Éditorial n°4 : 1er anniversaire

Avec ce quatrième numéro, ASUD fête son premier anniversaire ! Et nous comptons bien en fêter beaucoup d’autres avec vous. Et nous n’abandonnerons à aucun prix l’espace d’expression dont nous disposons enfin. Il représente pour nous un fantastique ballon d’oxygène et nous redonne un peu d’espoir.

Nous sommes désormais constitués en association loi 1901. Nous avons prouvé aux sceptiques (et à tout le monde) que des “toxicos” étaient capables de s’organiser, d’agir, d’être simplement responsables.

ASUD est devenu pour beaucoup d’intervenants en toxicomanie, un interlocuteur incontournable (et valable !). Bien sûr, nos interventions dérangent parfois certains prétendus “spécialistes”, guère habitués à ce que des vulgaires toxicos leur portent la contradiction et expriment leur avis. Que chacun reste à sa place, semblent-ils penser, et la nôtre est dans la rue, en prison ou à l’hôpital (psychiatrique, bien entendu).

ASUD04_shoot poubelle. wolinskiMalheureusement, cette saloperie de sida progresse toujours plus dramatiquement chez les usagers de drogues, et nous sommes impatients que les changements annoncés par M. Kouchner se réalisent. Notre situation, si précaire, s’accommode mal de la patience qu’on attend de nous. Eh oui ! L’urgence est là, pressante, pesante ; c’est dans ce contexte catastrophique qu’ASUD a dressé une liste (non exhaustive…) de dix mesures d’urgence contre la marginalisation et l’extension du sida chez les U.D (voir p.14).

Simone Veil a succédé à Bernard Kouchner au ministère de la santé. Saura-t-elle nous entendre ? Saura-t-elle prendre les mesures qui s’imposent ? Essayons d’être un peu optimistes, Mme Veil a déjà fait preuve dans le passé d’un courage politique certain (et si rare…).

Alors, comme le clame si bien le groupe rap Assassin : “Le futur, que nous réserve-t-il ?” Il est temps de réagir, de ne plus subir, et ensemble nous pouvons devenir forts.

Silence on meurt ! Toxico et malade en prison : un bref état des lieux

Parce que je suis un UD, que je milite à Asud et que j’ai passé plus que ma part de temps entre quatre murs, on finit toujours par me poser la question : alors, comment ça se passe en taule pour les toxicos ? Qu’est-ce qu’on fait pour ceux qui sont séropos ou malades ?

La réponse est en forme de cri de rage : RIEN ! ON N’EN PARLE PAS !

Car si hors les murs, on ne voit que trop souvent exclusion et loi du silence se donner la main – dans l’univers pénitentiaire cette alliance contre-nature se transforme en loi fondamentale.

Pourtant, quand on sait qu’une bonne moitié des personnes incarcérées sont usagers de stups par voie intraveineuse, on est fondé à soulever quelques questions de bon sens : quelle est la proportion de séropositifs parmi eux ? Existe-t-il une structure médicale capable de les accueillir ? Quels soins reçoivent-ils ?

ASUD04 fond graphiquePas d’accès aux soins

Là encore, une seule réponse s’impose : il y a carence à tous les niveaux. Pas de structures spécialistes. Pas de médecin permanent – tout juste une à deux infirmières pour 1000 à 2000 détenus … Et pour obtenir des soins et accéder à une consultation, il faut obligatoirement faire une démarche écrite et s’inscrire à l’avance sur une liste d’attente. Ce qui, en pratique, sous-entend des délais de plusieurs jours et plus fréquemment de plusieurs semaines ! A croire que le mot “urgence” est inconnu dans nos prisons… En somme, pour faire un bon taulard, il faut être en bonne santé !

Pourtant, on sait bien que si l’emprisonnement n’a jamais rien résolu, il constitue une aberration totale quand il s’agit d’usage de stupéfiants. Ne serait-ce que parce qu’il relève d’une véritable loi d’exception, la seule dans notre système légal à punir l’auteur d’un “délit” dont il est en même temps la victime. Une logique répressive devenue folle, dérogatoire aux principes mêmes de notre droit1 mais conforme en revanche aux “impératifs sécuritaires” sans cesse invoqués par l’Administration Pénitentiaire pour pouvoir, en toute bonne conscience, rejeter systématiquement les demandes d’hospitalisation émanant des toxicos – même “sidéens” à mort, ou presque.

Il faut savoir à ce propos que ces derniers, incarcérés comme nous l’avons vu en vertu d’une loi d’exception, se voient également octroyer en prison un “statut d’exception”. C’est à dire qu’ils sont automatiquement exclus du bénéfice de tous ces petits ou plutôt de ces tout petits “privilèges” normalement accordés par la loi aux prisonniers : permissions de sortie, etc …

L’enfer dans l’enfer

Quant au sevrage, pas difficile dès lors d’imaginer les conditions dans lesquelles il s’effectue : révoltantes – l’horreur à l’état pur. L’enfer à l’intérieur de l’enfer. Et en plus, pas de surveillance médicale, pas de médicaments – même pas un cachet d’aspirine. Il faut en effet attendre près d’une semaine aux “arrivants” avant l’affectation à une cellule, et la visite médicale obligatoire qui décidera de l’éventuelle prescription de médocs. Une semaine où le manque, alors dans sa phase aiguë et aggravée par le stress de l’arrestation/incarcération, se transforme facilement en une torture physique et morale insupportable. Ensuite, après le feu vert accordé à la hâte par le toubib qui en a vu d’autres, c’est la distribution à heures fixes de calmants et de somnifères. La fameuse “fiole”, moins destinée à calmer ou à soulager qu’à assommer et abrutir – empêcher le toxico d’emmerder son monde en troublant par ses cris de rage et de douleur le sommeil sans rêve de l’institution. Pour le reste, à chacun de gérer comme il peut ses angoisses et sa souffrance dans la pesante hostilité du milieu carcéral.

Alors bien sûr, pour ce qui est de se restructurer psychologiquement, bonjour la déprime ! Et qu’on n’aille pas ensuite s’étonner du nombre inquiétant de tentatives de suicides, réussies ou non.

Sang contaminé

Qu’on ne s’étonne pas non plus d’avoir vu, depuis 1993, des groupes de plus en plus nombreux de détenus refusant de se rendre au “don du sang”. Il s’agissait pourtant là en principe d’une pratique positive, s’inscrivant – comme “ils” disent – dans une démarche de réinsertion faisant appel au civisme (quoique, en y repensant à la lumière de certains évènements récents… Pas vrai Garretta ? Pas vrai Georgina ?).

Alors pourquoi cette attitude de refus de la part des détenus ? Précisément parce qu’ils étaient bien placés pour, dès le début, se poser certaines questions quant à la fiabilité de cette pratique de don du sang. Une pratique attestée par le courrier adressé par certains d’entre eux à leurs directeurs de prison, allant même jusqu’à interpeller l’IGAS.

Inutile de dire qu’à ce jour, les réponses se font toujours attendre. De même que les résultats de leurs efforts pour sensibiliser les médias au problème…

Bref, si rapide soit-il, c’est vrai que ce survol de l’état des lieux fait peur. Et qu’il amène à se demander si la démocratie et les Droits de l’Homme ne sont pas chez nous comme une sorte de trésor jalousement gardé au bénéfice de quelques-uns. Et inaccessible au plus grand nombre, à cette piétaille où la société recrute ses gibiers dé prison.

ASUD04 fond graphique 2Dénoncer l’urgence

Et c’est vrai que ça se met à puer salement dès qu’on soulève un coin de ce tapis couleur de grisaille et de barreaux sous lequel notre belle société tente de cacher le résultat de ses insuffisances. A tel point qu’il ne s’agit pas de provoquer ni de critiquer, mais juste de réagir à l’urgence d’une réalité inadmissible. L’urgence de la maladie. L’urgence des toxicos qui crèvent du SIDA dans l’indifférence de leurs geôliers. Ou encore de ceux qui se balancent contre les murs ou bien, un matin de manque, s’ouvrent les veines en silence avec une lame bricolée en douce ?

Et dénoncer cette urgence, c’est aussi garder présent à l’esprit le fait qu’une des causes premières de l’exclusion qui frappe les UD, ce n’est pas on ne sait quelle malignité du produit, mais plutôt l’alliance scellée sur l’autel de la prohibition entre l’ordre moral cher à nos flics et à nos matons et l’économie souterraine du trafic. Un mariage d’intérêt dont la cheville ouvrière reste l’infernal besoin d’argent du toxico pour se procurer un produit dont la prohibition assure artificiellement la rareté – donc la cherté – tout en créant sur mesure un délit à coller sur les épaules des déviants et des rêveurs. De quoi remplir à la fois les poches des uns et les cellules des autres. Mafia et répression même combat !

Il s’agit là d’une véritable machine à fabriquer de l’exclusion. Et qui fonctionne avec, au bout de la chaîne, son produit logique : l’usager exclu,marginalisé, entraîné vers une déchéance physique et sociale inéluctable. Le fameux engrenage marginalité – clandestinité – délinquance … Une mécanique bien huilée dont le fonctionnement exclut la notion même de prévention – qu’il s’agisse de celle du SIDA, ou de n’importe laquelle de ces calamités physiques comme sociales qui font crever l’usager de drogue. A petit feu ou d’un seul coup, au hasard des emballements et des à-coups de la machine infernale.

STOP

Alors il faudrait poser carrément la question aux Pouvoirs Publics : est-ce qu’on arrête tout ça oui ou non ? Est-ce qu’on stoppe le système exclusion – répression – SIDA ? Ou bien va-t-on attendre que le problème se règle tout seul par l’extermination des toxs jusqu’au dernier ? En bon français, ça s’appelle la solution finale.

Et, en radicalisant le problème jusqu’à la monstruosité, la condition des UD (surtout séropo ou malades) en taule a le mérite de proposer une alternative claire : ou bien “ça”, la solution finale, ou bien le dialogue et la concertation avec l’usager. L’usager considéré non plus comme un délinquant, mais comme un citoyen conscient, responsable, avec ses idées et son mode de vie à lui. Un mode de vie que, même malade, même crevant de manque au fond de la plus noire cellule, il reste prêt à échanger contre la promesse de cette mort annoncée.


1Art. 4 du préambule de la déclaration universelle des Droits de l’Homme : “La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui”

Il était une fois dans l’Est… de la France

Salut à toute l’équipe.

Tout d’abord un grand merci pour les documents que vous m’avez envoyés, ce sont les plus intelligents que j’ai reçus, et j’avoue que je suis réconforté de savoir qu’Asud existe car en ce moment dans mon bled et d’ailleurs partout en France, c’est très, très “craignos” ; la répression s’accentue et paradoxalement, il y a toujours plus de came aussi qui redevient de meilleure qualité que ces derniers mois, où il y avait beaucoup de “daube” ; comment cela va-t-il finir ?

Je crains fort de bientôt me retrouver en galère, je ne suis pas un dealer, mais je ne dois rien vous apprendre : pour avoir ma dope quand je n’ai plus d’argent, je fais les commissions pour d’autres, au moins pour assurer au jour le jour. Je n’ai jamais eu le sens du bizness et l’argent me dégoûte tellement qu’il n’a que la valeur de la came. Comment les gens qui se disent responsables en nous gouvernant, ne voient-ils pas un peu plus positivement ce problème ? Je ne comprends pas pourquoi ils n’essaient pas d’enlever le marché à toutes les mafias et dictatures qui approvisionnent en dope, d’où le prix excessif, donc toute la criminalité qui en découle.

Bref, je vous écris surtout pour vous demander de l’aide à l’élaboration d’un tract, afin de faire comprendre aux autres copains de galère, aux autres toxicos, qu’il faut que l’on puisse se faire entendre. Vous savez que c’est difficile de leur enlever la peur des autorités. Pourtant, il faut comme c’est écrit dans votre journal, que l’on soit reconnu comme des citoyens à part entière.

Ici, c’est encore plus difficile, étant donné que c’est un village, en ce moment dans le village où je vis, nous les toxicos, on se voit interdire dans tous les bars du bled, si j’arrive à comprendre les patrons de café car les flics leur mettent le couteau sous la gorge, la situation est intenable, même à l’extérieur le climat est très malsain, il y a les stups, les douanes, les flics locaux, enfin c’est presque un assiègement, à quand le couvre-feu ? Faut dire qu’il ne se passe pas un jour sans qu’il y ait une affaire de dope dans la presse locale : il y a 15 jours, ils ont arrêtés le meilleur dealer du bled avec 100gr d’héro, 100gr de coke, 1kg de shit, en plus ce con se baladait avec 200 000frs, tout ça dans sa tire : les flics ont dû jouir ce jour là ! Depuis qu’il est tombé, il y a au moins 10 mecs qui prennent sa place, y’a de la concurrence !

Je suis impatient de venir vous voir, car je ne suis pas très fort pour l’écriture et je préfère parler. Bon, je vous quitte en vous remerciant encore. Salut ! (excuse mon écriture, j’ai pas trop la pêche)

Pierrot, 15 avril 1993

Arcachon : la mort aux trousses

Pascal Tais, un jeune français d’origine marocaine, est mort mercredi 10 avril 1993, au commissariat d’Arcachon. Le mardi 6 avril, Makomé, un jeune zaïrois de 17 ans, est également décédé dans un commissariat du 18ème arrondissement. Les circonstances de ce drame ont suscité une unanime indignation au sein des autorités comme du public. Au delà de la polémique engendrée par la succession de violences policières et des manifestations de ces dernières semaines, il convient de souligner le caractère tragique de la disparition de Pascal Tais, toxicomane de 32 ans, malade du sida, en phase finale, décédé à la suite d’une longue et douloureuse agonie au fond d’une cellule de dégrisement (j’allais écrire, de “décontamination”). Cette mort n’a pas fait la une des journaux, elle n’a pas non plus mobilisé la jeunesse d’Arcachon. Seules quelques dépêches d’agence de presse et une lettre comminatoire du père du jeune homme adressée au Ministre de l’Intérieur, en ont révélé la trame sordide. Pascal Tais, symbole de cette génération vouée aux seringues collectives, est mort sous les coups. Les coups douloureux de la vie toxicomane, chargés de haine et de mépris, les coups mortels du sida, assénés en toute impunité par la législation répressive en matière de seringue, et enfin, comme on achève un cheval fourbu, les coups reçus avant ou pendant son passage au commissariat d’Arcachon, les pires, ceux qui ont fait mal au point de tuer un homme à l’endroit ou sa sécurité devrait précisément être garantie.

La mort de Pascal Tais est un fait-divers dont le scandale n’est dénoncé qu’en fonction de deux éléments circonstanciels, presque deux arguments commerciaux. Le premier est ce contexte si particulier de brutalités policières en cascade, du mois d’avril et le second est la lourde charge émotive et fascinatrice que recèle le vocable toxicomanie. Interpellé avec sa compagne devant le casino d’Arcachon, le jeune homme, en état d’ivresse (quel joli mot), est présenté à l’hôpital, où l’interne de service constate que son état ne nécessite pas d’hospitalisation. Bien que porteur d’une carte d’invalidité à 100%, Pascal est placé en garde à vue le 9 avril, avant de décéder le 10 “des suites d’une hémorragie due notamment à un éclatement de la rate”.

Depuis, les autorités policières et hospitalières ne cessent de se renvoyer la responsabilité d’un drame où l’on hésite à trancher pour savoir si l’incompétence le dispute à la bêtise ou au sadisme. Mort sous les coups, mort par manque de soins dans l’abandon de sa cellule, Pascal, dès son arrestation, s’est trouvé isolé par toute la distance que génère le mot de “toxico”, celui que l’on examine mal parce que sa particularité tombe sous le coup de la loi. Personne ne s’est mobilisé à la porte du commissariat pour protester contre cette fatalité, surtout pas ces autres victimes potentielles que sont les UD de la région des Landes. Les réunions de toxicomanes proclamés, restant en France sauf à ASUD – assimilables à une association de malfaiteurs. Cette identité maudite a poursuivi Pascal jusque dans les agences de presse où son décès, déni évident du plus élémentaire des droits de l’homme, est prudemment étiqueté sous la rubrique “divers toxicomane”, comme si le manque de soins et le passage à tabac en garde à vue étaient explicables par la condition de consommateur de drogue. Il est donc encore long le chemin à parcourir avant de pouvoir dénoncer la mort de Pascal Tais par un terme générique moins médiatique certes, mais ô combien plus digne, qui pourrait être celui tout simple de : “divers être humain”.

Les déclarations de Madame Veil

Une des premières déclarations de Mme Veil, le nouveau (super) Ministre de la Santé a été pour dire que jamais elle n’envisagerait aucune forme de dépénalisation pour les “drogues”.

Et une de ses premières interventions a été de maintenir Georgina Dufoix a la tête de la DGLDT (Direction Générale de la Lutte contre la Drogue et les Toxicomanes …. pardon, la Toxicomanie). Mais, dernière heure, celle-ci vient de démissionner, sans que nous sachions, à l’heure où nous mettons sous presse, qui la remplace. A-t-elle voulu par cette déclaration puis par cette décision, pour le moins mal avisée, marquer sa rupture politique avec la ligne suivie par son prédécesseur M. Kouchner ?

Toujours est-il que nous avions connu Mme Veil mieux inspirée – et plus courageuse. Mais peut-être cette protectrice des droits de l’homme, que sa profonde compréhension et son implication personnelle dans les problèmes de la femme avaient à l’époque conduit à braver courageusement les tenants de l’ordre moral en libérant l’avortement, peut-être Mme Veil – et nous l’espérons – ne pèche-telle que par méconnaissance du dossier.

Auquel cas, les membres d’ASUD, au nom de plus de 150.000 toxicos que ses déclarations semblent vouloir renvoyer une fois de plus à l’illégalité et à la marginalité se proposent de l’éclairer sur le vécu, sur l’expérience quotidienne et sur les véritables besoins et aspirations de cette population qui, plus que d’on ne sait quelle malignité intrinsèque des produits, souffre et meurt de la (non) vie que leur est faite par la répression qui s’y attache.

C’est pourquoi nous nous tenons à la disposition de Mme le Ministre de la Santé pour un dialogue grâce auquel les usagers pourront enfin devenir les partenaires et les interlocuteurs du débat qui les concerne au premier chef. Madame le Ministre, la balle est dans votre camp !

10 mesures d’urgences contre la marginalisation et l’extension du SIDA chez les usagers de drogues

  1. Accès facilité aux seringues, généralisation des programmes d’échanges de seringues et installation de distributeurs automates
  2. Aise en place de programmes méthadone dans toutes les grandes villes françaises. (il n’y a actuellement que 52 places, uniquement à Paris)
  3. Organisation de réseaux de médecins généralistes se répartissant la prise en charge des toxicos, où circulerait une information spécifique. En corollaire, possibilité pour ceux-ci de prescrire des produits de substitution (y compris les spécialités inscrites aux tableau B)
  4. Accès libre, gratuit, anonyme et sans condition de sevrage aux soins médicaux et hospitaliers (prise en compte de la dépendance)
  5. Arrêt immédiat des incarcérations de toxicomanes pour simple délit d’usage de stupéfiant ; suppression de l’injonction thérapeutique.
  6. Prise en charge médicaux-sociale des détenus séropositifs pendant leur incarcération et au delà de leur sortie.
  7. Visite obligatoire d’un médecin aux toxicos en garde à vue depuis plus de 8 heures.
  8. Augmentation des places disponibles en post-cure (actuellement 600 lits pour près de 200 000 toxicos)
  9. Mise en place de structure d’accueil, d’hébergement pour les toxicos les plus marginalisés, souvent sans aucune couverture sociale.
  10. Aides des pouvoirs publics à la création et au fonctionnement autonome de groupes d’auto-support d’usagers et ex- usagers de drogues et participation aux décisions prises en matière de toxicomanie.

Un livre blanc sur la mortalité des toxicomanes

Actuellement, il n’existe en France aucune évaluation concernant la mortalité des toxicomanes.

En effet, l’overdose et toutes les formes de décès qui s’y rattachent, ne sont pas déclarées en tant que telles.

D’où l’urgence de vos témoignages afin de participer à l’élaboration de ce livre blanc, en nous écrivant.

Un premier pas vers notre dignité.

Qui sont les toxicomanes? Un ami, un frère, un fils, un proche, l’autre !

Brèves (été 1993)

Bloody yeuxUSA : au Kansas, trois dealers de crack ont été condamnés à la peine capitale, ayant été reconnus responsables de la mort de onze toxicos. Et comme là-bas ils ont le sens de l’humour, ils seront exécutés par injection toxique ! Et si on envoyait les responsables Français de la contamination HIV par transfusion se faire juger au Kansas ?

main jeterLes Pays-Bas violemment critiqués sur leur politique de répression des stupéfiants par un rapport de l’ONU. Les Néerlandais contestent les conclusions de ce rapport, et suggèrent qu’il a été rédigé sous la pression de la France. Il s’agirait d’une rivalité entre Paris et La-Haye, tous deux candidats au siège d’Europol, la future police européenne. (bizness is bizness …)

mainsRecord pulvérisé le 9 janvier dernier, avec la saisie de 14 tonnes d’héroïne afghane par l’armée turque sur un cargo en provenance du Pakistan. Sur le marché parisien, ça représenterait plus d’un milliard de “képas” !!!

Tête BDAprès Michelle BARZACH et Brice LALONDE, c’est Monique PELLETIER, ancien ministre de la famille, qui se déclare favorable à l’extension des programmes de méthadone et d’échange de seringues. Elle déclare que face au sida, “il faut passer à la vitesse supérieure”.

BaiserNaissance du MLC – Mouvement de Légalisation Contrôlée – animé par P. DOUGUET, avec la participation de l’avocat F. CABALLERO et du professeur Willy ROZENBAUM . Cette association entend promouvoir une alternative à la prohibition et à la répression, constatant que “l’interdiction des stupéfiants transforme leur usage en fléau”.

Bloody colère yeuxLe célèbre professeur CHORON bientôt au MLC ?
Extrait de son interview dans le journal BEST : “l’ivrogne chez nous, il a le nez rouge, il est un peu gonflé, là-bas l’opiomane est un peu maigre, c’est toute la différence ; mais il n’y a jamais de folie, la folie vient de la prohibition”.

Tchao HELNO ! Le chanteur des Négresses Vertes nous a quitté , victime d’une overdose (d’un produit toxique sans doute coupé à l’héroïne ?).

ASUD04_BusA Paris, l’action de “Médecins du Monde” est régulièrement troublée par certains services de police (sans doute dopés par les déclarations fracassantes de messieurs Quilès et Broussard) : interpellation des “toxs” à la sortie du bus de prévention et destruction des kits . On est décidément bien loin de Liverpool où la police oriente les toxicos interpellés vers les lieux d’échange de seringues et autres centres d’accueil . En effet, elle estime que sa mission consiste aussi à protéger la population du sida.

Bonne nouvelle : le ministre de la santé B. KOUCHNER a annoncé avant son départ que tous les séropositifs seront pris en charge à 100% par la sécurité sociale. Malheureusement ça ne changera pas grand chose pour les toxicomanes les plus marginalisés et sans aucune couverture sociale.
(M Kouchner est désormais remplacé par Mm Veil)

Incroyable : plusieurs toxicos strasbourgeois en ont été réduits (faute de places dans les centres d’accueil) à réclamer leur incarcération ! En effet , la région est confrontée à une forte augmentation de la toxicomanie et les rares structures médicales sont débordées, reste donc … la prison ! Connaissant les conditions de “vie” désastreuses des toxicos en milieu carcéral, on imagine l’ampleur du désespoir de ces personnes.

ASUD04_DoubleCeci est le sigle “de la “Double U.O.”, héroïne laotienne vendu aux G.I.’s américains durant la guerre du Vietnam.

Barbès en état de siège : Depuis la déclaration de guerre à la drogue faite par Messieurs Quilès et Broussard , le quartier de la Goutte d’Or est soumis régulièrement au quadrillage de la police, et l’arrivée de M. Pasqua au ministère de l’Intérieur ne fait qu’aggraver cette “politique” de harcèlement dont sont plus particulièrement victimes les toxicos.
Bilan de ces spectaculaires opérations anti drogues : dealers arrêtés : 0 ; quantité de drogue saisie : 0 ; restent quelques toxicos et quelques étrangers sans papiers en garde à vue . A la brigade des stups on appelle ça de la déstabilisation du deal de rue ! A part ça le prix du gramme d’héro dans le quartier est toujours à 500 francs, et largement disponible.

L’Italie dépénalise : après trois années de politique hyper-répressive qui a envoyé sous les verrous des milliers d’usagers, le gouvernement fait marche arrière en dépénalisant l’usage de stupéfiants. Ce nouveau décret a même été confirmé par un référendum (55% pour). Reste que la quantité de drogue tolérée est très faible : un dixième de gramme pour l’héroïne, un demi gramme pour le shit . Alors soit l’héroïne italienne est d’une pureté exceptionnelle, soit nos amis italiens sont condamnés à de multiples allers-retours …
Mais bon c’est quand même un progrès !

Une fois de plus la France est à la traîne en restant le seul pays de la C.E.E (avec le Luxembourg) à emprisonner les toxicos pour simple usage de stupéfiants.

Flash de dernière minute : aujourd’hui, 7 mai 1993, nous apprenons la démission de Mme Georgina Dufoix de la DGLDT ! Est-il vraiment nécessaire de préciser qu’ASUD se réjouit de cette nouvelle ?

ASUD04 VIH capote nez wolinskiAprès dix-huit mois de négociations serrées avec les pouvoirs publics, Médecins du Monde a mis en service un bus d’échanges de seringues fonctionnant trois soirs par semaine. Le besoin est réel, Strasbourg compte plus de 3000 toxicomanes dont un tiers est séropositif et les structures d’accueils spécialisées sont insuffisantes.

Pavot islamique : La police de Téhéran a découvert (puis détruit !) plusieurs plans de pavot dans les jardins du mausolée de l’Imam Khomeiny. Pendant ce temps les nombreux toxicos iraniens continuent de subir une répression féroce (exécution, incarcération massives)

Naissance du C.C.L.A ( Citoyens Comme Les Autres)

ASUD04_homme femmeA.S.U.D. est heureux de saluer la naissance de C.C.L.A. en Belgique, un groupe ouvert aux usagers de drogues, et destiné à lutter contre la discrimination qui frappe les utilisateurs de substances prohibées. Issus du creuset européen des groupes d’auto-support (European Interest Group of Drug Users) nos amis belges se proposent de briser le mur de culpabilité enserrant les pratiques toxicomanes, en propageant les techniques de réduction des risques.

Nous espérons que cette émanation particulière de l’espace francophone va permettre d’aboutir à une meilleure compréhension de nos problèmes de consommateurs, problèmes systématiquement occultés par notre vieille civilisation franque.

CCLA c/o Ligue des Droits de l’Homme, 6 rue Watteau, 1000 BRUXELLES.

La toxicomanie en france en 1993 c’est :

200 000 USAGERS DE DROGUES DÉPENDANTS
600 PLACES DISPONIBLES EN POST-CURE
50 PLACES EN PROGRAMME MÉTHADONE
20 TONNES D’HÉROÏNE CONSOMMÉES PAR AN
5 TONNES DE COCAÏNE
120 TONNES DE CANNABIS
UN CHIFFRE D’AFFAIRE DE 25 MILLIARDS DE FRANCS

40 000 TOXICOS ATTEINTS PAR LE V.I.H.
(la France détient le “record” d’Europe !)

30 000 INTERPELLATIONS POUR ILS PAR AN
(infraction à la législation sûr les stupéfiants)

400 MORTS PAR OVERDOSE
(ce chiffre fourni par la police, ne recense que les décès sur la voie publique)

PARIS, CAPITALE DU SIDA !
25 583
cas de sida déclaré en France dont la moitié en Ile de France
25 5830
séropositifs en France

50 nouveaux cas diagnostiqués chaque semaine en Ile de France
A Paris , 5 000 personnes sont déjà décédées à cause du sida

En 1984 les toxicos représentaient 4% des cas, en 1992 : 28% !

ATTENTION : CES CHIFFRES SONT SOUS ÉVALUÉS

T4, vous avez dit T4 ?

T4 : pas besoin d’être spécialiste du SIDA pour savoir que ce nom (on dit aussi CD4) désigne les cellules de notre système immunitaire auxquelles s’attaque le virus du SIDA. Et que le nombre plus ou moins élevé de cellules présentes dans chaque mm3 du sang du malade – ou d’une personne séropositive – est un indicateur d’une importance vitale quant à l’évolution de la maladie.

Mais ce que nous savons moins, c’est la réalité concrète et les processus biologiques qui se cachent derrière ce nom technique.

Qu’est-ce qu’une cellule T4 ? Quel est son rôle dans le système immunitaire ? Que veut-on dire quand un médecin annonce à une personne séropo ou malade : “Vous avez tel ou tel taux de T4…” Qu’est-ce que ça va signifier réellement quant à l’apparition ou à l’évolution du SIDA ? Et pourquoi ? Comment le VIH s’attaque à notre organisme en agressant le système immunitaire via les T4 ? Le niveau de T4 est-il le seul baromètre de l’évolution ?

Toutes ces questions, les spécialistes y ont bien sûr répondu depuis longtemps – et bien plus pertinemment que nous. Il y ont même tant répondu que nous finissons par ne plus nous y retrouver dans l’énorme masse d’informations qui s’est accumulée depuis l’apparition du fléau.

Mais en termes clairs, concrets, à ras de la misère et de l’angoisse quotidienne des toxicos contaminés ou malades, qu’est-ce que tout cela veut dire ? Au risque de nous voir accusés par les “spécialistes” de faire de la vulgarisation à bon marché, nous avons essayé de dégager quelques éléments de réponse…

T4 et SIDA

Quand on est “séropo”, tôt ou tard arrive le moment où on se pose la question fatidique “Est-ce que je commence à développer un SIDA ? Est-ce que cette merde est déjà entrée dans sa phase active ?”

Une question bien craignos, mais qui a le mérite d’être clair. Et si la réponse est non, alors tout va bien – du moins pour le moment. Si c’est oui – eh bien ça signifie qu’on est bon pour le cimetière…

C’est du moins ce que tout le monde pense. Mais en réalité les choses ne sont pas aussi tranchées. A tel point qu’on peut être subclaquant sans pour autant, médicalement parlant, développer un SIDA.

La médecine donne en effet une définition bien précise du SIDA. Et pour elle, ce qui compte le plus, c’est de savoir dans quel état se trouve votre système immunitaire. C’est ce qui permet de donner l’indication la plus fiable sur votre véritable état de. santé et sur les traitements les plus opportuns.

Comme on le sait, le VIH s’attaque au système immunitaire, Ce qui permet à toutes sortes d’infections de se développer – et tout spécialement les infections dites “opportunistes”, c’est à dire celles qui n’auraient normalement aucune chance de s’attaquer à une personne en bonne santé. C’est pourquoi il est d’une telle importance pour les séropos de surveiller constamment l’état de leur système immunitaire,

Le système immunitaire

Au fait, qu’est-ce que c’est exactement que le système immunitaire ? En bien disons que son rôle est de protéger l’individu contre les millions et les millions de bactéries et de virus qui n’attendent que l’occasion de fondre sur son organisme et d’y prospérer – à ses dépens évidemment.

Le système immunitaire commande donc diverses sortes de cellules qu’il utilise pour détruire ces corps étrangers qui s’attaquent à l’organisme. C’est à dire qu’il sait reconnaître les cellules saines pour s’attaquer à toutes les autres – virus et compagnie…

Parmi ces cellules utilisées par le système immunitaire, il existe une variété de cellules blanches – ou leucocytes – contenues dans le sang, qui joue un rôle tout à fait central dans la défense immunitaire de l’organisme : les fameuses T4. On pourrai dire qu’elles sont un peu les “généraux” de l’armée mobilisée par le système immunitaire. Ce qui signifie que dès que les cellules T4 s’aperçoivent de la présence d’un “ennemi”, elles alertent les “troupes” immunitaires et les rangent en ordre de bataille. La T4 a également la propriété d’enregistrer les caractéristiques de l’intrus pour aider le système immunitaire à l’identifier s’il se représente. En d’autres termes, c’est elle qui fait qu’une personne est ensuite “immunisée” contre tel ou tel micro‑organisme particulier.

Ce qui fait du virus VIH un adversaire si dangereux, si vicieux, est qu’il s’attaque directement – et par surprise – au “général” de l’armée immunitaire. C’est à dire que le virus se fraie un chemin à l’intérieur même de la cellule T4 et qu’il dépose son matériel génétique au cœur de ce qui en constitue le centre nerveux. Comme s’il faisait subir une sorte de lavage de cerveau à la T4 qui se trouve alors à la merci d’un ennemi qu’elle n’est plus capable d’identifier Bref, le “général” se retrouve transformé en agent double…

Mesurer la maladie

Du fait qu’on ne sait actuellement que très peu de choses de ce fameux VIH, la médecine ne peut guère faire plus que mesurer les dégâts qu’il cause au système immunitaire. A cause du rôle central joué par les T4 dans celui-ci, c’est leur comptage qui permet aux toubibs d’évaluer l’état dudit système. Mais le dénombrement des T4 ne leur laisse en fait qu’une marge des plus approximatives d’évaluation Cela dit, en l’état actuel des connaissances, c’est encore le moyen le plus fiable de mesurer les progrès de la maladie.

Un faible nombre de T4 signifie donc que la personne est vulnérable à toutes les éventuelles infections « opportunistes ». Mais cela ne veut pas dire pour autant que ces infections vont forcément survenir. En réalité, beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu. Tels que l’hygiène, un régime sain, un bon sommeil, un mental équilibré et des soins médico‑pharmaceutiques précoces.

Chez une personnes séropo, le nombre des T4 n’est pas constant – il est extrêmement variable. S’il dépasse 400 ou 500, c’est que tout va bien pour le moment, dès qu’il reste en dessous de ce niveau durant une période de temps significative, c’est qu’il y a un problème. A savoir que chez toute personne séropo, la baisse des T4 indique la hausse de la population de virus VIH dans l’organisme. Cependant, pas de panique. En effet, cela n’implique nullement que la personne a déclaré la maladie ou qu’elle est sur le point de l’être. En d’autres termes, le risque de choper une maladie “opportuniste” est plus grand. D’ailleurs, il peut arriver que des personnes séronégatives aient un niveau de T4 anormalement bas. Alors…

Cependant, si votre niveau de T4 chute durablement en dessous de 200, il faut prendre l’affaire au sérieux. Car il est possible que la population de virus dans l’organisme se soit accrue de façon préoccupante. Pourtant, même avec un niveau faible de T4, les gens ne développent pas pour autant les symptômes de la maladie. En effet, c’est moins au nombre des T4 dans l’organisme qu’à ses variations que les médecins attachent de l’importance. Pour eux, une baisse régulière du niveau des T4 sur une période d’un an, par exemple, est plus inquiétante qu’un niveau bas, mais stable – disons 200.

Cela dit, les maladies “opportunistes” peuvent très bien être soignées avec efficacité même si la personne à un taux de T4 bien inférieur à 200 – à condition qu’elles puissent être détectées à temps. Il existe également des médicaments qui peuvent prévenir les infections caractéristiques des systèmes immunitaires affaiblis C’est ainsi que par exemple, pour l’une d’entre elles, la (trop) fameuse pneumocystose, on aura intérêt à recourir à un traitement préventif précoce.

L’AZT

Tout le monde aujourd’hui connaît I’AZT que les médecins prescrivent de plus en plus la plupart du temps depuis quelques années. Ce médicament inhibe le développement du virus dans l’organisme. Mais ce n’est pas une panacée, loin de là, il présente même quelques sérieux inconvénients. Si, d’un côté, il vient contrer le virus, de l’autre, il bloque la production des globules sanguins rouges et blancs. De plus, ce médicament a de sévères effets secondaires et perd de son efficacité au bout d’un certain temps. Les travaux des chercheurs ont montré que I’AZT atténuait les symptômes de la maladie. A court terme, cela présente l’avantage d’aider les malades du SIDA à se sentir moins patraques. Mais à long terme, cet avantage finit par disparaître. Actuellement, il arrive qu’on le prescrive aux séropositifs dès que leur taux de T4 descend en dessous de 750. Une pratique très controversée dans les milieux médicaux. Le plus souvent, l’AZT n’est prescrit que si les T4 descendent durablement en dessous de 200.

D’autres travaux indiquent que le moment auquel on choisit de commencer le traitement à I’AZT n’a pas d’effet significatif sur l’espérance de vie du malade. C’est à dire que quelqu’un qui commence à prendre de l’AZT dès le début de la maladie (entre 500 et 750 T4) ne survivra pas forcement plus longtemps que quelqu’un qui le prend à un stade plus avancé de la maladie (en dessous de 200). Ces réserves formulées, il demeure incontestable que le traitement à l’AZT est bénéfique. Les statistiques montrent que ceux qui prennent de l’AZT survivent en moyenne 12 à 18 mois plus longtemps que les autres malades.

Cela dit, prendre ou non de l’AZT demeure une question de choix individuel à débattre entre vous et vos médecins. A vous de peser avec eux le pour et le contre – une décision difficile à prendre et pour laquelle on ne saurait en tout cas recueillir l’avis de trop de spécialistes.

D’autres indicateurs

Pour en revenir à ces foutues T4, il faut dire la vérité : c’est vrai que c’est stressant de les contrôler. C’est vraiment l’angoisse d’attendre le résultat des analyses : “Est-ce que je me maintiens toujours au-dessus de 800 oui ou non ?” – l’horreur…. D’autant que le nombre de T4 n’est pas tout. Il faut savoir qu’il peut baisser momentanément pour d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec le VIH. Et même une fois fixés sur votre niveau de T4, les possibilités de traitement préventif précoce restent limitées – il faut le savoir…

Quoiqu’il en soit, et comme nous l’avons déjà dit, le niveau de T4 n’est pas tout. Bien d’autres facteurs entrent en jeu. Certains spécialistes pensent même que l’utilité de la numération des T4 n’est que relative et soulignent que, étant donné l’importance du facteur stress dans le déclenchement et l’évolution de la maladie, il peut être dangereux pour le patient de se prendre la tête et de se faire une obsession de tel ou tel niveau de T4 mesuré à tel ou tel moment particulier. Dans la mesure où ce niveau peut varier même dans l’espace de 24h…

Ce qui veut dire, en clair, que le niveau des T4 ne constitue pas le baromètre absolu de l’immunité… Et que, quelque soit celui-ci, ce qui compte d’abord pour le séropo, c’est de préserver le plus possible son immunité naturelle. C’est à dire la résistance de l’organisme à l’infection. Car chaque nouvelle infection est une agression contre le système immunitaire. C’est pourquoi, quand on est séropo, loin de baisser les bras, il convient d’être particulièrement vigilant. Attention à l’hépatite. A la tuberculose. Aux maladies vénériennes – à toutes les saloperies en somme qu’on peut attraper en shootant, en faisant l’amour… ou juste en prenant froid. Sans parler évidemment de la sur-contamination au VIH, qui est spécialement dangereuse. Car il existe plusieurs variétés du virus. Ce qui fait que chaque nouvelle infection est un coup supplémentaire porté à vos défenses naturelles. Il faut donc être particulièrement attentif à toutes les questions d’hygiène afin de permettre à votre organisme de mobiliser toutes ses ressources pour se défendre contre le virus.

Et on ne rappellera jamais assez les deux règles simples en matière d’immunité naturelle : une alimentation saine et un sommeil régulier. Cela vaut toutes les vitamines du monde…

Numération des T4

Afin d’évaluer le niveau d’immunité d’un patient donné, le test consiste à compter le nombre de cellules T4 présentes par millimètre cube de son sang. C’est ce nombre qu’on nomme le niveau de T4. C’est ainsi qu’un niveau de T4 de 800 signifie qu’on a dénombré la présence de 800 cellules T4 par mm3 de sang.

Chez un individu en bonne santé, le niveau de T4 oscille entre 500 et 1500. Ce niveau n’est pas forcément constant, il peut être soumis à des fluctuations tout à fait normales. On peut dire que tant que le niveau de T4 reste au-dessus de 4 ou 500, le système immunitaire de la personne est en bon état. Ce qui signifie que son organisme est suffisamment résistant pour combattre d’éventuelles infections opportunistes.

Le virus en action

Nous ne connaissons tous que trop pour l’avoir vu à la télé et dans la presse, l’apparence du virus au microscope : un petit globe, d’un diamètre d’un dix millième de millimètre hérissé de petites pointes. Ce que nous connaissons moins bien, en revanche, c’est la relation entre cette forme et la façon dont le VIH agresse nos cellules. Les petites pointes qui lui donnent vaguement l’aspect d’une châtaigne sont en effet, concrètement les clés qui lui servent à s’introduire dans le système immunitaire. Car elles correspondent exactement – comme une clé à une serrure – aux récepteurs qui se trouvent à la surface des cellules T4. Une fois solidement imbriqué et accroché à la cellule, le virus fore un minuscule trou dans la membrane de celle-ci. C’est en passant par ce trou que le contenu du virus s’insinue à l’intérieur de la cellule. Et le virus, ainsi “camouflé” dans la “peau” de la cellule peut ensuite s’infiltrer dans le matériel génétique de notre corps, où le système immunitaire se trouve de ce fait incapable de le reconnaître et de l’éliminer.

C’est ainsi que le VIH transforme la cellule en une sorte de “photocopieuse” à virus, de machine à reproduction qui se sert de la cellule pour la forcer à fabriquer de nouveaux exemplaires de lui-même jusqu’au moment où la cellule, explosant littéralement, libère un véritable essaim de VIH prêts à se mettre en quête de nouvelles cellules à investir pour s’y reproduire. Le VIH dispose également d’une autre tactique. Il peut en effet, pousser une cellule T4 contaminée (“investie”, “possédée” par le virus) à s’amalgamer à d’autres T4 encore saines – ce qui lui permet d’éliminer d’un seul coup de nombreuses cellules T4.

Essai comparatif des Kits

ASUD a essayé pour vous… les différents kits de prévention disponibles (difficilement) à Paris. Outre le fait qu’ils sont rares, ces kits sont souvent incomplets : aucun d’entre eux n’a prévu la “cuillère”, pourtant elle aussi source possible de contamination du VIH. (Serait-il si compliqué de concevoir une sorte de capsule métallique autocassable après usage ?). Seul le kit suisse propose de l’acide ascorbique (qui remplace le citron), bien sûr on attrape pas le SIDA avec du citron, mais en revanche, l’on peut se choper tout un tas d’autres infections. L’intérêt de ces kits, mis à part celui évident de disposer d’un matériel d’injection stérile, est qu’apparemment la police serait (?) “sensible” au fait qu’un toxico utilise du matériel protégé : par exemple, le Kit MDM (Médecins du Monde) avec sa boîte rigide les rassure, car lors d’une fouille ils ne risquent pas de se piquer sur une aiguille baladeuse, et il a un caractère vaguement officiel (il contient un petit mot explicatif du Ministère de la Santé).

Mais attention, on ne vous garantit rien ! Avec la police, tout est relatif, alors kit ou pas, restez prudents !

KIT MDM
GRATUIT
DISPONIBLE AU BUS ET AU DISPENSAIRE
KIT STERIBOX
Prix : entre 5 et 10 F
VENTE EN PHARMACIES
D’IVRY (94)
(bientot dans le 92)
KIT AIDES
GRATUIT
CHEZ AIDES
247, RUE DE BELLEVILLE 75019 PARIS
KIT FLASH
PRIX 2,5FS=10FF
EN VENTE EN SUISSE
PACKAGING DES KITS BOITE CYLINDRIQUE EN CARTON DUR JOLIE BOITE EN CARTON SOUPLE ILLUSTREE PAR WOLINSKI SACHET PLASTIQUE ASSEZ VOLUMINEUX BOITE EN CARTON FORMAT PAQUET DE CIGARETTE
MATERIEL D’INJECTION 2 INSULINES 1CC. 2 INSULINE 1CC ;
avec BOITE POUR SERINGUES USAGEES
1 SERINGUE 2CC.
Avec 1 AIGUILLE détachable microlance
2 INSULINES 1CC ; avec 4 AIGUILLES détachables : 2 courtes et 2 longues
TAMPONS alcoolisés 2 2 1 2 + 2 COTON
CAPOTE 2 1 2+2 SACHETS DE GEL LUBRIFIANT 1
EAU NON 1 CAPSULE D’EAU STERILE NON NON
ACIDE ASCORBIQUE NON PAS ENCORE MAIS
EN PREVISION
NON 1 gramme D’ACIDE ASCORBI- QUE
CONCLUSION POUR : boite rigide bonne disponibilité, bonne tolérance avec les filcs

CONTRE : encombrante et pas d’acide ascorbique

POUR : beau design, ce kit devrait s’améliorer (acide et coton)
Le prix doit passer à 5F

CONTRE : fragilité de la boite
(94 seul point de vente)

POUR : le seul kit avec une seringue et CC

CONTRE : encombrant, il manque une autre insuline de 1CC et l’acide ascorbique

POUR : c’est le plus complet et le plus pratique

CONTRE : sans eau, introuvable en France…

William Burroughs

William Burroughs est né en 1914 à St Louis (Missouri) au sein d’une respectable dynastie bourgeoise. Après une jeunesse sans histoires et des études à l’université de Yale, son existence bifurque brusquement lorsqu’il se rend à New York pour s’y lancer dans une vie d’aventures et, entre autres, vivre son homosexualité en liberté.

Successivement gardien de nuit, détective privé, exterminateur de parasites puis voleur professionnel, il rencontre la came au début des années 40. Un véritable coup de foudre qui durera plus d’une vingtaine d’années et, en même temps qu’il déterminera sa vocation littéraire en lui fournissant la matière première de ses livres (il publie “Junkie” dès 1953), le lancera dans une carrière de bourlingueur de l’Afrique à l’Amérique du Sud en passant par la France, infatigable explorateur de toutes les marginalités et expérimentateur de toutes les transes et de toutes les extases. Une trajectoire qui fera tout naturellement de lui une des têtes de file de la fameuse “beat generation” avec ses amis Ginsberg,

Kerouac, Corso et cie… Mais une trajectoire aussi qui le mènera bien au-delà de l’épopée de ces grands ancêtres de nos “babs” des années 60-70. Car, au delà des modes, des attitudes, des multiples expériences de drogue et du radicalisme politique, Burroughs est et reste, à près de 80 ans, un révolutionnaire de l’écriture avant toute chose. Les techniques de cut-up (version littéraire du collage pictural ou du sampling musical), d’écriture automatique et de pastiche, le mélange d’ironie glaciale et de délire hallucinatoire, la violence prophétique et la richesse poétique qu’il a mises toutes ensemble au service d’une conception visionnaire d’un monde façonné par un verbe libéré des conventions narratives, miroir subversif d’une réalité altérée par les drogues, font de lui un des plus grands écrivains américains de ce siècle.

Si, de “Junkie” aux “Cités de la Nuit écarlate”, il est l’auteur de près d’une vingtaine d’ouvrages (la plupart disponibles aux éditions Christian Bourgois et dans la collection 10/18), beaucoup de ses admirateurs s’accordent à voir dans le “Festin Nu” (aux éditions Gallimard) la pièce maîtresse de son œuvre. En voici deux courts extraits…

“…je saisis l’aiguille et, en même temps, je pose instinctivement la main gauche sur le garrot. Je reconnais à ce signe que je vais pouvoir piquer dans la seule veine encore utilisable de mon bras gauche (le processus du garrotage est tel qu’on se lie habituellement le bras avec lequel on a appris le garrot). L’aiguille s’enfonce comme dans du beurre le long d’un cal. Je fouille ma chair de la pointe. Une fine colonne de sang jaillit soudain dans la seringue, aussi nette et solide qu’un toron de câble rouge. Le corps sait parfaitement quelles veines on peut piquer et il transmet cette intelligence aux mouvements instinctifs que l’on fait pour préparer la piqûre… Parfois, l’aiguille pointe aussi droit qu’une baguette de sourcier. D’autres fois, il faut attendre le signal – mais quand il arrive le sang jaillit toujours.

“…Une orchidée rouge s’épanouit au fond du compte-gouttes. Durant une longue seconde il hésita, puis il pressa le caoutchouc et regarda le liquide disparaître d’un trait dans la veine, comme aspiré par la soif silencieuse de son sang. Il restait une mince pellicule de sang irisé dans le compte-gouttes et la collerette de papier blanc était souillée comme un pansement. Il se pencha, emplit le compte-gouttes d’eau et, au moment où il le vidait à terre, l’impact de la came le frappa à l’estomac, un coup étouffé, onctueux…

“…Le vieux camé a trouvé la veine… Le sang s’épanouit dans le compte-gouttes comme une fleur chinoise… L’héroïne court en lui et soudain l’enfant qui jouissait au creux de sa main il y a un demi-siècle resplendit, immaculé, à travers la chair délabrée, embaumant la cabane d’un parfum sucré de noisettes, l’odeur des adolescents en rut…”

Les portes ouvertes

Au-dessus de Marseille la souffrance est scellée derrière les portes et les couloirs que j’enchaîne chaque semaine de l’hôpital Houphouët-Boigny. Je traverse les salles perdues, les urgences, le 530 est au fond. J’ouvre la porte. Ils sont là, Smain, Thierry, Florian et Suzanne. Leurs rêves mêlés à la télé branchés sur la F.M. Leurs voix ne sont que silence. Le regard bleu délavé, perdu dans l’absence quand je leur parle d’ailleurs. Je ne te demande pas de jeter tes gitanes pour des cigarettes superlight, de vivre à basse calorie, je te demande de bouger. L’underground est profond, Soweto, Station Service des blacks aux sourires white ne feront de toi qu’une anonyme des trottoirs de l’opéra-crack. Elle me sourit en buvant des oranges pressées, version vitamine C. Elle me regarde comme si j’étais junky-bond. Moi aussi je me suis réveillée branchéesurmonitoring, perfusée par les veines, entubée jusqu’aux poumons. Ce n’était pas un accident de ligne continue d’un retour de week-end prolongé. Ne te laisse pas emporter par les gyrophares de la nuit, réagis avant que les bracelets chromés n’enchaînent tes poignets. L’aurore d’un nouveau jour paraîtra, ta voix sera un éclat de joie.

“Le cœur de la princesse”, légende chinoise

Le fils d’un pauvre pêcheur arrive à la ville. Il doit y apprendre le négoce sous la houlette d’un marchand mandchou. Un jour, il se promène au hasard des rues et entrevoit derrière une persienne un visage féminin. “ Qui est-ce ? ” demande-t-il aux voisin. “ la fille du gouverneur, lui répond-on, la beauté la plus parfaite de tout le pays, et la plus jolie princesse du monde ”.

Immédiatement frappé d’un amour insensé, le jeune homme se meurt de langueur. Grâce aux douteux services d’une vieille entremetteuse, il parvient à rencontrer sa princesse. Il est pauvre, mais jeune, beau, éloquent et surtout amoureux. Les princesses d’alors avaient fort peu de divertissement. Et se laissaient séduire par les pêcheurs audacieux. Tout deux vivent de longs moments d’extase clandestine…

Mais cette trop belle histoire tourne mal. Quelques cafards vertueux informent le gouverneur de l’inconduite de sa princesses, la fait brûler vive dans sa demeure. Alors que la maison est en flammes, le petit pêcheur rêve de sa belle, qui lui murmure dans un soupir :

“ Cours dans mon château détruit, fouille par tout, dans les ruines et les cendres éparses. Tu trouveras une petite pierre triangulaire et transparente : c’est mon cœur pétrifié ”.

Le pêcheur s’éveille, se rue dans les décombres, fouille, tâtonne, découvre le minuscule trésor, le serre sur sa poitrine. Grâce au précieux caillou en forme de cœur caché au chevet de son lit, le pêcheur retrouve chaque nuit sa princesse blottie au creux de ses bras.

C’est fort bien d’avoir un spectre comme amante ; mais les convenances sociales imposent de prendre une épouse moins éthérée. Notre héros se marie, comme tout pêcheur qui se respecte. Sa femme, jalouse et suspicieuse, s’indigne qu’il attache tant de prix à un aussi stupide cailloux. Un jour en son absence, elle saisit la pierre dans un mouvement de colère et la lance de toutes ses forces sur le pavé de la cour. Le petit cœur transparent se brise en mille éclats. Le pêcheur est fou de chagrin. Mais sur l’emplacement de chaque esquille une plante à hautes tiges pousse soudainement et donne des fleurs aux corolles blanches et mauves. Dans un ultime songe, la princesse apparaît à son aimé :

“ Par la faute de ta femme, tu m’as perdue à jamais. Tu ne me verras plus, mais je te laisse un remède souverain contre le désespoir. Prends la couronne des plantes qui ont surgi dans ta cour, tires-en le suc et épure-le par le feu ”.

Le pêcheur ordonne à sa femme de préparer la substance et retrouve la paix du cœur. Depuis lors, l’opium existe, pour que les épouses légitimes aillent le cueillir.

extrait de “ La drogue dans le Monde ” d’A. Coppel et C. Bachman

Le vent hurle dehors

Le vent hurle dehors.
Un volet claque, giflant le mur désolé sous la lueur d’octobre.
Ne tournes pas la page…
Des enfants hurlent.
Sans cri.
Avec les yeux seulement.
Sur les trottoirs-néons.
Sous les réverbères-suicide et le fard triste de l’amour tarifé.
Ne tournes pas la page..
Écoutes. Ne bouges pas. Ne touches. Ne parles pas.
Surtout, laisses tes yeux rivés sur la plaie entrouverte.
Le rictus effrayant du jour qui s’annonce – Étrange .
Et gardes tes sentiments, tes larmes et tes serments bien au fond de ta poche sous ton mouchoir d’erreurs.
Respires de tous tes sens, La haine La déraison.
Le noir destin du tendre?. La passion du démon.
Et le souffle de l’enfant, à peine chaud sur la vitre.
Ne tournes pas la page…
Fiel et enfer tapissent le chemin qui te mène à demain.
Déjà les orateurs-hyènes récitent et vomissent les grandes prophéties.
Anesthésiant ainsi la veuve et l’orphelin.
Ne tournes pas la page…
Sous l’encre des mots vibre la démesure.
L’intense certitude.
Ils griffent les murs lisses des mouroirs de la honte, par leurs slogans d’amour fou.
Conjuguent l’Espoir.
Au présent.
Au futur.
Au plus-que-Parfait.
Ils lavent le sang
avec leurs mains d’enfant ouvertes sur l’infini.
Ne tourne pas la page.
Voici CEUX qu’on condamne.
CEUX dont le seul oubli est de trop aimer VIVRE .

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