Dallas Buyers Club

D’emblée, je pourrais dire que Dallas Buyers Club est un film asudien. Et cela devrait te suffire, cher lecteur, pour aller illico le mater par tout moyen légal ou illégal. Ah, je vois que tu continues à lire quand même cette critique, il va donc falloir que j’en dise plus.

Disons que ce film traite à la fois de l’épidémie du sida, de l’autosupport, de l’usage de drogues, du pouvoir médical et de la prohibition, et de comment ce cocktail amène à une révolution de l’âme humaine sans précédent. C’est plus clair à présent ? Non ? Bon, je dois donc développer. OK.

C’est l’histoire d’un chaud lapin texan fan de rodéo, c’est-à-dire un cul-terreux alcoolique et homophobe aussi porté sur la défonce, tour à tour escroc ou électricien, selon les opportunités de jobs du jour. Un expert en survie, quoi.

Le film commence le jour où ce héros (car oui, c’en est un, vous verrez) se réveille à l’hôpital suite à un malaise en apprenant qu’il a le sida et que, vu son taux de T4, c’est un miracle qu’il soit encore en vie. J’ai oublié de vous préciser que nous sommes en 1985 et par conséquent, le médecin affirme qu’il lui reste environ 30 jours à vivre. On lui propose cependant d’entrer dans un protocole de test d’un nouveau médicament : le très controversé AZT.

Le délinquant comme réformateur social

Cela aurait pu être un film sur la mort mais contre toute attente, notre cow-boy, violemment rejeté par ses proches, n’est pas trop con. Seul, il va se renseigner à fond sur cette nouvelle maladie et les traitements en cours de tests partout dans le monde. Rapidement, il se rend compte que l’AZT, c’est bullshit et qu’il existe mieux ailleurs.

N’ayant pas pour habitude de respecter la loi ou de se résigner, notre tête brûlée texane, flanquée d’une folle pédale, entreprend alors d’importer illégalement les médicaments qu’il lui faut et se rend vite compte qu’il peut se faire du blé grâce à tous les autres malades qui en veulent aussi. Il commence alors une entreprise d’import et de distribution : le Dallas Buyers Club, qui réunit des malades condamnés comme lui par l’establishment politico-médical. Ce dernier n’aura de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues alors que les faits sont de son côté : allongement de l’espérance de vie, espoir et dignité retrouvés. Il devient alors le symbole du malade militant qui transforme ses proches et la société par ses actes pour survivre.

Cinématographiquement, le film est brillant avec un style simili documentaire. Les deux acteurs principaux, Matthew McConaughey (goldenglobisé en séropo nerveux) et Jarred Leto (oscarisé en homo sexy), démontrent à ceux qui en doutaient encore l’étendue de leur immense talent.

Et pour les derniers sceptiques qui pensent qu’il s’agit d’un conte de fées hollywoodien : le film est bien sûr tiré d’une histoire vraie. Une réelle leçon de militantisme asudien, on vous dit.

 

Paulette Affiche

Paulette

Tatie Danielle dealeuse de shit. Paulette est vieille, aigrie, raciste, menteuse, acariâtre et fauchée. Elle vit dans une citée anonyme de la banlieue parisienne. Seule, elle radote ses méchancetés sur son gendre noir et flic à la photo de son défunt mari quand elle n’est pas en train d’insulter ses partenaires et pourtant amies à la belote. Acculée par les dettes mais trop fière pour demander de l’aide, tout bascule le jour où un huissier vient saisir ses derniers biens. D’après les médias, que Paulette regarde, et la police, qu’elle méprise, un dealer gagne quelques milliers d’euros par mois. Il n’en faut pas plus à cette mamie loin d’être zinzin pour postuler spontanément  auprès du caïd local comme revendeuse. Car Paulette est aussi loyale, déterminée, maline et fine pâtissière. La voilà embarquée au milieu des racailles et de la flicaille dans une aventure qui va lui redonner le goût de la vie et des autres.

Cette comédie atteint le but fixé par son réalisateur Jérôme Enrico : nous faire rire. C’est en lisant un fait divers sur une mamie devenue dealeuse pour arrondir ses fin de mois que les scénaristes ont été inspirés. Ce film est dans la même veine qu’Une pure affaire (2011), mais pas dans le même bras puisque la classe moyenne pavillonnaire cocaïnée cède la place à la banlieue populaire en pétard. Ici il n’y a pas que l’ascenseur social qui est en panne, celui de l’immeuble aussi. Malgré les invraisemblances on se dit que ce rapprochement entre un 3ème age tendance FN et une jeunesse tendance Scarface n’est pas si farfelu. La société a oublié le passé travailleur des premiers. Paulette est une restauratrice ayant trimé à son compte toute sa vie. Et ne propose aucun avenir aux seconds. C’est précisément dans cette faille que le business parallèle du cannabis intervient.
Grâce à lui un improbable lien intergénérationnel se tisse à l’écran et dans la salle. Paulette en dealeuse débutante ignorante du prix du shit et de la façon de le conditionner en barrette, c’est autant d’éclats de rire que d’occasions d’éduquer votre grand-mère sur le sujet. Le film joue subtilement au milieu des gags bien lourds avec les codes du film de gangsters : scène de négociation mafieuse à l’heure du thé, gunfight tarantinesque avec des jouets, argent facile dépensé en télé-achat…
On n’échappe pas la scène dans laquelle nos protagonistes retraitées mangent, à leur insu bien sûr, le politiquement incorrect a ses limites, un space cake. L’expérience est unanimement appréciée mais on en reste là.

Un film frais et bien dans son époque qui utilise des personnages caricaturaux et décalés pour viser juste en brisant le tabou du deal. Activité risquée mais présentée ici comme salutaire pour Paulette et ses complices. A l’heure où les Cannabis Social Clubs font tant parler d’eux, Paulette dit Mamie la défonce, incarnée par une Bernadette Lafont provocante, nous souffle une idée pour apaiser la violence des quartiers : confier le business du shit aux vieux. « Qu’est-ce qu’on va devenir sans le cannabis ?! » se lamente une des complices de Paulette à la fin du film.

Paulette, 2013, réalisé par Jérôme Enrico avec Bernadette Lafont.
Site officiel : www.gaumont.fr/fr/film/Paulette.html

Une pure affaire Affiche

Une pure affaire

Ce film est un bon produit. M. et Mme Classe-Moyenne mènent leur train-train pavillonnaire et banlieusard avec leurs enfants (un de chaque sexe, bien sûr) et leur chien. Lui est un bon avocat mais trop honnête pour monter dans la hiérarchie aussi verticale que l’arrogante tour du quartier de la Défense où officie son entreprise. Elle, secteur logistique, vient d’être sacrifiée sur l’autel de la compétitivité transnationale. Aussi, quand le Père Noël leur apporte un sac de cocaïne, ces honnêtes gens y voient rapidement l’opportunité d’une vie meilleure. Un moyen d’avoir le même train de vie que les requins de l’économie libérale qu’ils n’ont pas pu être. Et sans faire autant de mal.

Si quand il s’agit de drogues, nos séries télé n’arrivent pas à la semelle de leurs homologues US comme Weeds ou Breaking Bad, ce premier film montre que la France a gros un potentiel d’émancipation sur ce sujet. On en redemande ! À l’heure où l’État communique sur le rôle exemplaire que les parents doivent jouer dans la lutte contre la drogue, la montée du film – qui installe le trafic de cocaïne – joue merveilleusement sur une ambiguïté : le couple est-il sous l’effet du produit ? Les personnages deviennent sûrs d’eux, sexy, flambent, mordent la vie comme certains la sniffent, et ça leur réussit. Pour tenir le spectateur en haleine, l’histoire fait mine de s’assombrir mais fort heureusement, point de morale politiquement correcte. Pas de long spot culpabilisant de la Mildt mais au contraire, une formidable comédie de situation du début à la fin, d’ailleurs récompensée par les prix mérités d’interprétation masculine (François Damiens) et féminine (Pascale Arbillot) et par le prix spécial du jury du festival de film d’humour de l’Alpe d’Huez.

Tous les gags ne mènent pas au fou rire et certaines scènes parfois inutiles à l’histoire, voire peu crédibles, n’existent que pour pouvoir en placer quelques-uns. Mais ils sont assez nombreux, originaux, et certains vraiment décapants, pour maintenir le film sur ces bons rails. Un petit échantillon pour goûter : médecin à la retraite, beau-père du héros, l’un des personnages secondaires a cette phrase pour convaincre sa fille de le laisser dealer avec elle et son mari : « Quand on a été médecin, prescrire une drogue plutôt qu’une autre, quelle différence ? » Et le voilà embarqué dans des livraisons de coke à domicile, n’hésitant pas à délivrer des conseils de consommation à un client après auscultation : «… et surtout, tu espaces bien tes prises de deux à trois heures. »

Étienne Apaire avait tort de dire en 2008 que « chaque consommateur est un dealer en puissance ». Chaque non-consommateur aussi.

Une pure affaire, 2011, réalisé par Alexandre Coffre avec François Damiens
Site officiel : www.unepureaffaire-lefilm.com

L-627 Réaction à chaud

Un nouveau film, L627 (article réprimant l’usage et le trafic des stups) fait actuellement beaucoup parier de lui.

Et bien que ce film trouve un ton assez juste, décrivant relativement bien le deal de rue et, parait-il, les conditions de travail des inspecteurs des stups, le message qui s’en dégage est toujours le même : si on leur en donnait les moyens, ces flics, présentés comme une espèce de croisés des temps modernes, aurait tôt fait de terrasser l’horrible “pieuvre”. Je ne doute pas de la réalité décrite par B.TAVERNIER sur les mille petites misères de l’administration, l’incompétence et la bêtise des chefs que subissent ces malheureux policiers. Mais bon, il ne faudrait pas oublier que les stups bénéficient déjà de pouvoirs exorbitants : perquisition 24 heures sur 24, garde à vue de 4 jours, etc …

Ce qui ne les empêche pas de réclamer encore plus d’effectifs, plus de pouvoir, pour toujours plus de répression, alors que la France détient déjà le record des “toxicos” emprisonnés, et que Paris est une des villes (La Ville) d’Europe où le taux de policiers par habitant est le plus fort ! D’autre part, B. Tavenier nous ressort le cliché du dealer qui à peine serré est aussitôt libéré mais lorsque cela arrive, c’est que ce même dealer est un indicateur; et je comprends donc mal que les flics s’en étonnent. La Justice française est extrêmement sévère pour les délits de drogues. (un petit dealer usager prend facilement quatre ans ferme).

Le film L 627 qui entend montrer avec le maximum de réalisme le travail quotidien des flics de base face au trafic des drogues, a soulevé un enthousiasme quasi unanime… notamment chez les policiers… fort bien : les “cowboys” ont aimé le western reste à savoir ce qu’en pense les “indiens”…

…Il aurait long à dire sur les véritables conditions d’interpellation des toxicos, qui se résument systématiquement par des brutalités (parfois très violentes), des humiliations et insultes diverses, et bien sûr le chantage! Le brave flic sympa et “tellement humain», héros de L-627 est décidément bien rare dans les rues parisiennes. Non bien sûr,les flics adoreront votre film Mr Tavernier, sans aucun doute, contrairement aux toxicos de la Goutte d’Or qui ont déjà subi deux rafles successives (et médiatiques) avec interpellations en masse, suite à votre film. Je crois que les conditions de vie (voire de survie) des usagers sont bien plus dramatiques (SIDA, PRISON, MARGINALISATION) que les petites tracasseries administratives que subissent nos malheureux flics. Il existe en France un quasi‑génocide des usagers drogues, dans une indifférence total alors Mr TAVERNIER ! À quand un film qui dénoncerait ce scandale ?

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