Trop forts ces Américains !

Ils sont forts ces Américains ! On en était resté au Klu Klux Klan et à George « 2 neurones » Bush, ils ont aujourd’hui un président métis qui obtient aussi sec le prix Nobel de la paix. On les croyait les champions de la guerre à la drogue, voilà qu’ils dépénalisent le cannabis thérapeutique. Le président Obama vient de recommander aux procureurs fédéraux de ne plus poursuivre les consommateurs qui reçoivent de la beuh sur prescription médicale (voir ASUD Journal N°41 p14). Quinze États de l’Union ont officiellement autorisé l’ouverture de dispensaires habilités à délivrer de « l’herbe à bobo ». Décidément, après plusieurs années de gros temps, 2009 restera comme une embellie – timide – sur le front des drogues. Dénonçant comme une menace l’interventionnisme répressif de leur voisin du Nord, trois anciens présidents d’Amérique latine ont fondé l’initiative « drogues et démocratie », qui appelle le sud du continent à sortir progressivement de la prohibition. Successivement, le Mexique puis l’Argentine ont apporté d’importantes modifications à leur législation sur les drogues (voir ASUD Journal N°41 p28).

Ils sont forts ces Américains. Avant de faire la guerre aux pauvres, aux Noirs et aux drogués (ce sont souvent les mêmes), ils ont inventé la sociologie « interactionniste », l’observation participante, plus connue sous le nom d’École de Chicago. Une approche révolutionnaire des questions de société qui influence les années 60 et 70. En matière de drogues, la référence classique c’est « How to become a marijuana user », un article sur l’usage contrôlé de cannabis écrit en 1953 par Howard Becker. De quoi horrifier nos french élites du moment. Car si le gendarme du monde semble renouer avec sa face radieuse, la France, elle, replonge avec délice dans les ténèbres de la prohibition la plus obtuse. Comme toujours en matière de drogues, notre pays est à contretemps. Contre les traitements de substitution quand il fallait être pour, partisan béat de
l’addictologie quand de nombreuses voix s’interrogent sur les dérives du pouvoir médical, voilà que nous redécouvrons des mérites à la stigmatisation des usagers. Quand je dis nous, c’est un large pluriel. Une palette qui va de la campagne officielle du ministère de la Santé (voir ASUD Journal N°41 p4) à Laurent Joffrin, patron de Libé, en passant par Manuel Valls, le député-maire socialiste d’Evry. Seul Daniel Vaillant, ancien ministre de l’Intérieur, a le courage de battre en brèche cette vague réactionnaire et découvre sur le tard les vertus d’une sortie de la prohibition du cannabis.

Toute cette effervescence a le mérite de relancer la petite musique hexagonale, pour ou contre la drogue, pour ou contre la légalisation, pour les braves gens, contre les « dealers ». Malheureusement, les drogues c’est compliqué, ça s’accommode mal du noir d’un côté et du blanc de l’autre. C’est plutôt un sujet mixte, un sujet pour le président Obama… D’ailleurs, si la répression des fumeurs semble marquer le pas, les States restent le royaume du repentir biblique et des manifestations ostensibles de culpabilité. Les cliniques pour « people », les « rehab » n’y ont jamais été autant en vogue (voir ASUD Journal N°41 p24). On appelle ça garder deux fers au chaud… Décidément… Ils sont forts ces Américains.

Entre les lignes

Il n’y aurait pas eu de réduction des risques si Samuel Friedman, ethnographe, n’avait pas observé dès 1985 que la plupart des héroïnomanes de rue à New York avaient spontanément renoncé à partager leur seringue. Il faut imaginer la panique des experts lorsqu’ils ont réalisé que les toxicomanes pouvaient être le vecteur du sida en population générale ! Tous étaient alors persuadés que les toxicomanes, esclaves de leur drogue, étaient parfaitement incapables de protéger leur santé.

Samuel Friedman est d’abord à l’origine du développement de l’auto-support en ayant montré, avec Don Des Jarlais, que le message de prévention se transmet d’usager à usager. Les associations d’usagers, expliqua-t-il, permettraient de relayer l’information, comme le faisaient déjà les associations d’homosexuels. La prévention du sida pouvait être fondée sur le même principe pour tous : l’appel à la responsabilité de chacun. Ne restait plus qu’à ajouter les outils, à savoir les seringues stériles et les traitements de substitution, ce que fit officiellement la Grande-Bretagne en 1987.

Samuel Friedman avait été à bonne école : aux États-Unis, il y a une longue tradition d’observation participante sur le terrain. Avec un article de référence : « How to become a marijuana user » de Howard Becker. Ce sociologue, qui a fréquenté le milieu du jazz au début des années soixante, a décrit comment celui qui consomme apprend à intensifier les perceptions ou les émotions qu’il recherche, et comment éviter les effets désagréables. L’initiation à la consommation est aussi une initiation à une culture commune, qui valorise la musique et les relations authentiques. Mais qu’en est-il de l’usage dépendant ?

La toute première recherche sociologique porte précisément sur l’usage d’héroïne. Dès1947, Lindesmith s’attaque aux stéréotypes du « dope friend » ou junky, pour montrer que tout dépendants qu’ils soient, les héroïnomanes gardent une marge de liberté en fonction du produit (drug), de l’équation personnelle (set), et du contexte (setting). Au début des années 70, Zinberg s’interroge à son tour sur les capacités de contrôle des usagers d’héroïne. Son enquête porte en particulier sur ceux qui ont réussi à éviter ce qu’il appelle « les sanctions » les plus sévères, OD, traitements obligatoires ou répression. Ces usagers dits « successful » se donnent eux-mêmes des règles (fréquences, quantités, moment et lieu de consommation, argent à y consacrer, relations ou activités à maintenir, etc.). Ce qui n’est pas forcément facile. Outre les difficultés liées au produit lui-même, il faut affronter le stigmate (pour reprendre le terme de Goffmann, autre sociologue) qui fait du toxicomane un être sans foi ni loi. Si ces croyances collectives sont censées nous protéger, Zinberg était persuadé qu’elles ont engendré des générations de junkies. Plutôt que de condamner à la prison, à la folie, à la mort, mieux vaut consommer en tirant les leçons de l’expérience. En 1984, lorsque Zinberg publie son enquête sur l’usage contrôlé, la guerre à la drogue l’a emporté. Les enseignements de l’expérience qui apprennent, par exemple, que les hallucinogènes doivent être consommés « at a good time, in a good place with the good people » sont bannis, incriminés d’incitation à l’usage. Telle est pourtant la démarche de la réduction des risques.

La sociologie de la drogue

Ni Zinberg, ni Lindesmith, ni d’ailleurs aucune des recherches ethnographiques décrivant comment « vivre avec les drogues » n’ont été traduits. Ceux qui s’y intéressent peuvent toujours lire le petit ouvrage d’introduction La sociologie de la drogue(1). Son auteur, Henri Bergeron, n’a malheureusement pas fait le lien entre les recherches sur l’usage de drogues et la réduction des risques qu’il assimile à l’addictologie, autrement dit à une vision purement médicale de l’usage de drogues. Pour lui, la RdR est seulement une «sanitarisation » de la politique des drogues dont le principal changement sur le terrain a été l’introduction des traitements de substitution. Sans doute. Mais la réduction des risques ne se réduit pas à la médicalisation. La génération techno s’est appropriée la logique RdR, ce qui a sans doute évité pas mal de dérives. Quant à la génération d’aujourd’hui, elle a fort à faire dans un contexte de répression accrue de l’usage. Mais peut-être parviendra-t-elle à aller de l’avant. Je croise les doigts !


1. La Sociologie de la drogue, Henri Bergeron,La Découverte, 2009.

Le blues du traitement

Le traitement de l’hépatite C vu par notre collaborateur Speedy Gonzalez qui, après bien des hésitations, a décidé de se lancer dans cette nouvelle « aventure » !

« I got the blues tox man baby, I had a bad and strange illness, but I don’t feel nothing, Docs told me it was HCV…» Si ce blues existait, nombreux sont ceux qui pourraient le chanter car si le virus de l’hépatite C (VHC) fait désormais parler de lui, c’est parce qu’il a frappé beaucoup de monde, en particulier plusieurs générations d’UD en raison de pratiques dangereuses de conso.

Comme cette sale bête est souvent longue à la détente, qu’elle est sournoise et que les progrès médicaux ont été lents, les personnes touchées ont souvent (trop) attendu pour s’en occuper. Et si elles commencent tout juste à comprendre qu’il vaut mieux essayer de s’en débarrasser au plus vite, c’est encore une maladie sur laquelle on n’aime pas s’étendre, une sorte de non-dit lié à un « mix » de méconnaissance et de fatalisme. Mais voyons de plus près à quoi ressemble ce fameux traitement à la réputation si terrible qu’un grand nombre d’UD, pourtant habitués à s’envoyer des trucs pas toujours très nets, frémit rien que d’y penser !

Une sale réputation

Je me marrais bien à Paris en 1984. Un petit peu moins quand on me diagnostiqua une hépatite « non A-non B », mais soulagé de ne pas avoir la B. Un avis que ne partageait pas l’hépatologue… Au cours des années 90, j’apprendrais qu’il s’agissait en fait de l’hépatite C à qui on avait jusqu’alors donné ce nom si imprécis qu’il m’aida à l’oublier bien vite. D’autant plus que je n’avais aucun symptôme apparent.

Les choses avaient bien changé quand, il y a un an, je me suis enfin pointé au service de l’hôpital La Paz à Madrid pour la faire traiter. Le VHC avait en effet remplacé le virus du sida dans les préoccupations des responsables sanitaires, des médias et même du grand public. On le comprend quand on sait que le sida tue 450 personnes par an en France, contre 3 000 pour le VHC ! Malgré ma toubib qui me tannait depuis plus d’un an, j’hésitais encore. Deux choses m’empêchaient de prendre cette décision que je repoussais toujours sous différents prétextes. Un de ceux que j’utilisais le plus était mon opposition à faire une biopsie. Or l’arrivée du Fibroscan® (genre échographie du foie) indolore m’ôta cet alibi. Tout d’abord, je savais que ce traitement trimbalait une très sale réputation qui s’est souvent révélée exacte. Et risquer de me retrouver mal en point – ou plutôt encore plus mal en point – alors qu’après de longues années d’abus, je venais tout juste de faire une « remise à plat », en partie grâce aux produits de substitution et à une belle histoire… Voilà que pour me soigner, j’allais de nouveau morfler, une perspective qui en refroidit plus d’un ! La deuxième raison était que même si le VHC me squattait depuis 25 ans, mon foie continuait d’aller plutôt bien, sans dommage apparent, avec des transaminases normales et ce, malgré un goût immodéré pour des drogues diverses et variées, y compris pour la CC dont les dégâts sur cet organe sont notoires… Je n’étais donc pas sur la pente savonneuse de la cirrhose puis du cancer car dans ce cas, le traitement est une question de survie.

Mais alors pourquoi me lancer dans cette galère ? Je m’étais laissé convaincre par des arguments du style : même si tout va bien, on reste sous la menace d’un VHC bien présent qui peut parfois « partir en live » sans trop savoir pourquoi…Si l’alcool est un vrai poison pour le foie (suivi de près par la CC), de très nombreux médocs le sont aussi comme la pilule du lendemain ou ceux contre la tension qui semblent jouer un rôle dans le réveil du VHC. Et puis qui peut assurer que même après de longues années, le VHC ne va pas se mettre à faire des siennes ?

VHC-traitement-Bloodi-Ouin40% de chances…

Dans ma vie, j’ai touché à pas mal de trucs, dont des mélanges à faire pâlir Merlin l’Enchanteur, je me suis mangé de très douloureux manques et voilà que j’hésitais à prendre 1 ou 2 médocs parce qu’ils ont des effets secondaires. Alors je me suis dit : « Pourquoi pas faire le traitement ? On verra bien, si c’est too much, je laisse béton puisque n’étant pas dans l’urgence, je peux donc m’arrêter sans problème »…

Me voilà donc devant cette gentille toubib qui me rassure un peu en me rappelant que personne ne réagit pareil et de ne pas trop me prendre la tête avec toutes les histoires flippantes que tout le monde a entendues. Elle ne me cache rien sur la gravité de certains effets secondaires mais sans insister. Un exposé concis, clair et franc car elle m’annonce qu’au vu de mon génotype (le 1), de mes pathologies, de mon âge (plus de 50 ans), de mon sexe (les hommes réagissent moins bien que les femmes au traitement), je n’ai que 40% de chances de voir mon virus disparaître au final ! Waops ! Un ange passe en rase motte dans la pièce, puis elle finit par me dire avec un sourire encourageant : « Allez, tu sais, 40%, c’est pas mal ! » Mouais, moi je vois surtout les 60% qui foirent… Sans parler de l’avertissement-douche froide : « Si tu veux mettre toutes les chances de ton côté, il vaut mieux ne pas toucher à l’alcool, c’est le pire que tu puisses faire. Par contre, tu peux pratiquement manger ce que tu veux mais si tu vois que cela ne passe pas, ne force pas. Tu verras qu’avec le traitement, tu n’auras plus très faim, il vaut mieux essayer de manger de petites quantités souvent dans la journée, par exemple des barres de céréales… » D’accord pour la bouffe, mais même pas une petite bière de temps en temps, pour moi c’est dur mais pas la mer à boire ! Quand je lui demande si je peux au moins fumer un joint, elle me répond : « Ce n’est pas très recommandé, mais vu que cela te donnera de l’appétit, que cela va t’aider à te calmer et à te mettre de bonne humeur, OK… » Enfin une bonne nouvelle. Car si les médecins ne semblent toujours pas d’accord sur les effets positifs ou négatifs du cannabis dans ce traitement (lire Cannabis & VHC), on est quand même en Espagne !

Des effets secondaires pas tristes !

Quand elle m’annonce que cela va normalement durer 48 semaines, je pense aussitôt que j’aurai le temps de me prendre la tête, mais elle coupe net mes sombres pensées en me parlant des 2 médocs qui constituent le traitement : le Copegus® 200 mg en comprimés pour la ribavarine, et le Pegasys® 180 microgrammes en solution injectable sous-cutanée pour le péginterféron alfa- 2a. Tous deux vont aider le foie à se reconstituer et essayer de faire disparaître le virus. C’est une des particularités du foie qui, même réduit à une très petite partie par ablation ou amputation accidentelle, peut se régénérer si cette partie est saine… Si la première génération de traitement nécessitait plusieurs injections par semaine d’interféron, il suffit désormais d’un seul shoot par semaine grâce à la libération prolongée. C’est moins astreignant et plus pratique. Ma toubib me conseille de le faire le soir pour ne pas trop sentir les effets de type grippaux qui y sont liés au début, et plutôt le vendredi pour avoir les 2 jours de repos du week-end après. Merci pour le bon tuyau. Quant au Copegus®, je commence aux doses les plus fortes (3 comprimés le matin et 3 le soir) pour augmenter mes chances de foutre en l’air le virus. Si je ne les supporte pas, je pourrai toujours les baisser ensuite, m’assure-t-elle en me conseillant de prendre aussi du paracétamol…

interferon-VHC-Ouin-BloodiUne fois chez moi, j’ouvre les boîtes de médocs et là, je me rends vraiment compte que ce que je vais prendre n’est pas de l’aspirine ! Je n’ai jamais vu une liste d’effets secondaires si longue qu’elle ressemble à un rouleau de caisse de supermarché, surtout pour la ribavarine. Pour faire très court, cela va du gros rhume aux envies de suicide (si, si, c’est vrai !), en passant par de multiples affections du système respiratoire, gastro-intestinal, nerveux, des allergies cutanées, des pertes de poids, de cheveux, d’attention, de mémoire, du désir sexuel et surtout, la dépression et une grande irritabilité… Je m’amuse à un jeu stupide : dis-moi un effet, je suis sûr qu’il y est ! Mais à y regarder de plus près, les pires effets ne concernent qu’une personne sur 100, 1 000 ou 10 000 selon le type d’effets… Je referme les boîtes en espérant que cela ne va pas tomber sur moi !

EPO à la rescousse

J’ai commencé un 4 juillet pour avoir tout l’été et son farniente pour me reposer et me permettre de m’habituer car ce sont généralement les 3 premiers mois qui sont les plus durs, le temps que le corps s’habitue aux 2 médocs. Ce ne fut pas du tout le cas pour moi ! En effet, après les premières prises, tout allait bien, je ne ressentais pas grand-chose. Le vendredi soir, je me faisais mon shoot sous-cutané, puis j’allais me coucher après avoir pris un gramme de paracétamol. Le lendemain matin, je reprenais un autre paracétamol et je passais la journée tranquillement, sans trop me speeder. J’étais un peu crevé mais sans plus. Dès le dimanche, j’avais plus la pêche et le lundi, je pouvais mener ma vie sans histoire. Je mangeais normalement. Je n’en revenais pas, et même ma copine me disait : « Mais t’es sûr que tu te fais bien ta piqûre ? » En voilà une question !!! Quatre semaines après, les choses commencèrent à se gâter. J’étais de plus en plus crevé, les 2 contrôles que j’avais faits avaient révélé une forte anémie, je perdais mes globules rouges à grande vitesse, j’avais moins d’appétit, le chocolat (dont j’étais fana), les œufs, les plats en sauce ne me branchaient plus du tout. Je suis quand même parti en vacances en France où je devais faire d’autres analyses pour surveiller mes globules rouges. J’avais l’air d’un petit vieux, le moindre effort devenait pénible. Faire une petite promenade ressemblait à un trek dans l’Himalaya ! À Paris, un médecin de Médecins du monde m’expliqua que la seule chose à faire pour enrayer l’anémie galopante était de prendre de l’EPO. Je n’en revenais pas, j’allais me prendre pour un coureur du Tour de France ! Dès mon retour, au vu de nouveaux résultats montrant que je n’avais plus que la moitié des globules rouges que j’avais au début du traitement, ma toubib décida effectivement de m’en donner au dosage le plus haut (30 000 UI). J’ai alors peu à peu récupéré une certaine pêche, tout en gardant une légère anémie jusqu’à la fin. Je vous vois venir. L’époétine bêta n’est pas du speed, cela aide juste à créer des globules rouges. Je me faisais d’ailleurs un shoot sous-cutané une fois par semaine, le soir avant de dormir !

VHC-Ouin-Bloodi-traitementComme un retour en arrière

Sans m’en rendre compte, je commençais par contre à devenir très irritable, ce qui est vraiment un problème au quotidien dans les rapports avec les autres, surtout avec l’entourage. Certains couples ne le supportent pas. Heureusement, le mien est passé au travers. Un rien me faisait exploser, j’étais aussi nerveux que quand j’étais accro… Il faudrait faire une place plus importante dans les groupes de parole en France pour l’entourage des patients qui morfle aussi pas mal.

Les médocs faisant fondre tes graisses, tu maigris (de 6 kg) même si tu bouffes bien, tu es tout blanc à cause de l’anémie, et comme tu remanies des shooteuses, tu as l’impression désagréable de revenir en arrière, un mauvais trip : chasses le passé, il revient au galop ! Quand je me plaignais de tout cela, ma toubib me disait : « Oui c’est sûr, c’est pas facile à vivre de se déglinguer pour guérir mais au moins au bout du chemin, il y a la possibilité d’aller mieux ou, dans ton cas, de ne pas tomber malade. » D’ailleurs, les choses allaient effectivement plutôt pas mal puisque dès la fin du premier mois de traitement, j’avais « négativé » : plus de traces en apparence du sacré virus ce qui est, paraît-il, une possibilité accrue de guérison. J’avais doublé en 1 mois mes pourcentages de succès : des 40% du début, j’étais passé à 80% ! Un bel encouragement pour s’accrocher, continuer à ne pas toucher une goutte d’alcool et suivre jusqu’au bout ce pénible traitement.

À l’heure où j’écris ces lignes, je l’ai fini depuis 3 mois et les effets secondaires viennent à peine de tous disparaître. Reste maintenant à attendre les résultats des analyses pour confirmer qu’il n’y a toujours pas de trace de VHC sans avoir pris de médocs pendant ce temps-là. La déclaration officielle de guérison n’intervient ainsi que 6 mois après la fin du traitement.

Serial-DealersLes conseils de Speedy

Traitement ou pas, essaye de réduire au max ta conso d’alcool (et de CC) ! Même s’il s’agit d’un traitement au long cours qui nécessite pas mal de patience, essaye au moins de le suivre même si ton foie ne va pas trop mal. Si le traitement est trop lourd, parles-en avec ton hépatho, mais saches que la prochaine génération ne devrait pas arriver au mieux avant 3 ou 4 ans. Et si ton foie est attaqué, essaye d’aller jusqu’au bout afin de voir le résultat, et recommence une fois en cas d’échec car celui-ci n’est jamais total. Tout le temps passé sous interféron est en effet toujours ça de gagné pour ton foie à qui tu donnes la possibilité de se refaire une santé. La tienne avec ! Et n’oublies pas que 100% des malades chroniques guéris ont fait le traitement… That’s All Folks, and Good luck !

Cannabis et VHC

Aujourd’hui, un patient qui commence un traitement de son hépatite chronique active C devrait arrêter l’alcool, le tabac et… le cannabis. L’alcool, parce que son hépatotoxicité n’est plus à démontrer et que l’on sait malheureusement que les hépatites C sous alcool évoluent rapidement vers la cirrhose. Le tabac, parce qu’il accélère la fibrose, c’est-à-dire la transformation de tissu hépatique fonctionnel en tissu sans activité biologique. Le cannabis enfin, parce que, tout comme le tabac, il semblerait avoir un effet fibrosant. C’est le principe de précaution qui, dans ce dernier cas, devrait s’appliquer.

Demander à des usagers ou ex-usagers de drogues de renoncer à l’alcool, au tabac et au cannabis n’est pas raisonnable et en faire une condition de l’accès au traitement serait les exclure d’un tel accès. Voilà plusieurs années déjà que des études concluent que le cannabis a des effets fibrosants. C’est une mauvaise nouvelle, pour au moins deux raisons. La première, c’est que de nombreux usagers fument. La seconde est bien plus embarrassante encore : des patients fument du cannabis pour mieux supporter les lourds effets secondaires du traitement interféron + ribavirine, et certains m’ont dit qu’ils l’auraient arrêté s’ils avaient cessé de consommer du cannabis. Il en est de même de patients qui sont dans des essais cliniques comportant, en outre, une antiprotéase.

Reste une question essentielle : y a-t-il consensus parmi les hépatologues sur les effets fibrosants du cannabis ? La réponse est non. Ainsi, le professeur Christophe Hézode (hôpital Henri Mondor, Créteil) est convaincu du caractère délétère du cannabis mais cet effet serait dose-dépendant et n’interdirait donc pas des consommations réduites. À l’inverse, le professeur Diana Sylvestre (Oakland, Californie) obtient de meilleurs résultats chez les patients sous bithérapie qui consomment du cannabis… Je remercie Laurent Gourarier d’avoir attiré mon attention sur ces études.

Il serait donc nécessaire qu’un groupe constitué d’hépatologues, d’addictologues et d’usagers fasse le point sur l’état actuel des connaissances afin que les patients soient en mesure de prendre une décision éclairée. C’est la proposition que j’ai faite à l’occasion du colloque THS 9 qui s’est tenu à Biarritz du 13 au 16 octobre derniers.

Une dernière remarque : il y a une dizaine d’années, une polémique était née sur la neurotoxicité de la MDMA. Persuadé que c’était un argument fallacieux mis en avant par les « drug warriors », ceux qui mènent la « guerre à la drogue », je n’ai d’abord pas pris cette question au sérieux. De longues discussions avec Jean-Pol Tassin, dont je connais la compétence et la probité, m’ont amené à changer d’avis. Il m’a alors semblé de la plus haute importance que les usagers sachent que les consommations lourdes de MDMA pouvaient provoquer des troubles cognitifs (concentration, mémoire…).

Toutes choses égales par ailleurs, la question des effets fibrosants du cannabis pose le même problème : les usagers ont le droit d’être informés des débats qui agitent la communauté scientifique car ils sont les premiers concernés. Mais tant de mensonges ont été énoncés sur les drogues que le scepticisme est la règle. Voilà qui donne à l’autosupport une responsabilité particulière pour informer sur ce que l’on sait et, plus encore, sur ce que l’on ne sait pas.

Carotte anglaise à la Mission XBT

Tous les mardis de 18 à 20 heures, la mission XBT de Médecins du monde à Paris tient une permanence d’analyse de produits. De la réduction des risques à l’état pur… testée en direct à l’occasion d’une carotte anglaise.

Descandant de l’avion en provenance de Londres avec des bonbonnes d’héro dans les poches, je me jette dans le taxi, puis arrivé devant chez moi, je monte 4 à 4 les escaliers, et me précipite sur le matériel d’injection et commence fébrilement la prépration du produits. D’abord une petite dose pour tester. Quand je me met à chauffer la cuppule, le mélange commence à faire des boules de cire, et une nappe de ce qui ressemble à de la paraffine apparaît à la surface… Furieux de commencer à comprendre que je me suis fait arnaquer, j’injecte quand meme une toute petite quantité… pour voir…ça me mets très mal, dans un etat de tension interne. Ça s’appelle se prendre une carote à l’anglaise…

Curieux de voir ce que ces chers dealers anglais ont pu mettre dans cette came, je me rend à Médecins du Monde (MdM) le mardi qui suit à 18h. La mission Rave Paris tient une permanence d’analyse des différents produits que leur amène les usagers. Thomas, phamacien et bénévole à la mission, m’accueille et m’explique leur démarche. « L’histoire ce n’est pas seulement de tester des prods, mais c’est surtout pour entrer en contact avec des usagers qui ne fréquentent aucun dispositif sanitaire, pour discuter de leur pratique, et les initier à la réduction des risques ». C’est ainsi que tout en remplissant une fiche de renseignement sur le produit, nous discutons de ma pratique d’injection, des circonstances d’achat du prod et de consommation, des différents mélanges possibles…

Une fois le questionnaire rempli, il m’enmène vers une table, ou sont posé des tubes, des réactifs, et toute la panoplie du petit chimiste en herbe. Il me fait prélèver une tete d’épingle de mon caps pour la mettre dans un tube de prélèvement. La technique utilisée pour tester les prods s’appelle la chromatographie sur couche mince (CCM). Elle est issue du milieu festif et a été développee pour compléter le fameux (défunts) test de marquis à partir du début des années 2000. Cette technique ne permet pas de connaître le pourcentage de produit présent, mais de préciser la présence ou l’absence de substances comme l’héroïne, la cocaine, le speed, l’ecstasy et leur principaux produits de coupe.
Pendant la demi-heure d’attente au cours de laquelle plusieurs opérations minitieuses sont effectués, Gregory, le coordo de la mission XBT de MdM (mission scientifique soutenant le développement de l’analyse de drogues) va un peu plus loin dans le fonctionnement et les buts du dispositif. « Le projet ne se résume pas à ces deux heures. Nous formons aussi des usagers qui, s’inscrivant dans une démarche de RdR, collectent ainsi les produits auprès de leur réseau. Nous sommes également en relation avec des CAARUD qui proposent ce service d’analyse à leurs usagers et qui nous ramènent des échantilons dans les tubes de prélèvements.  C’est un premier pas, mais nous aimerions que cette méthode d’analyse puisse être expérimentée directement dans les CAARUD ». Effectivement, ça pourrait être le double effet kiss-cool du bonbon rdr  : faire ré-entrer la réduction des risques dans le centres, mais aussi y amener des usagers qui n’ont sinon aucune raison de venir.

Les résultats de l’analyse sont prets. Différents points de couleur sur une feuille, qu’il faut comparer à un référentiel dans un gros classeur. Si l’échantillon contient bien de l’héroïne et une dose de paracétamol il contient aussi de la phénacétine, précurseur du paracétamol interdit en France, et qui se retrouve plutot d’habitude dans les produits de coupe de la cocaïne. Autres surprise, il n’y a pas de caféïne comme dans 90% des echantillons analysés. Et puis, il y a une substance inhabituelle qui apparaît sur le papier, mais qui n’est pas répértorié dans le référentiel. Impossible de l’identifier…Je remet une tete d’épingle dans un flacon, mais cette fois-ci pour le programme SINTES, programme de l’OFDT d’analyse de produit plus complet, mais qui malheureusement, ne donne pas les résultats avant un mois.

Je repars allégé de quelques miligrammes de came en moins, qui va de toute façon veillir au fond d’ une boite, mais enrichi de précieux conseils de réduction des risques. Les dealers anglais ne sont plus ce qu’ils étaient.

Curieux de voir ce que ces chers dealers anglais ont pu mettre dans cette came, je me rends donc le mardi suivant à 18 heures à la Mission XBT de Médecins du monde qui tient une permanence d’analyse des différents produits amenés par les usagers. Thomas, pharmacien bénévole à la mission, m’accueille et m’explique leur démarche. « L’histoire, ce n’est pas seulement de tester des prods, mais c’est surtout pour entrer en contact avec des usagers qui ne fréquentent aucun dispositif sanitaire, pour discuter de leur pratique et les initier à la réduction des risques. » C’est ainsi que tout en remplissant une fiche de renseignements sur le produit, nous discutons de ma pratique d’injection, des circonstances d’achat du prod et de consommation, des différents mélanges possibles…
Une fois le questionnaire rempli, Thomas m’emmène vers une table où sont posés des tubes, des réactifs, et toute la panoplie du petit chimiste en herbe. Il me fait prélever une tête d’épingle de mon caps pour la mettre dans un tube de prélèvement. Issue du milieu festif et développée à partir de 2000 pour compléter le fameux (défunt) test de Marquis, la technique utilisée pour tester les prods s’appelle la chromatographie sur couche mince (CCM). Une technique qui ne permet pas de connaître le pourcentage de produit présent, mais d’identifier les substances comme l’héroïne, la cocaïne, le speed, l’ecstasy et leurs principaux produits de coupe.

Pendant la demi-heure d’attente ponctuée de plusieurs opérations minutieuses, Gregory, le responsable de la mission XBT, détaille un peu plus le fonctionnement et les buts de la mission : « Notre permanence ne se résume pas à ces deux heures. Nous formons aussi des usagers, qui collectent les produits auprès de leur réseau, et nous sommes en relation avec des Caarud qui proposent ce service d’analyse à leurs usagers et qui nous ramènent des échantillons dans les tubes de prélèvement. C’est un premier pas, mais nous aimerions que cette méthode d’analyse puisse être expérimentée directement dans les Caarud. » Effectivement, ça pourrait être le double « effet Kiss Cool » du bonbon RdR : réintroduire la réduction des risques dans les centres, mais aussi y amener des usagers qui n’auraient aucune raison d’y venir autrement.

Les résultats de l’analyse sont prêts. Différents points de couleur sur une feuille, qu’il faut comparer à un référentiel dans un gros classeur. Si mon échantillon contient bien de l’héroïne et une dose de paracétamol, il contient aussi de la phénacétine, un précurseur du paracétamol interdit en France qu’on retrouve plutôt d’habitude dans les produits de coupe de la cocaïne. Autre surprise : il n’y a pas de caféine comme dans 90% des échantillons analysés, mais une substance inhabituelle qui apparaît sur le papier et qui n’est pas répertoriée dans le référentiel. Impossible donc de l’identifier… Je remets une tête d’épingle dans un flacon, mais cette fois-ci pour le programme Sintes de l’OFDT, un programme d’analyse de produits plus complet, mais dont les résultats ne sont malheureusement pas donnés avant un mois.
Je repars allégé de quelques milligrammes de came – qui va de toute façon vieillir au fond d’une boîte – mais enrichi de précieux conseils de réduction des risques. Les dealers anglais ne sont décidément plus ce qu’ils étaient.

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