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Le vaporisateur, simple gadget ou véritable outil de réduction

En matière d’accessoires de défonce, l’imagination des fabricants est sans limite s’il on en juge par le pléthore de produits régulièrement mis sur le marché. Évidement, tous vous diront que c’est leur marque qui permet de se défoncer plus et mieux invoquant au passage une improbable utilité
médicale (le cannabis thérapeutique a bon dos…). Mais parmi cette quincaillerie, on a vu apparaître depuis quelques années des drôles de machines qui auraient la propriété de fumer… sans dégager de fumées toxiques.
Chers lecteurs je vous présente la famille des vaporisers ou vaporisateurs.

Le principe

Sacré vaporisateur qui tombe à pic au moment où le seul réel reproche que l’on peut faire au cannabis est, tout comme pour le tabac, de dégager lors de sa combustion un tas de saloperies extrêmement nuisible. Et ce d’autant plus quand on aspire (oups) à en faire un usage thérapeutique.
Le principe du vaporiser est simple: l’engin chauffe le cannabis (ou autre chose…) entre 180 et 200°, donc avant d’atteindre le point de combustion. Il se dégage alors des vapeurs gorgées des produits actifs, des vapeurs libérées d’une grande partie des habituelles substances cancérigènes et d’une teneur en monoxyde de carbone et en goudrons bien moindres. Car le cannabis et ses principes actifs ne sont en rien cancérigènes, ce sont les fumées provoquées par sa combustion qui le sont. Toute combustion d’une plante ou d’un produit dégage des substances toxiques, principe de base.

L’histoire

En fait les premiers vaporisateurs ont vu le jour à la fin des années 70. En général il s’agissait d’une sorte de pipe à eau équipée d’un décapeur thermique, à l’efficacité parfois douteuse. Mais en 1981, une société commercialise le « Tilt ». Testé, cet appareil se révèlera diaboliquement efficace pour réduire les risques et -last but not least- plutôt économique en matières premières (+ 80% de THC et – 79% de goudrons) malheureusement il sera interdit.

L’intérêt

L’avantage du vapo serait donc en plus de ses vertus médicales de mieux »exploiter » le produit. Par exemple, lorsque que vous fumez un joint1, près de 60% des cannabinoïdes sont perdus, avec un vaporisateur vous ne perdez rien, enfin parait-il… Certains modèles seraient plus gourmands en herbe de 30%, par contre ils réduisent toujours – plus ou moins- les substances toxiques.
L’objectif est donc de réduire à son minimum les substances toxiques tout en conservant au maximum les substances actives.

Les prix

Évidement avant d’investir entre 60 et 500 euros dans un engin de ce genre,vous aimeriez connaître les performances de la bête, mais là en dehors de ce qu’en disent les fabricants et les vendeurs, difficile de trouver des infos, aucune étude comparative sérieuse n’ayant encore été faite à ce sujet, alors nous ne vous présentons que sommairement quelques modèles.(liste non exhaustive) Le Volcano fabriqué en Allemagne avec le soutien de la communauté européenne semble, techniquement, surpasser largement ses concurrents, c’est aussi le plus cher avec un tarif frôlant les 500 euros, mais la santé ça n’a pas de prix, n’est-ce pas…
Le Vapir était considéré comme le top, mais c’était avant le Volcano… De plus certains lui reprochaient de donner un mauvais goût (à cause du plastique!) et d’être compliqué d’utilisation, trop gadget. Depuis le modèle aurait été remanié…à suivre L’ Aromed, également de fabrication allemande, affiche de belles performances si l’on en croit le magazine High-Times. Et puis il y’ a les modèles qui fonctionnent avec un filtrage par l’eau, qui esthétiquement sont quand même mieux que ces drôles de bidules que sont les Volcanos et autres Vapirs. Parmi ceux la, l’ Herborizer fabriqué artisanalement dans l’Aveyron, tire bien son épingle du jeu avec un rapport qualité prix au-dessus de la moyenne. C’est en plus un bel objet proposé en version “sphère” ou “tube”, il est même possible de s’en faire fabriquer sur mesure. Le Volatilizer a également obtenu de bons résultats à l’occasion d’un test.

19 conseils pour réduire les risques liés à la consommation de cannabis

  1. Éviter de consommer régulièrement, la nocivité provient de l’usage régulier, comme la baisse de sensibilité ou le « processus de blocage » sur le produit. 5 à 15 % des consommateurs sont considérés comme abusifs.
  2. Le cannabis ne fait rien oublier et ne peut pas constituer un refuge. Ne pas se réfugier derrière l’excuse du cannabis pour justifier une flemme existentielle ou une angoisse profonde.
  3. L’usager peut subir des dommages réversibles sur ses facultés de concentration, de mémorisation et de réflexion. Cesser l’usage et/ou demander de l’aide en cas de troubles répétés.
  4. Dans les cas rarissimes (de 0,1 à 0,9 % selon les études) où le consommateur présenterait des troubles schizophréniques ou des crises délirantes, consulter un spécialiste.
  5. Certains consommateurs abusifs, sociologiquement et/ou psychologiquement affaiblis, peuvent se désocialiser ou perdre toute motivation. Ne pas hésiter à demander de l’aide.
  6. Par souci de sécurité, l’usager s’abstiendra durant son travail ou son apprentissage.
  7. Ne pas conduire de véhicule ni effectuer toute autre activité dangereuse pendant au moins 3 heures après une consommation inhalée, 6 heures après ingestion.
  8. Les principaux risques pour la santé sont liés au joint et à l’absorption de fumées. Fumer peut provoquer de nombreuses maladies graves : bronchite chronique, asthme, cancers, accidents cardio-vasculaires…
  9. Le tabac mélangé dans le joint entraîne une dépendance à la nicotine et expose à la combustion d’agents de saveurs et de conservateurs chimiques. Pour éviter cette toxicomanie, il est préférable de fumer pur.
  10. L’utilisation de dispositifs destinés à rafraîchir la fumée comme un long filtre, une pipe, un bang… diminue les brûlures des tissus de la bouche et de la gorge, mais ne prévient pas de l’assimilation de la plupart des substances toxiques.
  11. Pour limiter les risques liés à l’inhalation, utiliser un vaporiser qui chauffe suffisamment la plante pour libérer les principes actifs sans carbonisation, chaleur, goudrons et autres agents nocifs.
  12. Mieux vaut manger du cannabis qu’en fumer. Renseignez–vous bien sur les modes de préparation et les quantités de substance à utiliser pour éviter des désagréments gastronomiques et le surdosage.
  13. En cas d’ivresse cannabique incontrôlée, de crise d’angoisse, d’accélération cardiaque, ne pas céder à la panique : la surdose de cannabis n’est jamais mortelle et le consommateur retrouvera ses capacités plus ou moins vite selon l’excès.
  14. Un lieu de relaxation calme et aéré, un entourage rassurant, l’absorption d’un sucre rapide et d’un verre d’eau favorisent la redescente de l’usager incommodé.
  15. Des risques supplémentaires proviennent des engrais, des pesticides et des produits de coupage utilisés par des producteurs et des dealers peu scrupuleux. Éviter de consommer les produits douteux. Consulter un médecin en cas de trouble inconnu.
  16. Bien qu’il n’existe aucun système d’approvisionnement contrôlé, le consommateur doit être exigeant sur la pureté du cannabis et boycotter les produits suspects.
  17. La polyconsommation de stupéfiants multiplie les risques liés aux autres substances psychotropes et peut entraîner des interactions dangereuses, notamment avec l’alcool.
  18. L’automédication au cannabis ne doit se pratiquer qu’après la consultation d’une solide documentation, de préférence en concertation avec le personnel soignant.
  19. Toujours se souvenir que le cannabis est classé sur la liste des stupéfiants prohibés et que son simple usage peut conduire devant les institutions policières, judiciaires et pénitentiaires

La réduction des risques est elle présente dans les consultation cannabis (ou jeunes consommateurs) : l’enquête d’Asud

À l’exemple du testing antidiscriminations organisé par SOS-Racisme à l’entrée des boîtes de nuit, Asud a lancé quelques « testeurs » sur la piste des consultations ouvertes depuis 2005 pour accueillir les usagers de cannabis. Six structures de Paris et sa région et deux du Lyonnais ont été visitées afin de savoir si la réduction des risques (RdR) y avait droit de cité. Si oui, sous quelle forme ? Si non, pourquoi ?

Les buts de l’enquête

Destinée à évaluer l’importance des pratiques de RdR dans les réponses thérapeutiques mises en place, et à élargir le questionnement à l’ensemble des paradoxes existant entre une campagne antidrogue classique et la généralisation des conceptions RdR, l’enquête répondait à plusieurs objectifs :

  • Évaluer l’impact de la RdR dans d’autres prises en charge que celle de la consommation d’opiacés ;
  • Se placer dans une trajectoire globale de consommateur de soins, tous produits confondus ;
  • Poser la question du « non jugement », pilier conceptuel de la RdR, et de son adaptation dans la stratégie antidrogue classique à l’ouvre en matière de cannabis;
  • Évaluer le degré de formation spécifique des intervenants : connaissance des produits, des codes de consommation, des effets spécifiques ;
  • Évaluer le degré d’autonomie des centres par rapport à la commande de l’État. Des questions qui n’ont reçu que des embryons de réponses et qui mériteraient d’être systématisées pour tous les produits. Ou, à tout le moins, pour le cannabis, les opiacés et la cocaïne.

La méthode

La méthode – car ce n’est pas une méthodologie – est très empirique. Nous avons voulu des candidats sincères. Notre but n’était pas de faire du testing comme ça, gratuitement, mais d’avoir des gens vraiment concernés par la consultation et par le rapport thérapeutique et sanitaire qu’ils allaient engager. Trouver un ou plusieurs usagers de cannabis sincèrement touchés par une ou plusieurs des problèmes énoncés ci-après. Demander ensuite la restitution des entretiens par écrit. Respecter l’anonymat des intervenants et ne pas mettre en cause les compétences professionnelles, mais insister sur les méthodes de soin, et donc mettre l’accent sur les méthodes utilisées.

Le questionnaire

Nous avions une liste de questions standard qui devaient servir de référence à nos candidats. Chacun d’entre eux devait absolument se sentir concerné par une ou plusieurs situations évoquées.

Quantité et qualité

    1. Je fume 10 joints par jour depuis 14 ans. Je ne souhaite pas arrêter, mais je voudrais réduire à 2 ou 3 joints. Existe-t-il des solutions ?
    2. Je fume depuis toujours du mauvais shit, je voudrais réussir à ne fumer que de l’herbe une fois de temps en temps. Est-ce possible ? Est-ce réellement un progrès sur le plan sanitaire ?
    3. J’ai entendu parler de cannabis transgénique mis sur le marché par la Hollande, y a-t-il un moyen de reconnaître cette variété pour s’en prémunir ?

Modes de consommation

    1. À propos de l’ingestion : Quelles sont les méthodes éventuelles de réduction des risques pour l’ingestion de cannabis ? Existe-t-il des aliments avec lesquels il est déconseillé de le mélanger (toujours du point de vue sanitaire) ?
    2. Je fume plutôt des bangs. Est-ce plus dangereux que les joints d’un point de vue sanitaire ?
    3. J’ai entendu parler des inhalateurs, est-ce réellement moins dangereux ?

Problèmes « psy »

    1. J’ai de petites attaques de parano quand j’ai beaucoup fumé et que je dois faire un truc « stressant ». Des solutions sanitaires existent-elles ?

Coconsommations ou consommations associées :

  1. Je fume, ça m’éclate, mais j’ai entendu dire que fumer pouvait conduire à d’autres drogues. Est-ce vrai et que peut-on faire pour empêcher ce phénomène ?
  2. J’ai de plus en plus tendance à picoler après avoir fumé, j’ai l’impression que ça complète bien l’effet du shit. Est-ce que fumer donne forcément envie de boire ? Sinon, en quoi suis-je différent ?

Les volontaires

Sur ce coup, nous avons proposé un partenariat à nos amis de Techno Plus à Paris et Keep Smiling à Lyon. 8 candidats ont été retenus à Paris. Parmi eux, 4 vont effectivement faire les 2 entretiens dans chaque structure. Sur Lyon, 2 usagers vont faire l’expérience. Soit 10 entretiens suivis de 10 rapports circonstanciés. L’âge se situe entre 20 et 28 ans. Tous sont des fumeurs actuels de cannabis. Nous n’avons, par exemple, pas eu d’ex-fumeurs désirant résoudre un problème psy.
Le souhait des candidats était de DIMINUER et non pas d’ARRÊTER leur consommation. Ce qui laisse supposer que la gêne occasionnée par une consommation excessive, sans qu’il y ait de volonté de cesser complètement sa conso, est un handicap fréquemment ressenti comme invalidant. La question est ensuite de comprendre si cette manière de présenter le handicap peut être entendue par les autorités sanitaires.

Les données brutes

Sur 10 entretiens, la réponse des intervenants fut assez équilibrée : 5 réponses que l’on peut qualifier de « gestion des risques » et 4 réponses tendant à l’arrêt de toutes consommations, la dernière réponse étant sibylline. Le point noir se situe très nettement du côté des connaissances brutes sur le produit et ses modes de consommations, le point fort sur les compétences en matière d’accueil « psy ».
Du coté de la rdr

  • 1 seule une proposition de questionnaire d’autoévaluation sur l’importance réelle de la consommation ;
  • 1 seule proposition d’information (à venir) sur les inhalateurs ;
  • Pas une seule remarque sur l’alerte sanitaire de l’été/ automne 2006, celle des « corps étrangers » mélangés avec le produit qui fit la Une de tous les sites cannabiques un peu informés.

Par contre nous avons eu :

  • 6 propositions de thérapie ou prise en charge psychologique (sur 10 entretiens) ;
  • 1 proposition de « traitement médical » (antidépresseurs contre le « manque ») ;
  • 4 discours « moralisateurs » sur l’usage ;
  • 1 « Je ne peux pas vous aider à diminuer, je peux vous aider à arrêter » ; – 2 propositions de rencontre avec la famille ;
  • Des remarques sur le comportement, « Vous avez l’air mou ! » dans un entretien.

Même le volontaire le plus négatif à propos de la psychologue finit son compte-rendu par « je peux pas dire que ça soit totalement nul, car un psychologue ça retourne forcément la tête ». Mais ce satisfecit ne doit pas dissimuler les lacunes étonnantes et l’incapacité quasi générale à répondre sur les différences sanitaires entre le shit et la beuh, etc.

Les accueillants

La plupart des accueillants étaient psychologues de formation (8 sur 10). Les 2 autres, probablement éducateurs, beaucoup plus intéressés par les consommations effectives (Marmottan et Charonne-Beaurepaire). Cette constatation n’est pas un jugement de valeur : l’un des volontaires a, par exemple, beaucoup apprécié la discussion « psy » qu’il a eue à Con?uences. Un prochain RdV est pris. RdV est pris.

L’environnement des consultations

La perception que les volontaires ont eue de l’environnement de ces consultations est celle d’un CSST classique avec sa composante de lutte contre le sida et les hépatites. Donc quelque chose d’assez éloigné de l’univers « cannabis », ce qui peut être interprété à la fois comme une volonté de ne pas banaliser les soi-disant « drogues douces », mais aussi comme une méconnaissance de la réalité du produit et de ses codes.
Pas d’information sur le cannabis dans les salles d’attente, très peu d’informations sur les drogues. Par contre, une information omniprésente, perçue comme intrusive (notamment de la part des filles) sur les rapports sexuels non protégés (toujours le vieux stéréotype du drogué incapable de se protéger à cause des effets délétères de « la drogue »).
En même temps, ils se sont sentis infantilisés. Ces consultations sont prévues pour recevoir des personnes considérées comme immatures, non encore responsables, ce qui renforce l’impression de ne pas être en mesure de réduire les risques, mais seulement de suivre une thérapie.
Si le parcours de certains usagers volontaires (« J’ai 15 ans de consommation de cannabis. ») les classe parmi les amateurs confirmés de cannabis, c’est l’aspect « jeunes consommateurs » qui va être privilégié par les accueillants. Une ré?exion importante, car c’est dans l’esprit de la loi et de la démarche générale des consultations cannabis. Comme si le cannabis ne pouvait être qu’une drogue consommée par les enfants.

Les paradoxes

Bien qu’aucun des volontaires n’ait eu de véritable réponse aux questions qu’il a posées et, pire, que le problème qu’il était venu résoudre ait été pratiquement passé sous silence par les intervenants :

  • Les volontaires ont tous déclaré avoir été intéressés par au moins un des services proposés (l’un d’entre eux va même poursuivre les entretiens pour d’autres consommations que le cannabis) ;
  • Le prétexte de l’enquête a peut-être permis à quelques uns de trouver une raison « légitime » de franchir la porte d’un centre de soins. Éventuellement pour effectuer un sevrage de leur consommation (hypothèse peu probable, mais à ne pas exclure totalement) ;
  • Tous les volontaires ont trouvé cette expérience passionnante (pas de rencontres pénibles).

À une exception près, tous les volontaires ont perçu :

  • Une ignorance des accueillants sur les techniques de consommation et la pharmacologie des produits (une psychologue a fini par demander au bout d’1/4 d’heure ce qu’était « le bang ») ;
  • Un profond désintérêt des accueillants pour ces questions.
  • La question de la « diminution » n’est pas un objectif sanitaire, et l’arrêt est avant tout envisagé sous l’angle de souffrance psychique. L’intervention médicale n’est pas mobilisée au service de la réduction des risques et, à la différence des opiacés, il n’existe pas d’outil pharmacologique ou médicamenteux à mettre à la disposition des usagers. Les quelques pistes pour « fumer propre » ne sont pas explorées, et le seul traitement médical proposé l’a été dans la perspective d’une consultation psychiatrique à venir.

Un système égal à lui-même

Le bilan global de ce testing est donc loin d’être négatif du point de vue de l’utilisation faite par le secteur spécialisé des fonds alloués pour impulser une réponse sanitaire en matière de cannabis. Le système reste cohérent avec lui-même : disposant de bons professionnels, formés essentiellement au traitement psychologique et social de la question, il a mis en place une grille d’analyse basée sur cette approche assez traditionnelle.
Là où le bât blesse, c’est évidemment sur le plan de la RdR. Les professionnels, des psychologues à 2 exceptions près, ne sont pas formés aux différents types de consommations, ils ne connaissent pratiquement rien, ni à la qualité des substances ni aux techniques de réduction des risques existant.
Pire, ils semblent se désintéresser de ces questions qui leur paraissent secondaires car procédant du symptôme, donc peu significatives pour la résolution des vrais problèmes, encore une fois essentiellement d’ordre psychologique et social.
Une lacune qui a pour conséquence de laisser les usagers de cannabis souhaitant simplement réguler les excès de leur consommation dans une relative insécurité. Si on peut objecter que la prise en charge psychologique étant de bonne qualité, on a globalement intéressé les volontaires, il n’est pas certain que cet intérêt débouche à moyen terme sur une modification concrète des comportements. À l’inverse, un panel de techniques de régulation (à l’instar de certains travaux innovants en tabacologie) et une meilleure culture générale en matière de cannabis auraient toutes les chances de déboucher sur une fidélisation des contacts, au moins à court terme. À titre d’exemple, la rencontre avec un tabacologue n’a été proposée qu’une fois en 10 entretiens.

Enfin, ce testing a comme principal mérite de nous inscrire visiblement dans notre rôle de défenseur des intérêts des « patients » du système de soins en matière de traitement des addictions. Une enquête du même type effectuée sur une plus grande échelle ne pourrait que profiter au système dans son ensemble.

Foie et cannabis

Oui, il y a bien écrit : “ foie et cannabis ”, j’insiste : “ Foie ” avec un E, s’il vous plait ! Et non pas “ Foi & Cannabis ”, comme Bob Marley invoquant ses louanges raggaephiles à Jah Rastafary. Non nous ne parlerons pas non plus de la controverse concernant le cannabis et les accidents de la route, qui finalement sont plus spécifiques des excès d’alcool, n’est-ce pas mon petit Nicolas ?

Les fautes d’orthographes peuvent mener à des sérieux malentendus, d’où l’avantage de régler ces problèmes à l’oral. C’est ce que nous avons fait au sujet d’un malentendu avec le Dr Hézode, un hépatologue de l’Hôpital Henri Mondor, à Créteil qui avait déjà publié une brillante étude sur les risques d’aggravation de fibrose chez les gros fumeurs de tabac.

Le différent porte sur son étude sur l’impact du cannabis sur le foie, intitulée “Consommation quotidienne de cannabis fumé comme facteur de risques de progression de fibrose dans l’hépatite C chronique”[1], qu’il a présenté à l’occasion du congrès européen d’hépatologie de l’E.A.S.L., à Berlin en 2004. J’y étais et je peux rapporter que la salle était restée assez sceptique ou du moins partagée, sur certaines zones d’ombres méthodologiques, surtout quand il conclut : “ La consommation quotidienne de cannabis chez les patients ayant une hépatite C est à proscrire ”. Le problème c’est que cette étude a depuis été largement reprise par bon nombre de médecins et notamment des hépatologues, et d’ailleurs peut-être le votre vous a t-il déjà fait des remarques à ce sujet ?

Elle vient d’être publié dans le numéro trimestriel de la revue Réseaux Hépatites, de septembre 2005. Nous nous sommes immédiatement ébahis d’admiration devant la couverture de cette revue médicale de vulgarisation scientifique (voir photo), qui est éditée grâce aux larges financements de certains laboratoires pharmaceutiques bien connus des usagers de drogues substitués.

Nous pensions qu’ils allaient contrecarrer cette étude puisqu’en couverture, il y a un magnifique “ pétard de chez Mr Pétard ”. Mais alors, la salive nous monte encore aux oreilles rien que d’en parler tellement il est bien roulé.

Nous ne saurons résister à l’envie de quelques précisions prudentes de RdR, à l’attention des lecteurs et plus particulièrement ceux du Ministère de l’Intérieur, il s’agit d’admiration devant la technique de roulage de cette cigarette multi-feuilles, œuvre d’un artiste, il va sans dire, vous nous l’accorderez ? Nous voudrions éviter une condamnation d’incitation à l’usage à quelques heures de “ tige ” (Travail d’Intérêt Général) pour quelques feuilles !
Nous ne conseillerons jamais à personne d’utiliser des drogues, et encore moins tous les jours, car ça serait bien inutile, voir même dangereux, surtout sans conseils avisés de réduction des risques (RdR), récents et adaptés ! D’ailleurs au sujet du cannabis vous pourrez vous reporter au numéro d’ASUD, pour les conseils avisés de RdR, puisque ça, c’est notre domaine de compétence.

Mais en fait il faut à ce stade détailler cette étude avant de prendre pour argent comptant cette conclusion, et voir ce qu’elle vaut à la lumière d’une contre-analyse comme seul G-Laën en a le secret !

Il faut d’abord rappeler le contexte et l’état des connaissances qui ont justifié l’intérêt de cette étude. Depuis vingt ans, la plupart de grands laboratoires pharmaceutiques ont tous fait des recherches sur les cannabinoïdes, c’est-à-dire les 60 composants du cannabis. Mais plus récemment quelques découvertes étonnantes nous ont appris que dans le corps humain, nous avons à l’état naturel deux types de récepteurs spécifiques aux cannabinoïdes qui ont été baptisé CB1 et CB2. Des généticiens bien intentionnés ont cherché à savoir quand est-ce que dans l histoire de l’humanité, l’être humain a commencé a avoir ces récepteurs au cannabis. La réponse est assez étonnante, sauf pour des usagers, puisque ces récepteurs seraient apparus environ il y a cent mille ans, c’est-à-dire juste avant que l’humain commence à utiliser la parole !

De plus, les chercheurs nous ont même appris que nous sécrétons naturellement, sans avoir jamais consommé de cannabis, des cannabinoïdes naturels, dont les rôles sont toujours assez mystérieux.

Très récemment, des chercheurs s’étaient intéressés à chercher des récepteurs dans le foie. Ils ont été surpris de constater que ces récepteurs ne sont pas présents dans le foie d’une personne en bonne santé. Mais par contre, ils sont activés par les fybroblastes. Ce sont les éléments qui provoquent la fibrose et donc les principales lésions chroniques du foie. Donc il faut comprendre que dès qu’on est atteint par une maladie chronique du foie comme une hépatite virale, et que le foie commence à fibroser, on développe des récepteurs au cannabis dans le foie, aussi bien les CB1 que les CB2.

Des études sur la cirrhose ont confirmé qu’il y avait une sorte de sur-activation des récepteurs CB1. L’équipe de recherche de l’INSERM d’Henri Mondor, travaillant avec le Dr Hézode, venait de démontrer que l’activation des récepteurs CB2 dans le foie pouvait minimiser la production de fibrose. C’est donc ce qui les a poussés au départ à organiser cette étude afin de pouvoir évaluer quel était l’impact réel de cet effet antifibrosant des CB2 dans le foie.

Seulement très rapidement, la même équipe de l’INSERM a aussi démontré que l’activation des récepteurs CB1 avait le rôle inverse c’est-à-dire de favoriser la fibrose du foie. Nous voyons bien qu’il devenait alors crucial de pouvoir étudier de plus près ce qu’il en était dans la vraie vie et non plus sur des éprouvettes de laboratoire, afin de départager l’incidence des CB1 et CB2 dans un contexte d’épidémie d’hépatite C.

Certes si la volonté du Dr Hézode et de son équipe semble tout à fait compréhensible, il fallait par contre mettre au point un protocole d’étude assez complexe afin de pouvoir isoler réellement l’impact du cannabis uniquement. C’est bien là que se situaient nos désaccords.

Ils ont donc recruté 270 malades porteurs chroniques d’hépatite C dans leur service, en ayant défini trois groupes. C’est-à-dire :

– un groupe de 143 personnes déclarant n’avoir jamais fumé de cannabis (53%), et c’est bien vrai ce mensonge ? hein et pourquoi t’as les yeux rouges ?

– un groupe de 41 fumeurs occasionnels (15%) n’ayant jamais consommé quotidiennement de cannabis, avec une consommation moyenne d’environ huit pétard par mois, tiens ça me rappelle quelqu’un !

– un groupe de 89 fumeurs quotidiens (33%) avec une consommation moyenne d’environ 60 pétards par mois,

– et que le dernier ferme la porte, s’il tient encore debout et qu’il voit quelque chose au milieu du nuage ! Ouvrez la fenêtre, les oiseaux vous ferons un joli sourire bête !

Foie et cannabis Non Fumeur Fumeurs occasionels Quotidiens
Tous patients confondus 53% 15% 33%
143 41 89
Contamination VHC par injection de drogue 16% 86% 93%
23 35 83

Les malades avaient été sélectionnés car ils avaient fait plusieurs biopsie du foie qui permettaient de déterminer l’évolution de leur fibrose dans le temps et donc d’examiner une possible accélération de cette fibrose potentiellement due au cannabis. Il a donc fallu étudier aussi d’autres causes possibles d’accélération de la fibrose afin de ne pas fausser cette étude. Donc bien sûr, les facteurs étudiés sont la consommation d’alcool supérieure à trois verre par jour, la consommation de plus d’un paquet de cigarettes par jour, l’âge à la contamination, le fait d’avoir plus de 40 ans, une stéatose (graisse dans le foie), etc…

Donc le mercredi 11 janvier 2006, je fait cette interview téléphonique. Je lui demande : “ Avez-vous détaillez dans votre étude, les consommations antérieures et régulières des 54% d’usagers participants et déclarant avoir été contaminés par injection ? En effet, il nous semble évident que si ces usagers ont eu recours pendant de nombreuses années à des injections de cocaïne, de sniff d’amphétamines, avec en prime des surdosages de benzodiazépines, il y aurait de quoi avoir un foie particulièrement fibrosé non ? ”

Le Dr Hézode me répond que : “ Il faut rappeler tout d’abord quels sont les types de lésions sur le foie que provoque ces produits. À savoir, la cocaïne ne provoque que des hépatites aiguës. Il n’y a jamais eu de forme d’hépatotoxicité chronique de décrite chez des usagers de cocaïne. Il m’est déjà arrivé de faire prendre en charge un usager ayant fait une hépatite aiguë à la cocaïne particulièrement sévère puisqu’il a dû être greffé du foie.
Sinon, concernant les benzodiazépines, il en est de même pour ainsi dire, il s’agit d’hépatite médicamenteuse de type aiguë et d’évènements plutôt rares qui surviennent surtout chez des personnes ayant déjà un foie fragilisé par une hépatite virale ou alcoolique, le plus souvent. Il me semble évident que plutôt que les produits eux-mêmes, il faudrait aussi améliorer nos connaissances sur les produits de coupes.
Aussi nous n’écartons absolument pas que toutes ces autres consommations aient pu biaiser nos conclusions, toutefois nous ne pensons pas qu’elles aient pu avoir une incidence importante ”.

Face à autant d’humilité, ce qui est toujours appréciable chez un médecin, mais aussi afin de faciliter la lecture de cette retranscription, je ne saurais résister d’avantage à l’envie de baptiser le Dr Hézode, le Dr H.

G-Laën : “ Nous avons un problème avec vos conclusions puisqu’elles ont été reprises par bon nombre de vos collègues hépatologues qui les appliquent sans forcément les comprendre. Aussi nous craignons que cet argument concernant le cannabis ne serve de contrainte supplémentaire qui vienne compliquer encore l’accès aux soins des hépatites pour les usagers de drogues. Aujourd’hui nous savons que bon nombre d’hépatologues ne sont pas motivés pour prendre en charge les usagers et donc il ne faudrait pas qu’ils interprètent à tort cette étude. Qu’en dites-vous ? ”

En effet, dans le numéro 24, de la revue THS de décembre 2004, le Pr Couziguou, hépatologue de “ débordé ” dans la région Bordelaise propose un suivi hépato pour le cannabis.

Dr H. “ Nous devons rappeler très clairement, que notre conclusion est qu’un malade atteint d’hépatite C chronique doit s’abstenir, s’il le peut, de fumer tous les jours du cannabis. Et ce message s’adresse surtout à des patients non-répondeurs aux traitements par interféron, chez qui on voudrait minimiser toutes les causes d’aggravation de la fibrose en attendant la possibilité de pouvoir retraiter et guérir son hépatite C.
À mes patients qui viennent me consulter pour initier un traitement et qui me demandent est-ce que le cannabis pose un problème, vu que ça les aide ? Je leur dis très clairement qu’il y a des malades pour qui le cannabis semble être une aide face aux nombreux effets secondaires d’un traitement à base d’interféron. Aussi je leur dit qu’il n’y a pas de contre-indications majeures puisque ce qu’il faut absolument favoriser à ce moment là, c’est l’observance à ce traitement et arriver à ce que la malade tienne jusqu’au bout. ”

En effet, dans leur première étude nationale sur les hépatites virales en 2002, SOS-hépatites avait déjà rapporté que sur les 2 226 personnes ayant participé dont la moyenne d’âge était plutôt de 55 ans (36 % 18-44 ans, 48 % 45-64 ans et 16 % plus de 65 ans), il y avait 20 % de contamination par la seringue. De plus, 13% des malades ont reconnu utiliser régulièrement du cannabis pour faire face aux effets secondaires des hépatites et de leurs traitements.

Dr H.“ Donc même si notre étude démontre une possible toxicité hépatique du cannabis, il faut rappeler que nous ne pouvons toujours pas en expliquer les mécanismes et de plus, que cette étude est une première qui doit être complété par d’autres travaux.
Nous avons remarqué dans notre groupe de malades consommant quotidiennement du cannabis qu’il y en a qui n’ont pas du tout de fibrose. Et puis notre étude concerne uniquement des malades d’hépatite C chronique. Il ne faut donc pas faire l’erreur de penser qu’on aurait démontré que le cannabis est hépatotoxique chez une personne en bonne santé. C’est faux ! On a clairement démontré qu’on ne voyait pas de différence entre le groupe de non-fumeurs et celui des fumeurs occasionnels (8 pétards par mois en moyenne), ce qui fait que dans l’analyse finale de notre étude, on a groupé ces deux sous-groupes pour les comparer aux fumeurs quotidiens. En usage occasionnel, le cannabis fumé ne semble avoir aucune incidence sur la progression de fibrose dans l’hépatite C ”.

Et bien, voilà des conclusions qui me semblent très clair non. Et vous ?

[1] Hézode C. et al. “ Daily cannabis smoking as a risk factor for progression of fibrosis in chronic hepatitis C ”. Hepatology 2005 ; 42 : 63-71.

Cannabis storique

Au Hit Parade depuis 10 000 ans

Pour nombre d’historiens, d’archéologues, d’anthropologues et de botanistes le cannabis est sans doute la plante la plus cultivée. Initialement récolté pour ses fibres textiles et pour ses graines nourricières, il est probable que le cannabis fut secondairement utilisé pour ses propriétés médicinales et psychotropes. Au hit parade des sept substances les plus employées pour modifier le champs de la conscience, altérer l’humeur ou diminuer la douleur il est en tête dans la plupart des religions.
Les premières traces de chanvre datent de quelques 10 000 ans et sont retrouvées dans des débris de tissage, dans l’ancienne Mésopotamie (province de la Turquie actuelle). Les recherches semblent montrer que le cannabis est originaire d’Asie Centrale. Il s’est par la suite répandu au fil des migrations des conquêtes vers l’Est (la Chine et le sub-continent indien) et vers l’ouest (le Moyen-Orient, la vallée du Nil puis les pays du Maghreb lors des conquêtes arabes). Dans un second temps, son usage atteint l’ensemble du monde occidental et, à l’heure actuelle, l’Organisation Mondiale de la Santé considère que c’est la substance psychotrope illicite la plus utilisée à travers le monde .

De la Chine aux Indes…

Vers 2700 avant J.C., le légendaire empereur Shen Nung -« Père de la médecine chinoise »- recommandait l’utilisation du cannabis contre la malaria, la constipation, les douleurs rhumatismales, les « absences » et les règles douloureuses …
Il était d’usage chez les anciens chinois de graver la tige principale d’un plant de chanvre à l’image d’un serpent enroulé autour d’un bâton, ce qui ressemble au caducée, symbole traditionnel des médecins. Lors de rituels thérapeutiques, un parent du patient frappait sur le lit du malade avec ce bâton-serpent pour chasser les mauvais esprits. Aux Indes le chanvre est une plante sacrée. Le cannabis serait issus de la transformation des poils du dos du dieu Vishnu échoué sur le rivage des terres habitées.
Autre bienfaiteur, le dieu Shiva, qui passe pour « avoir ramené le cannabis de l’Himalaya pour la joie et l’illumination des humains ». On honorait traditionnellement Shiva en versant du Bhanga (avant d’être la star d’un groupe industriel de boissons sucrées des années 70 c’est aussi le nom indien du chanvre-) sur le lingam, une colonne phallique qui symbolise la force masculine. Aujourd’hui encore, les Sadhus ou « hommes saints » vouent leur vie au dieu Shiva. Ils portent les cheveux longs, vivent de l’air du temps, pratiquent le yoga et la méditation, et fument souvent de grandes quantité de Charas (haschisch) et de ganja (herbe). Au delà des rites religieux, la consommation de Bhanga s’est rapidement répandue dans tout le sous-continent, et le cannabis est passé du statut d’élixir et de plante médicinale à celui de drogue psychoactive peu coûteuse et facile à obtenir. En Inde, le cannabis est utilisé pour stimuler l’esprit, faire baisser la fièvre, faire dormir, guérir la dysentrie, stimuler l’appétit améliorer la digestion, soulager les maux de tête, traiter les maladies vénériennes, employé lors des accouchements comme analgésique et pour augmenter les contractions utérines….

Les Scythes archéologiques

Ce sont les Scythes qui répandent l’usage religieux du cannabis des confins de la Sibérie en Europe, lors de leurs conquêtes. Grâce aux recherches archéologiques, on sait que ce peuple a parcouru des distances considérables. Leur présence sur les bords de la mer Noire est attestée par l’historien grec Hérodote (484-425 av. J.C.) qui témoigne de l’utilisation du cannabis lors des cérémonie funéraires.. L’historien grec Hérodote (484-425 av. J.C.) témoigne de l’utilisation du cannabis chez les Scythes lors des cérémonies funéraires. L’ivresse observée résulte de l’inhalation des fumées produite par les graines et sommités fleuries du chanvre, jetées sur des charbons ardents.

Grecs rieurs

Au cours de leurs migrations vers l’ouest, ils transportèrent le chanvre textile et le transmettent aux Thraces, habitants orientaux de la Grèce qui en firent des vêtements.
Les Grecs et les Romains connaissaient également le chanvre et l’utilisaient pour fabriquer près de 90% des voiles, cordages et tissus vestimentaires. En 460 av. J.C le philosophe Démocrite raconte que bu avec du vin et de la myrrhe,le chanvre produit des délires et des états visionnaires. Il observe aussi des « rires irrépressibles ». Démocrite lui-même est du reste appelé le « philosophe rieur » par ses compagnons.

Cocorico

Mais c’est en Gaulle, plus précisément dans la vallée du Rhône, que l’on trouve la première preuve historique d’une culture de chanvre en Europe occidentale, en 270 av. J.C.
Dioscride, médecin et botaniste romain du 1er siècle, l’utilise comme analgésique et mentionne ses vertus aphrodisiaques et apéritives ainsi que son pouvoir psychotrope en précisant que le cannabis « fait venir devant des yeux des fantômes et illusions plaisantes et agréables ». Galien, un siècle plus tard indique que « l’on en donnait habituellement aux convives des banquets pour les mettre à l’aise et les rendre joyeux », et souligne aussi les dangers de son abus, redoutant qu’ « elle ne blesse le cerveau quand on en prend trop ».
Le déclin de l’empire romain est associé à une mise en sommeil du savoir concernant le cannabis qui ne réapparait qu’avec l’épanouissement de la civilisation arabe.

Dans le monde musulman

canna-fakir Le développement de l’usage du cannabis dans le monde musulman est marqué par le rôle de la religion. En effet, l’Islam interdit l’usage de boissons alcoolisées mais incorpore le chanvre, associé au prophète Elie, saint patron de l’eau. Le cannabis est ainsi rapidement reconnu comme pouvant provoquer des effets psychotropes du même ordre que l’alcool, sans que son usage ne constitue un péché. Il s’intégre donc dans la vie religieuse, sociale et culturelle du Moyen-Orient, comme en témoignent les fameuses Milles et une nuits du Calife Haroun al Rashid.
Avec les invasions arabes des VIIe et VIIIe siècles,le cannabis passe De la péninsule arabique en Afrique du Nord, puis en Espagne, en France et dans le pourtour méditerranéen.

Du Moyen Age à la Renaissance : l’interdiction posée par l’église

Au cours du Moyen-Age, le chanvre s’est répandu dans l’Europe entière. Du XIe au XIIIe siècle, les croisés découvrent en Terre Sainte les préparations à base de résine de cannabis, sous forme de haschich. L’Inquisition voit dans le cannabis une herbe diabolique et ordonne son interdiction en Espagne au XIIe siècle, et en France au XIIIe siècle, en proclamant que l’ingestion de cannabis était hérétique et satanique. La connaissance des propriétés médicinales et psychoactives du cannabis a quasiment disparu et on ne le retrouve mentionné que comme ingrédient de philtres ou potions de sorcières et guérisseurs.

Le cannabis à l’âge classique et au Siècle des Lumières

En 1546, Rabelais donna au chanvre le nom de Pantagruélon, en écho à son héros Pantagruel. Il précisa que le chanvre permettait aux hommes « non seulement de se joindre par-delà mes mers, mais aussi de tenter l’escalade des cieux », faisant ainsi allusion et aux cordages en chanvre et aux propriétés psychotropes. Médecin, Rabelais en recommandait l’usage pour divers maux (plaies, brûlures, crampes, rhumatismes et douleurs spastiques).

Du XIVe au XVIIIe siècle, le chanvre est essentiel pour le commerce maritime puisqu’il sert à fabriquer les voiles, gréements, cordages et vêtements. Durant cette période la production est de plusieurs milliers de tonnes par an et le chanvre est considéré comme une production agricole de premier ordre, source de nombreux conflits majeurs.
Pour l’anecdote, George Washington en cultivait en 1765 dans son domaine de Mount Vermont, comme en atteste son journal.

AU XIXe siècle, la redécouverte coloniale et le modèle orientaliste de consommation

Le XIXe siècle apparaît comme l’époque faste du cannabis. En partant à la conquête de l’Orient, les Français et les Anglais redécouvrent les propriétés psychotropes du cannabis et son potentiel thérapeutique.

C’est à l’occasion de la campagne d’Egypte, en 1799, que les médecins qui accompagnent le général Bonaparte redécouvrent les propriétés psychotropes et médicinales du cannabis. Vers les années 1840, Jacques-Joseph Moreau de Tours, aliéniste à la Salpêtrière ramène du chanvre du Caire. Il ingére du haschisch pour en décrire précisément les effets psychotropes dans son traité Du haschich et de l’aliénation mentale (1845).. Malgré qu’il soit assimilable à celui de la folie le procédé de l’intoxication au haschich est pour lui un moyen unique d’exploration du psychisme humain. Il encourage son entourage à l’imiter et se fait l’initiateur de l’usage du cannabis auprès des intellectuels et artistiques parisiens de l’époque très marqués par le romantisme et l’orientalisme.

Les hachichins

Avec Théophile Gautier, il fonde le Club des Hachichins en 1844. Ce cercle se réunit tous les mois à l’hôtel Pimodan, à Paris, pour ingérer du dawamesc. C’était une sorte de « confiture verte », mélange à base d’extrait gras de résine de cannabis et de divers ingrédients (girofle, cannelle, musc, essence de rose ou de jasmin et amandes) absorbée sous la forme d’une « noix » d’une trentaine de grammes. Ce club étonnant comptait parmi ses membres Charles Baudelaire, Gérard de Nerval, Alexandre Dumas. On y croisait aussi Daumier, Balzac et Delacroix .
La consommation de cannabis selon le modèle orientaliste en vogue en France se répand en Europe et aux Etats-Unis. A partir des années 1860 jusqu’en 1900, les foires mondiales et autres expositions universelles comprennent généralement un « salon fumoir à la turque ». Jusque dans les années 1920, il en existe plus de 500 à New York.

L’âge d’or du cannabis thérapeutique

Dr-chichonAu milieu du XIXe siècle, un médecin irlandais, William O’Shaughnessey, remit en vogue les propriétés thérapeutique du cannabis. Après avoir observé ses collègues indiens prescrire avec succès, différents extrait de chanvre pour traiter toutes sortes de maladies, alors considérées comme incurables par la médecine occidentale, il remit un rapport à l’Académie des Sciences d’Angleterre concernant les applications médicales du cannabis, en affirmant que outre ses propriétés analgésiques puissantes, il constituait « le remède antispasmodique le plus précieux qui soit ». Il fut alors prescrit comme remède des douleurs et notamment des douleurs menstruelles (indication qui gagne les faveurs de la reine Victoria). Ses découvertes suscitent un grand intérêt dans le monde médical occidental et, en moins de trois ans, le cannabis devient le médicament à la mode, en Europe comme au Etats-Unis. De 1842 à 1900, plus d’une centaine d’articles médicaux sont publiés qui recommandent son utilisation dans le traitement de diverses maladies et malaises.

Cannabis contre morphine

A la génération suivante les médecins se désintéréssent peu à peu du cannabis et de ses effets analgésiques, au profit de l’usage des opiacés (morphine). En effet, l’invention de la seringue hypodermique, dans les années 1850, révolutionne les pratiques médicales en permettant un soulagement rapide de la douleur par l’injection de médicaments solubles. Les dérivés du cannabis n’étant pas soluble dans l’eau, ils ne peuvent être injectés (et ne le sont toujours pas aujourd’hui). Ainsi, à partir de 1863, le cannabis est progressivement remplacé par la morphine.

Les temps modernes : de la « diabolisation » à la prohibition mondiale

Parallèlement à ce déclin, les premières années du XXe siècle furent les années de « diabolisation » du cannabis.
Aux Etats-Unis, une vaste campagne prohibitionniste prend naissance sur fond de racisme. Au début des années 1910, l’herbe fumée se répand parmi les travailleurs saisonniers mexicains du Texas ou les musiciens jazz de la Nouvelle-Orléans afro américains. Les blancs attribuèrent au cannabis une influence insidieuse qui pousserait les noirs à penser qu’ils valent bien les blancs. Quant aux mexicains, sous l’influence du cannabis ils osaient regarder les Blanches. La presse à sensations mena une campagne de terreur pour mettre le cannabis hors la loi.
Le bon vieux cannabis connu par près de quatre générations d’américains est alors remplacé par le vocable marijuana la terrible « herbe tueuse ». Ce terme, d’origine mexicaine, fut systématiquement utilisé dans les articles et le terme de « chanvre » fut bientôt gommé du langage populaire. Unee propagande calomnieuse encouragée par Harry J. Anslinger, directeur du bureau des stupéfiants de 1931 à 1962. Il alimente la presse nationale en histoires sadiques et sanglantes, truffées de connotations racistes, démontrant l’extrême danger du cannabis.
Cette campagne de terreur aboutit en 1937 à l’adoption d’une loi draconienne : le marihuana Act.. A titre d’exemple, les médecins Appelés comme experts n’apprirent que deux jours avant leur audition que « l’herbe tueuse du Mexique » était en fait le cannabis,utilisé depuis presque cent ans en thérapeutique. La prohibition du cannabis venait de remplacer celle de l’alcool(1919-1933).
En France, l’écho de cette mise en œuvre d’une politique prohibitionniste aboutit à une décision législative : le cannabis est supprimé de la pharmacopée française

La renaissance du cannabis dans les contre-cultures d’après guerre

Dans les années 1950, Henri Michaux fit l’expérience des voyages intérieurs et il apparut, en France comme à l’étranger comme l’un des premiers penseurs des drogues et du psychédélisme (terme qu’il utilise dès 1955).
Dès le début des année 1960, cet intérêt psychédélique se développa également aux Etats-Unis. A cette époque, la psilocybine et le LSD font l’objet de recherches expérimentales à Harvard comme à Cambridge.
Dans les années 1960 et 1970, la consommation de cannabis devient un phénomène de masse qui concerne presque exclusivement les adolescents et les jeunes adultes. Cependant l’utilisation du cannabis se distingue des autres drogues (héroïne, cocaïne, amphétamines..) par son association avec le mouvement culturel hippie,. Le mouvement hippie.
La route vers l’orient, la musique pop, consacreront le cannabis comme « drogue douce ». La consommation est alors synonyme de fraternité et de liberté, mais surtout de lutte contre les valeurs établies et la société de consommation. En France, l’époque est marquée de manière symbolique par la publication en 1976 dans le journal Libération de « l’appel du 18 joint », signé par nombre de personnalités du monde de la culture et de la politique qui reconnurent avoir consommé du cannabis. (voir Asud n° 14 l’article de J.P. Géné)

Le mouvement Rastafari jamaïcain

A la même époque, le mouvement rasta, né en Jamaïque, s’étend dans les îles anglophones des caraïbes puis dans le monde entier. Les rastafariens ou ratsas se considèrent comme une tribu perdue d’Israël, vendue comme esclave. Ils prêchent le retour en Afrique comme étant la rédemption du peuple noir. Pour les Rastas, le cannabis est un sacrement et ils l’utilisent pour rendre grâce à Jah (dieu). Partout dans l’île, le thé de ganja est prescrit pour soigner les rhumatismes, l’insomnie et l’impuissance. De ce mouvement est né une musique propre aux rastas qui chantent l’amour, la paix, l’harmonie et la lutte contre l’oppresseur : le reggae. Pendant les années 1980, ce mouvement revendique également la légalisation du cannabis.

Le renouveau du cannabis thérapeutique

C’est également dans les année 1970 que la valeur thérapeutique du cannabis fut redécouverte. Certains jeunes cancéreux l’utilisent pour soulager les violentes nausées causées par la chimiothérapie, d’autres découvrent son intérêt dans le traitement du glaucome, les douleurs chroniques et la sclérose en plaque ;
Entre 1976 et 1991, malgré l’interdiction pesant sur l’expérimentation du cannabis naturel, dix états américains obtiennent la permission de mettre en place des programmes de recherche. Dans le sillage de l’épidémie de SIDA, les demandes de nouveaux patients affluent. En 1991, le gouvernement fédéral décide de fermer ces programmes à tout nouveau candidat en prétextant les difficultés à faire coexister ces expérimentations et la politique de lutte contre la drogue.
En France, la loi interdit tout usage, qu’il soit récréatif ou thérapeutique. Les rapports officiels sur l’intérêt de l’utilisation thérapeutique du cannabis se multiplient sans que les recommandations ne soient suivies d’effets législatifs. Tandis que nos voisins européens dépénalisent tour à tour l’usage de cannabis, les législateurs français continuent de refuser toute expérimentations.

Cannabis et Réduction des risques

Si aujourd’hui nombre de scientifiques reconnaissent enfin la relative innocuité du cannabis « L’herbe qui rend nigaud « n’en reste pas moins une drogue dont l’usage peut poser certains problèmes pour la santé.

Au sein de la planète antiprohibitionniste, il n’est pas toujours facile d’aborder ce sujet très politique-ment incorrect. Dans cette respectable mouvance, on a bien souvent tendance – en réaction aux discours alarmistes et mensongers – à «oublier» ces petites mais bien réelles nuisances.
Evidemment, le danger numéro 1 du cannabis est dû à son statut de drogue illicite. Alors, même si, de plus en plus fréquemment, des flics blasés se contentent de confisquer les simples boulettes, gardez toujours à l’esprit que le cannabis reste prohibé. Selon le code pénal, le cultiver rend passible de la cour d’assises. « Dépanner » ses petits copains peut coûter dix ans à l’ombre et une simple consommation une année de taule assortie de 25 000 F d’amende.

Le système respiratoire

La plupart des amateurs de cannabis fument le produit.
C’est le moyen le plus simple, le plus rapide pour être stone et pour beaucoup le plus agréable. Mais aussi le moins sain surtout en cas d’usage intensif. Eh oui, inhaler une fumée est toujours nocif pour le système respiratoire et celle du cannabis ne fait pas exception. D’autant qu’on ne mélange généralement à cette drogue dure qu’est le tabac.
Un joint d’herbe pure dégage trois fois plus de goudron qu’une cigarette et cinq fois plus de monoxyde de carbone.
De plus, la fumée du joint est de température plus élevée et souvent inhalée plus intensément et plus longtemps, ce qui est inutile, un simple passage dans les poumons étant tout aussi efficace. Comme celle du tabac, la fumée de cannabis serait cancérigène. Bon on ne va pas rentrer dans la polémique : laquelle des deux fumées est la plus nocive ? Elles le sont toutes deux. Donc évitez de les additionner. Fumez pur dès que vous en avez la possibilité.
Vous avez éliminé le tabac mais est-il possible d’atténuer les dégâts que provoque la fumée de cannabis ? Sans doute oui, grâce à certaines pipes à eau, aux vaporisateurs et autres Aromizer. Bien qu’une étude du Norml, une association américaine pro cannabis, l’ait mis en doute, on peut raisonnablement penser que fumer dans une pipe à eau est moins nocif pour les poumons. La fumée est refroidie par l’eau avant d’envahir vos malheureux poumons – c’est déjà ça de pris. Certaines vapeurs toxiques de la fumée de cannabis sont solubles dans l’eau et donc susceptibles d’y être détruites. Evitez les pipes en matière plastique qui risquent de dégager de méchantes vapeurs.
Avec le développement de l’usage médical du cannabis est apparu tout un tas de nouvelles machines destinées à fumer tout en préservant ses poumons. Le premier de la série est le vaporisateur. Une sorte de décapeur thermique chauffe le cannabis sans combustion et en dégage la substantifique mœlle. Ça marche mais c’est assez frustrant car on ne sent pas la fumée. La drôle de sensation d’aspirer du vide est vite contredite par une bonne montée. C’est un appareil très utile pour les personnes malades ou celles qui ne supportent pas la fumée. En version de poche, ça donne le « bubble », un tube en verre au bout duquel on fixe une boule de verre. Placez dans la boule un bout de shit ou un peu d’herbe et promenez une flamme sur le verre, des vapeurs se dégagent alors sans aucune combustion.
L’aromizer présenté lors de la dernière édition du salon consacré au chanvre, le Cannabizness présente l’avantage d’ex­traire toujours sans combustion les principes actifs de la plante.

La qualité du produit

canna4Autre problème qui se pose lorsque l’on fume, c’est la qualité du produit. Le shit de contrebande, en général, un Marocain de seconde zone, est susceptible d’être coupé à diverses substances (henné, caoutchouc, crotte de chameau, etc.) dont la combustion n’est pas franchement bonne pour vos poumons. Il est préférable de connaître la provenance de votre cannabis et pour cela le meilleur moyen est encore de cultiver sa propre herbe. Le cannabis pousse facilement en intérieur comme en extérieur. Découvrez les joies du jardinage et le plaisir de consommer le produit propre d’une plante que vous avez choyée et vu grandir. Ne vous laissez pas bluffer par les termes techniques et les discours rébarbatifs de quelques « spécialistes » prétentieux, la culture de l’herbe n’est pas si compliquée, il suffit d’être patient et attentionné. L’autoproduction, outre les joies qu’elle vous procure, vous permet d’éviter de fréquenter les réseaux criminels et aussi de faire de très, très grosses économies.
Disposer d’un produit puissant peut permettre de tirer moins de taffes, donc de moins se polluer les poumons. Un joint de Skunk peut être plus puissant que cinq de maroco.
Pour les personnes malades, aux défenses immunitaires affaiblies, il est conseillé de stériliser son cannabis qui peut être infecté par des pesticides ou des moisissures. Un court passage au four – de préférence micro-ondes – à une température maxi de 160° devrait suffire d’après le Manuel du Cannabis à usage médical.

A vos fourneaux !

Et si vous êtes prêts à vous priver de l’arôme ainsi que du rituel du joint qui tourne et bien mangez maintenant ! Comme toute drogue, le cannabis peut aussi se bouffer. Et là c’est garanti à 100 % et en plus c’est discret. Passez les contrôles de flics, votre boîte de gâteaux blindés au THC sous le bras tout en affichant un sourire niais tendance cannabinophile confirmé. Mais là, attention aux dosages. Car s’il est facile de bien régler son niveau de défonce en fumant, c’est plus ardu lorsqu’on ingère.
Si l’effet est plus long à monter (entre 1/2 h et 1 h), quand il arrive c’est du costaud et plus question de faire marche arrière. C’est parti pour plusieurs heures de ballade cosmique.
Manger le cannabis produit des effets pharmacologiques différents qu’en le fumant car il est transformé par le foie en 11-hydroxy-THC, un métabolite quatre à cinq fois plus puissant que le THC. Il est donc très important de bien calculer la dose, sinon vous risquez une overdose, certes jamais fatale mais sacrément désagréable quand même. Le cannabis se dissout à merveille dans l’alcool (+ de 40°) les graisses.

Dépendance et syndrome amotivationnel

Contrairement à la nicotine, aux opiacés ou à l’alcool, le cannabis ne provoque pas de dépendance physique. Les gros consommateurs seront juste un peu plus irritables et auront une moins bonne qualité de sommeil mais rien de grave.
Certains développent une dépendance psychologique, tout comme d’autres sont accros à Internet ou aux jeux vidéo. Question de caractère.
Le cannabis peut poser problème à quelques consommateurs qui ne maîtrisent pas leur consommation. Bien entendu, sur les centaines de milliers d’amateurs de cannabis, seul un petit pourcentage est concerné, mais il faut le savoir. Aujourd’hui, les nouvelles variétés d’herbe sont extrêmement puissantes, les taux de THC ont explosé, un simple pétard peut vous emmener assez loin et pas toujours là où vous le vouliez. Certaines herbes sont carrément psyché-déliques alors si vous vous envoyez une dizaine de pétards par jour, vous serez dans le cosmos, déconnecté.
canna3Il y a des furieux du tarpé qui sont complètement à la ramasse. Traduisez, oui, il existe des « toxicos » du chichon. Bien souvent, ces personnes consomment également d’autres drogues, principalement de l’alcool, ce qui n’arrange rien. Il existe aussi des intégristes du cannabis qui ne jurent que par l’herbe et sont incapables de se bouger sans avoir fumé. Vous savez ce fameux « syndrome amotivationnel » si cher aux psychiatres et autres experts en cervelle, il existe ! En fait, le cannabis ne fait qu’amplifier l’état dans lequel vous êtes. Si vous êtes un dégoûté de la vie, démotivé de tout, fumer du cannabis vous confortera dans cette position. Sinon, vous n’aurez pas à dealer avec ce fameux syndrome amotivationnel.
Bien sûr, les conséquences d’une « toxicomanie » au cannabis ne sont pas catastrophiques comme celles des opiacés, de la coke ou de l’alcool. Le problème n’est « que » psychologique.
Tendance inquiétante, de plus en plus de très jeunes ados idéalisent le cannabis au risque de se détourner de toute autre activité. Et cela peut être dangereux.
Le cannabis n’est qu’une plante – certes charmante – mais pas un mode de vie, ni une finalité. Faites gaffe aux jeunes apprentis cannabinophiles.
Certains détracteurs du cannabis accusent cette drogue d’altérer nos cellules reproductrices, d’entraîner des troubles mentaux, l’impuissance, la baisse de la libido et j’en passe et des meilleures.
De nombreux travaux scientifiques ont contredit ces sornettes. Plus sérieusement, certains soupçonnent le cannabis de légèrement déprimer le système immu­nitaire. D’autres prétendent l’inverse. On attend la confirmation ou l’infirmation de cette accusation.
Un risque qui peut être lourd de conséquence est celui de conduire un véhicule sous l’influence du cannabis. Car si, contrairement à l’alcool, le cannabis ne vous donne pas cette sensation d’invin-cibilité, il entraîne tout de même une baisse des réflexes et de l’attention

Cannabis et conduite

cannabis-volantMême si, effectivement, les personnes au volant sous l’influence du cannabis diminuent souvent leur vitesse. Leur capacité à rouler droit, à évaluer les distances et à analyser rapidement une situation altérée. Là encore tout dépend de la quantité que vous avez pris. Conduire après avoir bouffé un space cake bien chargé relève de l’inconscience. La conduite sous cannabis est bien moins dangereuse que la conduite sous alcool mais il y a un risque potentiel qu’il est préférable d’éviter.
Et n’oubliez pas : fumer un joint peut aussi vous faire paumer vos clefs, commander une pizza à 4 h du matin et partir dans de furieux fous rires. On dit que le cannabis est une drogue douce, alors n’en faites pas un usage dur.
Et maintenant, roulez !

* J’attends une récolte aux Editions du Lézard, ouvrage complet et très fun sur la culture de l’herbe.

Apaire au pays des jardiniers en herbe

Même si la plus grande partie de cette chronique est consacrée à la tentative de la Mildt de briser le moral des cultivateurs en herbe, entre deux saisies et trois interpellations, le reste de l’actualité cannabique joue en faveur des partisans du changement.

Je veux évidemment parler de Pour en finir avec les dealers écrit par le maire de Sevran en collaboration avec un flic de terrain. Difficile de passer à côté des thèses déve­loppées dans cet ouvrage tant il a été commenté dans les médias. Aux prises avec la réalité, les auteurs démontrent l’inefficacité de la prohibition et préconisent, au nom de la sécurité, de légaliser les drogues.
Un autre livre, paru quelques semaines auparavant et écrit par un journaliste qui « ne se drogue pas », Drogues : Pourquoi la légalisation est inévitable, a, lui aussi, participé à mettre le sujet du cannabis. sur le devant de la scène Il y avait bien longtemps que les télévisions n’avaient pas consacré d’émission au cannabis, un sujet qu’ils abordaient volontiers naguère. Le jour du printemps, France 2 consacre un dossier à ce sujet sous le titre Et si on légalisait le cannabis ?, une question qui contient déjà la réponse. En envoyant ses journalistes enquêter en Cali­fornie, aux Pays-Bas et au Portugal, l’émission a démontré qu’il existe des alternatives fiables à notre politique du tout répressif. Tant mieux si des politiques relaient enfin ce que nous répétons depuis des années, mais voilà qu’Étienne Apaire est arrivé avec ses gros sabots.

La Mildt découvre la cannabiculture

Alors qu’en quelques années, la politique de la matraque aidant, la culture du cannabis a fleuri partout en France, la Mildt – qui ne maîtrise pas le sujet – demandait en 2007 à l’Ofdt de se pencher sur « la part de la production domestique de cannabis en France ». En 2008, Jean-Michel Costes, feu le directeur de l’Ofdt, remet son rapport : les cannabiculteurs seraient 200 000 et produiraient 32 tonnes de beuh, 11,5% de l’herbe fumée serait locale et son taux en THC avoisinerait les 8 %… Bref, en France comme dans tous les pays d’Europe, force est de constater que la culture domestique du cannabis est en pleine expansion. La Mildt s’en émeut. Son président nous rassure, il prendra les mesures qui s’imposent dans le plan antidrogue qu’il nous concocte.
Le Circ se fend alors d’une lettre à son président1 dans laquelle il souligne malicieusement que le succès de l’autopro­duction est un des effets collatéraux de la politique répressive. Le cannabis étant trop souvent coupé avec des produits nocifs, le Circ relève également qu’en cultivant son jardin, l’amateur milite paradoxalement pour sa « bonne santé ». En cultivant son jardin, il coupe les ponts avec le marché noir où il risque non seulement de se voir proposer d’autres drogues, mais aussi de se faire alpaguer au détour d’une rue par des policiers contraints de faire du chif­fre. Fort de ses arguments pragmatiques, le Circ invitait la Mildt à adopter une politique tolérant la culture de quelques pieds de chanvre dans son jardin, sur son balcon ou en « placard ».

La Mildt déclare la guerre aux cannabiculteurs…

Dans son « Plan gouvernemental 2008/2011 de lutte contre les drogues et les toxicomanies », la Mildt ne tient pas compte de ces propositions sensées et promet de s’attaquer à ce « phéno­mène favorisé par la libre circulation des graines et du matériel de production, ainsi que par la prolifération de magasins et de sites In­terrnet spécialisés dans la “cannabiculture” »… Pour éradiquer ce nouvel ennemi de l’intérieur, comme le qualifie Étienne Apaire, la Mildt décide de doter la police « de moyens de détection in­novants » (appareils à infrarouge, détection aérienne, détecteurs de particules, amplificateurs de bruit…).

…l’Onrdp en rajoute une couche

Quant â David Weinberger, il déduit de l’étude qu’il a menée pour le compte de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (Onrdp) que 80% de ceux qui cultivent du cannabis le font uniquement pour assurer leur consomma­tion personnelle. 47% de la beuh fumée en France serait en outre produite sur le territoire. David Weinberger (comme la Mildt) remarque que cette activité qui se concentre en « zone périurbaine » est facilitée par la multiplication des sites In­ternet spécialisés et des boutiques. Il en dénombre 400 en France… À ce rythme nous assure le rapporteur, la beuh sup­plantera bientôt le shit dans le cœur des fumeurs.

Mildt attack

Le 26 avril 2011, gendarmes et policiers encadrés par l’Octris passent â l’attaque et effectuent conjointement vingt-trois descentes sous l’autorité de dix-neuf par­quets. Dix-huit personnes sont interpel­lées, dont quatorze se retrouvent en garde â vue. Ces descentes médiatisées, on les doit aux cyber policiers qui, durant de longs mois, ont espionné les cultivateurs en herbe via le site Cannaweed et réussi â en localiser certains, notamment grâce aux photos de leur jardin intime publiées sur le site.
Efficaces les policiers du Net ? Pas vraiment puisque certaines personnes interpellées ne cultivaient plus depuis des années. Quant â l’opération elle-même, il n’y a pas de quoi pavoiser : cent pieds d’herbe saisis, soit une moyenne de cinq pieds par personne. Quatre kilos de beuh de « très grande qualité », dixit Le Figaro, ont été retrouvés, ce qui ne fait jamais que trois cents grammes par jardinier, de quoi assurer sa consommation estivale. Et dire que nos flics, qu’ils soient « cyber » ou pas, ont été formés par des policiers néer­landais. S’inspirant de leurs judicieux conseils, la Mildt vient d’ailleurs de pu­blier un guide de cannabiculture réservé aux fins limiers chargés de repérer les cultures clandestines.
Alors qu’elles s’étaient déroulées deux semaines auparavant, ces descentes orches­trées par la Mildt ont été jetées en pâture aux médias la veille de la dixième Mar­che mondiale du cannabis. Un méchant hasard ou un message codé â l’intention des jardiniers en herbe, des growshops, du Circ et de sa devise : « Contre la guerre à la drogue, cultivons notre jardin » ?
Encore une fois, voulant montrer au bon peuple qu’elle ne lâche pas le mor­ceau, la Mildt a consacré beaucoup de temps, d’énergie et d’argent â la seule fin de gâcher la vie de quelques passion­nés de jardinage qui, pour se fournir, n’auront plus comme recours que le marché noir avec les multiples risques que cela comporte.
Rien que le procédé – pister des jar­diniers comme s’ils étaient des terroristes alors qu’ils ne présentent aucun danger pour la société – n’est pas très élégant. Étienne Apaire, qui dit craindre « que le crime organisé ne mette la main sur cette production nationale à l’image de ce qu’il se passe en Grande-Bretagne où les mafias vietnamiennes s’en sont emparées », se couvre non seulement de ridicule avec ses onze « armoires de culture » saisies, mais favorise aussi l’installation de ce qu’il voudrait combattre.
Les autres arguments du patron de la Mildt pour justifier cette tentative de déstabilisation du peuple de l’herbe ne sont guère plus convaincants : le jardinier d’intérieur produisant une herbe très ri­che en THC (de 20 â 25 %) est souvent « victime » de surproduction, ce qui le pousserait â se lancer « dans un trafic lo­cal », nous dit-il en substance.
En baptisant « Cannaweed » l’opé­ration menée conjointement par la Mildt et l’Octris, le pouvoir cherche â semer la panique chez les utilisateurs du « portail francophone de la culture du cannabis » et â les priver d’une information pré­cieuse et multiple car avant d’être un site d’échanges entre cannabiculteurs, Can­naweed est un site politique militant pour une consommation raisonnée et raisonnable.

Légalisation : « not if but when »

Le 2 novembre 2010, l‘État de Californie procédait au premier référendum de histoire consacré à la légalisation du cannabis. Intitulée « Proposition 19 », cette initiative avait pour but d’autoriser la possession d’une faible quantité de marijuana à des fins de consommation personnelle et d’en permettre la culture dans certaines conditions, par exemple en cas d’usage thérapeutique ou sur une surface inférieure à 2 m2. La vente au bénéfice de l’État était également envisagée. 54% des Californiens ont rejeté la proposition et 44% l’ont approuvée. L’analyse d’Ethan Nadelman, directeur du Drug Policy Alliance, le plus célèbre des activistes pro-cannabis(1)

Si l’initiative californienne pour la légalisation de la marijuana, la Proposition 19, n’a pas remporté la majorité des voix, elle représente malgré tout une victoire extraordinaire pour le mouvement global pour la légalisation de la marijuana. Cet échec indéniable sur le plan électoral est analysé par les militants américains comme une avancée significative en matière de crédibilité du concept de légalisation. Depuis la Proposition 19, la légalisation est une option sérieuse, vraisemblable et discutée rationnellement.

L’impact médiatique, non seulement en Californie mais à travers le pays tout entier et au niveau international, a été exceptionnel. La Proposition 19 est devenue l’initiative législative la plus célèbre de l’année en Californie et sur l’ensemble du territoire américain. Désormais, la question n’est plus de savoir s’il faut légaliser la marijuana mais de savoir comment le faire. Différents sondages réalisés en Californie ont montré que la majorité des citoyens de l’État étaient favorables à la légalisation. L’un des porte-parole du «Non à la proposition 19 » a même reconnu qu’il y avait, dans leurs rangs, un débat entre ceux qui restent hostiles à toute idée de légalisation et ceux qui y seraient plutôt favorables mais qui se méfient de certaines dispositions, voire des menaces du gouvernement fédéral. La Proposition 19 a permis de légitimer le discours public sur la marijuana. Un nombre toujours croissant d’élus ont soutenu l’initiative ou affirmé avoir voté pour elle et d’autres, plus nombreux encore, affirment, en privé, vouloir prendre une position publique sur le sujet. Des soutiens émanent également de syndicats ou d’organisations de défense des droits civils, comme la section californienne de l’Association nationale des officiers latinos.

L’attention s’est accrue au niveau international, notamment en Amérique du Sud où Calderon, le président mexicain, et Santos, son homologue colombien, n’ont pas manqué de critiquer la proposition, présentée comme un exemple de l’incohérence de la politique sur les drogues américaine. Le risque qu’elle puisse l’emporter les a cependant poussés à appeler à élargir le débat sur la légalisation et les alternatives à la politique actuelle. Alors qu’ils s’étaient publiquement exprimés contre la Proposition 19, la plupart des diplomates mexicains indiquaient de même, en privé, espérer qu’elle l’emporte.

Si personne n’a jamais cru que la victoire de la Proposition 19 se traduirait par la faillite instantanée des organisations criminelles mexicaines, tout le monde s’accorde à penser que cette mesure constituerait une étape importante vers la légalisation des deux côtés de la frontière. Et qu’elle entraînerait à terme la disparition des organisations criminelles, comme ce fut le cas pour les contrebandiers avec la fin de la prohibition de l’alcool. « Si la Californie pouvait donner l’exemple, espérait ainsi l’ancien président mexicain Vincente Fox à la radio la semaine dernière. Que Dieu fasse que la mesure l’emporte, et tous les autres États américains lui emboiteront le pas. »

Il est aujourd’hui de plus en plus évident que la légalisation de la marijuana intéresse particulièrement les jeunes et que soumettre cette question à un vote augmente les chances qu’ils aillent effectivement voter. Les deux principaux partis n’ont désormais pas d’autre choix que de s’y intéresser pour tenter de rallier le soutien des jeunes électeurs. Les Démocrates y voient, à juste titre, un bon moyen de rafler des voix aux Républicains. Interrogé sur la manière de remotiver les jeunes qui avaient été les premiers à soutenir Barack Obama, John Burton, le président du parti démocrate de Californie, a ainsi répondu par un seul mot : « l’herbe ». Il est cependant intéressant de noter que Meg Whitman, la candidate républicaine au poste de gouverneur de Californie, n’a pas activement fait campagne contre la Proposition 19, vraisemblablement pour ne pas s’aliéner le vote de jeunes électeurs qui ne soutiennent pas les Démocrates mais qui se sentent vraiment concernés par la légalisation de la marijuana.

Dans le paysage politique, les plus jeunes électeurs penchent de plus en plus vers le libertarisme(2), notamment à cause de questions comme celle de la marijuana. Démocrates et Républicains devront absolument prendre en compte cette question, surtout si Gary Johnson, l’ancien gouverneur du Nouveau-Mexique devenu champion de la légalisation et de la réduction des risques, se lance l’année prochaine dans la course à l’investiture républicaine pour les élections présidentielles. Ce qu’il fera sûrement. Les jeunes, notamment ceux qui votent pour la première fois, pourraient alors être nombreux à lui apporter leurs suffrages, plus encore si Ron Paul se décide à lui passer le relais.

Pour nous qui sommes depuis longtemps engagés dans une stratégie de réforme de la loi sur la marijuana, le plan reste le même que celui envisagé en cas de victoire de la Proposition 19 : soumettre cette question au vote dans les États où les sondages font apparaître une majorité d’opinions favorables, et introduire des projets de loi similaires dans les législations des États. La légalisation remportant désormais le soutien de près de 50 % des gens, non seulement en Californie mais dans un nombre grandissant d’États de l’ouest américain (Washington, Oregon, Alaska, Colorado et Nevada), il semble tout à fait probable que ce genre d’initiative y voit le jour dans les années à venir. S’il est encore trop tôt pour dire que la question sera à nouveau à l’ordre du jour du scrutin 2012 en Californie, on sait au moins qu’un projet de régulation et de taxe sur la marijuana sera évoqué pendant la législature, comme ce fut déjà le cas cette année. La Proposition 19 et la popularité croissante de la légalisation de la marijuana au niveau national les obligeant à relancer sérieusement le débat durant leur propre législature, une flopée de projets de réformes législatives du même type devrait suivre dans d’autres États.

La Proposition 19 peut d’ores et déjà s’enorgueillir d’une victoire dure à remporter : le gouverneur Arnold Schwarzenegger a récemment signé un projet de loi transformant la possession de marijuana, jusqu’alors considérée comme un acte de délinquance, en infraction sans arrestation, passible d’une simple amende comme pour le stationnement. Face aux 61 000 arrestations enregistrées l’an dernier pour possession de marijuana (environ trois fois plus qu’en 1990), ça n’est pas rien. Même s’il est généralement acquis que c’était avant tout pour saper un des arguments clés de la Proposition 19 que le gouverneur a accepté de signer la proposition faite par Mark Leno, un sénateur libéral.

Toutes les données démographiques, économiques et éthiques plaident en faveur de la fin de la prohibition de la marijuana. Plus de la moitié des électeurs californiens de moins de 50 ans ont dit qu’ils voteraient pour la Proposition 19, et ils l’ont probablement fait. Les plus jeunes y sont les plus favorables, les plus vieux les plus opposés. Quant aux arguments économiques en faveur de la légalisation (réduction des dépenses liées à l’application de la loi et revenus générés par la taxation de la marijuana légale), ils ne pourront que devenir de plus en plus convaincants. La marijuana ne va pas se légaliser toute seule mais, grâce à la pression politique de ceux qui pensent qu’il est grand temps de sortir la marijuana du placard et du système judiciaire, l’élan s’amplifie comme jamais parmi les Américains.

(1) Cet article a été publié le 3 novembre sur le site web The Huffington Post (traduction Jacqui Schneider-Harris)
(2) Contraction américaine de libéral-libertaire, le libertarisme se classe plutôt à droite, chez les républicains.

Cannabis et VHC

Aujourd’hui, un patient qui commence un traitement de son hépatite chronique active C devrait arrêter l’alcool, le tabac et… le cannabis. L’alcool, parce que son hépatotoxicité n’est plus à démontrer et que l’on sait malheureusement que les hépatites C sous alcool évoluent rapidement vers la cirrhose. Le tabac, parce qu’il accélère la fibrose, c’est-à-dire la transformation de tissu hépatique fonctionnel en tissu sans activité biologique. Le cannabis enfin, parce que, tout comme le tabac, il semblerait avoir un effet fibrosant. C’est le principe de précaution qui, dans ce dernier cas, devrait s’appliquer.

Demander à des usagers ou ex-usagers de drogues de renoncer à l’alcool, au tabac et au cannabis n’est pas raisonnable et en faire une condition de l’accès au traitement serait les exclure d’un tel accès. Voilà plusieurs années déjà que des études concluent que le cannabis a des effets fibrosants. C’est une mauvaise nouvelle, pour au moins deux raisons. La première, c’est que de nombreux usagers fument. La seconde est bien plus embarrassante encore : des patients fument du cannabis pour mieux supporter les lourds effets secondaires du traitement interféron + ribavirine, et certains m’ont dit qu’ils l’auraient arrêté s’ils avaient cessé de consommer du cannabis. Il en est de même de patients qui sont dans des essais cliniques comportant, en outre, une antiprotéase.

Reste une question essentielle : y a-t-il consensus parmi les hépatologues sur les effets fibrosants du cannabis ? La réponse est non. Ainsi, le professeur Christophe Hézode (hôpital Henri Mondor, Créteil) est convaincu du caractère délétère du cannabis mais cet effet serait dose-dépendant et n’interdirait donc pas des consommations réduites. À l’inverse, le professeur Diana Sylvestre (Oakland, Californie) obtient de meilleurs résultats chez les patients sous bithérapie qui consomment du cannabis… Je remercie Laurent Gourarier d’avoir attiré mon attention sur ces études.

Il serait donc nécessaire qu’un groupe constitué d’hépatologues, d’addictologues et d’usagers fasse le point sur l’état actuel des connaissances afin que les patients soient en mesure de prendre une décision éclairée. C’est la proposition que j’ai faite à l’occasion du colloque THS 9 qui s’est tenu à Biarritz du 13 au 16 octobre derniers.

Une dernière remarque : il y a une dizaine d’années, une polémique était née sur la neurotoxicité de la MDMA. Persuadé que c’était un argument fallacieux mis en avant par les « drug warriors », ceux qui mènent la « guerre à la drogue », je n’ai d’abord pas pris cette question au sérieux. De longues discussions avec Jean-Pol Tassin, dont je connais la compétence et la probité, m’ont amené à changer d’avis. Il m’a alors semblé de la plus haute importance que les usagers sachent que les consommations lourdes de MDMA pouvaient provoquer des troubles cognitifs (concentration, mémoire…).

Toutes choses égales par ailleurs, la question des effets fibrosants du cannabis pose le même problème : les usagers ont le droit d’être informés des débats qui agitent la communauté scientifique car ils sont les premiers concernés. Mais tant de mensonges ont été énoncés sur les drogues que le scepticisme est la règle. Voilà qui donne à l’autosupport une responsabilité particulière pour informer sur ce que l’on sait et, plus encore, sur ce que l’on ne sait pas.

Le cannabis thérapeutique

Les Cannabinoïdes

Il existe deux catégories de Cannabinoïdes. Les Cannabinoïdes “endogènes’, synthétisés naturellement par le corps humain pour son fonctionnement (Anandamide,2-AG) et les cannabinoïdes  »’exogènes »’. Ces derniers peuvent être naturels (phytocannabinoïdes), s’ils sont extraits de la plante, ou de synthèse s’ils sont fabriqués en laboratoires.

Les exocannabinoïdes, plus communément connus sous le nom de Cannabis Medical, existent sous plusieurs produits pharmaceutiques.

Il y a plus de soixante cannabinoïdes végétaux connus. Le tétrahydrocannabinol (THC), le cannabidiol (CBD) et le cannabinol (CBN) sont les plus répandus et ont été les plus étudiés. Par hybridation, on a pu isoler des espèces produisant en plus grande quantité l’un ou l’autre de ces cannabinoïdes. Par exemple, le chanvre industriel, principalement destiné à la production de fibres, contient de faibles quantités de THC mais plus de CBD et d’autres cannabinoïdes non psychoactifs. Ainsi le chanvre industriel peut aussi être considéré comme potentiellement thérapeutique.

Parmi les autres moins connus, on peut citer :

– CBC ou Cannabichromene ;
– CBL ou Cannabicyclol ;
– CBV ou Cannabivarol ;
– THCV ou Tétrahydrocannabivarine ;
– CBDV ou Cannabidivarine ;
– CBCV ou Cannabichromevarine ;
– CBGV ou Cannabigerovarine ;
– CBGM ou Cannabigerol.

Le CBD n’est pas psychoactif. Il atténue les effets secondaires du THC (fatique,ivresse,anxiété,maux de ventre). Médicalement, il soulage les convulsions, l’inflammation, l’anxiété et les nausées. Il a aussi des propriétés anti-psychotiques (particulièrement importantes dans le cadre du traitement de la Schizophrénie Ref).

Le CBD a une plus grande affinité pour le récepteur CB2 que pour le récepteur CB1. Les CB2 étant notamment situés sur les cellules immnitaires T, le CBD agit au coeur du système immunitaire.
Il se forme par oxydation du CNB qui lui se forme par oxydation du THC.
Le CBD est particulièrement anti-oxydant.

Le CBD a été démontré efficace contre le prion ( Ref).

La recherche sur les cannabinoïdes, endogènes et exogènes, est en plein essor . Le nombre de publications a plus que doublé en 10 ans. Jamais dans l’histoire de la médecine une plante n’avait suscité autant d’intérêt de la part des scientifiques.

A ce jour, l’un des ouvrages scientifiques le plus détaillé dans la chimie du cannabis et des cannabinoïdes a été réalisé aux Pays-Bas par Dr Arnaud Hazekamp en 2007 . Ce travail a permis de décrire et de caractériser une soixantaine de phytocannabinoïdes présents dans le cannabis.

Produits Synthétiques ou Naturels disponibles sur le marché Européen

Bediol
Cannabis Médical
Bedrocan BV
distribué depuis 2003 en pharmacie aux Pays-bas.

La disponibilité des cannabis médical et des médicaments à base de cannabinoïdes (naturels ou de synthèse) dépend de la législation des pays et des autorisations de mise sur le marché (AMM) attribuées par les Autorités:

* Bedrocan (18% dronabinol) Bediol (11%) et Bedrobinol (6% + 7,5% CBD): formes naturelles titrée en THC et CBD. Depuis 2003, les pharmacies hollandaises distribuent ces produits pharmaceutiques sous forme végétale sur ordonnance . Le Bureau du Cannabis Médicinal (BMC), qui dépend directement du Ministère de la Santé et des Sports Hollandais, est en charge d’assurer le contrôle de la distribution de ces nouveaux médicaments. En 2008, 120 000 g de cannabis médical ont ainsi été vendus au travers du réseau des pharmacies ;

* Marinol (dronabinol) : Il s’agit de THC de synthèse disponible sur prescription dans la plupart des pays. Il se présente sous forme de gouttes, ce qui le rend dispendieux. Des développements sont en cours (Namisol) pour le mettre au point sous forme de cachets ;

* Cesamet (nabilone): Il s’agit du nom commercial du Marinol au Royaume-Uni, au Canada et en Espagne où il est prescrit pour le soulagement de douleurs chroniques ou comme hypnotique ;

* Sativex : spray sublingual à base d’extraits de plantes et contenant une quantité équivalente de THC et de Cannabidiol CBD. Ce dernier permet de contrebalancer les effets secondaires du THC, rendant ainsi possible l’administration de plus hautes doses. Le Sativex est essentiellement prescrit pour les malades atteints de Sclérose en Plaques.

Applications Thérapeutiques du Cannabis et du THC

Nausées et vomissements / VIH-sida et Chimiothérapie anticancéreuse

Perte d’appétit

* Anorexie mentale,
* Cachexie (extrême maigreur),

Antalgique

Troubles Psychiatriques

* Dépression
* Anxiété / Crises d’angoisse
* Troubles Post-Traumatiques
* Autisme / Autistic Spectrum Disorder (ASD)
* Troubles liés à la maladie d’Alzheimer
* Troubles du sommeil / insomnies
* Dépendances (alcool, opiacés, benzodiazépines)

Maladies Neurologiques et Neuropsychiatriques

* Syndrome de Gilles de la Tourette (Troubles Obsessionels Compulsifs et Coprolalie)
* Maladie de Parkinson
* Trouble Deficit de l’Attention / Hyperactivité
* Schizophrénie
* Troubles Bipolaires (schizophrénie)/ Syndrôme Maniaco-Depressif
* Troubles Spastiques, Sclérose en plaques et Paraplégie
* Hyperkinésie
* Epilepsie
* Anti-migraineux.

Troubles Intestinaux

* Maladie de Crohn
* Syndrôme de l’intestin irritable
* Diarrhées
* Irritation des intestins dûe au stress

L’efficacité est principalement attribuée au Cannabidiol CBD, qui vise les récepteurs CB2 impliqués dans la modulation du système immunitaire. Les intestins sont connus pour contenir une très grande densité de récepteurs CB2.

Inflammations et Allergies

* Allergies aux pollens (Rhume des foins)

Troubles Respiratoires

* Asthme
* Emphyséme pulmonaire
* Bronchite chronique (trés bon expectorant et muco-fluidifiant)

Effets Secondaires et Indésirables

Le cannabis et le THC sont généralement bien tolérés comme le montre le classement des drogues du Rapport Roques . Aucun cas de décès n’a jamais été rapporté dans la littérature scientifique et médicale.
Chez le rat, la dose médiane mortelle est comprise entre 800 et 1900 mg de THC/kg par voie orale (selon la variété). Dans des études sur des singes, aucun décès n’a été enregistré, même après l’administration de doses plus élevées de l’ordre de 9000 mg/kg de THC par voie orale.

Tous les effets secondaires observés dépendent de la dose administrée et de l’individu. Pour les patients qui n’ont jamais pris de cannabis médical, il est conseillé de commencer avec des petites doses, en augmentant progressivement, de façon à déterminer la dose individuelle et pour éviter les effets indésirables.

Veuillez consulter la page IACM suivante : pour d’information sur les effets secondaires observés.

Les Modes d’Administration du Cannabis Médicinal

L’inhalation par vaporisation

Volcano2
Vaporisateur Volcano

Plusieurs équipements sont commercialisés permettant de vaporiser (élévation de température au delà de la temprature de vaporisation) les cannabinoïdes (Ex : THC : 160/170°C), permettant ainsi de les inhaler sans les risques liés à la combustion (http://www.aromed.com/en/aromed.html).
Grâce à ces vaporisateurs performants, l’usage de cannabis par vaporisation tend à se développer. Il se développe également dans le domaine de la Phytothérapie.

L’ingestion par voie orale

Différentes possibilités s’offrent aux patients; gélules décarboxylées ou non, huiles culinaires (obtenues par macération de chanvre dans de l’huile de chanvre ou d’olive), beurre, gateaux, biscuits, cookies, …), …

Pour une efficacité optimale du traitement, il faut garder en tête que les cannabinoïdes ne sont solubles que dans le gras et l’alcool. De ce fait, les préparations d’infusions (100°C) restent le moyen le moins efficace pour extraire les composés actifs de la plante. Néanmoins ce mode de consommation peu convenir à certains besoins. Les cannabinoïdes ‘acides’ doivent, pour être assimilés par le corps humain, passés par une étape de décarboxylation qui peut être réalisée thermiquement (élévation de température au delà de la températures de vaporisation , THC : 170-180°C) ou par des enzymes (cinétique plus lente).

L’inhalation par combustion

C’est le moyen le moins recommandé par les médecins à cause des risques liés à l’inhalation de goudron et de monoxyde de carbone CO.
Néanmoins, de nombreux patients rapportent que le cannabis fumé avec du tabac est d’une meilleure efficacité.

Situation Légale en France

Les lois concernant les drogues interdisent le cannabis depuis 1925 (Convention de Genève / Convention de l’ONU 1961). Celui-ci a été retiré de la pharmacopée française depuis 1953. Sa prohibition n’a pas évoluée depuis. Son usage, importation, vente, transport et production sont strictement interdits par la loi. Ainsi, le Cannabis, ainsi que ses dérivés à base de cannabinoïdes (naturels ou de synthèse), ne sont pas autorisés pour usage médical en France.

Néanmoins depuis 1999, l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSPS) a autorité pour délivrer des autorisations nominatives ou de cohorte ATU pour tous produits de santé. Les ATU concernent les produits de santé qui ne sont pas autorisés sur le marché français. En 2008, les ATU concernant les cannabinoïdes n’ont été délivrées que pour le Marinol® (dronabinol ou THC).

* Jugements de cours:
En mai 1991, la cour administrative de Paris a rejeté la demande du MLC (Mouvement pour la Légalisation Contrôlée) concernant l’importation de 10 kg de cannabis pour le soulagement des douleurs de 10 patients souffrants de maladies incurables. Les arguments du refus étaient l’incompatibilité avec la convention de l’ONU de 1961 et l’impossibilité du MLC de contrôler scientifiquement et administrativement l’usage médical du cannabis.

En septembre 2002, un patient de 50 ans, atteint du SIDA depuis 17 ans, a été condamné à 10 mois de prison avec sursis pour avoir fait pousser 34 plants de cannabis.

En 2002, la cour de Papeete (Tahiti) a acquitté un patient paraplégique de 55 ans. Il avait été inculpé auparavant pour avoir fait pousser 350 plants de cannabis. La cour a basé sont jugement sur l’article 122-7 du code pénal qui spécifie : ‘ n’est pas coupable une personne qui, face à un danger réel, accompli un acte dans le but se protéger lui-même ‘.

* Situation au regard des ATU (Source: Cannabis Médical: du Chanvre Indien au THC de Synthèse, Michka (2009), MamaEditions):
Depuis 2001 74 ATU nominatives pour le Dronabinol ont été délivrées. Le nombre de ces ATU a doublé de 2001 à 2002. Depuis 2003, il diminue chaque année.

Les ATU pour le Dronabinol ont été délivrées pour les conditions suivantes :
– Douleurs résistantes aux traitements standards (41)
– Affections inflammatoires du système nerveux (12)
– Maladie d’Unverricht-lundborg (8)
– Appétit / nausées (7)
– Syndrome de Tourette (3)
– Dystorie résistante aux traitements standards (8)
– Douleurs Paroxystiques (1)
– Total (74)

20 ATU ont été refusées pour les conditions suivantes :
– Douleurs résistantes aux traitements standards (12)
– Spasticité secondaire due à sclérose multiple (3)
– Para parésie spastique douloureuse (3)
– Appetit / Nausées (1)
– Douleurs chroniques (1)

Depuis 2001, toutes les ATU demandées pour le Sativex® (8) ont été refusées. Dans les pays où il est autorisé, le Sativex est principalement prescrit pour le traitement de la Sclérose en Plaques.

Situations Légales dans le Monde

L’IACM tient à jour un résumé de la situation légale du Cannabis Médical dans les différents pays Européens et Etats-Unis (Canada non encore inclus).

Articles de presse, reportages et vidéos

Cannabis Thérapeutique : Le retard français – Alexandre J. – Rue89 – mai 2009
2009 : Le Magazine de la Santé – France 5 – inclus témoignage d’un patient
Reportage ‘L’Europe et la Drogue’, France 3, 14 Fev. 2009
Le Cannabis : Une Plante entre le Bien et le Mal (documentaire PLANETE / La Sept)
Cannabis : Un Défi pour la Science (Documentaire Arte)
Reportage Arte
Centre Compassion de Montreal
Reportage Cannabis Medical 1
Reportage Cannabis Medical 2
ECSN Vidéo (USA)
Lester Grinspoon – Harvard(USA)

Liens vers Témoignages de Patients

Consultez ou contribuez sur Chanvre Info Médecine (Suisse)
Témoignages sur RX Marijuana (Dr Grinspoon – Ecole de Médecine de Harvard – USA)
UKCIA (Angleterre)
Medicinal Cannabis for ADHD (Europe)

Livres et Publications de référence en français

Livre_Cannabis_en_medecine_Cannabis_medical

CANNABIS EN MEDECINE : Un guide pratique des applications médicales du Cannabis et du THC par le Docteur en Médecine F. Grotenhermen (copyright 2009 Editions Indica).

F. Grotenhermen, Les cannabinoides et le systeme des endocannabinoides, Cannabinoids 2006;1(1):10-15

Rosenthal Gieringer Mikuriya, Du Cannabis pour se Soigner (Edition L’Esprit Frappeur)

Quelle est la dangerosité du cannabis ? Dr. Nicole Krumdiek, Collaboratrice scientifique à l’université de Brême et membre de l’institut de Brême pour la politique criminelle (BRIK) (Traduction Chanvre-info)

Voir aussi

Association Internationale pour le Cannabis Médical (IACM)
ABONNEMENT GRATUIT AU BULLETIN MENSUEL DE L’IACM
Article ‘Cannabis Médical’ sur Wikipedia
‘Cannabinoides’ sur Wikipedia
Article ‘Chanvre/Cannabis’ sur Wikipedia
Site du CENTRE Compassion de Montréal
Site du CLUB Compassion de Montréal

Des lois, encore des lois, toujours des lois

Après la loi sur la prévention de la délinquance, ses injonctions thérapeutiques et ses stages payants, celle sur la récidive peut désormais mener en prison pour simple possession de quelques grammes de beuh. À défaut de réformer la loi de 70, le gouvernement se concentre donc avant tout sur la répression.

Le cannabis, dont étaient si friands les médias, ne fait plus recette en 2008. S’il y a bien eu quelques frémisse­ments, le dernier remonte à la nomination, en lieu et place de Didier Jayle, mal à l’aise dans ses pompes de docteur, d’Étienne Apaire, un des proches collaborateurs de Nicolas Sarkozy au temps où il menait à la baguette le ministère de l’Intérieur.

Tolérance zéro

Étienne Apaire est un des artisans de la « Loi sur la prévention de la délinquance » votée en mars 2007, la dixième loi pénale votée depuis que la droite a pris le pouvoir, une loi qui transforme les « maires » en flics, durcit les sanctions contre les mineurs, les­quels peuvent se retrouver en taule dès l’âge de 13 ans, une loi stigmatisante et très répressive, qui compte aussi nom­bre de « dispositions tendant à prévenir la toxicomanie et certaines pratiques addictives ». Des dispositions qui sont passées inaperçues.
Parmi ces mesures, que Nicolas Sar­kozy ose présenter comme une réforme de la loi de 1970, l’injonction thérapeu­tique est toujours la reine. « Aucune infraction dont l’auteur est identifié », précise Nicolas Sarkozy « ne doit rester sans réponse ». Et ce, même si la faute « peut apparaître vénielle ».
Cette politique a un nom : la tolérance zéro. Pour atteindre son but, le ministre propose de généraliser les tests de dé­tection du cannabis sur les routes comme dans les entreprises, et de se lancer dans la chasse aux consommateurs, en ajoutant à l’arsenal des peines existantes de nouvelles peines complémentaires.
Déjà inscrite dans la « Loi sur la pré­vention de la délinquance », la seule me­sure spectaculaire que le nouveau « Mon­sieur Drogue » ait annoncée lors de sa nomination est l’instauration de « stages de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants »… Des stages payants par le contrevenant, qui devraient être effectifs à l’heure où je vous écris.
Autre loi qui concerne les amateurs de drogues psychotropes : celle sur la récidive. Un texte voté le 10 août 2007, en dépit des réserves exprimées par une partie du monde judiciaire et par Maître Badinter, qui jugeait ce texte « inutile, implicitement vexant pour les magis­trats et potentiellement dangereux » .
Directement inspirée de la politique étasunienne qui a fait de l’industrie péni­tentiaire un secteur d’activité florissant, cette loi oblige les juges à prononcer des peines d’au moins un tiers de la peine maximale encourue à l’encontre des ré­cidivistes (cela concerne les crimes et délits passibles d’au moins 3 ans d’emprisonnement), et supprime l’article 4132-24 du code pénal qui garantissait l’indivi­dualisation des peines. Mais comme le permet le texte, un juge pourra toujours prendre une autre décision que celle im­posée par la loi, à condition de la motiver spécialement. En cas de seconde récidi­ve, ce sera plus compliqué, le condamné devant présenter des garanties « excep­tionnelles » de réinsertion pour échapper à la prison.

Rassurer le bon peuple

Parions que de nombreux juges, par facilité ou par crainte de passer pour laxistes, se tairont, même s’ils pen­sent la peine disproportionnée avec l’acte commis… Souvenez-vous de Rachida Dati convoquant le vice procureur de Nancy qui avait refusé d’appliquer une peine plancher ! « J’ai vu en comparution immédiate un jeune homme de 20 ans qui a acquis 2 grammes de cannabis en récidive pour sa consomma­tion personnelle. La peine plancher est de quatre ans ferme : c’est totalement dispro­portionné ! », s’exclame ainsi un magistrat dans les colonnes du journal Le Monde, qui consacrait un dossier à ce sujet.
Ne doutons pas que la loi sera appli­quée dans toute sa rigueur imbécile, avec pour conséquence de remplir un peu plus des prisons déjà surpeuplées. Les experts prévoient d’ailleurs que les peines plan­chers vont, en quelques années, envoyer 10 000 personnes en prison.
En quatre ans, pas moins de trois lois ont été votées concernant la récidive. Des lois qui veulent rassurer le bon peuple au détriment de toute réflexion sur le sujet, car chacun sait que paradoxalement « la prison, parmi les premiers facteurs crimi­nogènes, favorise bien davantage la réci­dive qu’elle ne la dissuade ».
Concernant le cannabis, la seule politique du gouvernement, c’est la répression. Pas forcément une répression spectaculaire avec convocation des médias au petit ma­tin dans une cité, mais une répression mes­quine, discrète, répétitive, stigmatisante, dont le seul objectif est de pourrir la vie de l’amateur de cannabis en multipliant les contrôles, en se servant des outils ju­ridiques à leur disposition, la comparution immédiate comme la composition pénale, pour dissuader le consommateur.

Démonstration

Pour arrondir des fins de mois difficiles, Christophe monte une petite entreprise de vente de haschich… Par un malencontreux hasard, il se fait prendre. Or, la cession – que ce soit contre argent comptant ou à l’amiable – est punie par la loi de dix ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende.
C’est du passé tout ça. Christophe ne deale plus pour arrondir ses fins de mois. Il fume de temps en temps, c’est tout. Mais un jour qu’il revient de chez un pote, lequel lui a offert 1 ou 2 têtes de beuh, les pandores l’arrêtent et tombent sur le sachet qu’il n’avait même pas pris la peine de planquer.
Comparution immédiate, déjà condamné pour trafic dont la peine maximale est de dix ans. Les deux tiers de dix, ça fait quoi ? Ça fait quatre ans de prison. Le tour est joué. Pour quelques grammes de beuh, le voilà derrière les barreaux.

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