Quand les geeks se mettent à la RdR… Not for Human

Le mouvement de la réduction des risques des années 80 était lié à l’injection, à l’héroïne et au sida. Dans les années 90, son évolution était portée par le milieu festif techno et l’usage récréatif d’une palette élargie de produits et de pratiques. Depuis les années 2000, c’est sur Internet que s’écrit la suite de son histoire, sur fond de psychonautisme et dans une offre mondialisée et pléthorique de substances aux statuts juridiques avantageux.

Profitant du vide juridique autour de nombreuses molécules comme la méphédrone, des vendeurs ont proposé toute une nouvelle gamme de produits psychoactifs, les livrant même à domicile. Avec l’arrivée d’Internet chez Monsieur Tout-le-monde, ce phénomène a pris une nouvelle ampleur. Malgré la volonté persistante des autorités européennes de jouer la carte de la prohibition, interdisant une à une les molécules, ce type de vente a en effet continué à se développer, d’autres molécules remplaçant les précédentes interdites, toujours plus inconnues.

Que ce soit directement sous le nom exact de la molécule ou sous une appellation commerciale, on a vu fleurir l’offre et les accidents liés au manque d’informations autour de ces produits.

Santé communautaire 2.0…

En parallèle, les communautés d’usagers se sont développées sur Internet. En France, Lucid-State.org (depuis 2004) ou Psychonaut. com (depuis 2006) ont par exemple mis à disposition des espaces d’échanges précurseurs. Discuter des produits, de leurs effets, partager les expériences, les dosages, les voies d’administration, tout ceci permet la diffusion des connaissances et ainsi de la possibilité de faire des choix éclairés de (non) consommation.

Les informations variant en qualité et en justesse, certains participants à ces forums de discussion y ont vu un nouveau terrain pour les actions réduction des risques (RdR), comme le furent les teufs auparavant.

C’est dans ce cadre qu’est apparue Not for Human, une association loi 1901 qui tente de rassembler les informations à disposition sur ces nouveaux produits, de comprendre les enjeux des communautés d’usagers : leur potentiel en termes de RdR, mais aussi leur éventuel impact négatif. Not for Human essaye aussi d’avoir une approche sérieuse pour combler les manques d’information sur les réseaux de distribution qui se développent. Notamment par l’analyse des produits diffusés, dont la pureté se révèle parfois inférieure à celle annoncée quand un autre produit n’est carrément pas substitué à celui commandé. Le site alerte les usagers pour qu’ils prennent conscience de tous les risques et puissent prendre des décisions en connaissance de cause.

… vs santé publique 1.0

Confronté aux limites du bénévolat, Not for Human cherche aujourd’hui à se professionnaliser, pour pouvoir se consacrer à cette mission qui nécessite au minimum un emploi à plein temps. Appel a donc été lancé auprès des élus et décideurs, dont l’appui est nécessaire. L’enjeu de la situation mérite qu’un budget soit alloué à ce nouveau pan de la politique des drogues. Car tant que la prohibition restera la seule solution proposée par les États pour faire face à la consommation de drogues, la nouveauté et la méconnaissance des produits disponibles sur le marché ne feront qu’augmenter, et la vente de ces nouveaux produits de synthèse livrés anonymement par la poste ne pourra que se développer. Ils se substituent de plus en plus aux produits « classiques », difficiles à trouver et juridiquement risqués mais dont les dangers sanitaires sont connus.

Sur les milieux festifs, ces « Research Chemicals » (RC, voir page suivante), comme les appellent les marchands, commencent à être vendus, parfois pour d’autres produits dont les effets et dosages diffèrent. Les associations de réduction des risques existantes cherchent donc à être formées sur ces produits de nouvelle génération pour pouvoir adapter et dispenser leurs conseils sur le terrain. Not for Human forme déjà les intervenants de Techno+. En partenariat avec Techno+ et le forum d’usagers Psychonaut.com, Not for Human a également participé à la réalisation de flyers sur les Research Chemicals : un flyer général, puis sur la méphédrone, la méthoxetamine, les 2C-B, 2C-E, 2C-I, de nouveaux étant déjà en cours de préparation.

Not for Human essaie aussi de se positionner auprès des professionnels de santé (urgentistes et secouristes), qui doivent aujourd’hui gérer des bad trips ou des accidents physiologiques liés à des produits qui leur sont inconnus.

La majeure partie des consommateurs de RC ne sont pas touchés par les politiques publiques actuelles. Soutenir une association communautaire en ligne comme Not for Human et ses actions ciblées serait une occasion pertinente pour les pouvoirs publics de diminuer la part des usagers dits « cachés » auxquels ils ne s’adressent jamais.

L’auteur, François Gallé, est membre fondateur de Not for Human (http://notforhuman.fr)

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