Auteur/autrice : Yann Mazens

VHC : Tout le monde en traitement

Nous vous avons déjà raconté l’histoire d’une « Éradication en vue » de l’hépatite C (Asud-Journal n°54) grâce à la découverte de nouvelles molécules qui guérissent les corps sans faire trop de bobos à l’âme. Mais pour en finir avec l’hépatite C, il nous faut désormais convaincre les autorités que tous les porteurs du virus doivent avoir accès aux nouveaux traitements.

Longtemps « planquée » derrière le VIH, l’hépatite C est restée méconnue des Français, y compris des usagers de drogues par voie intraveineuse pourtant en première ligne. Confrontés à un virus dont l’évolution est perçue comme lente et aléatoire, de nombreux UD ou ex-UD ont préféré différer ou éluder la confrontation avec le traitement ribavirine/interféron, dont ils n’ont que trop souvent constaté la lourdeur des effets indésirables, mais également la partielle inefficacité.

Ce noyau dur de personnes rétives aux traitements, ce sont elles dont nous avons besoin pour gagner la guerre contre le VHC. La perspective de l’éradication du virus est aujourd’hui une hypothèse réaliste, une promesse qui n’a pu être tenue pour le VIH, mais que l’arrivée d’agents antiviraux directs actifs et efficaces à plus de 90% rend désormais crédible.

Des traitements pour qui ?

Nous sommes en train de vivre une véritable révolution. Probablement l’une des plus importantes de ces cinquante dernières années dans le domaine médical. Gérald, Gilles et Jimmy, ces trois militants d’Asud que nous avons accompagnés au cimetière ces dernières années seraient encore parmi nous si cette révolution avait eu lieu un peu plus tôt. Notre message s’adresse donc à toute personne ayant injecté une drogue, même une fois, qu’elle soit dépistée ou non. À toute personne ayant connaissance de son statut sérologique positif mais ayant refusé tout type de suivi ultérieur. À toute personne prise en charge dans le cadre d’un suivi (charge virale, FibroTest®/ FibroScan®, génotype) ayant choisi d’attendre l’arrivée des nouvelles molécules et toute personne en échec thérapeutique pour différentes causes.

Un double barrage

Si le but est de permettre à tous les malades de passer en traitement, arriver à ce résultat nécessite de franchir un double barrage : d’un côté, la politique de rationnement d’accès au traitement, et de l’autre, la réticence des autorités médicales à donner des traitements dont le coût est prohibitif à des « drogués » ou des « ex-toxicos » sur des critères infondés de mauvaise observance au traitement ou de re-contaminations. Notre expérience dans le VIH a montré que les UD ne sont pas moins observants que la population générale, voire sont plus accoutumés à la prise quotidienne d’une quelconque substance… Notre expérience a montré que les risques de contamination des UD sont très faibles avec la mise en place d’un accompagnement adapté. Nous allons donc vous proposer sur le site asud.org et dans les pages de ce journal une information centrée sur l’actualité de ces nouveaux traitements et sur les témoignages des personnes qui ont franchi le pas. Nous allons également dénoncer sans relâche le système politico-financier qui transforme une révolution thérapeutique en politique du rationnement organisée par en haut.

Chronologie d’un rationnement organisé

Nous attendions depuis longtemps ces traitements sans interféron, mais l’espoir de pouvoir traiter toutes les personnes vivant avec une hépatite C s’est rapidement envolé devant les prix des traitements exigés par les laboratoires. L’année 2014 a été un temps fort de mobilisation associative pour alerter les pouvoirs publics sur les conséquences du prix des traitements sur l’accès aux soins.

Le 19 mai 2014, le premier rapport d’experts sur les hépatites virales (Rapport Dhumeaux), a établi des recommandations médicales fortes et innovantes sur l’accès aux nouveaux traitements contre l’hépatite C. Basées sur des bénéfices individuels et collectifs, ces recommandations visaient notamment à éviter les complications et l’évolution vers un stade de cirrhose des personnes atteintes, et à enclencher l’éradication de la maladie en ciblant prioritairement des populations spécifiques.

Le 22 juin 2014, le collège de la Haute autorité de santé (HAS), exceptionnellement saisi par le ministère de la Santé en raison du risque que faisait peser le coût de ces traitements sur l’équilibre de l’Assurance maladie, est revenu sur ces recommandations en proposant l’accès aux traitements aux seules personnes à un stade avancé de la maladie, coïnfectées par le VIH ou souffrant de symptômes extra-hépatiques. Les malades devant désormais attendre que l’état de leur foie et de leur santé se dégrade pour avoir accès aux traitements, les perspectives d’éradication de la maladie s’éloignent à grand pas. Les recommandations visant à permettre l’accès aux traitements quel que soit le stade de fibrose aux usagers de drogues et aux personnes détenues – dans un objectif d’éradication collective de la maladie – sont balayées.

L’arrêté du 18 novembre 2014 relatif aux conditions de prise en charge du Sovaldi® (sofosbuvir) commercialisé par le laboratoire Gilead vient définitivement doucher l’espoir des malades, balayant les recommandations des experts, validant officiellement l’avis de la Haute autorité de santé.

Traitement VHCLe 29 décembre, le ministère des Finances et celui de la Santé organisent le rationnement par lettre d’instruction. Les prescriptions de ces nouveaux traitements sont désormais conditionnées à l’avis de réunions de concertation pluridisciplinaire, organisées dans des centres experts dont le nombre est limité. Ces centres de référence sont parfois à plus d’une centaine de kilomètres du lieu de vie des personnes et de leurs médecins. Ces mêmes professionnels, qui assuraient le suivi au long cours des malades touchés par les effets indésirables lourds des anciens traitements, sont désormais mis sous tutelle.

Le 29 avril 2015, les pouvoirs publics confirment le rationnement des soins par une nouvelle lettre d’instruction.

Le 7 mai, le prix de deux nouveaux traitements est fixé :

  • L’Olysio® (simeprevir) du laboratoire Janssen est fixé à 21 000 € les 12 semaines de traitement ;
  • Le Daklinsa® (daclatasvir) de BMS est fixé à 25 000 € les 12 semaines de traitement.

Les deux agents doivent être pris en association avec le sofosbuvir, soit un prix total de la cure à plus de 60 000 €.

  • Le 17 juin, le prix de l’Harvoni® (association de sofosbuvir et de ledipasvir) de Gilead est fixé à 46 000 €.

Si ce traitement – qui nécessite rarement l’ajout de la ribavirine – ne convient pas à tous les profils de malades, la fixation de son prix vient acter le monopole de Gilead qui dévore le marché, au détriment de l’équilibre de notre Assurance maladie. Devant un prix aussi élevé, les discriminations d’accès aux traitements se multiplient. La coïnfection VIH/VHC, pourtant expressément retenue comme critère d’inclusion dans l’Autorisation de mise sur le marché du sofosbuvir, est souvent jugée insuffisante par les équipes médicales.

Bref, dans le grand travail de mobilisation des patients que nous devons entreprendre pour éradiquer l’hépatite C, le premier obstacle réside dans l’accès aux soins. Il faut donc convaincre les autorités que l’éradication du virus a un coût mais aussi un coup à plusieurs bandes avant d’être un coup d’arrêt porté à la maladie.

Merci à SOS-Hépatites. N’hésitez pas à faire valoir vos droits ou à alerter l’association qui œuvre pour faire évoluer les prescriptions : contact@soshepatites.org.

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