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Brèves de cannabistrot

LA SEMPITERNELLE RITOURNELLE

Régulièrement, parfois à l’insu de leur plein gré, mais souvent en service commandé, des personnalités politiques de gauche montent au créneau pour dire tout le mal qu’elles pensent de la prohibition du cannabis, un sujet récurrent s’il en est.

Alors que la contestation contre la loi El Khomri bat son plein, que les jeunes sortent la nuit pour discutailler d’un monde meilleur entre deux coups de matraque, on envoie le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement (docteur en médecine et, qui plus est, expert des questions de santé publique au PS), j’ai nommé Jean-Marie Le Guen, nous expliquer que le cannabis aussi mauvais soit-il pour la santé physique et mentale de nos jeunes, doit être légalisé. Il est au point Jean-Marie. Il maîtrise parfaitement le sujet et tient le même raisonnement que le Circ.

Il y a longtemps que le débat a eu lieu et le résultat est sans appel : la prohibition est plus dangereuse que les drogues elles-mêmes ou, si vous préférez, la réalité démontre tous les jours que la guerre à la drogue est définitivement perdue. Jean-Marie est soutenu par Bruno Relou, pardon Bruno Leroux, député de Seine-Saint-Denis et président du groupe PS à l’Assemblée nationale, qui est chaud bouillant pour démontrer les avantages que tirerait l’État s’il légalisait la consommation de cannabis, et dénonce Les Républicains qui « crient au laxisme avant même d’avoir réfléchi ».

Un an après la fusillade qui a fait trois blessés dans une cité, le voilà qui participe à un débat organisé par le maire UDI de Saint-Ouen, William Delannoy. Alors que la police a jeté en prison plusieurs trafiquants et neutralisé quelques filières, que des travaux de sécurisation ont été entrepris, les dealers sont toujours là. Pour le maire, il faut continuer à traquer les consommateurs car sans eux, « il n’y a pas de vendeurs ». Pour mener à bien cette mission, il propose de « mettre des caméras à la sortie du métro afin de filmer les acheteurs », mais il se rend bien compte que, malgré ces mesures bien peu démocratiques, éradiquer le trafic est une utopie.

Chaque règlement de comptes marseillais (une vingtaine de victimes depuis le début de l’année) est l’occasion pour Patrick Menucci de rappeler que trafiquant est un métier où, en cas de conflit, les kalachnikovs remplacent les tribunaux de commerce et les prud’hommes, d’où l’urgence de légaliser. Dès que Patrick s’exprime, il se fait contrer par Samia, socialiste elle aussi et maire du 8e secteur de Marseille. Imaginons que les pouvoirs publics décident de légaliser le cannabis, « ils mettront en place un niveau de THC standard pas assez puissant pour certains consommateurs qui iront s’approvisionner dans la contrebande », prédit-elle dans un entretien accordé à Libération… Un raisonnement que je partage, d’où l’importance d’impliquer les associations d’usagers dans le débat, au lieu de les écarter au profit des technocrates.

À ces arguments pourtant imparables (on ne peut en effet indéfiniment présenter cette plante comme un poison, ni répéter partout que les policiers ne sont pas assez nombreux et la justice trop laxiste), les prohibitionnistes sont condamnés à répliquer par une série de banalités affligeantes, comme François Fillon qui pense que « la légalisation du cannabis serait un signal extrêmement laxiste envoyé à la jeunesse », un argument pour le moins éculé, ou Bernard Debré, lui aussi médecin et de surcroît député, qui déclare sans ciller que certains cannabiculteurs « injectent de l’ecstasy dans les racines du cannabis afin d’en augmenter sa puissance ». Mais s’il fallait délivrer une palme de la mauvaise foi, elle reviendrait à l’Académie nationale de pharmacie qui déclare, dans un communiqué, détenir la preuve « que l’on meurt du cannabis ».

 

COMME DANS UN POLAR OÙ LES FLICS SERAIENT CORROMPUS

François Thierry, « amoureux des voiliers et des grosses cylindrées » accède en 2010 à la tête de l’Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (Ocrtis). En octobre 2015, la douane fait main basse sur sept tonnes de cannabis dans trois camionnettes garée boulevard Exelmans, à deux pas du modeste appartement de 300 m2 avec piscine intérieure occupé par Sofiane H., indic dûment rétribué par l’Ocrtis et trafiquant notoire de cannabis… Cette pêche miraculeuse fait suite à deux autres saisies effectuées par les douanes, l’une de 1,9 tonne quelques jours plus tôt, l’autre de 6 tonnes quelques jours plus tard… Une marchandise qui provient du même lot et frôle les 15 tonnes.

Mais qui est Sofiane H. ? Il n’a pas 20 ans qu’il trafique déjà du cannabis à la tonne. Il est condamné une première fois à cinq ans de prison, puis à dix-huit ans pour avoir, de sa cellule, continué ses activités délictuelles. Quelques mois plus tard, il réussit à se faire la belle lors d’un transfert et trouve refuge en Espagne où il se taille une place dans le monde du banditisme. La cavale durera jusqu’en 2009. Il se fait pincer du côté de Marbella pour blanchiment lié au trafic de drogue et, à ce qui se dit, c’est là que François Thierry l’aurait recruté. Toujours est-il que Sofiane H. est extradé en France et condamné en 2011 à treize ans de prison, une peine que son avocate (qui est aussi la compagne de François Thierry) trouve « sévère ». Spécialiste du droit immobilier, elle réussit un coup de force : faire libérer son client après à peine trois ans de prison. En effet, Sofiane H. bénéficie d’une remise de peine exceptionnelle suivie d’une libération conditionnelle et, grâce à la protection de François Thierry, il va s’imposer comme un des plus gros trafiquant de l’Hexagone.

Les douaniers ayant relevé des traces d’ADN appartenant à Sofiane H. lors de la découverte des camionnettes du boulevard Exelmans, ils le pistent et le coincent en Belgique. Après un court séjour à la prison de Bruges (comme Salah Abdeslam), il est rapatrié sur Paris en hélicoptère (comme Salah Abdeslam) et entendu par la police des polices. Mais rien ne filtrera de cet entretien.
Comme par hasard, quelques jours après ce scandale, qui fait de l’Ocrtis et de son patron un trafiquant notoire (15 tonnes, ce n’est pas rien), voilà qu’un dénommé Stéphane V., entendu par l’Inspection générale de la police, s’épanche dans Libération. Il affirme entre autre avoir été employé en mars 2012 par François Thierry pour garder une villa à Estepona où « cinq hommes présentés comme des policiers français » se relayèrent trois semaines durant pour récupérer et entreposer du shit importé du Maroc grâce à des Zodiacs. D’après Stéphane V., payé en cash par François Thierry, 19 tonnes auraient transité au cours de ce seul séjour. Des opérations qui seront répétées à plusieurs reprises. À en croire la rumeur, Thierry François, promotion ou punition, devrait être prochainement muté à la sous-direction antiterroriste (SDAT) et sans doute échapper à toute punition.

 

VALÉRIE PÉCRESSE LUTTE CONTRE LE FLÉAU DE LA DROGUE CHEZ LES ADOS

Valérie Pécresse en avait fait tout un fromage durant sa campagne électorale. Une fois élue présidente du conseil régional d’Île-de-France, elle doterait les proviseurs de moyens afin qu’ils puissent, par la grâce des tests salivaires, contrôler plus aisément leurs élèves. Une proposition qui avait déclenché une vague de protestations des syndicats lycéens et enseignants, mais aussi des addictologues dénonçant le caractère sécuritaire et populiste de cette mesure.

Les proviseurs pouvaient imposer des tests de dépistage, à condition de ne pas cibler des individus en particulier, de garantir l’anonymat du test et d’en communiquer les résultats seulement à l’infirmière scolaire et à l’élève concerné. Mais ce qui change depuis le 19 mai 2016, explique un conseiller de Valérie Pécresse, « c’est la possibilité pour les chefs d’établissement de demander un financement à la région, le but étant de déverrouiller la raison financière qui peut freiner les proviseurs ». Ajoutons à cela un amendement rigolo déposé par le MoDem, autorisant les analyses des eaux usées pour se faire une idée de la consommation de drogues dans un établissement donné.

Les GAV, ça gave !

Éducatrice au Bus 31/32 à Marseille, Pauline raconte une journée de combat ordinaire pour qu’un usager placé en garde à vue puisse recevoir son traitement de substitution aux opiacés (entre autres).

Un matin de mai, je suis au local à faire un point sur le stock de matos du PES (programme d’échange de seringues) lorsque vers 11 heures, le téléphone sonne :
« Bonjour, je suis psychiatre à la Conception1 et je viens d’être appelé par le commissariat pour un gardé à vue un peu excité… Enfin… Comment dire, je viens d’arriver aux geôles et ça va pas du tout ! Il me dit qu’il est suivi par votre structure… Et puis je me demandais, enfin si vous pouvez… lui amener son traitement ? Désolé, je ne suis vraiment pas habitué, je ne sais pas trop comment ça se passe dans ce cas-là. »

Le ton est donné. J., un jeune de 25 ans est en manque depuis plus de vingt-quatre heures, et l’heure tourne… Je fais le point avec ce fameux psychiatre, un peu paniqué à l’annonce du traitement conséquent du garçon (métha, Seresta®, Stilnox®, etc.). Les flics ne lui ont rien communiqué sur une quelconque procédure, ils l’ont appelé, il l’a vu, et maintenant… ben, il se débrouille. Je passe le téléphone à ma collègue médecin pendant que je prépare mon sac dans l’idée de lui amener tout ça le plus vite possible. Par chance, c’est un jour où j’ai ma carte d’identité sur moi. Dernier point avec le médecin, qui me remet tout son traitement pour un jour et m’explique que si je me dépêche, le psy fera le lien avec J. Pas besoin d’ordo, rien, le mot d’ordre, c’est « vite, vite, VITE » ! Je prends le nom du doc et de l’officier de police judiciaire (OPJ) à demander en arrivant, et je cours prendre le métro.

Sur la route, je pense à J. que je connais bien, il doit péter les plombs. Il est en garde à vue (GAV) depuis plus de vingt-quatre heures parce qu’il s’est fait défoncé la tête par un vigile de la gare et qu’il n’a pas dit merci… En gros, c’est lui qui se fait agresser et se retrouve à la fois en GAV et en manque… Bref, il doit nager dans le bonheur.

 

UNE QUESTION DE CHANCE

Il y a plusieurs mois, une travailleuse sociale avait travaillé sur l’accès aux traitements de substitution aux opiacés (TSO) en garde à vue. Elle faisait le lien avec les autres centres, et accédait aux geôles (cellules de GAV). Ce n’était pas parfait, mais ça avait au moins le mérite d’être là. Ce poste n’existe plus. Tout dépend maintenant du bon vouloir de l’OPJ présent sur les lieux qui décide de nous appeler… ou pas. Une fois, on nous nous a même proposé d’amener des seringues avec le traitement… Mais souvent, les gars sortent après soixante-douze heures de GAV et débarquent chez nous en état de manque infernal.

11h25 : J’arrive au commissariat et découvre une belle file d’attente jusqu’au guichet d’accueil.
11h40 : Je me dis que si je ne passe pas maintenant, je vais louper le psychiatre, alors je tente d’interpeler une fliquette qui passe par là. Elle est au courant : « Ah oui, le jeune qui gueule en bas, attendez ici, je vais appeler les geôles. »

12h00 : Jour de manif, on nous enferme dans le commissariat le temps que le cortège passe sur La Canebière et toujours personne pour me renseigner, alors je retourne au guichet et réexplique. Ils ne sont pas du tout au courant car évidemment, entretemps la fliquette est partie en pause déjeuner. « Vous êtes sa compagne ? Non ? Eh bien, je ne sais pas si ça va être possible, attendez là, je vais me renseigner. » Mais oui, bien sûr, pourquoi ne suis-je pas sa compagne ? Cela aurait été plus simple, ils commencent sérieusement à… J’appelle ma collègue de l’Observatoire des droits des usagers (ODU) d’Asud. Ça fait plusieurs mois qu’on réfléchit ensemble sur la délivrance des TSO en GAV, car je connais bien la situation marseillaise et à ce niveau, disons-le clairement, Mars est dans le cosmos !!

 

« POURQUOI IL PREND AUTANT DE MÉDOCS ? »

12h30 : « Comprenez mademoiselle, il y a actuellement vingt entrées en GAV mais après, on s’occupe de vous. » Ils me demandent de patienter encore un peu, juste un peu. Je fais les cent pas dans le hall, on me demande à plusieurs reprises de m’asseoir et d’attendre calmement.
13h30 : Mon premier contact – la fliquette – revient de sa pause et me fait un grand sourire. « Ben alors, vous êtes encore là, c’est pas réglé cette histoire ? Il va nous retourner le sous-sol si ça continue… Bon, je vais voir ce que je peux faire. » Cette fois, je ne la lâche pas d’une semelle, elle appelle les geôles devant moi : « Alors J.C., il y a toujours le médecin du jeune excité d’hier, elle lui amène ses trucs, tu sais. » Elle rit : « Eh bien, c’est pas simple, il est très agité votre patient, pourquoi il prend autant de médocs ? » Oui, mister blueenfin, je ne suis pas son médecin… énervée, je suis.
Nous sommes maintenant l’après-midi, c’est la relève des geôliers, et J. est vraiment le cadet de leur souci. À nouveau, on me dit que d’ici une demi-heure, ça sera bon. Je fais le pied de grue devant le comptoir d’accueil. Voyant que je m’impatiente, un policier m’interpelle en me demandant l’ordonnance… que je n’ai pas car tout avait été organisé avec le psy que je devais voir en arrivant. Quelle erreur de ma part, le médecin en question est parti il y a bien longtemps. Et du coup, retour à la case départ, il me faut cette ordo. J’appelle donc le médecin de 31/32 pour qu’elle me faxe tout ça au numéro qu’on me donne.

14h00 : « Non, pas de fax, on n’a toujours rien. Ah mais oui, pardon, on a changé de numéro il y a quelque mois. » Évidement ! Je demande à voir l’OPJ, ce n’est pas possible, je transmets trois nouveaux numéros de fax à ma collègue. Heureusement, le jeudi dans notre structure, j’ai le temps, contrairement à J. qui poireaute toujours, ça me rend folle ! Comment, en 2016 à Marseille, peut-on être autant à la masse sur le droit des usagers ? On en est à vingt-sept heures de GAV et l’heure continue de tourner !

15h00 : Après plusieurs péripéties du même genre, un geôlier arrive à l’accueil, je me rue sur lui. Il fait le point avec moi sur le traitement et non, c’est pas simple : trois comprimés à prendre avec de l’eau plus deux fioles de sirop, je ne sais pas s’il va s’en sortir le gentil fonctionnaire… Bref, j’insiste lourdement sur l’importance que tout cela lui soit délivré au plus vite et repars en croisant les doigts.
Le lendemain, J. est présent sur notre unité mobile avec une tête à faire peur : le nez cassé et bien tordu, et deux énormes cocards, mais il garde le sourire. Je le laisse tranquillement voir l’infirmière puis discute avec lui. À aucun moment il n’a su que j’étais au commissariat, il a eu la moitié de son traitement vers 19h00, juste avant d’être libéré, soit quatre longues heures après ma discussion avec le flic des geôles. Il ne comprend pas mon énervement : « Ça va Pauline, c’est pas ma première gardav et d’habitude, j’ai rien du tout, mais merci beaucoup, c’est sympa. » Il me prend dans ses bras et retourne avec les autres. Aucun droit, rien, et quand il en a un peu, c’est déjà ça. La page de réclamations écrites au commissariat pendant mes longues heures d’attente aura-t-elle une suite ? J’ai pourtant bien inscrit les coordonnées du Csapa et relaté mon aventure en détails, mettant en avant le droit des usagers de drogues, etc. Un mois après, toujours pas de nouvelles et je n’en attends plus. Combien de Caarud et de Csapa ont un petit dossier « Délivrance TSO en garde à vue » avec des histoires similaires ? Combien d’usagers de drogues seront encore traités comme des sales tox dont tout le monde se fout ? L’ODU a , malheureusement , encore de beaux jours devant lui.

 

PATIENTS SOUS TSO EN GAV, QUELS SONT VOS DROITS ?

city_red1°) Si vous êtes en possession d’une ordonnance de TSO, le commissariat est tenu de prévenir votre centre, votre cabinet médical, ou la personne de votre choix qui sera susceptible de le faire.

2°) Si vous n’avez pas votre ordonnance, la visite d’un médecin est obligatoire au bout de la première heure de GAV (art 63-3 du code de procédure pénale).

3°) La visite d’un avocat, éventuellement commis d’office, est également obligatoire (art 63-4).

 

 

Sources

TSO : Manuel des droits des usagers des traitements de substitution aux opiacés (Asud)

De la difficulté de légiférer sur la conduite en état d’ivresse stupéfiante

Retour sur la loi Marilou ou comment la mort tragique d’une petite fille a donné lieu à l’élaboration de l’arsenal législatif destiné à lutter contre l’usage de drogues au volant.

En 1993, au nom de la sécurité routière, on nomme un comité chargé de rédiger un Livre blanc sur les effets des médicaments et des drogues au volant, un comité présidé par Georges Lagier, membre de l’Académie nationale de médecine et fervent prohibitionniste. Sorti en 1995, Sécurité routière, drogues licites ou illicites et médicaments souligne « la discordance entre la richesse des mesures législatives et réglementaires concernant l’alcool, et la quasi-absence de dispositions spécifiques concernant les médicaments et surtout les drogues illicites », et préconise de modifier la législation sur le code de la route afin de rendre possible la détection « d’une conduite sous l’influence de substances, illicites ou détournées de leur usage, capables de modifier l’aptitude à la conduite ». Et nos auteurs de suggérer d’effectuer des recherches seulement en cas d’accident corporel ou lors d’une infraction grave aux règles de la circulation. Mais à l’époque, la France ne dispose pas de test capable de détecter les principales drogues illicites, encore moins de définir un seuil au-delà duquel l’automobiliste est sous influence d’un stupéfiant.

En 1996, Richard Dell’Agnola présente un projet de loi afin de dépister l’usage de stupéfiants au volant où il propose, en cas d’accident, de punir de deux ans de prison et 30 000 francs d’amende tout conducteur dont le test urinaire s’avérerait positif. Et Patrick Sansoy, président de la Dgldt (Délégation Générale à la Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie), de s’étonner que les neuroleptiques soient exclus de ces tests de dépistage ! C’est finalement le 18 juin 1999 qu’est votée la loi instituant un dépistage systématique de stupéfiants sur tout conducteur impliqué dans un accident mortel. Son décret d’application paraîtra en août 2001, au moment où le gouvernement lance une enquête épidémiologique relative à l’influence des substances stupéfiantes sur 10 000 conducteurs impliqués dans un accident mortel.

Une loi de circonstance

Un fait divers tragique va précipiter les choses. La nuit du réveillon de l’an 2001, sur le coup de 4h00 du matin, la Scénic de la famille Poinsot est violemment percutée par une Renault 21. Marilou, 9 ans et demi, est tuée sur le coup. Le 25 avril 2002, ses parents fondent l’association Marilou : pour les routes de la vie, dont l’objectif est de renforcer les réglementations en vigueur mais aussi d’intervenir dans les médias et dans les écoles pour sensibiliser les ados sur les dangers de la drogue au volant.

association marilouAveuglée par la douleur et convaincue de défendre une juste cause, Nadine Poinsot interpelle nos députés et même Jacques Chirac. Invitée sur tous les plateaux télévisés où l’on disserte du « fléau » du cannabis, elle est d’une redoutable efficacité : punissant la conduite sous emprise stupéfiante, la proposition de loi déposée par l’inusable Richard Dell’Agnola sera votée en janvier 2003.

Pour justifier de la nécessité d’une loi, le député s’appuie sur une étude de Patrick Mura (président de la mystérieuse Société française de toxicologie analytique) qui affirme que 20% des conducteurs de moins de 27 ans impliqués dans un accident étaient sous l’emprise du cannabis ! Une étude que le professeur Claude Got (expert en accidentologie) conteste : « Sur les huit études épidémiologiques menées dans le monde sur le sujet, écrit-il, une seule a pu mettre en évidence un lien entre consommation de cannabis et risque routier. » Pour ne prendre qu’un exemple, l’étude du Transport Research Laboratory australien, qui a fourni à quinze fumeurs aguerris des pétards de beuh californienne corsée avant de les mettre au volant, amène l’Australian Drugs Foundation à conclure que le cannabis diminuerait le risque d’accidents!

En France, l’étude « Stupéfiants et accidents mortels de la circulation routière » (SAM) est quantitative. S’appuyant sur un échantillon de 7 458 conducteurs impliqués dans des accidents mortels répertoriés en France entre 2001 et 2003, elle a conclu que le nombre annuel de victimes imputables au cannabis sur les routes serait de 230. Il « tuerait » dix fois moins que l’alcool, d’où l’hésitation du gouvernement à publier les résultats de l’étude SAM.

Gare aux yeux rouges

Lors de la discussion à l’Assemblée nationale, la palme du ridicule qui ne tue pas pour autant revient à Jean-Claude Lemoine (UMP) qui affirme « qu’un joint équivaut à 0,80 gramme d’alcool dans le sang ». Les députés de droite votent le texte de loi à l’unanimité, suivis par les députés socialistes présents dans l’hémicycle. Quant aux Verts et aux communistes, ils votent contre. Si le test détecte aussi d’autres drogues, la cocaïne, l’héroïne, les amphétamines, la loi a oublié en cours de route (merci les lobbies pharmaceutiques) les médicaments psychotropes dont les Français sont si friands.

Depuis 2003, donc, policiers et gendarmes doivent soumettre à un dépistage tout conducteur impliqué dans un accident mortel mais aussi, et c’est là que le bât blesse, « après une infraction au code de la route ou pour suspicion de conduite sous influence ». Gare aux yeux rouges !

Subsiste tout de même un gros problème : lors de la prise de sang qui suit l’analyse d’urine lorsqu’elle est positive, un seul nanogramme (neuf millièmes de milligramme) de THC détecté suffit à faire de vous un danger sur la route. D’où le nombre d’automobilistes testés positifs alors qu’ils avaient fumé la veille.

En 2008, le test salivaire remplace le test urinaire, mais d’après une étude du professeur Patrick Mura relayée par l’Académie nationale, 10,1% des conducteurs contrôlés se sont révélés être des faux positif et 19% des faux négatifs !

« Ayons une pensée pour la jeune Marilou tuée par un chauffard sous l’emprise de stupéfiants », déclare Dominique Perben qui lui dédie cette nouvelle loi. Soutenue par toute l’arrière-garde prohibitionniste, parrainée par le Sénat, Nadine Poinsot a pesé de tout son poids pour que soit adoptée la loi contre la conduite en état d’ivresse stupéfiante… Et forte de ses soutiens politiques, l’association Marilou est aujourd’hui membre du Conseil national de la sécurité routière, agréée par l’Éducation nationale et autorisée à se porter partie civile dans les procès.

Surfant sur la vague d’émotion suscitée par la mort tragique d’une petite fille, la loi, avec la complicité de politiciens manipulés et manipulateurs, a été adoptée dans la précipitation. Une première devenue une mauvaise habitude sous le règne de Nicolas Sarkozy, qui a fait adopté cinq lois dans la foulée de faits divers sordides.

loiDes peines exemplaires !

Sans que personne ne s’en émeuve, la présidente de l’association Marilou a aussi dépensé beaucoup d’énergie pour que le conducteur de la voiture ayant accidentellement tué sa fille soit condamné à une peine exemplaire. Âgé de 18 ans, conduisant sans permis avec un taux de 13,4 nanogrammes de THC par millilitre de sang, il a été condamné par le tribunal de Pontoise à une peine de trois ans d’emprisonnement, dont un ferme, une condamnation que la famille Poinsot a trouvé trop clémente. En 2004, sous prétexte qu’il ne respectait pas les obligations édictées par le tribunal, Nadine Poinsot poussera à la roue pour que le tribunal de Versailles fasse sauter le sursis du conducteur de la Renault 21. Elle s’est aussi acharnée sur les passagers exclus de la procédure judiciaire, en obtenant qu’ils soient reconnus coupables du délit de « complicité d’homicide involontaire ». Ils seront condamnés à un an de prison avec sursis et 600 euros d’amende.

Table Ronde : Loi de santé publique sur la réduction des risques liés à la drogue

Dans le cadre du projet de loi relatif à la santé, le rapporteur M. Olivier Véran (SRC, Isère) a organisé à l’Assemblée Nationale une table ronde, ouverte à la presse, sur la réduction des risques liés à la drogue avec la participation de :

  • Mme Danièle Jourdain Menninger, présidente, de la MILDECA
  • M. François Beck, directeur de l’Observatoire Français des drogues et des toxicomanies (OFDT)
  • M. le Professeur Jean Costentin, membre de l’Académie de médecine
  • Dr Patrizia Carrieri, ingénieur de recherche à l’institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)
  • M. Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération Addiction
  • M. Yann Bisiou, maître de conférences. Université Paul Valéry – Montpellier III
  • Mme Marie Debrus, présidente de l’Association Française pour la Réduction des risques liés aux usages de drogues (AFR)
  • Dr Jean-François Corty, directeur des opérations France de Médecins du Monde
  • M. Laurent El Ghozi, président de l’association « élus, santé publique et Territoires », président du CAARUD SIDA-Paroles

Diffusion intégrale de la table ronde sur le site internet de l’Assemblée nationale :

videos.assemblee-nationale.fr/video.6169.commission-des-affaires-sociales–table-ronde-sur-le-theme-de-la-reduction-des-risques-lies-a-la-dr-2-decembre-2014

Merci au Conseil d’Etat pour son travail de clarification : pour réduire les risques liés à l’usage de drogue, il faut donc changer la loi !

Communiqué de presse ASUD

Mercredi 9 octobre 2013, le Conseil d’Etat a rendu un avis négatif  sur l’ouverture d’une salle de consommation à moindres risques, prévue à Paris dans quelques semaines. Cette décision rompt avec plus de 25 années d’ambigüités, voire d’hypocrisie, à propos de la contradiction initiale entre le cadre législatif français et la politique de réduction des risques liés à l’usage des drogues.

Depuis 1987, date du « décret  Barzach » qui mit fin à l’interdiction de vendre des seringues aux toxicomanes en pleine épidémie de sida, nos dirigeants ont opté pour une stratégie simple : pas de vagues ! Éviter tout débat qui révèle à l’opinion publique l’écart  fondamental entre la loi du 31 décembre 1970 et toutes les avancées obtenues depuis 25 ans en matière de prise en charge des addictions. La fourniture de matériel d’injection stérile en pharmacie, les mises sur le marché successives de la méthadone puis de la buprénorphine (Subutex®) en 1996, le financement d’association d’usagers comme ASUD, la production de flyers, magasines, documents web sur les techniques d’usage de drogues à  moindres risques, sont autant d’initiatives qui contredisent l’esprit voire la lettre de notre cadre légal.

En indiquant qu’il faut « inscrire dans la loi le principe de ce dispositif pour plus de garantie juridique», le Conseil d’État vient de siffler la fin d’un jeu de masques qui nuit à la cohérence de nos actions en matière de stupéfiantsASUD, l’association des drogués, est agréée officiellement comme association de patients par le ministère de la Santé, mais le nombre d’usagers arrêtés pour infraction à la législation sur les stupéfiants n’a jamais été aussi élevé. Nous comprenons le désarroi de l’opinion qui s’interroge sur les finalités de notre politique des drogues, s’agit-il de punir ou de soigner ?

ASUD dénonce ces incohérences et constate les limites d’une stratégie qui va inévitablement apparaître à l’étranger comme un signe d’amateurisme. Après la tourmente du Mariage pour Tous et la polémique sur les Romms, ASUD sollicite l’attention du  gouvernement sur ce sujet sensible. Une opportunité s’ouvre pour offrir enfin à nos concitoyens un véritable débat sur les finalités d’une politique de drogues digne de ce nom, inscrite dans le sillage des recommandations de la Commission Mondiale sur les politiques de drogues animée –entre autres- par  Koffi Annam, et regardée par tous les experts comme la voix de l’avenir.

Contact Presse

 

Arrêt de la cour de cassation

Désormais, en matière de stupéfiants, il suffit d’une simple dénonciation pour habiliter la police à intervenir en flagrant délit, c’est à dire à faire irruption au domicile d’un suspect à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, sans avoir besoin d’aucun document justificatif.

Rien de nouveau sous le soleil direz-vous. Eh si justement : ce qui est nouveau c’est qu’à présent, ce genre de pratique policière qui, pour être courante, n’en restait pas moins comme plus ou moins en marge du Code Pénal, se voit en effet officiellement consacrée par une toute récente jurisprudence de la plus haute juridiction française.

La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation vient en effet de rendre un arrêt consacrant de fait le droit des policiers à intervenir en flagrant délit sur simple dénonciation, dès lors qu’il s’agit de stupéfiants. Et ce, en cassant voici trois semaines l’arrêt de la Cour d’Appel de Fort de France daté du 19 juillet 91, arrêt par lequel celle-ci annulait elle-même la procédure de flagrant délit engagée contre un nommé Riquier Max, suspecté de vente de drogue à la suite de la dénonciation d’un petit consommateur qui le désignait comme son fournisseur. Cette annulation avait été prononcée au motif que “la simple mise en cause (du suspect) ne saurait constituer l’indice apparent suffisant d’un comportement délictueux révélant l’existence d’un flagrant délit”.

En clair, la récente décision de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, en permettant à la police d’agir en flagrant délit sur simple dénonciation, lui donne un pouvoir quasi-discrétionnaire et dégagé de toute tutelle judiciaire en matière de stupéfiants…

Décidément non, comme répondait le flic qui l’embarquait à 3 h du mat’ après avoir défoncé sa porte au pauvre pékin menotté, assez naïf pour lui demander s’il avait un mandat – non vraiment, “On n’est pas dans un feuilleton américain, mon petit pote, on n’est pas à la télé” …Eh non, c’est vrai ; on est en France en mai 1992…

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