LSD, contre-culture et CIA : une love story

Si l’histoire de l’invention du LSD, substance psychédélique mythique, est relativement bien connue, le déroulement de son introduction comme drogue récréative dans la société reste plus flou. Et à l’heure où deux nouvelles substances de synthèse (NPS) apparaissent sur le marché européen chaque semaine, il est peut-être bon de se remémorer le parcours d’un des premiers NPS à se démocratiser.

Le meilleur « incapacitant chimique »

En avril 1953, Allen Dulles alors directeur de la CIA, autorisa l’opération MK-Ultra. Richard Helms prendra la tête de cette opération, qui visait à rattraper un retard supposé sur leurs adversaires communistes en matière de manipulation mentale. À la recherche d’un « sérum de vérité », les services secrets américains orienteront rapidement leurs recherches vers les molécules psychoactives. Des hallucinogènes, du cannabis, des amphétamines, des barbituriques et d’autres substances ont été administrés à des héroïnomanes emprisonnés à Lexington (dans le Kentucky), à des patients atteints de cancer en phase terminale à l’hôpital de Georgetown ou à des délinquants sexuels hospitalisés à l’hôpital Ionia (dans le Michigan). Des prostituées de New York et de San Francisco furent embauchées par George Hunter White et ses collègues de la CIA, qui observaient les réactions des clients drogués à leur insu derrière des glaces sans tain.

De nombreux médecins et psychiatres participèrent à ces expériences et violèrent ainsi le code de Nuremberg de déontologie médicale. Le docteur Cameron, par exemple (qui faisait partie de ceux ayant jugé les criminels nazis à la fin de la guerre), fit subir diverses méthodes de lavage de cerveau à 93 patients du Allan Memorial Institute de Montréal.

LSD et CIAMais la substance qui fascina le plus l’Agence fut sans aucun doute le LSD : inodore et incolore, actif à des doses infinitésimales et à longue durée d’action, il perturbait fortement le psychisme. Parallèlement à l’idée de l’utiliser dans les interrogatoires d’espions étrangers, la CIA se mit à l’expérimenter sur ses propres agents. Il fut aussi étudié par le service chimique de l’armée et testé directement sur des soldats à Edgewood Arsenal, dans le cadre d’un programme de recherche sur les « incapacitants chimiques ». Le PCP fut aussi utilisé à cette fin, mais c’est finalement le « BZ » (un anticholinergique) qui remporta la palme : ses effets hallucinogènes peuvent durer quarante-huit heures, il provoque désorientation, amnésie, vertiges et des effets secondaires jusqu’à plusieurs semaines après la prise.

Le Stanford Research Institute (SRI) de Palo Alto a également reçu des bourses du gouvernement pour mener des travaux en ce sens. C’est d’ailleurs là-bas que l’écrivain Ken Kesey et Robert Hunter (chanteur des Grateful Dead) expérimenteront pour la première fois l’acide, la mescaline et d’autres psychédéliques tels que l’AMT (pour plus de détails, lire Acid Test de Tom Wolf). Par la suite, Ken Kesey et les Merry Pranksters ont parcouru les États-Unis dans un bus multicolore en organisant les fameux « Acid Test », ces événements musicaux qui mélangeaient rock psychédélique, LSD et effets visuels…

Leary, Ginsberg… et les autres

L’autre grand promoteur de l’acide à cette époque fut Timothy Leary. En 1957, le magazine Life publia un article de Gordon Wasson, banquier chez J.P. Morgan et mycologue, qui fit connaître les « champignons magiques » à Leary (ainsi qu’au grand public). N’ayant jamais pris aucune drogue, le futur gourou de la contre-culture s’envola pour le Mexique afin d’expérimenter ces fameux champignons. À son retour, le psychologue entama des recherches sur la psilocybine à l’université de Harvard, avec l’autorisation du Dr Harry Murray (président du département des Affaires sociales qui s’était occupé de recruter pour l’OSS pendant la Seconde Guerre mondiale). Il découvrit ensuite le LSD grâce à l’écrivain Aldous Huxley, qui conseilla à un certain Michael Hollingshead (ayant acquis 1 gramme de LSD en provenance des laboratoires Sandoz) de se rapprocher de Leary. À partir de ce moment, Timothy n’aura de cesse de promouvoir l’usage du LSD et finira par se faire expulser de l’université avec un collègue.

LSD-et-CIA-love-story-PascalAvec l’aide de William Mellon Hitchcock, un richissime homme d’affaires, il créa la Castalia Foundation et pu continuer ses expériences à Millbrook, dans un vaste domaine de l’État de New York. Et curieusement, les méthodes utilisées n’étaient pas si éloignées de celles de la CIA : les sessions étaient soigneusement « programmées » et des drogues mystérieuses distribuées. Le JB-118 par exemple, une substance proche du BZ, sorti des labos militaires fut offerte par un scientifique de la NASA (Steve Groff).

Le mouvement prit de l’ampleur, l’ancien psychologue de Harvard utilisait les médias à son avantage et son livre L’expérience psychédélique (inspiré du Livre des morts tibétain) devenait une sorte de bible pour ceux que les journaux appelaient « hippies ».

Si certains écrivains de la contre-culture (comme Allen Ginsberg) suivirent Leary, ce n’est pas le cas de tous. William Burroughs mettait en garde dès 1964 contre une possible manipulation, notamment dans une de ses nouvelles intitulée Nova Express : « Tirez la chasse sur leur Septième Ciel. Ils empoisonnent et monopolisent les drogues hallucinogènes. Apprenez à y arriver sans gnole chimique. »

Et alors que la guerre du Vietnam battait son plein et que les mouvements de contestation se multipliaient, les radicaux de la Nouvelle Gauche voyaient d’un mauvais œil l’apolitisme lié au mouvement psychédélique. Effectivement, le discours de Leary était sans équivoque : « Ne votez pas. Ne signez pas de pétition. Vous ne pouvez rien faire pour l’Amérique sur le plan politique. »

Même John Lennon, qui avait promotionné l’acide au travers de ses chansons (Lucy in the Sky with Diamonds ou Day in the Life) finira par dire : « Je lisais cette connerie de Leary. Nous jouions au jeu de tout le monde et je me suis détruit… »

Haight-Ashbury pour laboratoire

Le lieu emblématique de l’époque, un quartier de San Francisco du nom de Haight-Ashbury, était un concentré de contre-culture. Mais selon Tim Scully, un des chimistes clandestins de l’acide pendant les sixties, ce qui se passait là-bas ressemblait à une expérience de laboratoire… En effet, après une pénurie d’herbe au milieu de l’été 67, les amphétamines envahirent le quartier. Vint ensuite le DOM (2,5-dimethoxy-4-methylamphetamine) surnommé « STP » (sérénité, tranquillité, paix). Cette molécule avait été inventée en 1964 par un chimiste de la Dow Chemical Company qui fournissait Edgewood Arsenal, et avait servi d’incapacitant pour l’armée. La CIA l’utilisait aussi dans le cadre d’expériences sur la modification du comportement. Début 1967, curieusement, la formule avait filtré dans la communauté scientifique. Un des précurseurs essentiels à la fabrication du LSD étant très difficile à trouver à ce moment-là, Owsley (le plus gros fournisseur de LSD de l’époque) décida d’introduire le STP en remplacement. Surdosées (20 mg), les pilules entraînèrent de nombreux bad trips (tout comme le PCP qui circulait aussi). Il était utilisé au même moment par la CIA pour le programme MK-Ultra… et, selon un ancien membre de l’Agence, cette dernière aida des chimistes à monter des labos clandestins de LSD en Californie. Tout cela au moment du Summer of Love et soi-disant pour « surveiller ce qui se passait dans le ghetto de l’acide ». Un autre agent a qualifié le quartier de Haight-Ashbury « d’élevage de cobayes humains ». Le Dr Louis Jolyon West (psychiatre ayant travaillé pour la CIA) prit d’ailleurs une location au cœur de ce quartier afin d’étudier au plus près les hippies.

Pendant ce temps, certains membres du Black Power étaient hostiles aux chanteurs de Soul Music qui faisaient l’apologie des psychédéliques : tout comme les radicaux de gauche, ils voyaient de nombreux « frères » plaquer la politique pour l’évasion. Il faut dire que l’usage de drogues devint aussi un prétexte bien utile au FBI pour arrêter certains militants.

Un des personnages les plus intrigants de cette période est probablement Ronald Stark (son vrai nom serait Ronald Shitsky), qui fut certainement le plus gros producteur de LSD entre 1969 et 1974. Mais ce trafiquant international avait une large palette d’activités à son actif : il fournissait l’organisation contre-culturelle des Brotherhood of Eternal Love aux USA, mais était aussi en lien avec des terroristes du Moyen-Orient, de l’IRA et de l’extrême droite italienne. La conclusion d’un magistrat italien qui enquêtait sur lui est qu’il appartenait aux services secrets américains ! Stark s’en vantait lui-même, et c’est grâce à une info de la CIA qu’il aurait pu fermer au bon moment son laboratoire français, en 1971. Tim Scully admit qu’il était possible qu’il ait été employé par l’Agence afin de répandre les hallucinogènes.

Comme le constatait William Burroughs, « le LSD rend les gens moins compétents, facile de voir pourquoi ils veulent qu’on se défonce ». De fait, de nombreux vétérans des années 60 (dont l’ancien White Panthers John Sinclair) pensèrent rétrospectivement qu’il était tout à fait envisageable que les services secrets aient inondé la jeunesse pour affaiblir leur révolte.

Quoi qu’il en soit, Timothy Leary estimera plus tard être parvenu à son objectif : mettre le plaisir et l’hédonisme au cœur de la société. Des années après, il déclarera que « le PC est le LSD des années 90 » et deviendra une figure importante de la cyberculture, mais c’est une autre histoire.

Lee-M-A-Lsd-Et-Cia-Quand-L-amerique-Etait-Sous-Acide-Livre-895561671_L[1]Les sources utilisées pour cet article proviennent essentiellement de l’excellent livre LSD et CIA: quand l’Amérique était sous acide de Martin A. Lee et Bruce Shlain. Les auteurs ont notamment utilisé plus de 20 000 documents gouvernementaux.

Lysergamides 2015 : un nouveau Summer of love ?

Image extraite de The Acid Eaters (1967) / Tony Nourmand Collection.

Le LSD-25 (représentant le plus connu de la famille des lysergamides) est probablement le psychédélique synthétique le plus populaire et consommé en Occident. Depuis sa découverte fortuite (en 1943) par le chimiste suisse Albert Hoffman, le diéthylamide de l’acide lysergique ne cesse de fasciner autant que d’effrayer… À tel point que son créateur l’avait surnommé « mon enfant terrible » !

Les justiciers du LSD

Se présentant comme un groupe de bénévoles ayant accès à des outils d’analyse professionnels, les LSD Avengers étaient soucieux de connaître la nature et la qualité des produits vendus pour du LSD sur Silk Road et de partager les résultats avec les autres usagers. Une des nombreuses démarches responsables favorisées par l’ex-plateforme de vente en ligne de drogues visant à réduire les risques sanitaires des utilisateurs.

Néanmoins, la disponibilité de l’acide reste relativement restreinte. Et même si le Deep Web (Lire Les pièges de l’achat de drogues en ligne) permet un accès plus grand à cette molécule, de nombreuses contrefaçons, parfois très dangereuses, comme le 25i-NBOMe (lire les nouvelles arnaques aux hallucinogènes), sont répertoriées régulièrement. Les LSD Avengers (lire ci-contre), notamment, ont permis de mettre au jour ces falsifications par des analyses régulières effectuées sur un panel de vendeurs du mythique Silk Road (fermé par le FBI en 2013).

Plus récemment, des acheteurs anonymes ont fait analyser des buvards acquis auprès de différents fournisseurs du Darknet par des associations de RdR (comme Energy Control en Espagne). Les résultats d’analyse révélaient des contaminants et/ou des dosages bien en-deçà de ce qui était annoncé.

AL-LAD et LSZ

Lysergamides 1 web

En parallèle, un laboratoire européen s’est spécialisé dans la création et la distribution d’analogues du LSD non-réglementés. Les deux premiers lysergamides à être commercialisés ont été l’AL-LAD et le LSZ. Ces composés existaient depuis plusieurs années dans le cadre de recherches scientifiques, mais ont été distribués en masse sous forme de buvards à partir de 2013 (jusqu’à leur interdiction au Royaume-Uni en janvier 2015). Si le LSZ a eu moins de succès (probablement en raison d’effets secondaires plus importants), l’AL-LAD est toujours disponible et légal dans certains pays.

De nombreux expérimentateurs trouvent qu’il est moins « profond » que l’acide, plus stimulant et euphorique. Cela reste néanmoins un psychédélique très puissant, actif dès 75 microgrammes, et qui a provoqué un nombre de bad trips non-négligeable ! Des réactions allergiques ont étés rapportées (plaques rouges sur le corps), des maux de ventre/nausées et quelques cas graves sans réelle explication : deux personnes présentant des analyses sanguines anormales ont été hospitalisées. Une autre hospitalisation (black out, convulsions, problèmes rénaux) a eu lieu à cause d’une interaction avec le lithium (déjà connu pour être dangereux en association avec le LSD).

Lysergamides 2 web1p-LSD, le petit frère du LSD

Peu de temps après l’interdiction anglaise, un nouvel analogue voyait le jour : le 1P-LSD. Ce dérivé est un homologue de l’ALD-52 qui, pour la petite histoire, aurait été vendu à la fin des Sixties par Tim Scully et Nicholas Sand (deux fameux fabricants de LSD) sous le nom d’Orange Sunshine (c’est du moins ce qu’ils affirmèrent lors de leur procès pour fabrication et vente de LSD). Selon certaines spéculations, le 1P-LSD serait une prodrogue du LSD : une fois ingéré, il se métaboliserait dans le corps en LSD-25. Au niveau des dosages, 100 microgrammes peuvent se révéler bien déstabilisants pour un néophyte. Pour de nombreux psychonautes, cette substance se révèle très proche (dans le ressenti) du « grand frère » lysergique. Selon certains, elle serait tout de même un peu moins visuelle et confuse, plus stimulante… Mais tout ceci est très subjectif (étant donné que le « Set and Setting » est particulièrement important avec les psychédéliques !).

L’arnaque parfaite ?

Si au premier abord, la nouvelle peut susciter l’enthousiasme, il faut garder en tête que ce nouveau produit de synthèse (NPS) a tout juste quelques mois d’existence, et qu’il est impossible de prévoir (sur la base d’une ressemblance) sa toxicité, la dose létale, etc. Il faut aussi prendre en compte la forte probabilité que cet été, une partie non-négligeable des buvards qui circuleront en teuf et dans les festivals pourra être du 1P-LSD. Pas de goût particulier, et actifs si on les avale directement (contrairement aux NBOMe), il ne semble pas y avoir de moyen fiable (à part l’analyse) pour les détecter. De plus, ce produit étant aussi disponible sous forme de cristaux, il y a fort à parier que certains dealers peu scrupuleux n’hésiteront pas à le vendre sous forme liquide (gouttes) en le faisant passer pour « l’original »

Dans ce contexte, le conseil de prendre un demi-trip (voire un quart) pour commencer est essentiel ! D’autant plus que le dosage des cartons circulants actuellement semble assez aléatoire… Et pour certaines personnes (question de métabolisme ?), le 1P-LSD est assez long à monter complètement. Attendre au moins trois heures avant d’en reprendre permet donc d’éviter les mauvaises surprises…

Pour finir, si certains prédisent déjà que l’été 2015 sera le nouveau « Summer of Love » de cette génération, une chose est sûre : l’été sera lysergique !

Top Taz 2014 et autres substances dont il faut se méfier

Données françaises :
un effet Tchernobyl ?

Cet article compile 70 alertes émises en Europe en 2014. Seules 4 proviennent de France, aucune ne concerne les comprimés d’ecstasy et une seule émane d’une institution, les 3 autres étant l’œuvre d’associations de terrain. Notre pays serait-il épargné par la vague de taz surdosés comme il l’a été, à l’époque, par le nuage radioactif de Tchernobyl ? Eh oui, en France, on ne diffuse ces données en temps réel qu’en cas d’incidents répétés ! Elles pourraient pourtant être utiles aux consommateurs avant qu’ils aillent mal…

En 2009, la MDMA disparaît du marché suite à la pénurie d’un précurseur : l’huile de sassafras. D’autres substances (méphédrone, MDPV…) tentent alors en vain de prendre sa place avant son come back en 2013 pour le meilleur et pour le pire ! Les taux de MDMA contenus dans les poudres et les cachets sont au plus haut et les accidents se multiplient (4 décès suspectés en 2014), et pas toujours en raison d’une trop grande pureté des produits.

 

Pourquoi faut-il se méfier ?

Des teneurs moyennes plus élevées

Evolution teneur MDMA 2000-2013

Les doses moyennes par comprimé sont ainsi passées de 50 à 60 mg dans les années 2000 à un peu plus de 100 mg de MDMA depuis 2012, certaines pouvant approcher les 300 mg, voire les dépasser dans quelques cas.

243mg MDMA
(janvier 2014)
169mg MDMA
Triangle (janvier 2014)
180mg MDMA
Li-ion / Batterie / Pile (janvier 2014)
196mg MDMA
Mitsubishi (janvier 2014)
200mg MDMA
Nintendo (janvier 2014)
160mg MDMA
Papillon (janvier 2014)
176mg MDMA
Android (février 2014)
143mg MDMA
Mercedes (février 2014)
151mg MDMA
Cygne (mars 2014)
155mg MDMA
Smiley (mars 2014)
215mg MDMA
Bugatti (mai 2014)
231mg MDMA
Android (septembre 2014)
205mg MDMA
Like (septembre 2014)
183mg MDMA
Etoile (septembre 2014)
157mg MDMA
Facebook (septembre 2014)
182mg MDMA
Gold (septembre 2014)
199mg MDMA
Redbull (septembre 2014)
236mg MDMA
Superman (septembre 2014)
234mg MDMA
Wi-Fi (septembre 2014)
143mg MDMA
Yahoo! (septembre 2014)
137mg MDMA
Etoile (octobre 2014)

Des taz 3D attrayants et surdosés

Sûrement pour remettre au goût du jour les taz – qui s’étaient forgé une mauvaise réputation –, les labos ont lancé des presses originales : des comprimés aux formes et aux couleurs attrayantes, souvent plus gros que la moyenne. Ces comprimés qu’on trouve surtout au Benelux sont plus chers (de 10 à 20 €) mais généralement plus forts que les autres. Lorsqu’un Français habitué aux ecstas à 50 mg tombe sur ce genre de cacheton et en prend 4 d’un coup, ça peut faire très mal. C’est ce qui est arrivé cet été au festival de Dour en Belgique où un Français est décédé suite à l’ingestion de Superman, ou l’année d’avant dans les Pays-de-la-Loire, au festival Couvre Feu, des taz Superman là-aussi…

196mg MDMA
Mitsubishi (janvier 2014)
240mg MDMA
Superman (janvier 2014)
137mg MDMA
Champignon / Toad / 1up (février 2014)
125mg MDMA
Superman (mars 2014)
196mg de MDMA
Domino (mai 2014)
186mg MDMA
Superman (mai 2014)
236mg MDMA
Superman (septembre 2014)
234mg MDMA
Wi-Fi (septembre 2014)

Le « Salade-Tomate-Oignon »

Parmi les cas d’incidents, il y a ceux qui font suite à la consommation d’un comprimé qui contient non seulement de la MDMA mais aussi d’autres produits actifs. On y trouve même parfois un cocktail de molécules mais pas de MDMA !

118mg MDMA + 3,3mg Amphétamine + 2mg Caféine
Bitcoin (janvier 2014)
8.9mg 2C-B + 1,5mg MDMA + 2,5mg Caféine
(février 2014)
134mg MDMA + 2mg Caféine
Double main(mars 2014)
155mg MDMA + MDDA + MDPP
Triangle (mars 2014)
200mg MDMA + MDDA + MDPP
Triangle (mars 2014)

« On m’aurait menti »

Consommer une substance en pensant qu’il s’agissait d’une autre est une cause récurrente d’accidents de défonce. Et ce, d’autant plus que le produit ingurgité n’a ni le même dosage, ni les mêmes effets que celui recherché. Dans cette catégorie, prenez garde à la 4,4 DMAR qui a causé 26 décès en 2014 en Europe, et aux PMA et PMMA (voir encadré).

178mg TFMPP
AB200 (février 2014)
4,4 DMAR aka Serotoni
Cerises (18 décès en 2014)
4,4 DMAR aka Serotoni
Croix (18 décès en 2014)
18mg 2C-B
Oeil de pharaon (mars 2014)
20mg Méthamphétamine + 63mg Caféine
Why (mars 2014)
Taz Miko (Magmum) rouge Amphétamine + 4-FMP + 2C-H + Méthamphétamine + 2C-B
Amphétamine + 4-FMP + 2C-H + Méthamphétamine + 2C-B
Miko / Magnum / Extreme (octobre 2014)
Méthandiénone + Méthyltestostérone
Coeur (décembre 2014)
170mg PMMA + 10mg Amphétamine
Superman (décembre 2014)
Diphénidine vendue comme MDMA
(octobre 2014)
170mg PMMA + 10mg Amphétamine

PMA et PMMA, the death est parmi nous

Surnommées « Death » par les consommateurs des années 70, déconseillées par Saint Shulgin qui qualifiait l’une de « drogue traîtresse », et l’autre de « drogue dangereuse », la PMA et sa petite sœur la PMMA sont deux molécules assez proches parfois utilisées comme produits de coupe des tazs. On en trouve surtout au Royaume-Uni, en Irlande et au Bénélux où elle a fait des dizaines de morts, mais en automne 2014 un comprimé contenant du PMA a été analysé sur la région de Metz..

Le véritable risque de la PMA/PMMA réside dans sa toxicité supérieure à celle de la MDMA alors que son effet est moins fort et mets plus longtemps à monter : les consommateurs pensant avoir affaire à des comprimés sous dosées en prennent plusieurs.

Les complications (parfois mortelles) de la MDMA

L’hyperthermie

C’est une élévation anormale de la température corporelle (jusqu’à 42°C !) pouvant endommager le cerveau (convulsion, délire, coma…) et les muscles (crampes).

La MDMA donne chaud et envie de bouger, ce qui donne chaud aussi. Pour éviter la cata, on s’aère, on se pose et on s’hydrate.

Le syndrome sérotoninergique

C’est un excès de sérotonine dans les synapses qui provoque agitation, tremblements, voire convulsions ou raideurs musculaires, tachycardie, hyperthermie, etc. Un jeune homme en est mort en août 2014 dans le sud de la France.

Comme la MDMA libère de la sérotonine, faites attention aux mélanges avec les autres produits qui jouent sur la sérotonine, notamment les IMAO, la Changa (simili DMT), la passiflore, le tramadol et certains antidépresseurs.

L’hépatite fulgurante

Dès la première prise et quelle que soit la dose, la MDMA peut, dans de très rares cas, entraîner le décès suite à une hyperthermie associée à une destruction des cellules musculaires et de différents organes dont le foie. Il s’agirait de prédisposition génétique.

Pour réduire les risques

Fractionner les produits !

Commencez par une demi-dose et attendez. Si le produit est surdosé, vous n’aurez pas besoin de reconsommer. Si les effets vous semblent anormalement faibles ou différents : ne reconsommez pas. Vous pouvez vous renseigner auprès des associations de réduction des risques de votre région pour faire analyser votre produit.

Espacer les prises !

Évitez de consommer de la MDMA plusieurs jours d’affilée ou trop régulièrement (genre tous les week-ends). Cela permet aux réserves de dopamine de se reconstituer dans le cerveau et au foie de se régénérer.

Attention aux logos !

Les labos pressent souvent des contrefaçons, donc deux ecstas de même apparence peuvent être très différents. Cependant, regardez quand même le logo : une tête de mort, un symbole « toxique » indiquent souvent un ecsta surdosé ou contenant du PMA/PMMA. La mention « 2CB » figure sur certains comprimés contenant du 2C-B. Méfiez-vous des comprimés de type Superman, quelles que soient leur taille et leur couleur. Ils tournent encore beaucoup, et leur signalement revient dans de nombreux cas d’incidents depuis deux ans.

Bonus : les autres produits à risque

Des alertes ont également été émises sur d’autres types de substances : faux LSD en goutte ou buvard qui n’est autre qu’un mélange 25I-NBOMe + 25C-NBOMe, détournement de sirops codéinés (lire nos articles HiP-HoP : Le sirop de la rue et Sizzurp : le sirop de la rue) , et héroïne blanche vendue pour de la coke à Amsterdam (lire Quoi de neuf Doc ?).

900µg 25i-NBOMe + 25C-NBOMe
Hoffman (octobre 2014)
900µg 25i-NBOMe + 25C-NBOMe
Hoffman (octobre 2014)
1500µg 25i-NBOMe + 25C-NBOMe
Super Mario Bros(octobre 2014)
1500µg 25i-NBOMe + 25C-NBOMe
Super Mario Bros (octobre 2014)
Codéine + Prométhazine + Éthanol
Purple Drank / Sizzupr
Héroïne blanche vendue comme cocaïne
(octobre à décembre 2014)

2C-P, 25i, 25c, MXE… les nouvelles arnaques aux hallucinogènes

C’était l’une des tendances de 2013. De plus en plus d’usagers se plaignent d’arnaques après avoir acheté du LSD ou de la kétamine, deux produits plutôt épargnés par ces problèmes auparavant. Selon Techno+ et Not for Human, des molécules aux effets et/ou dosages différents sont désormais vendues en teuf à la place de ces produits. S’il y a fort à parier que ce ne sont pas les seules « contrefaçons » qui circulent, abordons déjà les plus courantes.

25I-NBOMe / 25C-NBOMe

Ce sont des dérivés de la famille des 2C, sauf que ces substances psychédéliques sont vraiment très récentes et beaucoup plus puissantes. Ils se présentent le plus souvent sous forme de buvards pré-dosés et plus rarement sous forme de poudre blanche. Dans ce cas, seule la dilution volumétrique (voir encadré) permet de mesurer la quantité exacte à utiliser.

La dilution volumétrique

Alors que les produits habituels peuvent se doser à l’œil, les dosages de RC se comptent en millièmes de gramme et une erreur de dosage peut entraîner des conséquences graves…
Pour mesurer précisément une quantité de produit, il existe la dilution volumétrique.

  1. Vérifier avec une balance de précision le poids total de la quantité de produit à diluer et la solubilité de la molécule (la plupart le sont). Ne pas se fier au poids annoncé par le vendeur.
  2. exemple : 100 milligramme de la substance mis dans 1 litres d’un solvant (ex : alcool à 40° ou plus type vodka) = 100 microgramme par millilitre.
  3. Il suffit alors à l’aide d’une seringue ou d’une éprouvette graduée de remplir le nombre de millilitres souhaités pour obtenir le nombre de microgrammes.

Effets

Les NBOMe ont des effets psychédéliques : hallucinations (surtout visuelles), altération du temps, modification de la conscience. Stimulants, ils peuvent provoquer euphorie mais aussi confusion et angoisse, selon l’état d’esprit, le dosage, etc. Beaucoup d’usagers rapportent une sécheresse de la bouche (parfois une sensation d’anesthésie) et le goût d’aliments modifié et/ou étrange, ainsi qu’une vasoconstriction importante (lèvres ou doigts qui bleuissent).

Très imprévisibles d’une fois à l’autre, ces effets durent généralement de 4 à 10 heures. D’autres produits de la même famille existant (b, d, NBOH, etc.), toujours se renseigner sur le produit exact, le dosage et les effets (qui varient selon la molécule) !

Dosage

Les dosages varient généralement de 200 MICROgrammes (léger) à 1 000 MICROgrammes (fort), par voie sublinguale. Les buvards sont uniquement actifs par cette voie : il faut généralement les laisser 20 à 30 minutes sous la langue ou contre la gencive. Sous forme de gouttes, certains préfèrent la voie nasale : après dissolution dans l’alcool, ils sniffent le liquide ! Attention, c’est très abrasif pour les muqueuses nasales, et les effets sont plus violents (montée plus rapide). Les accidents et décès rapportés avec ces molécules étaient souvent liés à ce mode de prise. Il est fortement conseillé de diminuer les doses par voie nasale, ou de mettre la goutte sur un buvard et d’utiliser la voie sublinguale.

Risques

Bad trip, tachycardie, hypertension, convulsions, insuffisance rénale aiguë, maux de tête, paranoïa et dans les cas les plus graves, décès. Les risques physiques sont bien plus importants avec ces molécules qu’avec des psychédéliques classiques, et le nombre de décès survenus est anormalement haut pour ces substances. Plusieurs usagers de 25C et 25I ont été victimes de vasoconstriction importante nécessitant une prise en charge médicale. Les premiers symptômes se manifestent généralement par des picotements, des engourdissements et une sensation de froid (parfois un bleuissement) au niveau des extrémités (pieds, mains, nez). Des gonflements ont aussi étés signalés.

Ces molécules étant très récentes, les connaissances des interactions dangereuses et de leur fonctionnement sont assez limitées. Mais tout comme la MDMA, les amphétamines et certains antidépresseurs, elles semblent agir très puissamment sur la sérotonine.

Comment les reconnaître ?

Buvards Fraises 25c-NBOMe
Ceci n’est pas de la fraise.
C’est du 25c-NBOH.
buvards hofmann 25i-NBOMe
Ceci n’est pas du LSD.
C’est du 25i-NBOMe.

Buvard à garder sous la langue (ou contre la gencive), gouttes « à sniffer » : CE N’EST PAS DU LSD !!! En cas de doute, avaler le buvard directement permet de faire le tri (le LSD est actif par voie orale, contrairement au 25I et 25C).

Attention néanmoins, d’autres molécules sont vendues sur des buvards pour du LSD : DOC, DOB, DOI, des substances de très longue durée (24 heures), très stimulantes (speed-like) et actives par voie orale !

Des buvards sandwich (2 buvards collés avec une couche de poudre au milieu) circulent aussi avec d’autres produits (tryptamines, par exemple). Très déstabilisant si on s’attend aux effets de l’acide et que c’est autre chose…

La « règle du quart de buvard » pour commencer est plus que jamais d’actualité !

Méthoxétamine

MXE Méthoxétamine
Ceci n’est pas de la Kétamine.
C’est de la Méthoxétamine.

La MXE est une molécule de la famille des arylcyclohexylamines (comme le PCP et la kétamine) mise au point et vendue par des chimistes début 2010. Étant vendue sous la forme d’une poudre cristalline (comme la kétamine), les deux sont impossible à différencier visuellement.

Effets et dosage

Agissant comme un dissociatif à fortes doses, elle peut aussi être sédative et euphorisante selon la quantité consommée. Les effets (et dosages) diffèrent de ceux de la kétamine et surtout, durent beaucoup plus longtemps. Désinhibante et euphorisante à petite dose (+ ou – 20 milligrammes), les effets dissociatifs prédominent à partir de 40-50 milligrammes. La confusion n’est pas rare avec cette molécule, et peut vraiment déstabiliser et désorienter.

Les premiers effets se manifestent 10 à 20 minutes après la prise, progressent pendant une vingtaine de minutes pour se stabiliser pendant 2 heures environ, avant de diminuer progressivement en 1 ou 2 heures. Des effets résiduels peuvent parfois durer jusqu’à 48 heures (surtout en cas de prises répétées, ce qui arrive vite car la molécule peut s’avérer compulsive).

Risques

Les effets secondaires désagréables comprennent : nausée, transpiration (donc bien s’hydrater régulièrement et à petites gorgées), maux de tête, troubles du sommeil, étourdissements, douleurs au niveau des reins, saignements du nez (en sniff), hypertension artérielle, augmentation du rythme cardiaque, bad trip, perte de conscience…

Le risque majeur survient lorsqu’un habitué de kétamine prend la même quantité de méthoxétamine en pensant à tort que les produits sont identiques ou en cas d’arnaque.

Conseils

  • Ne pas re-doser rapidement, d’abord tester avec la plus petite dose possible et attendre suffisamment pour ne pas se faire surprendre par la montée !
  • Contrairement à la kétamine, la MXE agit sur la sérotonine, donc ne pas mélanger avec la MDMA (risque de syndrome sérotoninergique) !
  • Le cannabis peut intensifier les effets et rendre le trip plus confus.
  • Il est fortement déconseillé de mélanger la méthoxétamine avec les dépresseurs du système nerveux (comme l’alcool ou les opiacés) qui favorisent la dépression respiratoire.

2CP

2C-P poudre

Ceci n’est pas de la mescaline.
C’est 2C-P (Bon OK c’est marqué dessus !)

Phénéthylamine psychédélique inventée par Alexander Shulgin, le 2C-P est une variante plus forte du 2C-E.

 

Effets et dosages

Cette substance a des effets psychédéliques : hallucinations auditives et/ou visuelles, altération du temps plus ou moins marquée, modification de la conscience. Stimulante, elle peut provoquer une certaine euphorie. Le 2C-P est plus puissant/déstabilisant, plus introspectif (mental) et plus long que le 2C-E.

Les effets se font ressentir à partir de 2 mg. À 10 mg, ça devient costaud, et à partir de 16 mg, plusieurs personnes ont été hospitalisées (souvent à cause de tachycardie et de battements cardiaques anormalement élevés).

Les dosages doivent être très précis, car une différence de quelques milligrammes peut faire basculer le trip dans un délire cauchemardesque.

Risques

Cette molécule génère souvent des effets secondaires physiques assez puissants pendant le trip (crampes, douleurs abdominales, maux de tête, transpiration excessive, vomissements, tensions musculaires fortes, stimulation physique et mentale importante pouvant être inconfortable, etc.) et peut donner lieu à des hallucinations intenses. Beaucoup d’usagers rapportent des effets mentaux très « dark » (visions effrayantes) et indiquent que cette expérience peut s’avérer assez écrasante et intense.

Arnaque à la mescaline

La vente de mescaline synthétique en teuf est bien souvent un argument commercial (celle-ci étant connue et réputée). Quand on en trouve (ce qui est rare), elle est presque toujours vendue sous forme de poudre (sulfate ou chlorhydrate et non pas en gouttes !) et nécessite 200 à 500 milligrammes pour une expérience psychédélique… De telles quantités ne tiennent pas dans une goutte. La vente de « gouttes de mescaline » doit donc avant tout inspirer de la méfiance. Car au-delà de savoir quel produit est réellement contenu dans le liquide, il s’avère souvent impossible de connaître sa concentration (ce qui risque d’entraîner des accidents).

Tant que la possibilité d’analyse de produit ne sera pas généralisée, la vigilance s’impose !


Article écrit par Sébastien, Président-fondateur de l’association Not for Human qui mène des actions de prévention et de réduction des risques liés aux nouvelles drogues de synthèse au sein de communautés virtuelles de consommateurs (psychonaut.com, lucid-state.org, psychoactif.fr, facebook…).
Plus d’infos sur notforhuman.fr.Plus d »infos sur notforhuman.fr
.

Logo et titre Not for human

De l’autre coté du miroir : les bad trips d’or de Techno+. Les principaux nominés…

Des bad trips, l’association de réduction des risques en milieu festif Techno+ en gère une cinquantaine par an. Des petits, des gros, des drôles, des tristes, des calmes et des agités. Petite revue de bad trips, vus non pas du côté de ceux qui les vivent mais de ceux qui les gèrent…

Flyer de RDR, édité et distribué en rave par Techno +.

Pour en savoir plus sur Techno+ lire « Ecsta sana in corpore techno« , ASUD journal N°13

À l’occasion de ce numéro spécial, les copains d’Asud nous ont contactés pour nous demander un florilège des plus incroyables bad trips que nous avions gérés en teuf. Bien sûr, on a accepté mais, comme il y en aurait trop pour parler de tous et que c’est difficile de les départager tant ils valent tous leur pesant de kétamine, on a décidé d’organiser un vote et même une cérémonie : les bads trips d’or. Mais récompenser l’auteur du pire bad trip ne nous a pas semblé une bonne idée, alors les trophées, pardon les tropris, iront aux volontaires de l’asso qui ont géré les pires bad trips. Parce qu’on les mérite nos tropris : non seulement un bad trip c’est souvent aussi dur à gérer qu’à vivre mais en plus le lendemain on s’en rappelle, nous !

Dans le folklore des consommateurs, les bad trips, scotchages et autres flippances sont entourés d’à peu près autant de légendes et de mystère que le financement des campagnes de l’UMP. Alors avant de passer à la liste des principaux nominés pour les bad trips d’or, voyons un petit peu ce qu’on pourrait vous apprendre sur le sujet.

bad trip d'or Techno+ Birambeau 1

Un peu de théorie…

Le mot « bad trip » (mauvais voyage) n’est pas très utilisé par les médecins (en tout cas officiellement) qui parlent plutôt de pharmacopsychose, d’état confusionnel ou de décompensation. Dans les trois cas, il s’agit de troubles de la pensée et du comportement qui se traduisent par une perte de contact avec la réalité et des difficultés à penser normalement. En gros, la pharmacopsychose prend deux formes : une sorte de bouffée délirante qui va durer au maximum trois jours après la consommation, ou alors de manière plus progressive, l’installation d’un état délirant, souvent anxieux, avec l’impression de « ne plus être comme avant ». On peut parler de « dépersonnalisation » ou de « déréalisation » pour décrire des sentiments d’irréalité, d’étrangeté, liés à l’environnement ou à soi-même. L’état confusionnel porte bien son nom puisqu’il marque une forte confusion pour la personne (troubles de la mémoire et de la compréhension, difficultés à parler et à se mouvoir…) et peut entraîner des comportements violents, le cas typique étant les cocktails Rohypnol®-alcool dont certains lecteurs connaissent sans doute le fameux « effet Rambo ». La décompensation signifie quant à elle que les barrières qui permettaient de « compenser » un trouble déjà présent s’effondrent. C’est certainement le plus grave des trois car la personne peut alors entrer dans une maladie psychique chronique. Un point important : ces trois types de bad trips ne sont pas forcément caractérisés par de la souffrance : une décompensation peut très bien être vécue comme agréable. C’est notamment le cas des « illuminations », lorsque – en plein trip – la personne a l’impression de comprendre quelque chose de fondamental sur elle-même (par exemple qu’elle est un ange envoyé par Dieu…).

Ce qui est surtout décrit du côté des consommateurs, c’est par contre la souffrance du bad trip et ses conséquences pour l’entourage : la parano qui gâche ta soirée, l’alcool mauvais qui gâche celle des autres, la crise de nerfs, etc. Mais beaucoup de bad trips ne rentrent pas non plus dans ces catégories. Par exemple la crise de larmes : vous savez, lorsque votre grand gaillard de pote s’effondre en sanglots obnubilé par la perte de son chaton. Ou encore, les obsessions, par exemple sur le besoin de se laver, la crise de jalousie démultipliée, ou tout simplement lorsque la personne se focalise sur des idées noires plutôt que sur des trucs positifs. Bien qu’assez courants et bénins, ces petits bad trips peuvent aussi laisser des séquelles car l’effet du produit peut amplifier les émotions. À tel point qu’elles laisseront un traumatisme qui pourra ensuite être réactivé par une situation se rapprochant de ce qui a déclenché le bad trip.

bad-trip-d'or-Techno+-Birambeau-2

« Tu veux goûter mon caca ? »

On vient nous chercher au stand pour nous dire qu’un mec se balade à poil sur un dancefloor, et se met des doigts dans l’anus avant de les essuyer sur le visage des personnes qui dansent. Arrivés sur place, le type a disparu donc on rentre au stand bredouille mais… Dix minutes plus tard, d’autres personnes passent nous prévenir qu’un mec à poil vient de casser le pare-brise d’un des organisateurs du teknival, qu’il a fait tomber une colonne de son et que ça risque de chauffer sévère. On fonce vers l’endroit qu’on nous avait indiqué et là, on tombe en plein générique de Benny Hill : un petit mec grassouillet qui court tout nu poursuivi par une vingtaine de personnes. On arrive pile au moment où ils l’interceptent et on prend les choses en mains pour le maîtriser sans violence. Mais le mec se débat et de Benny Hill on tombe dans L’Exorciste. On est six à le tenir, mais il rue dans tous les sens et profère des insanités, les yeux à moitié révulsés. Les mecs autour sont bien énervés. Ils lui disent qu’ils vont le tuer et l’enterrer dans la forêt, mais le mec leur crache au visage et continue de se débattre. Un de ses « potes » qui passait par là vient nous voir et, sans stresser le moins du monde, nous explique qu’il a de lourds antécédents psy et que c’est pas étonnant qu’il ait fini dans cet état. On a évacué le mec mais en se disant que celui qui méritait de se retrouver sanglé sur un brancard, c’était surtout le « pote » en question qui avait ramené en teuf un type dont il savait qu’il risquait de vriller sans même s’en occuper…

« J’ai une grosse bite je suis au paradis, j’en ai une petite je suis en enfer »

On vient nous chercher au stand car un mec en plein délire a frappé sa sœur, lui cassant plusieurs dents. On arrive, la fille part à l’hôpital et on attrape le mec, qui semble finalement assez calme. Deux filles de Techno+ l’éloignent de la teuf pour lui parler et essayer de le faire redescendre. Mais il essaye de les peloter, se masturbe, etc. D’autres volontaires arrivent, lui disent d’arrêter, mais il devient agressif et pète complètement les plombs. Il hurle en boucle « J’ai une grosse bite je suis au paradis, j’en ai une petite je suis en enfer ». Les volontaires le maintiennent au sol mais il continue de se débattre en criant. Parfois, il semble se calmer et reprendre ses esprits mais il finit toujours par redevenir agressif et repartir dans son délire d’enfer et de pénis… Les volontaires devront le maintenir plus de trois heures au sol avant qu’il ne redescende pour de bon.

« Je suis déjà morte »

Pour elle, l’histoire a commencé avec une goutte de LSD. Tout allait bien. Si bien qu’elle a voulu aller dire au DJ à quel point sa musique la transportait. Sauf que les « coulisses » d’un mur de son ne sont pas ouvertes à tous… Enfin tout aurait pu bien se passer si elle ne s’était pas emmêlée les pieds dans les câbles pour finalement tomber en plein sur la table de mixage et les platines. Forcément, les mecs du son se sont un peu énervés. L’un d’entre eux a même dit « Je vais la tuer ». Sauf que c’était la perturbation de trop dans la montée de LSD de cette pauvre jeune fille qui s’est subitement mise à hurler « Je suis déjà morte, je suis déjà morte » à intervalles réguliers d’environ 10 secondes. Elle était dans cet état lorsqu’on nous l’a ramenée et ça a duré quatre ou cinq heures avant qu’elle puisse dire autre chose.

bad trip d'or Techno+ Birambeau 3

« Venez vite, il essaye de violer une meuf dans un champ »

On nous signale un mec violent devant le son. L’équipe part et tombe effectivement sur un type plutôt agressif mais encore gérable. Aidés par ses potes, on le convainc de venir se reposer un peu dans notre espace perso. Ses potes nous suivent, nous aident à le calmer, tout semble s’arranger et on le laisse donc partir avec ses amis qui le surveillent. Mais au bout d’un petit moment, une de ses copines, affolée, vient nous voir : « il est en train d’essayer de violer une meuf » dans un champ. On fonce et effectivement, on trouve le mec en train de ramper en s’agrippant à une fille qui n’avait plus de T-shirt. Il la serrait si fort que pour lui faire lâcher prise on a dû s’y mettre à plusieurs et de toutes nos forces. Ensuite, on l’a camisolé dans une couverture et on l’a ramené dans notre espace perso. À force de se débattre, le mec a fini par réussir à sortir un bras et à tirer de toutes ses forces sur les dreads de son amie qui essayait de le rassurer depuis une heure. Du coup, après avoir réussi à lui faire lâcher les cheveux, on a aussi dû gérer la copine qui essayait de lui mettre des kicks en pleine tête. Par la suite, croyant que ça allait mieux, on a filé une cigarette au mec qui a essayé de l’avaler allumée puis de se brûler les yeux avec. On lui a aussi filé une compote qu’il nous a explosée au visage, donc on lui a plus rien filé et on s’est contenté d’attendre que ça passe, assis sur lui toujours enroulé dans sa couverture. Ça a mis environ six heures mais il est redescendu et nous a longuement remerciés de nous être occupés de lui et a tenu à nous filer un bon coup de main pour le rangement du matos.

« Le coton c’est doux »

Dans la rubrique mignon, à un tekos, une nana nous a ramené un chepchep complètement perdu et apeuré. Son truc, c’était le coton. Suffisait de lui dire qu’un truc était en coton pour qu’il se frotte dessus en mode « le coton c’est doux ! » J’ai cru comprendre qu’il avait fait flipper certaines meufs en voulant simplement se frotter à leur coton. Finalement, après une heure à rigoler avec lui, il a fait une tentative pour repartir, il a tourné en rond devant le chill, puis il est retourné faire une petite sieste et après il allait mieux.

« Non, ça va, j’ai rien pris »

Il y a quelques années, on est intervenu à la soirée Unighted de David et Cathy Guetta au stade de France. Grosse soirée avec des animations, des tombolas, etc. On nous amène une jeune fille qui se sentait mal… Elle est très blême et a du mal à s’exprimer donc on l’assoit, lui file un verre d’eau, et on essaye d’engager la conversation : « Qu’est-ce qu’il y a ? T’as pris quoi ? » Et la fille de nous répondre d’une voix faible : « Non non, ça va, j’ai rien pris… C’est juste que je viens de gagner une voiture ! »

Perché !

Dans la catégorie International, le bad trip d’or reviendra sans doute à l’association belge Modus Fiesta pour son intervention sur un bad trip digne des cartoons de Tex Avery : on signale à l’association qu’un homme en plein délire est monté à plus de trois mètres de haut dans un arbre pour aller cueillir des noisettes. Arrivée sur place, l’équipe d’intervention trouve un attroupement de personnes qui essayaient de le faire descendre en lui criant qu’il allait se faire mal. Mais le type refusait : « C’est mes noisettes, il faut que je les ramasse vite sinon les écureuils vont les ramasser. » En discutant avec les gens, l’équipe comprend que le gars est persuadé que l’arbre porte des noisettes magiques qui contiennent des diamants et que c’est pour les garder qu’il reste dans l’arbre. Du coup, une des volontaires a l’idée de rentrer dans son trip : « Oh, mais tu as fait tomber une noisette juste là, regarde », en lui montrant le sol comme s’il y avait vraiment une noisette. Et comme par miracle, le mec descend de l’arbre pour aller chercher sa noisette !

bad trip d'or Techno+ Birambeau 4

« Tatatatata »

Lors d’une teuf en 2004, l’équipe de la Croix-Rouge trouve un gars avachi contre une voiture en train de se mordre les lèvres. Ils décident de l’emmener à leur tente pour le soigner. Le gars se laisse faire et leur parle mais ils ne le comprennent pas. Une fois dans la tente, ils l’assoient sur une chaise, une bénévole essaye de commencer le soin mais le gars se met à lui caresser les seins. Se sentant agressée, elle crie. Lui rigole d’avoir eu les mains baladeuses et se met à toucher tous les gens qui passent à sa portée. Là ses collègues sautent sur le gars, le collent sur une civière, le sanglent et lui passent une minerve immobilisante autour du cou. Le gars ne rit plus du tout, commence à paniquer, se crispe, se mord la joue et leur dit une phrase qu’ils ne comprennent pas : « Tatatatatatata ! » Le responsable de la Croix-Rouge est prévenu de la situation : un forcené sous drogue vient de commettre une agression à caractère sexuel sur une secouriste ! Le boss de la Red Cross a une idée : Allons chercher Techno+ pour savoir ce que le gars a pris.

Sur le trajet du stand à leur tente, il m’expose la situation, très fier d’avoir malgré tout réussi à désinfecter son bobo à la bouche. J’arrive et effectivement de loin j’entends « Tatatatatatata » ! Dans la tente, je vois l’équipe au grand complet en uniforme autour de la civière, une grande lumière blanche dans la gueule du gars. Je leur demande de s’écarter, voire de sortir. Je m’approche doucement du gars, le rassure et lui demande ce qu’il a pris. Et là, « Tatatatatata ! » devient clairement « J’ai pris 2 tatas, ne m’attachez pas ! » Je leur explique donc la situation : « Vous venez d’attacher un gars en pleine montée de MDMA. Vu l’heure, il doit maintenant en être au stade où il a une boule d’énergie en lui qui lui donne envie de bouger, de parler, de s’extérioriser et vous le maintenez ligoté sur une civière. Bref, s’il vrille parce qu’il ne peut dépenser cette énergie, vous en serez responsable. » Le chef ordonne la libération du prisonnier. Je repars avec lui et l’oriente vers le son après lui avoir donné quelques infos de RdR. L’autre cas de cette soirée était un gars sous LSD qui s’était enfermé dans sa voiture pour échapper à la Croix-Rouge (encore) qui voulait lui soigner sa petite coupure à la main. En voyant les uniformes, il a flippé : il voyait des infirmières qui voulaient le piquer avec des aiguilles au bout de leurs doigts et refusait d’être touché.

bad trip d'or Techno+ Jonas 2

Remerciements : Céline, Fab, Jonas, Reuns.

60 ans du LSD, happy birthday

En 1938, Albert Hoffmann synthétise un alcaloïde baptisé «Lyser Saür Diäthylamid». Enregistré 25e sur le cahier du laboratoire, il porte le nom de LSD 25. Quelques années plus tard, sa découverte,devenue «son enfant terrible», donne naissance au plus puissant des psychédéliques du XXe siècle.

Le plus fameux trip de l’histoire.

Le LSD 25 est un dérivé synthétique du claviceps purpurea, parasite de l’ergot du seigle. D’autres dérivés sont encore utilisés en médecine pour leur activité sur l’utérus ou l’appareil respiratoire, mais les propriétés psychoactives du LSD restèrent dans l’ombre des archives du Pr Hoffmann. Ce n’est qu’en avril 1943 qu’il décide de reprendre la synthèse du LSD afin d’en approfondir la connaissance. Et c’est alors qu’il terminait la cristallisation finale du tartrate de LSD qu’il fut pris de vertiges et d’ivresse. Il prit son vélo pour rentrer chez lui, et partit pour le plus fameux trip de l’histoire. Il consigna ensuite soigneusement ses perceptions dans ses notes de laboratoire-: «-Je devins soudainement ivre, le monde extérieur changea comme dans un rêve. Les objets semblèrent gagner en relief, affichant des dimensions inhabituelles, et les couleurs devinrent plus chaleureuses, la conscience de soi et la notion du temps furent également modifiées. Quand j’eus fermé les yeux, des images colorées étincelaient en un kaléidoscope rapide et changeant. Après quelques heures, la plaisante ébriété qui avait été expérimentée lorsque j’étais pleinement conscient disparut. Quelle est la raison de cet état-?-» Il dut chercher un moment parmi les substances qu’il avait manipulées avant de comprendre que l’acide, dont il ignorait encore toutes les propriétés, était responsable de ce voyage imprévu.

Le lendemain, pour être sûr, il reprit une dose de 250 microgrammes (les trips que l’on trouve actuellement dépassent rarement les120 microgrammes), une dose qu’il pensait infime puisque par comparaison la mescaline, le plus puissant hallucinogène connu jusqu’alors, agit à des doses de 280 milligrammes, soit plus de mille fois plus. Tout ne fut qu’hallucinations colorées et modification de la conscience de soi. L’expérience, de l’aveu même du professeur, fut beaucoup plus intense que celle de la veille et par certains aspects terrifiante avec, par moments, une impression de dépersonnalisation, et à d’autres, une impression d’agonie.
Le professeur Werner A. Stoll, psychiatre et fils du patron des laboratoires Sandoz, fut le premier à tester le LSD sur des patients. Chercher à traiter des troubles mentaux avec des produits psychoactifs n’était pas nouveau. Freud, par exemple, enthousiasmé par son expérience de la cocaïne, la testa, d’abord sur lui-même puis sur des patients atteints de divers troubles, avec peu de succès d’ailleurs. De nombreux produits psychoactifs
sont encore utilisés pour traiter le moindre trouble de l’humeur, en tête les benzos. Il n’est donc pas étonnant que les puissants effets du LSD aient fait naître l’espoir de pouvoir guérir psychoses et névroses à travers une sorte de super analyse expresse favorisée par la prise de LSD. Stoll conseillait aux psys qui souhaitaient l’utiliser en thérapie d’en faire l’essai sur eux-mêmes afin de vivre une sorte de psychose artificielle leur permettant de mieux comprendre leurs patients. C’est peut-être ici que le mythe du psy borderline prend sa source.

Des milliers de doses distribuées gratuitement

Approvisionnés gratuitement en acides par Sandoz qui cherchait une utilisation médicale à son nouveau produit pour lui assurer un débouché commercial, de nombreux psychiatres, en Europe et aux États-Unis, s’intéressèrent à leur tour à la «-LSD therapy-». C’est ainsi qu’entre 1950 et 1960 la firme Sandoz distribua en toute légalité des milliers de doses de LSD 25. Plus de mille articles parurent dans les revues scientifiques sur l’utilisation du LSD en thérapeutique
psychiatrique. Ces études portèrent sur plus de 40-000 cas. L’armée américaine, toujours en quête de nouveautés, y vit une arme incapacitante ou un potentiel sérum de vérité. Diverses expériences désastreuses furent menées. Un film existe encore, où l’on peut voir une unité de soldats anglais morts de rire et incapables d’exécuter les ordres de leur commandement. On apprit en 1976 que la CIA, intéressée par les drogues, mena dans les années 50 et 60 des expériences avec l’acide sur des soldats américains et des prisonniers de la Guerre froide. Ces prisonniers, shootés au LSD, au lieu de révéler tous leurs secrets, passèrent leur temps à halluciner et à se foutre de la gueule de leurs tortionnaires. La prise du produit étant souvent faite à l’insu de leur plein gré, on peut imaginer le cauchemar vécu par certains des «-cobayes-» après l’administration de doses de cheval. Ces tristes expériences provoquèrent des épisodes dépressifs majeurs. Il est, en effet, très dangereux de consommer de l’acide sans le savoir. Un des cas les plus connus est celui du docteur Olson qui se suicida en sautant par la fenêtre, après qu’on lui ait fait ingérer en douce du LSD au cours d’une de ces expériences. Pour sa famille, cet acte resta longtemps un mystère, Olson n’étant pas connu comme quelqu’un de dépressif, et encore moins suicidaire.
Dès 1960, au grand dam du professeur Hoffmann, la diffusion et l’expérimentation récréative du LSD se développent en parallèle des expérimentations médicalement contrôlées. D’abord aux USA où son usage se répandit comme une traînée de poudre dans les cercles artistiques et universitaires de la côte Est et de la Californie. Avant 1962, la vente, la détention et la consommation de LSD est tout à fait libre. C’est à cette époque que nombre d’étudiants et d’artistes en font la découverte dans des programmes
expérimentaux en tant que volontaires rémunérés. Parmi eux, de nombreux chanteurs, acteurs et écrivains comme Aldous Huxley qui raconte ses perceptions dans ses livres (Les Portes de la perception, Le Ciel et l’Enfer). La Beat generation et ses apôtres (Allen Ginsberg, William Burroughs, Jack Kerouac) ne sont pas en reste. Les futurs romanciers Ken Kesey (Vol au-dessus d’un nid de coucou) et Tom Wolf (L’Étoffe des héros, Acid test) seront à l’origine d’une nouvelle forme de journalisme, le «-gonzo-», où l’observateur devient partie prenante de l’événement qu’il raconte.
En 1962, les États-Unis instaurent une restriction sur la vente de LSD qui devra faire l’objet d’une demande d’autorisation spéciale auprès de la Food & Drug Administration. En 1965, la firme Sandoz, dépassée par l’usage récréatif de son produit, n’a pas réussi à en faire reconnaître l’utilisation médicale. Elle jette l’éponge, ou plutôt le buvard, et arrête la fabrication et la distribution du LSD en même temps que celle de la psilocybine.

L’«-enfant terrible-» du Pr Hoffmann

Dès 1962, quelques psychonautes sentent le vent tourner et tentent de populariser l’expérience lysergique. Un certain Stanley Owsley produit en Californie des millions de trips vendus entre 1 et 2 dollars pièce dans les concerts pops. Arrêté en 1967 par la police, on saisira chez lui 200 grammes
de LSD, soit l’équivalent de 2 millions de doses à 100 microgrammes. Michael Hollingshead, autre figure marquante du mouvement psychédélique, distribue, quant à lui, du LSD gratuitement aux stars d’Hollywood et de la musique pop. Il rencontre en 1962 Timothy Leary et Richard Alpert, tous deux jeunes docteurs en psychologie de l’université d’Harvard. Nos deux compères considèrent les hallucinogènes comme des outils d’exploration de la conscience. Ils fondent, la même année et très officiellement,
le centre de recherche sur la personnalité. Devenus fervents prosélytes du LSD, dépassés eux aussi par l’effet de mode et par une expérimentation qui n’avait plus grand-chose de scientifique, ils sont discrètement congédiés d’Harvard en 1963. Leary fut à la fois le pape et le martyr du mouvement psychédélique. Son influence sur les sixties sera considérable. Les Moody Blues chantèrent ses exploits dans un hymne planant. Il participa à un nombre incroyable de performances, happenings, concerts et festivals. Sa devise, qui deviendra le slogan de tous les Freaks-: «-Turn on, tune in, drop out-» (branche-toi, accorde-toi, laisse tout tomber). Elle résume à elle seule toute une époque que nous raconte Michael Hollingshead dans son livre The man who turned on the world (L’homme qui brancha le monde).
Le mouvement psychédélique connut son apogée en même temps que la consommation
d’acide, au cours du Summer of love en 1969. Pas un concert des Grateful Dead ou un festival folk où l’acide ne soit distribué quasi gratuitement. Tout le monde a en tête l’épisode de Woodstock où, au micro, on entend l’avertissement du speaker qui fait déjà de la réduction des risques en conseillant de ne pas prendre les «-mauvais acides-» bleus et de préférer les roses. «-Pas de panique, y en aura pour tout le monde-»-! Ceux qui auraient pris des bleus et se sentiraient mal peuvent se diriger vers la tente. Ce que redoutait Hoffmann arrivait-: après l’espoir et l’enthousiasme qu’il avait suscités, le LSD devint la drogue à la mode qu’il fallait absolument avoir testée si l’on voulait être «-in-». On se mit à en prendre comme ça, sans savoir, sans réfléchir, pour faire comme les autres, ignorant souvent tout des risques et des effets secondaires.
Des dosages de 250 a 400 microgrammes étaient monnaie courante à l’époque, des doses énormes pour un premier test. On commença à compter les gens restés scotchés, les dépressions, les suicides. Les accidents auxquels on assista achevèrent de diaboliser le LSD dans une Amérique profonde et puritaine, effarée par l’émergence de la contre-culture. Ces accidents sont pourtant dus à la méconnaissance des risques
associés au produit ou à sa mauvaise qualité de fabrication par des apprentis chimistes. Hoffmann ajoute-: «-Plus son utilisation comme stupéfiant se généralisait, c’est-à-dire plus le nombre des incidents provoqués par une utilisation inadéquate en dehors de toute surveillance médicale augmentait, et plus le LSD devenait pour moi et pour la firme Sandoz l’enfant terrible.-»

Mystery of Eleusis, la fête du LSD.

La consommation restera importante pendant les années 70, mais connaîtra un déclin dans les années 80. Il faudra attendre la décennie suivante, les cyberpunks, l’acid music et le mouvement rave pour assister à une véritable redécouverte des psychédéliques. C’est aussi en Inde, du côté de Goa, qu’anciens hippies et nouveaux adeptes de la trance se donnent rendez-vous dans des endroits paradisiaques pour des fêtes en plein air. La trance a remplacé le blues halluciné et déjà électronique d’Hendrix. Ils sont à nouveau rassemblés pour célébrer la nature et ses mystères, à la manière des tribus nomades.

Réduire les risques liés à la consommation de LSD

Pour triper un maximum en réduisant les risques au minimum, il faut observer quelques précautions.

D’abord le contexte

  • Préférez un lieu retiré et en pleine nature ou un intérieur chaleureux, et évitez les endroits laids, lugubres ou mal famés. Le monde moderne avec ses appareils et ses machines, offre toutes sortes de décors et de bruits qui peuvent provoquer la panique chez des personnes à la sensibilité exacerbée.
  • Évitez aussi les ambiances glauques ou les personnes avec qui vous ne vous sentez pas en confiance ou en sécurité.
  • L’environnement acoustique a aussi son importance, une musique que l’on apprécie sera toujours plus favorable et épanouissante que le bruit d’un marteau-piqueur.
  • L’état psychique de celui qui le prend est tout aussi important, sinon plus encore, que le cadre extérieur. Son humeur du moment, la fatigue physique ou psychique, sa disposition vis-à-visde l’expérience qu’il s’apprête à vivre, ce qu’il en attend en fonction de ce qu’il en sait, sont des facteurs importants. Le LSD ayant tendance à intensifier l’état psychique où l’on se trouve au moment où on le prend, un sentiment de bonheur peut atteindre la félicité, une dépression atteindre au désespoir.
  • Ne prenez jamais de LSD pour fuir vos problèmes ou pour sortir d’un épisode dépressif. Il est aussi déconseillé aux personnes qui présentent une personnalité instable, le choc du LSD pouvant révéler une psychose latente.
  • Il est fortement déconseillé aux adolescents de se livrer à l’expérimentation du LSD. Le choc provoqué par un afflux de sensations de la puissance de celles que produit le LSD peut mettre en danger l’équilibre et la structuration d’un psychisme en cours de développement.

Lors de la prise de LSD

  • Pendant le début de la montée, une légère angoisse peut survenir : évitez
    de chercher à contrôler ou à trop analyser les effets du trip.
  • Pour éviter un bad trip dû à un surdosage, surtout lors d’une première expérience, fractionnez la prise en en prenant d’abord un quart ou une moitié.
  • Les effets se font sentir une demi-heure à une heure après la prise, mais cela peut parfois prendre plusieurs heures. Ne reprenez pas une double dose en pensant que la première n’agit pas.
  • Évitez autant que possible les mélanges de produits : les tazs ou le speed modifient les effets du trip et peuvent aussi les bloquer.

Bad Trip

Dans le cas où quelqu’un ferait un bad trip, emmenez-le dans un endroit calme et aéré, une tente où on pourra l’isoler de la foule, par exemple. Rassurez-le en lui expliquant qu’il a juste pris un acide, et que les effets vont bientôt se dissiper. Continuez à lui parler doucement sans le harceler. Un visage familier, une présence rassurante, une épaule chaleureuse suffisent à faire redescendre la plupart des bad tripers. Malgré cela, si la personne reste scotchée, il faudra faire appel à un médecin. Si cela est nécessaire, il lui donnera un calmant (benzodiazépine style Xanax ou Lexomil) pour la faire redescendre.

La descente

La descente est un moment plus ou moins délicat à gérer selon les individus. Au moment où les effets commencent à s’estomper, l’euphorie laisse place à une fatigue intense. Prévoyez au moins 24 heures sans activités contraignantes ni prises de tête, dormez, et essayez de manger sucré et vitaminé. Un moral fluctuant et une grande fatigue sont courants. Néanmoins, ces effets secondaires disparaissent en général après un ou deux jours.

© 2020 A.S.U.D. Tous droits réservés.

Inscrivez-vous à notre newsletter