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Coke, Crack et Base. La nouvelle brochure d’ASUD enfin disponible

ASUD diffuse aussi des brochures papiers ou téléchargeables consacrées à différentes drogues, à la prévention des surdoses ou aux droits des usagers pris en charge par le système de soins. Cette année, c’est la cocaïne qui est à l’honneur, avec ses déclinaisons en modes de consommation (crack, base…) et, surtout, l’ambition de mieux contrôler l’usage de cette substance devenue aujourd’hui un produit de consommation courante, juste après le cannabis.

Depuis quelque temps, les médias européens montent au créneau sur la coke, sous forme de
panique morale. On parle de déferlante, on souligne à chaque fois la large diffusion de sa conso dans toutes les couches sociales et professionnelles, en France comme en Europe. Un paroxysme a été atteint cet été 2022, avec une hystérie typiquement française sur le crack et ses consommateurs(1). Elle a produit des sommets de fake news, racisme, discriminations, atteintes aux droits humains qui se sont succédé avant de retomber comme une crêpe. Des reportages ont aussi révélé la mainmise de certaines mafias, comme la Mocro Maffia marocaine, très en vogue, qui cherche à contrôler les ports de Rotterdam et d’Anvers, portes d’entrée de la coke en Europe(2). Il est vrai que l’on assiste dans ces deux pays à une certaine forme d’importation et d’extension des méthodes des narcos latinoaméricains, inconnues jusqu’alors en Europe, sauf en Italie. Corruption, menaces, violences (enlèvements, fusillades, assassinats…) dont les victimes ne sont pas uniquement des trafiquants concurrents comme cela avait pu exister auparavant, mais aussi des journalistes, hommes politiques, juges, policiers, avocats, etc.(3) qui ont pu s’opposer ou dénoncer cette situation, sans oublier les victimes collatérales…

Pragmatisme Asudien

Face à cette débauche d’informations où le faux se mélange au vrai, nous essayons avec cette brochure « Coke, crack et base » de remettre les choses à plat avec une approche historique, sociale et sanitaire de cette drogue, la plus consommée en France après le cannabis selon l’OFDT(4). Il est bien loin le temps où la cocaïne était un produit utilisé par certaines personnalités de la pub, du showbiz, et autres artistes. S’il est notoire que sa consommation est devenue courante dans la restauration, sa présence est bien plus récente et totalement inattendue chez les pêcheurs professionnels, les routiers et dans de nombreux autres métiers éloignés des feux de la rampe, mais où il faut être rapide, infatigable et concentré… Pour clore ce débat sur l’expansion réelle ou médiatisée de sa consommation, il existe des facteurs plus objectifs, comme les saisies policières, pour avoir une idée de la diffusion d’un produit. Or, ces dernières, en France comme en Europe, connaissent une hausse spectaculaire. En effet, selon l’OFDT, les saisies sont passées de 4,1 tonnes en 2010 à 26,5 tonnes en 2021 dans notre pays. Soit multipliées par 6,5 ! Si l’on considère qu’elles ne représentent que 10 % des quantités réellement entrées, on arriverait à environ 260 tonnes en France ! Toujours selon cet observatoire, il y aurait en 2021, environ 2,1 millions d’expérimentateurs(5) dont 600 000 usagers dans l’année. Sans céder à la panique morale en cours, surtout si l’on compare avec les 43 millions de consommateurs d’alcool dans l’année – et les 9 millions qui font un usage régulier de ce produit légal, mais dont la dangerosité serait aussi grande que celle de drogues comme la cocaïne, selon le fameux rapport Roques(6) – il est indéniable que la consommation a vraiment explosé ces dernières années. Asud se devait donc de proposer une brochure objective sur cette drogue, même si nous avions déjà abordé la question de la cocaïne dans le Tome 2 de la brochure Overdoses(7),sous un volet réduction des risques, moyens pour éviter les dommages ou les atténuer, pour éviter la surdose.

La longue traînée de coke

Dans notre nouvelle brochure, nous replaçons la cocaïne dans son histoire longue. Depuis l’usage religieux de la plante, la coca d’où elle est extraite, dans les civilisations précolombiennes des Andes, la première consommation de masse de cette plante que la colonisation espagnole a provoquée, jusqu’aux circonstances rocambolesques qui amenèrent un jeune chimiste allemand de 26 ans, Albert Niemann, à enfin isoler le principe actif à partir des feuilles de coca, qu’il baptisera « Kokain ». Plusieurs chimistes de renom s’y étaient cassé les dents… Grâce à ses travaux, la formule chimique sera vite établie. Nous suivrons alors la folle histoire de cette drogue qui devient rapidement à la mode dès ses débuts, d’autant que des laboratoires comme Merck s’en emparent pour la diffuser très largement. Nous présenterons bien sûr son usage récréatif dès la fin du XIXe (la fameuse « coco »), mais aussi son usage médical, les articles scientifiques dithyrambiques qui se succèdent vantant ses pouvoirs en chirurgie, anesthésie, etc. Sans oublier ce bon docteur Freud, jeune neurologue viennois de 28 ans, qui lui fait une belle publicité en l’utilisant sur lui et ses patients, la conseillant à tous ses amis avant de rétropédaler. On s’arrêtera un instant sur le premier cas répertorié « d’accro » à la coke du début du XXe siècle : un des patients et ami de Freud. Voulant l’aider à décrocher de son addiction à la morphine, Freud le fera plonger dans celle à la coke, en somme le premier addict de speed Ball ! De nombreux autres suivront, tout comme les cas de surdose… Nous allons ainsi suivre son parcours tout au long du XXe siècle, puis de notre XXIe, depuis les années 1930 jusqu’à la situation de nos jours où l’emprise des narcos a des conséquences dramatiques, non seulement pour l’Amérique du Sud, mais aussi pour le monde entier dont l’Afrique avec cette « guerre à la drogue » qui n’en finit pas de faire des ravages. Puis nous présenterons, au cours des chapitres suivants, la nature chimique de la coke. Nous aborderons les risques de son usage : pulmonaires (crack lung), cérébraux (la surchauffe). Nous présenterons des méthodes pour détecter les AVC, tout en passant en revue les différents modes de consommation (sniff, fumé, injecté), les mélanges avec d’autres drogues (speedball, Calvinklein, cocke + alcool, MDMA…) ou avec des stimulants ou des médicaments. Ces aspects de réduction des risques se termineront par un chapitre sur la femme enceinte.

Et le crack alors ?

Nous n’aurions pas été complet sans parler du « crack », de la « base » – cette dénomination convient beaucoup mieux, on vous expliquera pourquoi. Une bonne raison d’en parler est le fait que 10 000 personnes en France sont prises en charge en Csapa, dont 2/3 consomment sous forme de poudre et 1/3 sous forme basée (crack). Et 54 % des personnes vues en Caarud ont consommé de la cocaïne basée dans le mois contre 32 % en 2015. La deuxième raison est de s’opposer à une vision manichéenne y compris chez bon nombre de consommateurs de drogues et pas simplement des journalistes friands de gros titres : coke versus crack. La première serait un produit festif, convivial, certes addictogène mais loin de la vision noire et presque diabolique portée par la seconde, une drogue qui transformerait en un clin d’œil ses consommateurs en des zombies capables des pires turpitudes ! Nous apporterons donc notre vision pragmatique et objective sur cette supposée différence alors qu’il s’agit du même produit. Conseils d’élaboration de la base, pour consommer à moindre risque (matériel, fréquence…), tout cela, sans minimiser, ni diaboliser. Le « crack » est revenu sur le devant de la scène, alors que le problème de la consommation de rue dure depuis près de 30 ans. Pourtant, des solutions existent pour gérer un groupe de tout au plus 400 personnes(8) ! Rien de neuf donc, juste un produit qu’il faut connaitre pour mieux le gérer si, d’aventure on désire le consommer…

La brochure est disponible, retrouvez sur notre boutique en ligne.

  1. Voir à ce sujet le documentaire d’Asud, Le mur de la honte, visible sur le site d’Asud : https://www.youtube.com/watch?v=xUut6TYiWkQ.
  2. Avec aussi ceux du Havre et de Hambourg comme ports de dérivation au cas où les deux premiers seraient indisponibles.
  3. Cette mafia dont le chef est emprisonné en Hollande est fortement soupçonnée d’être impliquée dans la tentative avortée par la police belge de l’enlèvement du ministre de la Justice de ce pays !
  4. Observatoire français des drogues et des tendances addictives : Drogues et Addictions, chiffres clés, 2022.
  5. Au moins un usage au cours de la vie, cet indicateur sert surtout à mesurer l’usage d’un produit dans une population donnée.
  6. Le Rapport Roques, du nom de son rédacteur, publié en janvier 1999 sur La dangerosité des drogues reste la synthèse la plus complète à ce jour sur la dépendance et les effets des différentes drogues légales et illégales sur le cerveau. D’autres études suivront comme celle publiée par la revue scientifique britannique The Lancet en novembre 2010 : « Drugs harms in the UK : a multicretaria decision analysis » ; Pr. David J. Nutt et al avec son verdict final qui nous intéresse tout particulièrement : « L’alcool plus dangereux que le crack ou l’héroïne ».
  7. Brochure d’Asud : Overdoses, Tome 2, Stimulants, coke, speed, MDMA, cathinones… 2018
  8. L’OFDT estime à environ 13 000 le nombre d’UD de crack à Paris et en Île-de-France, qui ne font jamais parler d’eux car étant plus ou moins intégrés socialement, ils arrivent à gérer leur consommation sans poser de problème d’ordre public.

Pour la version PDF c’est par ici !!!

Idées reçues sur le crack et les crackers(

(Article publié le 23 mars 2013)

Crack, base ou caillou, peut importe, dans tous les cas l’objectif c’est le « kiff ». Le kiff c’est l’alpha et l’omega de la vie, ou plutôt de la survie, des « crakers », un sous-genre de l’espèce toxicomane, situé tout en bas de l’échelle sociale et tout en haut de l’échelle du stigmate.

Il est fascinant de constater avec quelle constance, chaque époque a fabriqué son propre épouvantail toxico. Dans les années 70 c’était le « drogué en manque », éventuellement en manque de marijuana. dans les années 80-90, le stéréotype s’est affiné pour cibler les junkees, c’est à dire les injecteurs d’héroïne, et pour inaugurer le XXI e siècle nous avons les « crackers ». Le point commun de ces populations est qu’elles se sont constituées en marge de la marge, elles représentent le pire de ce que la société condamne sous l’appellation « drogue ». Bref, les crackers ne sont pas des victimes de la drogue, tout au moins aux yeux des riverains plus ou moins « boboïsés » qui revendiquent le titre pour eux-mêmes. Non, les crakers sont tout en bas, là où l’on est sûr de ne trouver personne en -dessous.

Du reste, cette réputation de toxique très toxique n’est pas forcément usurpée. D’aucuns se souviennent avoir croisé, y compris dans les couloirs de la rédaction d’ASUD, nombre de vieux briscards, anciens héroïnomanes, rescapés des années 80, rescapés du sida et des overdoses, ayant gouté à quasiment tout ce qui s’avale, se fume,se sniffe ou se shoote, et qui sur le tard, découvrent le frisson très particulier d’une bouffée de cocaïne-base. Et là , bang! le grand saut.

En deux coups les gros, nos vétérans sont renvoyés à la case départ, de retour sur le bitume à la recherche d’un petit « caillou » blanc. Adieu, apparts, boulot, copains, copines bref, la totale, comme si vingt ans de patiente réinsertion n’avait servi à rien. Pire, il semblerait même que dans certains cas, l’illusion naisse du souvenir des « speed-ball » et des fixs de coke, des réminiscences qui ont tôt fait de se transformer en alibi genre : « moi la coke, je connais! » et ben non coco! La C et le caillou c’est un peu comme le cidre et l’absinthe, pas vraiment la même concentration!

Autre piège, le caillou ça se fume, donc c’est moins dangereux qu’une came qui se fixe. Seconde illusion regrettable. Le « craving » de la cocaïne basée n’a rien à envier à celui de la cocaïne injectée. De plus, il n’existe aucun médicament de substitution. Le contexte fantasmagorique dans lequel baigne toute évocation du crack, le surcroit de diabolisation amené par l’épidémie de crack cocaïn qui sévit sur une échelle autrement préocuppante dans les getthos noirs et latinos des métropoles américaines, autant de facteurs qui font de nos quelques centaines de crackers parisiens des oubliés de la réduction des risques.

Qu’en est -il réellement ? Peut-on envisager des solutions de court ou moyen terme pour ces populations ? L’expérience du » kit base », menée par l’association EGO est elle un début de réponse? Une chose est sûre, cette population appartient au monde de la précarité sociale, en cela leurs problèmes ne sont pas forcément différents de ceux des autres SDF, jetés sur le pavé par la crise, alcoolisés, bourrés de médocs détournés et trimballant avec eux l’attirail du clochard 2.0. Fini le litron de rouge, bonjour la dope ( ou un mix des deux). Certes les crackers cumulent les handicaps, mais leur principal mérite aux yeux du public est de coller aux stéréotypes les plus éculés sur les « ravages de la drogue ». Avant d’être des victimes de la drogue, les crackers sont des victimes de la pluie, de la faim et du froid et en tant que telles, ils se foutent éperdument d’être stigmatisés par les produits qu’ils consomment, ils sont donc des cocaïnomanes visibles à la différence de tous ceux qui « basent de la coke en « teufs » « où qui deviennent dépendants après une prise en charge méthadone ou encore- le cas le plus fréquent- qui sniffent des rails de plus en plus longs avant de reprendre une activité normale  comme disaient les regrettés Guignols de l’info .

Le tapage médiatique mené autour des « crackers de Stalingrad » possède donc au moins un mérite, celui de mettre le doigt sur la pointe émergée de la consommation de masse de cocaïne qui monte en France depuis quelques années sur une échelle qui n’est pas sans rappeler la vague  d’héroïne dans les années 80. Une cocaïne qui a le bon goût d’être consommée bien à l’abris des regards , dans les appartements cossus de centre ville après avoir été livrée en express par des méchants dealers venus d’une lointaine banlieue au péril de leur casier judiciaire.  Une consommation  dont il serait intéressant de savoir comment elle est jugée du point de vue des riverains,  qu’ils soient observateurs ou consommateurs eux-mêmes .  

NOUVELLE BROCHURE DISPONIBLE : OVERDOSES TOME 2 Stimulants

Quand on pense overdose, on pense généralement opiacés. Pourtant, chaque année en France, plusieurs dizaines de personnes décèdent d’overdoses de stimulants. La cocaïne est ainsi responsable d’environ 10 % des décès par overdose (en consommation unique) et impliquée dans environ 30 % des décès liés à des poly-consommations. Elle est aussi le premier facteur de décès par accident vasculaire cérébral chez les moins de 35 ans et, selon l’ANSM, le nombre d’intoxications liées à son usage a doublé entre 2015 et 2016 et continue d’augmenter. Par ailleurs, avec le retour d’ecstasys très fortement dosés et le développement de la consommation de cathinones, on observe aussi une hausse du nombre d’accidents et de décès liés à des surconsommations de ces produits sérotoninergiques. Les effets et les risques des produits stimulants sont variés et complexes. Mal compris, ils sont souvent sous-estimés par les consommateurs qui se trouvent d’autant plus dépourvus lorsqu’ils en sont témoins ou victimes qu’ils ne connaissent pas toujours les signes avant-coureurs ni les réactions à avoir.

Le but de cette brochure est donc d’expliquer aussi clairement que possible ces risques, de donner des « trucs » pour les réduire et réagir  en cas de problème.

asud brochure OD-stimulants-08

Des salles de consommation de crack encadrées par des professionnels, une solution citoyenne pour les quartiers de la gare de Saint-Denis et du Nord de Paris

Communiqué de presse du collectif « Asud, Anitea, Act Up-Paris, Safe, Sos Hépatites Paris, Gaïa, salledeconsommation.fr

Hier, lors d’une visite du quartier de la gare de Saint-Denis (93), le Ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux était pris à parti par les habitants et les commerçants. Ceux-ci n’en peuvent plus de « voir les crackers déambuler et consommer » devant leur vitrine ou leur habitation et de voir les « dealers opérer en toute impunité ». Il réclament le « droit à une vie normal ». Brice Hortefeux a promis d’envoyer un bataillon de policiers pour « chasser les trafiquants » de ce quartier et « résoudre le problème ».

Nous ne pouvons que comprendre ces habitants et commerçants. Personne n’a envie de voir la misère et la violence à sa porte. Mais la solution répressive de Brice Hortefeux ne résoudra pas leurs problèmes.Les dealers prendront plus de précautions ou se déplaceront provisoirement comme ils l’ont déjà fait dans les quartiers de Stalingrad ou de la Goutte d’or à Paris. Les usagers se cacheront, s’éloigneront du dispositif de soins augmentant ainsi leurs problèmes et ceux qu’ils causeront.

La répression seule ne peut venir à bout du phénomène de l’usage de drogue. Malgré celle-ci, la consommation et le deal de crack perdure depuis plus de vingt ans dans des quartiers du nord de Paris et de Saint-Denis. Les mesures d’ordre publique ne seront utiles que si elles sont complétées et articulées avec une offre sanitaire et sociale allant des centres de soins jusqu’aux salles de consommation à moindre risque! Ce dispositif encore inconnu en France mais utilisé dans d’autres pays d’Europe comme l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse, a pourtant réussi mettre un terme aux scènes ouvertes (consommations de rue) et à un grand nombre de nuisances occasionées par celles-ci. Encadrées par des professionnels, les salles de consommation sont des espaces qui offrent un cadre d’usage sécurisé, aux conditions d’hygiène acceptables en dehors des lieux publics.

Mais qui aura le courage politique d’aller au delà de la seule réponse répressive, qui ne fait, au plus, que déplacer temporairement le problème et aggrave la santé des usagers de drogues déjà très précarisés ?

 

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