvieux dimanche après-midi de 1804, et le changement soudain opéré en lui par le produit fut une expérience extraordinaire. Pour le jeune homme de 19 ans qu’il était alors, le plaisir procuré par la drogue fut tout de suite fabuleux, tout comme le nouvel univers qui semblait s’ouvrir en lui. Un plaisir qu’il commença à répéter de plus en plus souvent au cours des mois qui suivirent. Il en prenait toutes les trois semaines, généralement le mardi ou le samedi soir, où il aimait à se rendre à l’opéra ou à vagabonder dans les rues illuminées grouillante d’un spectacle permanent.

Le titre du chapitre suivant des “Confessions” s’intitule : “Introduction aux souffrances de l’Opium”. Tout au long de la période allant de 1804 à 1812, Thomas de Quincey avait continué à user du produit, mais pas de façon continue. Une maladie survenue en 1813 le força à en prendre en plus grandes quantités, et de plus en plus fréquemment jusqu’à ce qu’à force de consommer quotidiennement, il se retrouve “accroché” pour la première fois. C’est alors qu’il expérimenta les effets d’un usage constant et à fortes doses. Il fit notamment l’expérience d’une sorte de continuité entre l’état de veille et le rêve – ce que nous appelons plus prosaïquement “planer” ou “piquer du nez”. En partie du fait des propriétés de l’opium et en partie à cause de sa nature de “rêveur”, il fit toute une série de longs rêves compliqués et effrayants. Ces rêves étaient accompagné de distorsion dans sa perception de l’espace-temps qui lui donnait l’impression d’avoir vécu un siècle en une seule nuit – sensation analysée plus tard par de nombreux auteurs contemporains comme l’américain W. Burroughs.

De notre point de vue moderne, on constate que ce que ce De Quincey était en train de découvrir, et ce sans idée culturelle préconçue sur la drogue, c’est l’expérience des opiacés telle que nous la connaissons actuellement. Il y a une comparaison intéressante à faire avec nos concepts et nos expériences de toxicos modernes. Pourtant, ce n’est que dans l’appendice ajouté à la version des “Confessions” de 1822 que De Quincey nous communique sa découverte la plus importante, car il y décrit un syndrome, c’est à dire une série de symptômes que nous appelons aujourd’hui “le manque”.

Pour qui ne sait pas à quoi s’attendre, l’expérience dite “normale” du monde est incapable de renseigner sur la dépendance physique causée par les opiacés et sur le malaise résultant de la cessation de leur usage. La dépendance aux opiacés est en effet un phénomène unique. Et le fait de dire, comme le fait De Quincey, que l’arrêt des opiacés est la cause du malaise physique aigu qui s’ensuit, est en soi une découverte qu’on ne trouve nulle part dans la littérature médicale du début du XIXème siècle. En fait, à cette époque, la médecine ignorait à peu près tout des opiacés, excepté qu’ils étaient (et qu’ils sont encore) les analgésiques les plus puissants. Aucun écrit médical des années 1820 ne fait en effet allusion à la dépendance ni au manque bien qu’un grand nombre d’individus aient eu alors l’habitude impérieuse d’en consommer quotidiennement.

Dans cet appendice à son livre, De Quincey montre avec des chiffres comment il a essayé entre le 24 juin et le 27 juillet de réduire ses doses, avec les rechutes, les descriptions détaillées des symptômes du manque : irritation, fringales, insomnie, éternuements, transpiration, agitations, douleurs articulaires, etc. C’est la première fois que les symptômes se trouvent ainsi énumérés et désignés en tant que tels.

C’est aussi la première fois, notamment lorsque De Quincey se désigne comme un “opiomane anglais”, qu’une auteur assume une identité d’usager, de “junky”, et situe sa pratique dans un contexte culturel et social donné. C’est bien en ce sens qu’on peut dire que De Quincey est le premier Junky des temps modernes.

À lire absolument.

  • Lire un extrait des “Confessions d’un mangeur d’opium anglais”

Extrait des “Confessions d’un mangeur d’opium anglais”

C’était un samedi après-midi, humide et sans joie ; et notre terre n’offre pas de spectacle plus triste que celui d’un dimanche de pluie dans Londres. Ma route de retour passait par Oxford Street et, près de “l’imposant panthéon” (comme M. Wordsworth l’a obligeamment appelé), je vis une boutique de pharmacien. Le pharmacien – inconscient ministre des plaisirs divins ! – comme en harmonie avec le pluvieux dimanche, avait l’air morne et stupide exactement comme on pouvait s’attendre que n’importe quel pharmacien d’ici-bas eût l’air un dimanche ; et, quand je lui demandai de la teinture d’opium, il m’en donna comme n’importe quel autre homme eût pu le faire ; bien plus, il me rendit sur mon shilling ce qui me parut être de réelles pièces de bronze, sorties d’un réel tiroir de bois. Néanmoins, en dépit de ces indices d’humanité, il est resté toujours dans mon esprit depuis lors comme la vision béatifique d’un pharmacien immortel envoyé ici-bas avec une mission particulière à mon adresse. Et ce qui me confirme dans cette manière de voir, c’est que, la première fois que je revins à Londres, je le cherchai aux abords de l’imposant Panthéon et ne le trouvai point : à moi qui ne connaissais pas son nom (si vraiment il en avait un) il semblait qu’il eût disparu d’Oxford Street plutôt que l’avoir quitté d’aucune façon corporelle. Le lecteur peut voir en lui, s’il y est enclin, un simple pharmacien sublunaire : il se peut ; mais ma foi à moi est plus grande : je crois qu’il s’est évanoui ou évaporé. Tant je répugne à associer aucun souvenir terrestre avec l’heure, le lieu et cette créature qui m’ont fait connaître pour la première fois la céleste drogue.

Extrait du livre « Les confessions d’un mangeur d’opium anglais » Thomas De Quincey – Coll “L’Imaginaire” C/° Gallimard.

  • A lire aussi sur ce site l’article Thomas De Quincey : le premier junky moderne.

Antonin Artaud

Né en 1896 d’un père armateur à Marseille, Antonin Artaud commence à écrire à l’age de 18 ans. Il rejoint le créateur du mouvement surréaliste, A. Breton, en 1924. Participeront à ce mouvement des gens comme Desnos, Tzara, Soupault, Vitrac, pour ne citer qu’eux. Très vite Artaud se sépare du groupe, n’étant plus d’accord sur le sens du mouvement surréaliste.

Pour gagner sa vie il sera comédien dans de nombreux films, tels que le rôle du moine dans le «Jeanne d’Arc» de Dreyer, Gringalet dans le «Juif Errant», Marat dans le «Napoléon» d’A. Gance, un des soldats dans les «Croix de Bois», l’intellectuel dans le film «Verdun» d’après une nouvelle de Romain Rolland, il jouera également dans «l’Argent» de M. L’Herbier, «l’Opéra de Quatre Sous» de Pabst, Savanarole dans le film «Lucrèce Borghia» d’A. Gance, Hornis dans «Mater Dolorosa» de Gance, le rôle de l’ange dans «Liliom» de F. Lang, et «Faits divers» de C.A. Lara;

Il créera le théâtre d’Alfred Jarry avec R. Vitrac et montera la pièce «Ubu Roi»; il écrira une pièce, «les Cenci» qui est un flop total (pièce d’avant-garde et complètement révolutionnaire à l’époque). II rédige de nombreux écrits sur le théâtre et une nouvelle approche de la mise en scène; ses grands succès littéraires furent «l’héliogabale», «le pèse nerf», «l’Ombilic des limbes», l’adaptation pour le cinéma du «Moine» de Lewis, qui ne fut jamais tourné. Il sera un des premiers écrivains à se tourner vers les cultures orientales et proposera une thèse sur les danses balinaises. Écrivain, poète, comédien, acteur, metteur en scène Artaud peut être considéré comme un nouveau philosophe des années 1930. Malheureusement son génie prémonitoire sur le sens des réalités ne va pas lui faire découvrir un avenir heureux.

Comme le dira un médecin qui s’occupait de lui :«Artaud est entré dans la drogue, comme il est entré dans la douleur». Atteint d’une méningite très jeune, Artaud fut obligé de prendre des produits opioïdes, comme il était en usage par les médecins de ce temps pour soulager les douleurs. On lui prescrivit du Laudanum très tôt (le laudanum est une teinture d’opium).Il ne s’arrêtera jamais de prendre des produits morphiniques jusqu’à la fin se sa vie.

Au Mexique, où il était parti en mission plus ou moins officielle de la part du gouvernement français, chargé des relations culturelles, il rencontrera toute la nomenclatura mexicaine, jusqu’au président; il en reviendra porteur d’une nouvelle étude sur le peuple mexicain, «Voyage aux Pays des Taharumas» et «Messages Révolutionnaires”. Artaud avait profité de ce voyage pour décrocher des opiacés, et découvrir au travers des grands prêtres mexicains, une nouvelle drogue à laquelle il est initié, le Peyotl.

Dés son retour en Europe il décide de partir en Irlande, il en revient en camisole de force Le Long calvaire de son internement psychiatrique commence. Il y rentre en 1937 et en ressort en 1946.

Tout le mouvement intellectuel de cette époque essaie de le réhabiliter, on crie au scandale mais Artaud restera 7 ans à l’HP de Rodez.

En 1946, juste après sa sortie, on lui décerne le prix Ste Beuve pour son ouvrage sur «Van Gogh ou le suicidé de la société».

Ses amis les plus proches sont là, comme Gide, Breton, Barrault, Blin, comme pour se faire pardonner de l’avoir abandonné à ce triste sort. Seul, Adamov, Cuny, Desnos ont essayé de faire quelque chose pour lui quand il fut interné, ainsi que quelques femmes occultes comme la comédienne Genica Anathassiou (Artaud était assez misogyne, il voyait dans de la femme tous les maux de la terre).

Mais c’est un homme à moitié mort, foudroyé par le système, qui s’éteint à 52 ans dans une chambre de l’hôpital d’Ivry.

Je cite quelques textes pour que le public le découvre:

  • Van Gogh ou le suicidé de la société
  • Pour en finir avec le jugement de Dieu
  • Les lettres de Rodez et toutes ces correspondances;

L’œuvre d’Artaud dépasse les 23 Tomes qui sont tous édités chez Gallimard le successeur de la nouvelle revue française. (à lire ou à relire impérativement).

Lettre d’ Antonin Artaud à la Sûreté Générale sur la liquidation de l’opium

J’ai l’intention non dissimulée d’épuiser la question afin qu’on nous foute la paix une fois pour toutes avec les soi-disant dangers de la drogue. Mon point de vue est nettement anti-social. Or ce danger est faux. Nous sommes nés pourris dans le corps et dans l’âme, nous sommes congénitalement inadaptés; supprimez l’opium, vous ne supprimerez pas le besoin de crime, les cancers de l âme et du corps.

Vous n’empêcherez pas qu’il y ait des âmes destinées au poison, quel qu’il soit, poison de la morphine, poison de la lecture, poison de l’isolement, poison de l’onanisme, poison de l’anti-sociabilité. Supprimez leur le moyen de folie, elles en inventeront dix mille autres.

Elles créeront des moyens plus subtils, plus furieux, des moyens plus désespérés. La nature, elle même est anti-sociale Laissons se perdre les perdus, nous avons mieux à faire qu’a occuper notre temps à une régénération impossible et de plus, inutile, odieuse et nuisible. De plus les perdus sont par nature perdus. Il y a un déterminisme inné, il y a une incurabilité indiscutable du suicide, du crime, de l’idiotie, de la folie, il y a un cocuage invincible de l’homme, il y a une friabilité du caractère, il y a un chatiage de l’esprit.

L’enfer est déjà de ce monde. Peu importe les moyens de la perte, cela ne regarde pas la société Pour ceux qui n’osent regarder la vérité en face, on sait n’est-ce pas, les résultats de la suppression de l’alcool aux États-Unis : une super production de folie : la bière au régime de l’ éther, l’alcool bardé de cocaïne que l’on vend clandestinement. Bref la loi du fruit défendu, de même que pour l’opium. L’interdiction qui multiplie la curiosité de la drogue n’a jusqu’ici profité qu’aux souteneurs de la médecine, du journalisme, de la littérature… Ah, que le cordon ombilical de la morale est chez eux bien noué. Ce sont des apôtres. On peut seulement se demander où ils puisent leur indignation et surtout combien ils ont palpé pour ce faire et en tout cas ce que ça leur a rapporté.

En réalité, cette fureur contre les toxiques, et les lois sur les stupéfiants qui s’en suivent :

premièrement : est inopérante contre le besoin du toxique, qui, assouvi ou inassouvi, est inné à l’âme, et l’induirait à des gestes résolument anti-sociaux, même si le toxique n’existait pas.

deuxièmement : Exaspère le besoin social du toxique, et le change en un vice secret.

troisièmement : Nuit à la véritable maladie, car c’est la vraie question, le nœud vital, le point dangereux. Malheureusement pour la médecine, la maladie existe. Plutôt la peste que la morphine hurle la médecine officielle, plutôt l’enfer que la vie.

Suicidez-vous désespérés, et vous, torturés du corps et de l’âme, perdez tout espoir…. Le monde vit de vos charniers Vous êtes hors la vie, vous êtes au dessus de la vie, vous avez des maux que l’homme ordinaire ne connaît pas, vous dépassez le niveau normal et c’est de quoi les hommes vous tiennent rigueur…. Vous avez des douleurs répétées, des douleurs insolubles, des douleurs non pensées, des douleurs qui ne sont ni dans l’âme ni dans le corps, mais qui tiennent de tous les deux. Et moi je participe à vos maux et je vous le demande: qui oserait nous mesurer le calmant? Au nom de quelle clarté supérieure?Nous que la douleur a fait voyager dans notre âme à la recherche de la stabilité dans le mal comme dans le bien. Nous ne sommes pas fous, nous sommes de merveilleux médecins, nous connaissons les dosages de l’âme, de la sensibilité, de la moelle de la pensée…Nous ne demandons aux hommes que le soulagement de nos maux. Nous avons bien évalué notre vie, nous savons ce qu’elle comporte de restrictions en face des autres, et surtout en face de nous mêmes.. Nous savons à quel avachissement consenti, à quel renoncement de nous mêmes, à quelles paralysies de subtilité de notre mal qui chaque jour nous oblige.. Nous ne nous suicidons pas tout de suite. En attendant qu’on nous foute la paix.

Antonin Artaud, le 1er Janvier 1925

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