Daniel Darc – Brother Under the Bridge

Il y a quatre ans, en rejoignant la rédaction d’Asud, j’avais évoqué avec Daniel l’idée d’une interview pour le magazine. L’idée lui plaisait forcément. Nous n’avons pas eu le temps… la vie est dégueulasse…
Oui, souvent, quand même !

Taxi Girl, Cherchez le garçon / Viviane Vog tranche ses veines sur scène / l’aura noire du groupe / Paris 1984 Belle Année… / La came, les excès, les années 90 et puis en 2004, le retour en grâce avec l’album « Révélation de l’année » : Crève Cœur et puis Amour Suprême. Jusqu’à ce jeudi 28 février 2015…

L’histoire est connue, je n’y reviens pas, il y aura des bio bien définitives pour raconter ça mieux que moi. Moi, je ne peux pas, tout simplement. Derrière cette histoire-ci, il y en a tant d’autres qui ont fait de Daniel un personnage de roman urbain, une sorte de légende souterraine. Et le plus beau, c’est que toutes sont vraies bien sûr !

La gorge nouée, je relis le dernier paragraphe du chapitre que je lui consacrais en 2010 dans mon Rebelles du rock :

« Alors bien sûr, on peut insister sur la fragilité, sur le désespoir, sur les ombres qui “pèsent et écartèlent” Daniel. Pour ma part, je préfère retenir quelque chose qui a à voir avec le refus de céder, avec la force. On ne sur-vit pas ainsi à frôler toutes sortes de misères et de précipices sans être dur comme de l’acier. Quitte à vous foutre les jetons, je crains que Daniel ne soit pas rédimé. Pas comme certains aimeraient le croire. À 50 ans, c’est encore et plus que jamais un insoumis. Même s’il semble plus en paix avec lui-même ou plutôt justement parce qu’il est plus en paix avec lui-même. Ce qui donne souvent l’envie d’être en guerre avec les saloperies que ce monde génère. Le Don des larmes semble-t-il lui a été accordé. Mais pour le reste, ni regret, ni remords. Dans cette époque cynique ça fait du bien de savoir que Daniel is alive well et livin’ in Paris. »

Inflexible, Daniel ne s’est jamais plaint. Il a toujours consenti à payer le prix de cette vie qu’il s’était choisie d’une certaine façon. Tout ça, et bien plus, faisait de lui un être rare, hors norme, un passager comme on en croise peu. Alors au diable le « suicidé », le « clodo céleste » à la Bukowski, « l’effondré », « le dévasté », Daniel tenait droit dans ses bottes le regard dur et lointain. Un détachement frappant. Tout le reste est lit-thé-ratures.

Rien ne sert à rien… Il l’avait compris : la vie est irrémédiable, elle nous tue un à un. S’il flirta avec la mort, c’est parce qu’il aimait intensément la vie, qu’elle n’allait sans doute pas assez vite et fort pour lui… Alors il l’accélérait, la redressait. Oui, il défia la mort, avec ce mélange d’intelligence suprême et de stupidité consentie, parce qu’il connaissait l’issue. Il la défia droit dans les yeux. Il la défiait autant qu’il s’en défiait et qu’il s’en méfiait. Finalement débarrassé de toute fascination. Serein ? Presque !

On le trouvait insaisissable. Moi, je le trouvais, et je le trouve toujours, saisissant. Saisissant tout au passage. Saisissant aussi par sa force, par son charme, par sa façon d’en jouer et d’enjouer, par son attention aiguë et son regard sur les autres, sur la vie, par ses contradictions, par une infidélité paradoxale, par ses conneries, des plus fameuses aux moins glorieuses, par cette nécessité de se saborder, par son ironie et puis par son rire, ah son rire ! …

Être à la fois infiniment plus profond, complexe qu’il n’y semble, aux contradictions parfois trompeuses, il était doté surtout d’une vie intérieure intense. Le cheminement spirituel qu’il a accompli, après de nombreux détours, l’a amené à se convertir au protestantisme. Il s’y est engagé comme toujours radicalement, avec une soif de comprendre et de connaître inextinguible. Daniel vivait tout comme une Quête. La dope incluse. Une quête d’amour au sens humain et christique. Daniel me disait un jour « Il faut ménager le truc sinon tu ne tiens pas longtemps » … Il a tenu la Foi chevillée au corps et à l’âme. Bien au-delà de nombreuses prédictions. Pas autant que je l’espérais…

I went to see the Gypsy

« Le jour se lève sur Paris comme il se lève dans une petite ville du Minnesota et par­tout ailleurs mais pas au même moment. Preuve que le monde continue bien de tourner comme si de rien n’était et il n’y a aucune raison pour que ça cesse ou change tant qu’on ne lui aura pas fait fermer sa sale petite gueule ! »

Sesa

J’ai été voir la diseuse de bonne aven­ture du côté de Château-Rouge. Elle a sa roulotte quelque part der­rière, dans une ruelle mystérieuse, intermittente au gré des saisons. La cara­vane est encombrée de toutes sortes d’ob­jets plus ou moins divinatoires. Sur un guéridon traîne Le Tarot des Bohémiens. La vieille me fait signe que ce n’est pas pour moi. Ensuite, elle me demande de tendre la main grande ouverte. Elle a lu dans le creux, m’a fixé d’un regard froid et humide pareil à une lame couverte de sang. Et puis, sans mot dire, elle a posé ses vielles mains douces sur les miennes. J’ai voulu parler mais elle s’est soudain volatilisée, là, sous mes yeux… Envolée la chiromancienne, envolée sa roulotte et la rue avec ! Je me suis retrouvé un peu sonné rue Poulet devant l’escalator du métro. Un Africain distribuait des flyers pour une consultation chez le marabout du coin. Non merci, j’ai déjà donné !

D’ici, je suis condamné à descendre le boulevard Barbès avec ses grappes de dealers vissés les uns à côté des autres au pavé, occupés à faire la retape, chacun tenant férocement un étroit territoire. Ils sont comme des bornes jalonnant le trajet jusqu’au métro, histoire qu’on se perde pas sans doute, mais des bornes un peu spéciales, qui te hèlent mécham­ment quand elles n’ont tout simplement pas le pouvoir de se déplacer et de venir t’alpaguer. J’y coupe pas ! Pas moyen de faire 5 mètres sans que l’un de ces mecs ne se colle à moi « Sub ! Sub ! » Insis­tants ! Faut croire qu’ils ont l’œil et du flair. Marchant derrière moi, l’un d’entre eux me glisse : « Haschich ! Haschich ! » Je me retourne, connement, il me mate une seconde et là, direct, il fait : « … Sub ? » Autrefois, ça m’aurait fait rire – sous cape – mais c’est pas le jour, et puis pas question de baisser la garde, faut tracer sans laisser la possibilité à l’un ou l’autre de croiser ton regard pour te refiler sa merde. C’est la règle ici sans quoi, pris dans la nasse, c’est foutu, direction une ruelle, bien réelle, derrière le boulevard et là au mieux, tu te retrouves avec une tablette surnuméraire que tu n’auras pas la bêtise de refuser d’acheter, même si la prescription de ton toubib t’en dispense. Et ça, c’est dans le meilleur des cas, parce que ça peut tout aussi bien dégénérer, tu finis dépouillé et pas forcément sans avoir été un peu amoché, pour la beauté du geste je suppose. La seule solution consiste à avancer sans réagir aux solli­citations. Des travaux étrécissent le trot­toir. Ce qui complique la manœuvre. J’en ai vite ma claque de foncer comme on rase les murs. Je prends la chaussée. Les bagnoles me frôlent, je m’en fous, autant courir le risque c’est de toute façon plus safe que d’évoluer au milieu de la faune.

Passé le métro aérien, le climat change brusquement. Le boulevard Magenta a quelque chose de plus pacifié du moins en façade, ce qui me convient assez, même si les deals ne manquent pas ici non plus. Et c’est pas d’hier. Willy De Ville s’en est souvenu en intitulant son second album Magenta. Une vieille femme voûtée aux allures de chaman indien avec ses che­veux filandreux couleur de cendre danse sur la piste cyclable contiguë au trottoir. Visage raviné, osseux. Ses fringues et son jean crasseux semblent vides de tout corps, on dirait qu’elle a des os fantômes. Mais je ne vois pas sa roulotte…

Nelson Mandela est mort hier soir. J’ai vu les images cette nuit de gens dansant dans les rues de Pretoria. C’était inat­tendu.  Mais le message est clair. Trou­ver la force de dépasser tout, non en éri­geant un mur entre le monde et soi mais en s’efforçant de l’embrasser sans céder. Sans céder à l’auto-apitoiement. Nous sommes ici ou là, le vent porte les uns, les autres ont leurs missions plus ou moins confidentielles et utiles, oui mais pour combien de temps ?

Une journée de plus aux portes du néant. C’est jour de solde. Tout doit disparaître !

Pierre Ouin et ASUD vous présentent : Courrier Toxique

H. conduit un bus à Londres où la drogue circule dans les 2 étages. Consommateur lui-même, il ferme les yeux, enfin pas trop…

F. est spécialisé dans le braquage de « particuliers bourrés de coco ». Le comble : ces messieurs/dames ont porté plainte et F. finit en taule.

D. fait la tournée des pharmacies du Var pour se procurer du Néo. Dans ses bons jours, il récolte quinze à vingt boites, consommées illico.

R. nous dit comment une cure d’Interféron® l’a conduit à placer le canon d’un 22 long rifle sur son cœur. Cinq petits cm de déviation d’impact lui permettent aujourd’hui de raconter son histoire.

D. adepte du « divin cannabis » et puis L. « dans son fameux taxi hollandais » qui l’a conduit directement à la douane.

J. lui va chercher de l’ibogaïne chez les sorciers Bwiti de la forêt congolaise.

F. encore, ce « retraité de l’arbalète » qui évoque le Golf Drouot des années 70, ces années de plomb qui changèrent l’or en poudre blanche.

S. qui demande, qui nous demande, combien de temps elle pourra tenir entre quatre murs.

Et puis d’autres encore, des lettres de taulards et de taulardes comme Y., jugé aux Assises pour avoir laissé sa copine se faire un shoot de curare…

ASUD 27 Ouin Bloodi Beuh outdoorVoilà un florilège de la nourriture de base du journal d’ASUD. Nous en publions des extraits dans le courrier des lecteurs. Mais, l’essentiel dort à l’abri d’un classeur poussiéreux au fond du local.

Un après-midi d’automne ou peut-être un matin d’hiver, Pierre Ouin, passe nous saluer comme souvent. Ce jour là, le papa de Bloodi me demande de potasser le fameux classeur. Un an plus tard, il en sort ce petit livre en forme d’hommage. Hommage aux oubliés de la guerre contre la drogue, les petits, les sans-grades, car comme je l’ai souvent répété la guerre à la drogue a, comme toutes les guerres, ses morts ses blessés et ses disparus.

Un siècle de guerre contre les drogués

ASUD 27 Ouin Royal tarpéEn 1916, Antonin Artaud écrivait dans sa célèbre lettre à Mr le législateur : « les toxicomanes ont sur la société un droit imprescriptible qui est celui qu’on leur foute la paix ».

Malheureusement, presque un siècle plus tard, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas été entendu. L’enfer des bonnes intentions s’est abattu sur les consommateurs de substances illicites. Traqués par la police, exploités par les dealers, décimés par les différents virus que la prohibition des seringues a diffusés, les usagés de la drogue occupent par millions (oui par millions !) les prisons de notre planète. La guerre à la drogue n’est pas un vain mot. C’est bien une véritable guerre qui est livrée non pas contre La drogue, les molécules chimiques étant par nature difficiles à menotter, ni même contre les trafiquants, mais contre le petit peuple des drogués qui pourrissent dans tous les coins craignos de nos cités.

ASUD 27 Ouin CimetièreLes morts, les blessés et les disparus, donc. Les morts et les blessés, je viens de les évoquer. Les disparus sont par définition des oubliés. Arrêtons-nous quelques instants sur ceux dont on ignore absolument le devenir parce que brusquement, la prison, la désintoxication ou la fuite ont interrompu votre relation, qu’elle soit affective, amicale, sexuelle ou les trois à la fois. Ces ruptures sont fréquentes, presque banales dans l’univers que la répression nous impose. Un jour… Plus rien… Même pas de vagues rumeurs, non,…rien !…Il y a aussi ceux dont on décide sciemment de ne plus avoir de nouvelles, par peur d’être renseigné …Définitivement.

Voilà encore une raison pour le journal des drogués heureux de faire parler La Drogue à la première personne du singulier. Nous recevons des lettres écrites simplement, pour extérioriser un vécu inénarrable, pour poser un moment le fardeau d’un quotidien un peu encombrant. C’est peut être la fonction primordiale d’une association comme la nôtre, permettre à la grande majorité des consommateurs qui ne se vivent ni comme des aventuriers, ni des rebelles et encore moins des délinquants, de poser leur sac dans la banalité d’une causerie de comptoir.

L’humour est politesse du désespoir

ASUD 27 Ouin Bloodi shoote sur des seringuesPour naviguer dans l’étroit goulet qui sépare l’exhibitionnisme du pittoresque, une solution existe, c’est le rire.

C’est le rire qui nous fait adorer Bloodi, qui pourtant n’est qu’un punk vivant dans une poubelle avec un rat. Le rire est l’arme du pauvre. Il. nous sert de cache-sexe pour exposer notre quotidien de Martien. Le rire est une valeur commune du journal d’Asud et de l’univers de Pierre Ouin, parce que le rire est une forme de pudeur. Il permet d’échapper à l’œil du voyeur, effrayé par l’éclat insolent de la caricature.

Quelqu’un a dit : « l’humour est la politesse du désespoir ». Il avait compris que dans son énormité, le malheur est horriblement grossier. Il s’empare sans ménagement de nos petits égoïsmes sans se soucier de l’habituelle culpabilité qui accompagne l’énoncé de la misère d’autrui. Pour éviter ça, rien de mieux qu’une tarte à la crème !

Alors bonne lecture, le rire permet à votre cerveau de fabriquer des particules chimiques voisines de la structure moléculaire des produits opiacés et jusqu’à présent le rire est encore légal…Quoiqu’à bien y réfléchir, ne laissez pas traîner ce bouquin, on ne sait jamais.

ASUD 27 Oin Bloodi part hips

Courrier des lecteurs (hiver 1996)

Salut à tous,

Je commencerai par de banales mais sincères félicitations pour votre travail. Je peux imaginer sans peine les difficultés que vous devez rencontrer pour avoir osé vous attaquer à un sujet aussi sensible. Sensible et convoité, car « le gâteau » que représente la dope est sous la coupe d’une poignée de « spécialistes » autoproclamés, incompétents notoires, qui n’apprécient certainement pas de devoir y découper une part supplémentaire, ceci se faisant obligatoirement à leur détriment. Tous ces « Olivenstein » et autres « Curtet » prennent certainement votre action comme une atteinte à leur toute puissance ainsi qu’a leur porte-feuille.

Votre journal m’est apparu à un des moments les plus noirs de mon existence, dans la salle d’attente de l’éducateur que je venais solliciter pour obtenir la méthadone, il y a environ un an. Votre militantisme m’a emballé, m’a redonné un peu de courage, et j’aurais voulu vous contacter, mais j’étais bien trop mal pour faire quoi que ce soit à ce moment là, et l’obtention de la substitution mobilisait le peu de temps que me laissait la dope. En vain. Quatre mois plus tard, j’étais toujours en galère, et ce que je craignais est arrivé : la taule. Pas la peine de détailler, vous connaissez l’histoire.

Une vingtaine de jours plus tard, quand j’ai eu peu repris mes esprits, j’ai cherché du soutien auprès de l’antenne toxico de la prison, qui m’ont dit à peu de choses près de ne surtout pas hésiter à les solliciter si je n’avais besoin de rien. Je leur ai demandé de me procurer à défaut d’autre chose quelques exemplaires de votre magazine mais même ça je n’y ai pas eu droit. Apparemment, vous êtes tricard. Dans un pays qui se prétend le garant des droits de l’homme, qui se permet de donner des leçons au reste du globe, nos animaux domestiques ont droit à bien plus de respect que la gente toxicomaniaque, l’espèce la plus méprisée de notre territoire.

Des décennies d’échecs à tous les niveaux, mais jamais de remise en question. Le discours, c’est pas que leur politique est à revoir, c’est les toxicos qui doivent changer. Que ce soient les politiciens ou les « intervenants » en toxicomanie, l’incapacité dont ils ont largement fait la preuve est criminelle, et nulle part on n’évoque la détresse, la souffrance. Elle est pourtant présente au quotidien du dépendant et l’immense majorité des médecins nous a cependant exclus du fameux serment d’Hippocrate. Cette situation est intolérable, et seuls les toxicos pourraient défendre leurs droits. Personne ne le fera pour eux. J’en ai marre d’être traité comme de la merde, marre du mépris, et seules des actions comme celle de votre magazine pourront faire évoluer les choses. Je vous remercie d’exister et je suis à votre disposition, dans la mesure de mes moyens, pour collaborer à votre combat.

À bientôt j’espère.

Nicolas

Bonjour,

Je vous écris cette lettre parce que j’ai vraiment un truc à dire à tous les junks. Junk moi-même depuis 25 ans, ça fait deux ans que j’suis à la métha et tout va bien pour moi, merci. Par contre, ma copine, mon amie de toujours, ma compagne de shoot vient de se faire gober par un étrange animal : Narcotiques Anonymes. Je voudrais dire, crier à tous les junks de france et de Navarre de faire hyper gaffe quand ils entendent ces deux mots : Narco Ano.

Ma chère copine que j’aime, Babette, était pas vraiment accro : 2 ou 3 jours de spleen lui suffisaient pour récupérer la pleine forme physique. Hélas, son chemin a croisé une de ces Narco Ano. « Viens à nos réunions, viens voir ! » Elle est allée, puis retournée. C’était il y a trois mois. Au bout de 3 mois de réunion midi et soir, ma copine n’est plus qu’une zombie, un robot, une ombre : elle ne pense qu’a travers les Narco Anonymes.

Il faut dire que leur soi-disant méthode pour oublier la dope peut laisser perplexe : Il faut croire en Dieu. C’est Dieu qui te sauve, en te donnant une douzaine de commandements. Chez les Narco, t’es qu’un sale putain de dépendant, et pour pas l’oublier il faut le dire à chaque réunion ; « Je me présente, Donald, dépendant ». Il y a des mecs là-bas, ça fait six ans qu’ils ont arrêtés mais ils se présentent toujours comme dépendants. Ma copine ne veut plus me voir car je ne suis qu’un drogué à la méthadone et « je ferais mieux de tout arrêter tout de suite ». Vous êtes donc astreint à faire votre mea culpa tous les jours, midi et soir.

Bonjour le bourrage de crâne, obéir à leur douze commandements « je suis un pêcheur, je crois en Dieu », « je me soumets au traitement des Narco », « je ne mens jamais », etc. Moi qui me suis déjà fait baisé par une secte il y a dix ans, j’y retrouve tous les ingrédients. Alors, je dis à tous les junks de bon sens : « Faites gaffe » à ces gens pleins d’amour et super compréhensifs de Narco Ano. En un rien de temps, ils vous lavent le cerveau, dans quel but, je ne sais pas. Tout ce que je peux en dire, c’est que c’est craignes à mort et si je vois un seul de ces zombies dans mon centre de métha je lui latte la gueule de suite.

Merci de me publier, surtout pour les autres.

Jean-Luc

JUNKIE BARBE QUI ?

Junkie qui jeûne
décroche à la méthadone.
Le toxico n’a plus de pedo,
le temgésic sera sa future musique.
Accro, accro, et pas qu’à l’héro,
vive la substitution,
qui est le reflet de l’illusion.
Dépendant de ton médecin,
ton dealer c’est le pharmacien,
et toi toujours aussi arnaqueur.
Il y a longtemps que ton cœur
est une boite de néocodion.
La came a remplacé ta raison.
Je sais que tu ne veux pas arrêter,
tu veux mélanger les produits
et profiter de cette défonce
pharmaceutique, de cette dope merdique.

Saïdem

Salut les potes.

Si je prends la plume c’est juste parce que j’ai repris l’habitude d’écrire pendant les 14 derniers mois que j’ai passé au club med des Baumettes. Ça n’était rien de grave, juste un petit cambriolage, et vol = mobilier, appareils photo, caméscopes… = brozoufs = came, ça tombe sous le sens. Bon.

Donc, 14 mois de sport, business, boston et miouzik. Cette dernière activité j’ai eu la chance de la pratiquer car l’assistante sociale qui s’occupait de moi était mélomane et a bien apprécié que je lui joue la sérénade 3 après-midi par semaine. En plus, elle était bonne (l’assistante, pas la sérénade). Mais je m’épanche un peu, là.

J’ai découvert ASUD par le biais d’une copine qui a récemment perdu son mec (because AIDS, œuf corse) et qui est bénévole depuis pas mal de temps. Pour ma part, fervent consommateur de poudre depuis 12 ans (j’en ai 28) de shit, d’herbe (de mon jardin s.v.p.) et de champipi, champipi, de champignons de « Paris » quand c’est la saison, j’ai eu la chance de passer au travers de toutes les infections virales et autres hépatites. Ouf ! J’apprécie énormément votre journal et j’adhère à fond à vos idées. Bien sûr, j’ai les miennes aussi, mais je les garde pour la prochaine lettre.

Le but de la présente est, en fait, une demande. Si vous pouviez m’envoyer les plans du vaporisateur d’herbe (ou de shit) dont vous parlez dans votre journal du printemps… ce serait très très cool. Je joins une enveloppe timbrée à cet effet. Merci les gars. S’il vous prenait la fantaisie de publier cette lettre, sachez que je ne vous en tiendrai pas rigueur. Ouala, c’est à peu près tout.

Ah, ouais j’allais oublier, je fabrique artisanalement des bongs (bhangs) de toutes tailles pour déco ou usage perso, c’est selon. N’hésitez pas, écrivez, donnez-moi les mensurations de l’objet de vos désirs et j’exaucerai. Je pense qu’il est inutile de préciser que je n’utilise que du bambou et, bien entendu, les prix sont très modiques (100/150 baluches). Bon. Fin de la coupure pub, je vous remercie encore et dés que je touche un peu de francs (un bong ou le chomage), je m’abonne, c’est promis.

Katia, ma copine vous fait de grosses bises (elle est très câline), quant à moi je me contente de vous en serrer cinq en vous disant à bientôt, au plaisir de vous lire.

Marc

Si vous désirez contacter Marc, écrivez au iournal, on fait suivre.

Je rêvais d’être pompiste

Je rêvais d’être pompiste, je finis RMIste
Avec mon âme d’artiste, je persiste
Insertion, Exclusion, Expulsion
Y’a pas vraiment que du bon.
Administration, tu rentres avec un carton
Tu ressors avec un jeton.
Secours Catholique, on appelle les flics
Secours populaire, mieux vaut me taire
Resto du Cœur, c’est juste pour ma petite sœur
Y’en a vraiment marre, je prends une arme,
Merde ! un gendarme.
Prison, j’ai fini de tourner en rond.
Je rêvais simplement d’être pompiste…

Gaby

Chers Amis d’ASUD,

J’ai croisé Mr Quotidien, lors d’un voyage de routine, lequel côtoyait Mme Habitude, fidèles à la vie à la mort. D’un rouleau de p-cul à un rouleau de papier, il n’y a qu’un pas, des tubes cathodiques aux tubes à insuline, il me fallut un autre pas (aux trépas…), bien-sûr, je les ai franchis, les deux pieds joints (joints…).

Finies ces heures giratoires à l’emploi du temps du tant et temps, terminé ce no man’s land iournalier et autre Républicain Lorrain, j’avais trouvé l’intemporel, la belle kafkaïenne au pays des merveilles de fixette ! Sans parler de la sœurette au visage si pale. La mariée était en blanc, vêtue de ses plus beaux cristaux, j’avais toujours sur moi l’appareil et son flash automatique, vous me suivez ?

Et ça fait presque 10 ans que je ne fréquente plus Mr Quotidien et Mme Habitude, non maintenant, mes meilleurs amis sont ce charmant couple, vous connaissez sûrement, Mr Débit et Mme Galère. Je dois avouer qu’on s’entend bien et cette fois, je crois pouvoir dire que c’est à la vie à la mort ; Et on continue à penser que les T.O.X* ne sont ni fiables ni fidèles, non-non, ce n’est qu’une métaphore.

Et si on arrètait l’auto-flagellation, la masturbation intelectuelle de nos neurones en voie de disparition. Vous savez, ce qui me chagrine le plus en ce bas monde, ce sont l’augmentation des prix, le pouvoir d’achat en continuelle baisse, c’est l’abatage répressionniste, la concurrence déloyale, la quantité au profit de la qualité et j’en passe et des pires et tutti-quanti. Et ces putains d’enculés des deux côtés de la barrière, oh pardon ma langue a fourché. Et sorry pour tous les terriens omosapiens en mal de vivre mais j’aime faire l’amour et parfois ça fais mal et j’aime la dope et parfois et je ne fais de mal qu’à moi-même. Je suis une consommatrice en puissance, parmi tant d’autres et personne ne me dit rien quand ça engraisse la corruption de sa mémère et de son pépère.

Vous savez, quand j’étais gosse, j’avais des crises de foie à cause des bananes. Le docteur me disait, ralentie ça ira mieux. Aujourd’hui 20 néocodions attaquent plus mon foie qu’un pet et le docteur me dit, prend de la viscèralgine forte et du lexomil mais surtout, arrêtes tes un ou deux sniffs (ou pets) par jour et j’attends patiemment qu’il termine son ordonnance par un « ça ira mieux ». I like it, my dear.

Et essayons d’être un peu positif… Je vous laisse, ça va mieux.

* = terrain à oxygène xénophobe

Bisous.

Sophie

Courrier des lecteurs (automne 1995)

Éventuel plaidoyer d’un toxicomane.

Si j’avais une requête à formuler, de l’ordre du détail, ce serait celle-ci :

Quitte à vendre des stéribox (ce qui en soit est déjà bien) il faudrait que ceux-ci soient complets ; à savoir en sus des seringues fournies y ajouter du coton hydrophile, de l’acide citrique (remplaçant ainsi le « vieux » citron pas toujours très frais…), une capsule stérile en guise de cuillère, sachant que la « toujours vieille cuillère n’est-elle pas toujours très fraîche » par souci de récupération on laisse volontiers y sécher le dépôt pour un jour, éventuellement s’en servir en cas de pénurie. C’est ici un raclage de fonds de cuillères truffés de bactéries et autres microbes (veuillez excuser ici mon manque de connaissance scientifique et par la même excuser de rentrer dans une sorte de détail technique cru et sordide). Mais je crois le sujet suffisamment grave pour faire fi des usages et bonne manières.

Des esprits réfractaires ou même d’autres, ceux là bien pensants, pourraient alors me rétorquer :

Et puis quoi encore ? « Monsieur » ne voudrait-il pas d’une infirmière pour lui faire son shoot ?

Et bien si justement, cela éviterait bien des accidents et autres infections tous les deux plus dangereux l’un que l’autre.

Et surtout, en guise de conclusion, s’il fallait pour se shooter se rendre dans un quelconque établissement hospitalier, l’adolescent que j’étais alors aurait, certainement, trouvé ça bien amer, moins grisant (car dans ce contexte ça l’est) que d’aller chiner en képa à 20 keus rue Ramponneau ou dans n’importe quels bas fonds qui restent encore à Paris, à 5h du mat, à la sortie d’une boîte, déjà un peu éméché, avec tout le « parfum d’aventure » que cela implique (à savoir dealers, flics, bref… dangers). Pour moi, en tous cas ce n’eut pas été, mais alors pour le coup, nullement excitant, que de me rendre tel un malade dans un endroit aseptisé en toute sécurité me faire administrer de l’héroïne…

Qu’adviendrait-il alors, de ma révolte de « jeune con révolutionnaire » que je traduisais de façon flagrante par ce geste : le shoot, le suprême interdit, dangereux de surcroît, quelle « émotion », quelle « bravoure » au sens premier du terme, c’est à dire brave, se mesurer à un si grand danger. Je suis absolument convaincu que j’eusse alors préféré exprimer ma révolte (quasi viscérale quand on a 17 ans !) en détruisant je ne sais quelle cabine téléphonique publique, arrêt de bus ou autre symbole de cette société tant haïe, encore une fois, quand on est un grand adolescent et que l’on s’ennuie à en mourir (c’est malheureusement le cas de le dire).

Mais la vie d’une cabine téléphonique est peut-être jugée (par ceux qui jugent) plus importante que la mienne.

D’où l’humilité de ma requête du début… (juste un stéribox complet).

Que demander d’autre, la Révolution n’existant plus que dans les rêves d’un monde qui aurait un visage humain et, après mûre réflexion, c’est bien là malheureusement qu’est sa place…

Hervé

Salut les potaux,

Il y a une semaine, j’ai reçu d’un pote 3 revues ASUD Metz, ma zone. Je les ai lu et j’ai horreur des quinboux mais celui-ci même en piquant du zen, j’y arrivais. La preuve, j’ai oublié mon arrivée à la gare de l’est et suis sorti du train avec ma gueule enfarinée. Boum ! je suis tombé sur les douanes, ça m’a fait tout drôle.

Je vous avais fait une lettre de quelques pages mais je l’envoie pas, je causais de ma vie et de ce système qui ne pense qu’à casser l’homme. Ils n’ont jamais réussi. Je suis un verni, mon prix est assez élevé tout de même 10 ou 11 ans de tôle fait… Là, j’ai cassé un dealer et il m’ont sauté avec le fruit de mon casse, 75g.

Je m’appelle Marco, je suis séro depuis 84 environ. Ma meut s’est envolée début 93, j’étais en tôle. Elle s’est envolé à Dam. Merde, en dope, parfois tu décroches, tu morfles. J’ai eu un bon coup de blues en mai et j’ai fini à l’hosto. Là, bilan, T4 : 60, hépatite Cet patati et patata. Je me suis tiré à Dam in the street : dope, coke ; puis, je suis remonté sur Poitiers où j’ai élu domicile chez mon frère pour les lattes et pour dossier programme de substitution, attendre septembre.

J’étais pas accro comme une bête, je suis pas un intello, ma vie est la mienne, merde. J’ai toujours vécu au feeling, je suis un battant. Je connais pas encore mon juge. Je vais écrire à Asud Metz aussi. Là, vous recevez ma lettre rapidos, pouvez-vous me refiler l’adresse d’un bon petit avocat. Je suis comme vous, et en tôle, il faut que je me batte. Être séro ici, c’est pas évident. Je suis un être humain ! Un toubib m’a mis incompatible à la garde à vue et un autre m’a renvoyé en garde à vue.

Bon j’attends des news pour plus ample causette. Et les gars, Asud est la revue qui me donne envie de me battre avec le cœur. Ciao !

Marco

Monsieur,

Dans ma première lettre, je n’ai pas pu développer la sensation de bonheur que j’ai eue en prenant connaissance de votre existence.

Aujourd’hui, je trouve un grand réconfort à savoir que les toxicomanes et les anciens toxicomanes comme moi sont capables de s’exprimer de façon correcte. Durant au moins 14 ans, le gouvernement a fait croire que nous étions les coupables de tous les maux de la société. La grande répression dont nous avons souffert durant le gouvernement socialiste nous a pratiquement réduit au silence. Chacun de nous avait peur pour sa liberté et nous pouvons mesurer aujourd’hui les dégâts occasionnés par cette répression.

Comme Maurice SACHA a écrit : « il faut en passer par là pour pouvoir en juger ». Chose dont je ne veux pas me priver étant moi-même passé par là. J’ai tout connu prison, mépris, abandon, misère, etc l’enfer !

Aujourd’hui j’essaie de me mettre debout étant donné que j’ai vécu presque à genoux. Les séquelles physiques, mais tant bien que mal nous sommes en train de marcher debout.

Je le répète à nouveau, je suis heureux de vous avoir trouvé. C’est comme si j’avais trouvé un frère dont je ne connaissais pas l’existence. J’espère que dans l’avenir nous resterons en relation.

Si quelqu’un peut protéger nos frères, nos enfants, c’est bien nous par notre expérience qui pouvons atténuer l’attirance de la jeunesse pour les interdits et notamment la drogue. Nos conseils seront, j’en suis sûr, écoutés dans l’avenir.

Nous sommes des idéalistes sans idéal, mais peut-être que nous avons trouvé là, l’idéal qui nous a manqué. Au moins avons-nous trouvé là une motivation pour continuer à vivre et pour vivre, il faut se battre. Sommes-nous assez mûrs pour combattre ? Je le crois.

Je crois même que c’est à l’approche du deuxième millénaire que nous pouvons être de dignes combattants, mais c’est avec la morale et avec le cœur que nous devons combattre. Victimes de nous-mêmes, victimes de la tentation et de notre jeunesse, victimes tout court ! La société ne nous pas protégés, mais a su nous faire payer nos fautes avec les siennes. C’est la société qui a été la plus coupable à mon sens. Il est facile d’accuser les autres de tous les maux de la société.

Nous les toxicomanes avons souffert d’une discrimination absolue. La société nous a mis dans l’oubli et nous a séparé d’elle comme une mère indigne. Sommes-nous aujourd’hui des orphelins ou des enfants abandonnés ? Cela tient certainement au deux.

Pour beaucoup de gens nous sommes encore des trouble-fête et personnellement, j’espère que nous le serons de plus en plus. Parce que c’est une quête de justice et de vérité que nous poursuivons aujourd’hui. C’est aussi parce que nous refusons d’avoir perdu nos amis, nos enfants, nos compagnes, dans un silence et un oubli total que maintenant nous posons des questions et demandons des réponses.

Espérons que les hommes qui nous gouvernent aujourd’hui n’aurons pas notre lâcheté d’hier.

Antonio Viera Branco

Monsieur,

Toxicomane depuis 5 ans et bientôt âgé de 26 ans, je suis en phase de décrochage, enfin je suis en train de diminuer mes doses. En effet de 4 à 5 grammes par jour, je n’en prends plus que une à deux fois, voire trois fois par semaine. Mais ceci n’est pas le propos de cette lettre. Je vous écris pour envoyer un poème de ma composition que j’ai écris un jour d’insomnie à cause du manque.

J’espère sincèrement que vous allez le publier, sinon tant pis. Dans l’affirmative, je ne le saurai pas car je ne suis pas abonné à votre journal mais ce n’est pas grave car si je vous l’envoie c’est pour en faire profiter tout le monde. Je vous remercie d’avance et vous prie d’agréer, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Morphée Mon Amour !

Des champs de pensées
Se dressent devant mes insomnies ;
Les ai-je vraiment méritées ?
Si oui et bien tant pis.
Toujours la même obsession
Et Morphée ne veut pas de mon intrusion
Dans ses bras ou alentours.
Et je vois défiler les heures tout à tour.
Des images plein la tête.
Et mes nerfs s’enveniment,
Mon sommeil n’est pas à la fête
Et demain j’aurai bonne mine.
Tiens un fantôme vient d’entrer
Avec lui je vais pouvoir discuter.

Cyril

Mes semblables, bonjour,

Mon dernier courrier à ASUD ; voilà plus d’un an ! Vous avez publié ma bafouille sur la façon de mourir à l’hôpital P B.

Depuis, je n’avais vraiment plus le choix. Maryelle est morte et moi seul avec notre fils. 17 ans. Je suis très seul et cette fatigue… bon passons. Je décide de prendre de la Métha. Après tout, j’avais tout essayé pour obtenir ce « privilège ». Direction un Centre parisien de méthadone. 6 mois difficiles. Impossible d’arrêter la dope. Petit à petit, 1 OO mg de métha et petit à petit, impossible de sentir la dope. Donc voilà, 100mg de moscontin + 90mg de métha. Voici mon menu journalier. Et cela, depuis plus d’un an. Enfin quelques embrouilles pour refuser les analyses d’urine qui sont une honte. Enfin, plus d’analyses. Mais cela ne plaît pas à tout le monde. Mme W., Directrice, décide sans même me prévenir d’arrêter le don de méthadone et voilà, rien du jour au lendemain !

Je pense qu’elle est vraiment irresponsable. On n’a pas le droit de jouer avec ce genre de produits. Je pensais bêtement que la médecine ne jouerait pas à ce jeu là. Cette histoire est très grave. Et je vous pose une question : Y-a-t-il, a+ on enfin des droits ? Je ne suis pas trèls bon pour écrire mais je suis K.O. Jamais un dealer ne m’a fait ce genre de plaisanterie.

Voilà, Maryelle est morte en 93. Moi, c’est peut-être pour… enfin. Mais il y a Julien,· notre fils, lui, n’a rien demandé et pourtant il vit, il aimait sa maman et il m’aime. et compte sur moi.

La métha, oui mais attention au dérapage. Si cette dame joue avec ce produit, elle joue avec des être humains. Et nous sommes bien loin de la médecine. Je suis très malheureux. Ces gens là me font peur. Et ils ont le pouvoir total. Oui, au fait, pourquoi cette décision ? Tout simplement pour une sombre histoire de café. Tout simplement, Madame ne voulait pas qu’on fréquente le même café qu’elle. Pas mal, non !! À quoi ça tient tout ça. Elle oublie que c’est ma vie, mes souffrances. Attention à ce genre d’affaires car il n’y a pas de limites. Si elle en vit, nous on en meurt.

X , le 1/11/95

Cher ASUD,

J’aimerais bien te lire, pas après 3 mois ta tissor (style Laënnec « Monté Cristo » ou Corbillon « St Denis »), comment faire pour le recevoir chez moi, tranquille-pépère ?

J’ai vu un mec de « Potes à Potes » qui veut m’interviewer, mais moi je suis pas un monstre de foire (et toutes les manières, les vices, etc.).

Je suis tombé par hasard sur Dans Cités d’Oliventstein, je l’ai pas commencé. Je finis ASUD, que je viens d’avoir, le n°9 alors que j’en ai que 3 à la maison. Pourrais-tu arranger mon problème ? (à AIDES Paris, carrément il n’ont que 2 n°).

J’ai arrêté la came depuis décembre mais pas la coke. Ils me donnent du Moscontin®, 400mg/j, mais ça me suffit pas, en septembre, ils vont me filer la métha.

Ça fait douze piges que je suis séro+, hép B et C. Mon connard de généraliste m’a dit que j’avais une cirrhose mais pour dans 5 ou 10 piges, alors je continue un peu de tiser la rebié. J’ai 800 T4 (encore), 400 et 350 transaminases et 600 gamma GT. C’est grave docteur ASUD ?

Répond moi, s’il te plaît, vite !

Je n’ai plus d’amis (ils sont morts), je n’ai plus de famille (elle flippe de moi). Que faire (une bastos dans la tête) ?

Continuez, je vous aime.

Patrick

PS. Quand j’aurais un bifton de 50 balles, je le glisserai dans l’enveloppe.

Courrier des lecteurs (printemps 1995)

Lettre ouverte a tous les pharmaciens qui se posent encore des questions sur les produits de substitution, leur utilité.

Prenons l’exemple de quelqu’un qui s’est accroché depuis longtemps : environ 10 ans.

  • Trouver un médecin qui veuille bien sortir son carnet à souches, pas forcément évident ! Moi j’ai la chance de connaître des filières.
  • Par ce jour de mai, en fin d’après midi, j’emmène mon amie chez un médecin, il lui fait une prescription pour 14 jours de moscontin 60mg (posologie normale pour petit cancéreux, pas de quoi mettre un cheval les quatre fers en l’air). Donc ordonnance en règle, carte sécu + Paris santé.
  • Nous allons tous deux dans une pharmacie à côté de son cabinet : 1 ère excuse ne prends pas la carte Paris Santé, nous sommes en proche banlieue à une station de métro de Paris, d’après l’officine cette foutue carte n’est remboursée qu’à Paris, 1/3 payant, il ne veut pas en entendre parler,
  • Nous allons dans Paris, nous n’avons pas, il faut commander, vous aurez demain soir. Pour cette personne c’est impossible, commencer le boulot à 7h du mat, malade, c’est pas possible !
  • De plus, nous prendre pour des cons comme c’est pas permis, comment voulez-vous que des bons rapports s’installent entre toxicos-pharmaciens, c’est impossible !
  • L’image d’épinal du junkie qui s’éteint en Inde, etc. terminé, le laboratoire ne fabrique plus et si par hasard je suis livré (ne pas oublié de mettre le timing-chronologie oblige), ce ne sera pas avant 48h (donc il découlera un décompte de comprimés, de…).

Nous décidons tous deux d’aller voir dans les pharmacies open 24/24h de Paris Centre ; ce sont en principe des boutiques à vocation d’urgence ; le tableau B peut devenir vital pour quelqu’un qui cherche à s’en sortir.

Nation 2 apotek, nous nous sommes heurtés à un mur d’incompréhension, la peur de l’autre, mon amie et moi n’avons pas le look (serpillère junkie).

Nous avons encore fait deux tentatives, ils ont tous joué sur le coup de la livraison, lorsqu’ils n’ont pas déblatéré un monceau d’âneries.

22h. Découragés, nous sommes allés pécho (grâce de détails) du côté de Belleville et sommes rentrés. Mon amie a pu aller travailler et moi je suis allé chercher ses comprimés dans une pharmacie que je connais le lendemain matin.

L’État baratine les médias avec la substitution mais que de beaux discours, de belles phrases qui n’aboutissent à rien.

Dans cette histoire, malheureusement, la mentalité des gens dits « bien pensants », n’est pas prête de changer, quand apprendront-ils à vivre avec les drogues au lieu de les combattre.

Jean-Marc

Cher Monsieur,

C’est un plaisir que d’avoir reçu votre publication lors d’un récent colloque « la méthadone à Tourcoing »·(…)

L’essai comparatif des produits de substitution opiacés appelle quelques compléments d’information.

Le Palfium est à l’origine probable de talcose pulmonaire et d’emphysème avec insuffisance respiratoire. La méthadone est donc de la morphine chimique et sa « décroche » n’est douloureuse que si elle est inutilement rapide. À long terme (six mois) le décrochage est totalement indolore.

Il faut signaler qu’à la baisse de libido correctement décrite est associé un retard à l’éjaculation qui perturbe bien des couples. Ce phénomène est lui aussi transitoire.

La méthadone remet en marche la machine à bébé. Il y a donc lieu de prévenir les jeunes femmes de veiller à la contraception.

Ma population consultante utilise aussi largement le Rohypnol comme substitut temporaire de l’héroïne. L’Halcion ne fait pas partie de la culture toxicomane locale mais est, je crois, utilisé en France et l’a été en intraveineuse en Angleterre.

Il y a lieu de mettre en garde les usagers contre les effets graves de l’utilisation du Rohypnol (sensation d’invincibilité, levée des inhibitions, agressivité, passage à l’acte et amnésie rétrograde quasi complète). Encore bravo pour votre journal auquel je me fais un plaisir de m’abonner à partir du n°1. (…)

Bien amicalement

Marc JAMOULLE

Cher Asud,

Tout d’abord merci de m’avoir envoyé ASUD Journal (que j’avais déjà !).

Avec quelques personnes de mon ento – rage, nous voulons monter un ASUD Brest… Ce n’est pas facile d’essayer d’introduire dans le système social actuel de cette ville des toxicomanes qui sont automatiquement considérés comme les lépreux de la société. Surtout si ils ont le malheur d’être atteints par le VIH (Virus Inventé par l’Homme) on les fuit comme la peste.

« Poison pour empoisonner la flèche » est la définition étymologique du mot toxique qui vient du grec toxikon. Le saviez-vous ???

C’est la confrérie des politicards, des argousins et des médecins aidés par leurs potards qui ont bandé l’arc pour pomper de leur corps social et de leur ordre public les toxicomanes, en leur ayant trouvé une infirmité, une morbidité, un mal-être qui les détruit jusque dans la tête.

Je n’aime pas trop écrire de lettre, je préfère la poésie, comme message à faire passer ; tous les jours, tout le temps, comme un dessin au destin. Comme seul dessein, nous voulons faire un ASUD Brest.

Je vous remercie beaucoup d’exister.

Saïdem

A. Z. T.

Attention Zone Touchant
Une certaine catégorie
Une certaine ethnie
D’individus pas clairs.
Il y a ZIDOVUDINE,
mot technique qui m’ennuie,
Car c’est vrai qu’il ne faut pas avoir l’air,
L’air d’y croire qu’un jour on contracté
Sans le vouloir ce virus qui nous met dans la galère.
AZT est ton médicament,
Il est bien et va te soigner.
C’était l’été, on t’a prescrit ce remède de survie,
AZT juste après la misère,
La maladie, un putain de calvaire,
AZT t’es complètement contaminé,
Enivré, cassé…
AZT rustre qui promet un autre verre,
Un autre amour, on t’a trouvé
Pour découvrir une autre maladie,
Avec un zeste de tronci,
Tu fais tourner ta pompe
Tu propages ce mal que tu ignores dans le fond…
Comme un reste de survie tu peux plus rompre,
Fais gaffe aux traces sur les draps et le caleçon.
AZT te préserve,
AZT pour l’été,
Milieu médical et intervention radicale,
Pour ce cor au pied, ce poil sur la main,
Et cette maladie du nez,
Tu vas développer, tu vas attraper,
C’est musical, ça sonne sida à l’oreille,
Nouvelle, comme la peste noire au Moyen-Âge,
Tu vas, nous allons la voir
Décimer des amis à pleines pelles.
AZT est là !
Il te délivrera. AZT est ton médicament,
Il te ment.
AZT et la misère : rien à voir,
AZT rime avec espoir ou cafard.

Saïdem

Témoignage d’un ancien toxicomane

Comme Annie Emaux en exergue de son livre « La Place » (Prix Renaudaut 1984), je citerai cette phrase de Jean Genet :

« Je hasarde une explication : écrire c’est le dernier recours quand on a trahi »

— et donc j’écris —. Je pense avoir trahi moi aussi. Il s’agit de savoir exactement pour quoi, afin, en quelque sorte, de m’exorciser et de vaincre mes démons.

L’abandon de mes études est une explication mais elle ne m’apparaît pas comme essentielle.

Une séparation amoureuse à vingt ans avec celle qui fut la première femme que j’ai réellement aimée, n’explique pas tout. C’est le lot de beaucoup, il faut du temps pour « savoir » aimer, et être adulte en matière d’amour.

Alors quoi ? Je l’ai, je crois, cette réponse mais il me répugne d’en parler. Il s’agit de la DROGUE, qui m’a fait perdre toute dignité naturelle.

À cause d’elle. Dieu ou toute idéologie, qui est un trop grand mot en la matière, toute philosophie ou construction spirituelle, ne se fait pas ou plutôt ne se bâtit que par à coups, mais aussi de façon décalée, parallèle, sans aucun rapport avec la réalité de l’époque.

L’on est persuadé qu’il y a là, au milieu du système, une autre manière de vivre, sans foi ni loi. (Et là, je parle surtout de l’héroïne). Je ne dis pas que nous devons tous vivre comme des robots, que la différence, l’originalité, la liberté ou sa recherche ne sont pas permises, dans une société démocratique. Mais la recherche du bonheur par le biais de la drogue ne conduit pas, justement, à l’indépendance mais plutôt, à l’emprisonnement dans les sens du terme, hélas…

Pour en venir à cette drogue, nommée « douce », je veux parler de l’herbe ou son pollen, le haschisch, je crois qu’il est encore trop tôt pour le légaliser en France, même si de plus en plus de gens de tous milieux l’utilise, plus ou moins régulièrement.

On doit la dépénaliser pour une faible quantité, mais c’est tout, car son grand danger – et on revient à ce qui fut écrit plus tôt – est que si elle est consommée dès l’adolescence, elle désocialise peu à peu, et enfin, présente le danger que son utilisateur passe à une drogue « dure ».

Enfin, la dernière donnée et la plus horrible, je veux parler de cette maladie nommée SIDA, car malgré toutes les protections mises en place par les services publics, comme par exemple, le vente des seringues, la shooteuse reste dangereuse à ce niveau là.

À cause de l’inconscience de certains, l’on devrait brûler tout le pavot de Terre. (je n’oublie pas évidemment, que la maladie peut se contracter par d’autres biais). D’aucuns, mauvaises langues, pourraient affirmer que Dieu nous punit de la libération des mœurs en matière de sexualité et de cette tendance, apparue un peu partout, depuis une trentaine d’année. Je veux parler de la drogue et de l’héroïne en particulier. Ce raisonnement n’est évidemment pas sérieux.

D’autres affirment que des savants de l’ex-URSS ou de tout autre pays, auraient créé ce virus afin d’éliminer ceux qu’ils jugent inutiles ou déstabilisants pour la société. Je n’y crois pas non plus.

Face à tout cela, un seul espoir, la science, et tenir le coup le plus possible. Quelqu’un disait que « le génie c’est de durer ». Nous la vaincrons cette satanée bestiole, je vous le promets.

Restez géniaux…

Un médecin nous écrit…

Messieurs,

À vous lire, et d’autres, il serait regrettable que la méthadone ne soit pas plus accessible aux toxicos ? J’ai cinq ou six anciens toxicos dans ma clientèle qui ont décroché grâce au Palfium ; ils prennent un ou deux Palf/j, et cela leur évite la prise de « benzo », et ils ne se piquent plus (ou presque) ; on a l’impression qu’il y a des intérêts économiques non avoués derrière l’ostracisme qui frappe le Palfium au détriment de la Méthadone ?

Votre opinion m’intéresserait ! Merci.

Dr B…

Réponse ASUD : non, Cher docteur, Asud ne détient aucun intérêt financier au développement des programmes méthadone ! notre seul intérêt est de voir nos amis, et nous-mêmes, mieux vivre, survivre… Oui, la méthadone aide à sauver des vies, et nous estimons qu’il est criminel d’empêcher les usagers de drogues qui le désirent, de pouvoir y accéder ! n’oubliez pas qu’il y a encore un an, seulement 52 places étaient disponibles. C’est non seulement regrettable mais aussi criminel. Oui, nous revendiquons d’avoir le choix de nous sevrer ou de nous substituer à la méthadone ou à autre chose… En ce qui concerne le Palfium, il nous semble que ce produit est extrêmement difficile à gérer : sa durée d’action est très courte et il provoque une très forte tolérance. Nous avons pu le constater au sein même d’Asud ! Sachez que certains d’entre nous en consommaient plus de 100 amp/j… On est loin des 2 cp/j que vous prescrivez à vos 6 « clients ». Êtes-vous bien sûr qu’ils s’en contentent ? Sont-ils seulement encore accros ? 2 cps de palfium ont une durée d’action d’à peine 6 heures, dois-je vous rappeler qu’un journée dure 24h ? Ceci dit, tant mieux pour eux s’ils arrivent à se stabiliser ainsi, et bravo à vous de prendre le risque de ces prescriptions.

PS : en ce qui concerne d’éventuels intérêts financiers, nous devrions alors promouvoir le palfium, la société Synthélabo qui le commercialise ayant soutenu à plusieurs reprises notre action.

Dr Asud

Les portes ouvertes

Au-dessus de Marseille la souffrance est scellée derrière les portes et les couloirs que j’enchaîne chaque semaine de l’hôpital Houphouët-Boigny. Je traverse les salles perdues, les urgences, le 530 est au fond. J’ouvre la porte. Ils sont là, Smain, Thierry, Florian et Suzanne. Leurs rêves mêlés à la télé branchés sur la F.M. Leurs voix ne sont que silence. Le regard bleu délavé, perdu dans l’absence quand je leur parle d’ailleurs. Je ne te demande pas de jeter tes gitanes pour des cigarettes superlight, de vivre à basse calorie, je te demande de bouger. L’underground est profond, Soweto, Station Service des blacks aux sourires white ne feront de toi qu’une anonyme des trottoirs de l’opéra-crack. Elle me sourit en buvant des oranges pressées, version vitamine C. Elle me regarde comme si j’étais junky-bond. Moi aussi je me suis réveillée branchéesurmonitoring, perfusée par les veines, entubée jusqu’aux poumons. Ce n’était pas un accident de ligne continue d’un retour de week-end prolongé. Ne te laisse pas emporter par les gyrophares de la nuit, réagis avant que les bracelets chromés n’enchaînent tes poignets. L’aurore d’un nouveau jour paraîtra, ta voix sera un éclat de joie.

Le vent hurle dehors

Le vent hurle dehors.
Un volet claque, giflant le mur désolé sous la lueur d’octobre.
Ne tournes pas la page…
Des enfants hurlent.
Sans cri.
Avec les yeux seulement.
Sur les trottoirs-néons.
Sous les réverbères-suicide et le fard triste de l’amour tarifé.
Ne tournes pas la page..
Écoutes. Ne bouges pas. Ne touches. Ne parles pas.
Surtout, laisses tes yeux rivés sur la plaie entrouverte.
Le rictus effrayant du jour qui s’annonce – Étrange .
Et gardes tes sentiments, tes larmes et tes serments bien au fond de ta poche sous ton mouchoir d’erreurs.
Respires de tous tes sens, La haine La déraison.
Le noir destin du tendre?. La passion du démon.
Et le souffle de l’enfant, à peine chaud sur la vitre.
Ne tournes pas la page…
Fiel et enfer tapissent le chemin qui te mène à demain.
Déjà les orateurs-hyènes récitent et vomissent les grandes prophéties.
Anesthésiant ainsi la veuve et l’orphelin.
Ne tournes pas la page…
Sous l’encre des mots vibre la démesure.
L’intense certitude.
Ils griffent les murs lisses des mouroirs de la honte, par leurs slogans d’amour fou.
Conjuguent l’Espoir.
Au présent.
Au futur.
Au plus-que-Parfait.
Ils lavent le sang
avec leurs mains d’enfant ouvertes sur l’infini.
Ne tourne pas la page.
Voici CEUX qu’on condamne.
CEUX dont le seul oubli est de trop aimer VIVRE .

Une courte maladie (pour Evy)

Tu es Marine, Mon héroïne
Tu as pourtant les dents du bonheur,
Oui mais marine,
Ton héroïne,
Ce fut quand même une dure erreur !

Des labos clandestins ont ruiné tes vingt ans,
Des labos pires encore, t’ont promise à Satan
Comme ta biographie qui est gravée sur tes bras,
Bracelet indélébiles sur tes poignets de soie,
Tu as lu les résultats comme on lit un faire-part,
Comme un mauvais tirage, un négatif tout noir.

Offres-toi au soleil, Marine,
Au bleu des Mers du Sud
Offres-toi un prélude,

À ce calendrier où tes jours sont comptés,
Ce mauvais jeu de cartes qu’on ne peut plus “fricher”
Laisse les “si” au solfège et redeviens pucelle,
Pour couronner le tout, ton amour est mortel.

Offres-toi à ces plages ignorées de l’hiver, tout ce que tu as fait, tu le payes un peu cher.
Mais si l’un de ces jours, tu en rencontres un. Fais-lui patte de velours et sois toute douceur,
Et d’une étreinte mortelle,
Détruis-lui la cervelle !

Entre Balzac et Rambouillet

C’était deux gosses de divorcés,
Bien allumés et bien brisés,
Qui trouvaient le trajet longuet,
Entre Balzac et Rambouillet.

Anne habitait le 17ème,
Son frère jumeau, un fort en thème,
Avait des yeux comme une panthère,
Elle était brune comme une berbère.
Dans l’ignorance du Ministère,
Dans leur jeunesse et leur détresse,
Ils ont jumelé deux grands lycées,
Ce fut Balzac et Rambouillet.

Ils voulaient tout et tout tout de suite,
C’était bien après 68,
Marc s’adonnait au tableau B,
Dans un bistrot du Bd Ney,
Anne avait découvert Morphée.
Ils furent deux ardents prosélytes,
Entre deux fugues, entre deux fuites,
Ils ont jumelé deux grands lycées,
Ce fut Balzac et Rambouillet

Ce fut comme une traînée de poudre
Dans la pinède de Rambouillet,
Ce fut comme un éclair de foudre
Dans le grand Lycée d’Honoré.
Car Marc adorait sa jumelle,
Comme son double version femelle,
Mais trouvait le trajet longuet
Entre Balzac et Rambouillet.

On a tout dit sur la jeunesse,
Sur les ados sur les minots,
Et tout écrit sur tous leurs stress,
Sur leurs conneries et leurs mélos.
Quand ils ont quitté le lycée,
Ceux qu’ils avaient jumelés,
Ils ne sont jamais quittés,
Et ensemble ils ont galéré.

Je les ai vus juste avant-hier,
À la station du métro Glacière,
Entre Sainte Anne et la Santé,
Bien allumés et bien brisés.

Le mot “être humain” a beaucoup changé…

En ce qui me concerne, mon parcours d’usager de drogues et de séropositif, je n’en fais pas tout un plat : on ne revient pas en arrière.

Je voudrais qu’on me foute la paix.

Comment peut-on se permettre de nous juger? et qui ? sûrement pas l’état ni les médias.

Je veux juste qu’on m’accepte comme je suis – avec ce que je vis.

Qu’on me considère comme un être humain et pas comme un mot : “TOXICO” – une étiquette qu’on vous colle sur le front pour nous cataloguer, méchamment , nous marginaliser. Quand on regarde ce qui existe, on voit qu’il faut dépasser la question, trouver la solution.

Pour ceux qui partagent la même idée mènent le même combat VIVRE juste VIVRE.

Comme on peut tant qu’on peut.

Moi, je m’aide moi-même.

Déjà, avec les moyens du bord, les autres suivent. Penser ça, c’est un pas en avant,et, sans censure, pouvoir l’écrire.

Hervé MICHEL

Coup de manque

J’en ai pris hier, aujourd’hui
Pour m’échapper un petit moment
Pour oublier, quoi, je ne sais pas
Peut-être un peu tout, la vie je crois
La came est là dans mon corps et dans ma tête
Je suis bien.

Le jour s’est levé et avec lui la douleur
Les yeux à peine ouverts, elle m’étrangle et me
Fait tordre dans mon lit.

Je voudrais bien essayer de rattraper le fil
De mon sommeil perdu pour replonger dans le nord profond
Pour échapper à la vrai souffrance
Insupportable qui me vibre dans tout le corps.

VALÉRIE

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