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Le Rohypnol, c’est quoi ?

Vous connaissez l’expression « être en roche » ? Non ? Eh bien observez la salle d’attente d’un centre de soins pour toxicomanes ou les alentours d’une gare, vous aurez de nombreux exemples de personnes en proie à la « rochitude ». Les symptômes sont les suivants: piquage du nez grave, propos incohérents mais prononcés avec une certaine véhémence, esprit de contradiction systématique pouvant déboucher sur le projet d’imposer physiquement son point de vue…Bref si vous avez quitté le gentil Dr Jekill le matin et que vous retrouvez cette crapule de Hyde le soir, il peut s’agir du double effet « Rohipnol », une molécule appartenant à la famille des benzodiazépines, prescrite comme tranquillisant et commercialisée par le laboratoire Roche.

L’histoire, on la connaît, elle est maintenant classique. Les tranquilisants et autres antidépresseurs ont été massivement prescrits aux usagers comme « médicaments de sevrage » dans les années 70, 80. Depuis longtemps, ils sont également consommés par certains en vue de potentialiser les effets de la sustitution et de l’alcool ou tout simplement pour la « défonce » qu’ils procurent. Cette quête a débouché sur l’organisation d’un marché noir ayant toutes les apparences du deal de rue. Accusé par les anglosaxons d’être une « rape drug », une drogue utilisé par les violeurs, le Rohipnol avait déjà été condamné à devenir bleu. L’idée était de prévenir les victimes en utilisant un colorant susceptible de teinter nimporte quelle boisson servie dans de noirs desseins. Comme le nombre de viols n’a pas chuté de manière drastique on s’est plutôt inquiété de la proléfération de langues bleues appartenant à des consommateurs on ne peut plus consentants. Face à de tels phénomènes les autorités réagissent d’habitude par la répression (souvenez-vous de l’ Iménoctal, les bon vieux « counous » supprimés en 1996), mais il semble que cette logique ait trouvé enfin ses limites. Le 19 octobre 2000, le Rohypnol est passé en jugement à la commission des stupéfiants, et l’interdiction n’a pas été prononcée.

Les benzodiazépines sont une famille nombreuse comprenant également le Tranxène ou le Lexomil. L’hypothèse d’un report sur l’un ou/et l’autre en cas de retrait est donc vraisemblable. Par ailleurs il a semblé abusif de croire qu’une molécule, même détournée, puisse être considérée comme responsable de son « mésusage ». L’explication est simple, consommer du rohypnol, ça aide. Ca aide à traverser un quotidien pas très rose sans trop remarquer le décors.
Là où il faut être vigilant c’est plutôt sur l’information destinée à ce type de consommation. Inutile d’indiquer la perte de conscience comme effet indésirable c’est justement celui qui est apprécié. Mais attention, « tirer le rideau » d’accord, mais pas trop car il y a risque de mort. D’abord le rohypnol potentialise l’effet des opiacés. Un petit shoot lorsque vous êtes déjà « cassé »peut vous conduire direct à l’hôpital . Ensuite, passer un certain seuil, la défonce aux « benzos » est un danger permanent. Vous pouvez passez sous un train, voler une voiture, tomber du 4e, et si vous êtes toujours vivant ne plus vous souvenir de quoi que ce soit. Nombre d’imprudents, maudissent le jour où ils ont « dépassé la dose prescrite », pour se réveiller au dépôt, puis en zonzon, le corps tuméfiés ou baignant dans leurs propres excréments. Eh oui ! La défonce aux benzos c’est pas vraiment fleur bleue. Ajoutons que ces substances sont fortement addictives et que la décroche s’accompagne fréquemment de crises épileptiques.

Toutes ces mises en garde ne signifient pas grand chose pour la plupart des consommateurs qui apprécient quotidiennement les effets du Rohypnol. Ce que nous tentons de faire passer comme message c’est surtout qu’il faut prendre en compte la réalité du « mésusage », non pas en le stigmatisant mais en donnant des infos objectives pour éviter de se retrouver aux urgences. La campagne anti-Rohypnol a tout de même débouché sur une restriction des conditions de prescription (14 jours) et de délivrance (7 jours) ainsi que le passage à l’ordonnance sécurisée (comme pour le subutex). Selon nous, ce type de mesure ne sert qu’à rassurer une partie du secteur médical désemparé face aux « pétages de plombs » de leurs patients substitués. Réduire les risques : la logique de cette proposition a toujours du mal à s’imposer face aux vieux réflexes répressifs.

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