Auteur/autrice : Kritik

Alain Roy « Une éducation nationale à la consommation de drogues s’impose »

Le sociologue Alain Roy accumule les expériences et les savoirs, tant personnels que professionnels sur les drogues depuis 1967. Il fréquente aussi bien les consommateurs vulnérables, les toxicomanes précaires, les usagers sans problème, les ados curieux, que les consommateurs sans limites ou les dealers. Pour ses observations, il s’est aussi glissé à l’occasion du côté des trafiquants.

Formateur et concepteur d’outils pédagogiques chevronné pour les parents, les pro ou encore les institutions, il a écrit le livre Exploration Drogues : premier contact destiné au 11-15 ans.

ASUD : Vous commencez votre livre par une anecdote mettant en scène le discours caricatural de votre mère sur les drogues quand vous étiez enfant. Quels rapports avez-vous avec vos 2 enfants au sujet des drogues ?

Alain Roy : Mes enfants ont reçu une éducation sur les drogues depuis leur tout jeune âge, au même titre que la santé, l’alimentation, la sexualité, etc. Ils savent qu’idéalement, il serait préférable de n’en consommer aucune avant l’âge de la maturité, autour de 17-20 ans. Ils savent aussi qu’il peut tout de même y avoir un usage acceptable tel que défini dans le livre.

À 3-4 ans, ils avaient goûté du bout des lèvres à l’alcool qu’ils ont réessayé à 15 ans. Au même âge, ils ont connu leur première cuite. À 6 ans, ils savaient déjà que le chocolat contenait entre autre une substance excitante et qu’il fallait en consommer modérément et préférablement avant 15 heures pour ne pas nuire au sommeil. Bien sûr, il y avait les fameux cas d’exception qui confirment la règle. À 14 ans, Alexis a essayé la marijuana qu’il a tout de suite délaissée. Au même âge, il a fumé la cigarette à laquelle il s’est attaché jusqu’à l’âge de 27 ans. Comme père monoparental avec garde de ses enfants à temps complet, je dois dire que la consommation de mes enfants a été acceptable sauf pour la consommation de cigarette d’Alexis. Ils n’ont jamais essayé aucune autre drogue illégale.

Aujourd’hui adultes (35 et 37 ans), ils consomment de l’alcool à l’occasion, prennent 1 ou 2 cafés par jour et n’ont jamais consommé de médicaments psychoactifs. Mon éducation sur les drogues a joué un tout petit rôle mais elle était essentielle. Mon rôle de père est venu confirmer ma vision des drogues.

Revenons au livre. Comment son message est-il accueilli par les ados et les éducateurs ?

Avant la parution, j’avais déjà une bonne idée de l’accueil qu’il recevrait. Pendant des années, j’ai livré la vision et le contenu du livre auprès des jeunes, des parents et des intervenants.

Les jeunes trouvent le livre très beau et attrayant. Ils disent qu’ils ont beaucoup appris, que ça les a fait réfléchir, qu’ils ont eu des réponses à leur questions et que les messages étaient réalistes et convenaient à leur âge. Quant aux parents et aux intervenants, ils se disent contents d’avoir un livre qui leur permette d’aborder le sujet des drogues de manière objective, réaliste, concrète, rigoureuse, nuancée et adaptée aux jeunes et à eux. La majorité se montre d’accord avec la vision, le contenu et les propositions d’usage acceptable.

À part quelques exceptions, le message global passe très bien auprès des jeunes, des parents, des intervenants et des institutions. La population accepte bien l’idée d’aller vers une éducation à la consommation, ce qui inclut la non-consommation. Les plus grands utilisateurs du livre sont les éducateurs et les intervenants des écoles et des centres de réadaptation pour les jeunes en difficulté qui s’en servent comme programme éducatif.

Cependant quelques intervenants croient que les parents ne sont pas encore prêts à entendre et accepter ce discours. Évidemment, je suis en désaccord avec eux car mes rencontres m’ont démontré le contraire.

cerveau sens
Illustration issue de Exploration Drogues : premier contact (MultiMondes, 2013)

Le livre n’aborde en détail que le plus banalisé des stupéfiants, le cannabis. Donnez-vous les mêmes conseils et la même liberté de choix aux mineurs qui parfois consomment d’autres produits illicites tels la cocaïne, l’héroïne, le MDMA… ?

Oui, je donne essentiellement, avec certaines nuances, les mêmes conseils et la même liberté de choix aux mineurs pour ces autres substances. Mon rôle consiste à donner aux jeunes les éléments de connaissance et de réflexion suffisants pour les amener à faire des choix éclairés et argumentés de consommation ou de non-consommation. Cette conscientisation effectuée, je leur précise qu’ils ne seront plus jamais les mêmes devant leur choix de consommation. Ils ne pourront plus se servir de l’argument de l’inconscience.

Les jeunes se retrouvent donc face à eux-mêmes et à leur propre choix. Ils savent qu’ils doivent se poser plusieurs questions sur eux-mêmes et sur ces drogues avant de consommer. Ils sont au courant des risques de consommer ces substances et de la difficulté de connaître la composition des substances. Ils connaissent les lois et les issues positives ou négatives de la consommation de ces drogues illicites. Ces jeunes se trouvent un peu désemparés de se retrouver seuls face à ce choix qui les responsabilise. Devant ce questionnement difficile et cette responsabilité trop lourde à assumer, la majorité préfère ne rien prendre. C’est donc une minorité qui fait le choix de consommer malgré leur connaissance des risques de leur consommation. Et pour la majorité d’entre eux, cette consommation sera exploratoire et transitoire. Et pour les autres qui s’enfoncent, leur consommation constitue un problème parmi tant d’autres déjà vécus avant de consommer.

Un livre sur les drogues illégales auprès des 14-17 ans, poursuivant cette même approche éducative et de conscientisation, pourrait et devrait effectivement être conçu.

En promouvant l’accès à une information objective, vous êtes très proches de la démarche dite de réduction des risques (RdR). Défendez-vous également l’accès au matériel et aux services de RdR : paille, seringue, analyse de drogues, espace de consommation, etc. ?

Mon travail quotidien ne me conduit pas à défendre cette position ; et la RdR, bien que corollaire de mon approche éducative générale, n’est pas un objectif pour moi. Mais il m’apparaît évident que l’accès au matériel et aux services auprès des jeunes consommateurs est une nécessité incontournable. Cela va de soi dans la mesure où ces services sont insérés dans une politique des drogues et des usages, d’une réflexion, et d’une éducation à la consommation acceptable. Il ne faudrait pas que ces services soient donnés sans conscientisation, sans contrôle, sans responsabilisation des usagers. Ceux-ci doivent comprendre que cette démarche, qui suppose des coûts onéreux, doit être faite avec grand sérieux. Ils doivent réaliser qu’une bonne partie de la population est en désaccord avec cette politique qui, selon elle, encourage et perpétue la consommation.

Poussons la logique de l’éducation aux drogues jusqu’au bout. Les enfants sont souvent témoins des consommations des drogues légales de leurs parents. Pensez-vous que les parents consommateurs de produits illicites devraient faire de même en ne cachant pas leur consommation ?

Compte tenu des lois actuelles, je crois que les parents ne devraient faire usage d’aucune drogue illégale devant leurs enfants ni consommer avec eux. Les enfants ne seraient pas en mesure d’assumer les conséquences juridiques d’un tel choix. Ce serait un très mauvais exemple de défier la loi malgré ses incohérences.

Cependant, nous devons leur expliquer notre désaccord et notre choix de ne pas consommer avec eux ou en leur présence. Les parents doivent leur signaler que si nous étions dans une société cohérente, le problème ne se poserait pas. Comme avec l’alcool, ils pourraient le faire devant ou avec eux.

Ma position idéaliste est de ne consommer aucune drogue avant l’âge de la maturité. Ma position réaliste propose un usage qui peut être acceptable pour l’individu et la société, quelle que soit la drogue consommée. Si toutes les drogues étaient légales et que les conditions d’usage acceptable étaient définies pour tous et pour toutes les drogues, les parents seraient les premiers responsables de l’éducation à la consommation auprès de leurs enfants et assumeraient avec eux les conséquences de leurs comportements de consommation.

Drogues & Nous cerveau
Illustration issue de Exploration Drogues : premier contact (MultiMondes, 2013)

Quelle place doit avoir le pouvoir médical à qui l’on confie en priorité nos enfants sur la question des drogues, surtout s’ils en consomment ?

La presque totalité des interventions à réaliser chez les adolescents dans leur consommation de drogues ne nécessite pas d’interventions médicales ni d’interventions spécialisées. Pourquoi ? Tout simplement parce la grande majorité d’entre eux ont une consommation acceptable et ne connaissent pas de problèmes avec les drogues. Leur consommation devient souvent problématique quand la société rend certaines drogues illégales et développe autour des drogues et des usages, une vision négative, alarmante, dramatisante, guerrière, manichéenne, psychologisante, médicalisante, institutionnalisante, interventionniste… Comme le docteur Knock, plusieurs croient encore que derrière tout consommateur sommeille un toxicomane. Et pourtant, ne deviens pas toxicomane qui veut. Ça prend toute une personnalité, tout un usage et tout un environnement pour y arriver. C’est si difficile.

La compréhension du phénomène de la consommation des drogues et de la toxicomanie couvre divers aspects : politiques, économiques, psychologiques, sociologiques, culturels, biologiques, chimiques, philosophiques… Les intervenants médicaux doivent intervenir dans leurs champs de compétence : les cas de dépendance, de consommation abusive ou dans les urgences médicales qui nécessitent des interventions spécialisées de nature physique ou d’urgence. Mis à part les cas d’urgences médicales, leurs interventions devraient généralement arriver en bout de piste, après celles des parents, des éducateurs et des autres intervenants sociaux.

Malheureusement, notre société a développé une approche interventionniste et un réflexe de référence qui a conduit les adolescents, les parents et les éducateurs à croire que la consommation nécessitait une intervention spécialisée et de haut niveau. Pour ma part, je crois qu’il faut rendre les gens autonomes, responsables, compétents et indépendants. Ils doivent recourir aux autres quand ils sont au bout de leurs ressources personnelles. Ils doivent y aller par étape, en essayant de ne pas institutionnaliser et médicaliser les problèmes inhérents à la vie quotidienne.

Dans mes rencontres avec les adolescents et les parents, j’ai toujours dit que je voulais les amener à se passer de mes services le plus vite possible et à se faire confiance. D’ailleurs, je crois que la plupart des gens trouvent les solutions à leurs problèmes, seuls avec eux-mêmes.

Au niveau international, la politique de « guerre à la Drogue » est de plus en plus mise à mal et de nombreuses réformes locales voient le jour. Vers quoi selon vous l' »usage acceptable des drogues pour la société » doit-il évoluer ?

Les classifications internationales sur les drogues n’ont rien à voir avec leur dangerosité. Elles reposent sur des considérations historiques, économiques, politiques, religieuses, morales, etc., bien loin de la science et d’une vision objective des drogues et des usages. De cette illégalité, il en résulte des conséquences désastreuses pour nos sociétés, entre autres celle de ne pas connaître la composition des drogues illicites, ce qui constitue une condition fondamentale de tous les usages.

À partir de cette vision faussée, partiale, réactionnaire et finalement inefficace, nos gouvernements, nos institutions, nos intervenants, nos parents, nos enfants, nos consommateurs, se retrouvent dans la confusion et l’incohérence. Notre discours sur les drogues est illogique et non crédible.

Il devient donc évident que, devant l’augmentation de la consommation, de l’accessibilité et de la diversité des produits, nos gouvernements ont perdu le contrôle. Ils sont derrière un phénomène qui les devance.
Parmi les premiers changements à effectuer, il y aurait les 4 suivants :

  1. Avoir une vision objective, réaliste, nuancée et adaptée aux réalités des drogues et des usages.
  2. Bâtir de nouvelles législations nationales et internationales fondées sur les données scientifiques et dans l’objectif de promouvoir la santé et la sécurité des citoyens.
  3. Réaliser des programmes d’éducation à la consommation dans les milieux scolaires, sociaux et de travail.
  4. Promouvoir l’approche de réduction des risques.

Avec de tels changements, nous pourrions éviter ou diminuer bien des dommages sanitaires, judiciaires et sociaux des substances psychoactives.

Dans votre modèle, quelle place faites-vous aux sanctions envers les consommateurs de drogues ?

Dans mon modèle, il n’y a aucune place pour la pénalisation des usages de drogues illégales, autant chez les mineurs que chez les majeurs. Je suis pour la dépénalisation, la décriminalisation, la déjudiciarisation et la décontraventionnalisation des usages car la consommation ne m’apparaît pas répréhensible en soi.

Par contre, je suis pour la pénalisation des états d’ivresse au volant. Dans ce cas, il ne s’agit pas de punir l’ivresse mais de pénaliser le fait d’être ivre au volant. Ce que nous devons pénaliser, c’est l’acte répréhensible (vol, agression sexuelle…) et non la cause, quelle qu’elle soit.

Quelles soient d’origine naturelle (végétale, minérale ou animale), semi-synthétique ou synthétique, les drogues sont des substances sans conscience et sans intention. Par conséquent, elles ne peuvent être tenues responsables de quoi que ce soit. Comme les marteaux, les automobiles et les couteaux, les drogues font partie des produits à risque et de plaisir, dont l’issue négative ou positive dépend de l’utilisateur, de l’usage qu’il en fait et de l’environnement dans lequel se réalise la consommation.

Couverture de Exploration Drogues : premier contact (MultiMonde, 2013)Lire aussi la critique du livre
Exploration Drogues : premier contact

Exploration drogues : Premier contact 11-15 ans

Alain Roy relève avec brio le défi d’écrire un livre sur les drogues destiné aux ados. Jamais dramatisant ni banalisant, il tente de renouer la confiance avec ce public qui a arrêté de croire aux mensonges des adultes depuis trop longtemps.

Arrivé à la fin de l’été 2013 pour les jeunes Québécois, Exploration Drogues, Premier contact, est aussi disponible en France depuis cette même date en version papier et électronique. Malheureusement, aucun spécialiste des ados que nous avons rencontrés ou presque ne semble le savoir. De quoi s’agit-il ?

Ceci est une révolution

De la même façon que l’abandon progressif des politiques d’abstinence et de sevrage frappe la fourmilière du traitement des toxicomanies et de l’alcoolisme à grands coups de consommation prescrite, voire maîtrisée, la prévention de l’usage de drogues auprès des jeunes se voit ici reprogrammée en une séance d’informations objectives sur les produits et leurs effets dans une optique plus sociologique que médicale.

À quoi ressemble un choix éclairé de consommation pour un jeune entre 11 et 15 ans ? Pour y arriver, Alain Roy, aka M. Drogues, fait du fonctionnement biologique et psychique des substances psychoactives toutes catégories confondues un passage de lecture obligé. Le premier élément qui permet de briser la glace de la méfiance entre le jeune et l’adulte est la suppression des frontières imaginaires entre les produits légaux et illégaux. C’est juste une norme sociale, explique-t-il, qui n’a rien à voir avec la dangerosité d’un produit. Caféine, nicotine, alcool, médicaments psychotropes et cannabis sont traités pareil, c’est-à-dire en respectant les particularités de chaque substance. Les jeunes ne se fient plus aux messages officiels car ils savent qu’ils visent toujours à leur faire peur, pas à les informer. Alors, M. Drogues informe, montre des images, fait des schémas, vulgarise et répond aux questions des jeunes sans tabou. La maquette est colorée, aérée et psychédélique

Dis papa comment on fait les drogués ?

À travers des scénarios simples et réalistes, il dissèque les comportements des 11-15 ans sous l’influence de ces produits en diverses occasions : seul, en groupe, lors d’une fête, en période d’examen… Il autopsie les facteurs de choix individuels qui conduisent à l’abus, à l’incident, à la dépendance, mais aussi au plaisir d’une consommation maîtrisée ! L’acte de bravoure du livre est de compléter chacune de ses fiches-produits par une série de conseils de consommation à respecter pour rester dans un usage acceptable pour soi et la société.

Loin d’être une autorisation à se droguer, ces conseils impliquent habilement les parents, et leur redonnent une responsabilité dont ils cherchent à se débarrasser et qu’ils ont volontiers déléguée à la morale et/ou aux professionnels. Ce livre ne vise pas à émanciper les collégiens de leurs parents à propos des drogues. Au contraire, il permet de les faire discuter ensemble de cet usage acceptable dans une société en perte de repères sur la question. Ce livre est donc aussi un guide pour que les gens ordinaires puissent se positionner là où les scientifiques et les législations se contredisent. Un cahier d’exercices associé au livre est en vente chez le même éditeur.

Exploration Drogue : Premier contact 11-15 ans (et son cahier d’exercice)
Auteur : Alain Roy assisté par Lisa Ann Ellington
Éditeur : MultiMondes
Tarif : 35€ papier / 20€ électronique (cahier d’exercice : 15€ papier / 7€ électronique)

Feuilleter quelques extraits du livre

M DroguesM. Drogues vs. Drogue Info ServiceDrogues info service

Si en France il n’y a pas d’équivalent au livre d’Alain Roy, il existe néanmoins un service de l’État discret mais efficace 7j/7 qui répond aux questions des jeunes sur les drogues. Nous avons posé à Drogues Info Service les mêmes questions qu’à ce M. Drogues canadien en nous faisant passer pour des ados. Comparatif d’extraits de réponses :

Philippe, 13 ans :
Est-il préférable/acceptable pour un jeune de mon âge de prendre ou de ne pas prendre de l’alcool ?

M. Drogues Drogues Info Service

Si tu respectes les conditions de l’usage acceptable d’alcool, alors c’est vraiment une question de choix personnel.

Commencer à consommer maintenant serait plutôt « inacceptable » et nocif pour votre équilibre tant physique que psychique.

Justine, 15 ans :
Est-il vrai qu’il y a moins de risques d’abuser du shit que de l’alcool ?

M. Drogues Drogues Info Service

Je dois t’avouer que le risque de faire un abus est plus grand avec l’alcool. Chaque année, plusieurs jeunes se retrouvent à l’hôpital à cause de l’alcool, ce qui arrive rarement avec le shit.

Il est vrai que le cannabis a une toxicité moins élevée que l’alcool. On peut mourir d’une trop grosse consommation d’alcool alors qu’il n’existe pas « d’overdose » liée à une consommation excessive de cannabis.

Jérémy, 15 ans :
Est-ce que je peux fumer 10 joints de beuh par an sans nuire à mon développement ?

M. Drogues Drogues Info Service

La réponse est oui.
Depuis une quarantaine d’années, les études démontrent que cette quantité annuelle ne nuit pas au développement de la majorité des jeunes.

D’un point de vue physiologique, certaines études tendent à montrer qu’une consommation précoce de cannabis peut avoir des effets sur les performances intellectuelles à l’âge adulte.
D’un point de vue psychologique, on sait que consommer tôt un produit psychotrope augmente le risque d’en être dépendant dans les années qui suivent

Didi, 15 ans :
Est-il vrai qu’une jeune qui commence à fumer du shit à 14 ans a 80% de chances de finir un jour par prendre de l’héroïne et devenir dépendante ?

M. Drogues Drogues Info Service

Non ce n’est pas vrai. C’est une fausse rumeur.Les études scientifiques démontrent qu’il n’y a même pas 1% des fumeurs de cannabis qui deviennent dépendants de l’héroïne.

La « théorie de l’escalade » est fausse. Ce n’est pas une drogue en soi qui appelle la consommation d’une autre qui serait plus forte, ce sont d’autres raisons, comme par exemple la curiosité, la recherche de plaisir, ou encore une recherche d’effets différents pour tenter de gérer un problème ou une souffrance.

24h Chrono de la vie d’un tox au boulot

Pas facile d’être accro et de n’éveiller aucun soupçon à ce sujet sur son lieu de travail. Surtout quand on s’appelle Jack Bauer et que le boulot consiste tous les ans pendant une journée à sauver le monde de la menace terroriste. La drogue au travail est l’une des intrigues secondaire de la saison 3 de la série 24 Heures Chrono.

Après un an passé à avoir infiltré un cartel de narcos mexicain, Jack Bauer a mis leur chef sous des verrous made in USA. L’infiltration de Jack est finie, il va retourner au bureau avec ses collègues. Seul hic, il est entretemps devenu accro à l’héro. L’occasion pour la morale américaine de nous montrer à grands coups de clichés le combat d’un (sur)homme contre son addiction. Il est 13h.

13h20
Jack montre des signes de manque, son coéquipier s’en rend compte. Lourds regards accusateurs et compassionnels à la fois.

13h26
Jack fait une crise de manque seul dans son bureau.

13h50
Son coéquipier lui annonce qu’il sait. Il ne dira rien à la hiérarchie mais désapprouve sa faiblesse.

13h51
Jack se prépare un shoot au bureau.

13h54
Sa fille l’appelle. Elle ne sait rien. Jack pense à elle, se sent coupable et renonce à son shoot.

14h01
Jack jette sa seringue pleine dans la corbeille à papier.

14h05
Son coéquipier lui propose d’essayer la méthadone plutôt que de shooter au bureau.

14h38
Pour son enquête, Jack fait une descente dans un squat de tox et tombe sur un injecteur. Jack marque une pause. Est-il dégouté ou aimerait-il être à sa place ?

15h00
Nouvelle crise de manque pour Jack qui attend quelqu’un dans sa voiture. Il décide de se shooter mais son rencard arrive juste avant qu’il n’ait pu s’injecter. Il planque son matos mais sa préparation glisse côté passager.

15h23
Jack vomit et ce n’est pas le mal de mer !

asud55 p32 24H Chrono15h40
Une docteure liée à l’enquête monte dans sa voiture et voit sa préparation. Elle comprend qu’il est en manque et le questionne. Jack avoue sa dépendance. Soulagement de pouvoir le dire à quelqu’un qui ne le juge pas.

16h40
Son coéquipier refuse d’exécuter un ordre au prétexte que c’est un camé. Il le prévient qu’il ne le couvrira plus à ce sujet.

17h43
Une collègue de Jack trouve la seringue qu’il a jetée à la poubelle. Elle fait analyser le contenu. C’est bien de LA Drogue. Toute l’équipe perd confiance en Jack et décide de dire à sa fille que son père est un drogué.

18h42
Jack est à nouveau en manque alors qu’il est prisonnier du cartel qu’il avait infiltré. On lui fait remarquer qu’il n’était pas obligé de se shooter pour s’intégrer parmi eux. S’il l’a fait, c’est pour soulager son mal-être.

19h25
Jack se réveille en manque dans un avion après avoir été assommé, ce qui ne l’empêche pas de tuer son gardien rien qu’avec les jambes.

20h15
Jack est en manque dans la villa du cartel.

21h10
Le chef du cartel propose à Jack de la méthadone. Il la prend pour enfin calmer son manque (les scénaristes ont dû se lasser des crises de manque qui ralentissaient l’histoire).

02h07
Jack revient au bureau. Tout le monde est au courant de sa dépendance. Son boss lui demande de se faire soigner sinon ils ne travailleront plus avec lui. Il accepte sur le champ et l’annonce à sa fille avant de se rendre à l’infirmerie pour une prise de sang.

02h30
Jack est envoyé chez un psy à qui il raconte son parcours dans la drogue. Il affirme s’être drogué pour des raisons uniquement professionnelles pour les besoins de l’infiltration. Ses supérieurs en doutent et pensent qu’il y a aussi pris du plaisir. Si c’est le cas, c’est une faute qui peut lui faire perdre sa place.

11h15
Jack explique à son boss qu’il s’est drogué par devoir patriotique et comme il vient de sauver le monde une nouvelle fois, on ne lui annonce pas tout de suite qu’il est viré pour s’être drogué. Il l’apprendra au début de la saison 4.

Bravo Jack, comme beaucoup d’entre nous, tu as dû te cacher, risquer ton job, galérer pour trouver une dose ou un coin tranquille pour shooter. Mais surtout, tu as senti le regard de tes proches, famille et collègues, changer sur toi pour la seule et unique raison que tu avais besoin de remplir ton corps de quelques molécules légalement prohibées et moralement répudiées. Mais en huit heures à peine dans la peau d’un tox, tu as trouvé le meilleur moyen, bien connu par chez nous quand l’ardeur militante n’est pas là, de contourner ces désagréments : le profil bas, le mensonge, le pipotage… Bref, tu leur as servi le discours que la société veut entendre pour qu’on nous fiche la paix. Mais y croyais-tu Jack ?

Dallas Buyers Club

D’emblée, je pourrais dire que Dallas Buyers Club est un film asudien. Et cela devrait te suffire, cher lecteur, pour aller illico le mater par tout moyen légal ou illégal. Ah, je vois que tu continues à lire quand même cette critique, il va donc falloir que j’en dise plus.

Disons que ce film traite à la fois de l’épidémie du sida, de l’autosupport, de l’usage de drogues, du pouvoir médical et de la prohibition, et de comment ce cocktail amène à une révolution de l’âme humaine sans précédent. C’est plus clair à présent ? Non ? Bon, je dois donc développer. OK.

C’est l’histoire d’un chaud lapin texan fan de rodéo, c’est-à-dire un cul-terreux alcoolique et homophobe aussi porté sur la défonce, tour à tour escroc ou électricien, selon les opportunités de jobs du jour. Un expert en survie, quoi.

Le film commence le jour où ce héros (car oui, c’en est un, vous verrez) se réveille à l’hôpital suite à un malaise en apprenant qu’il a le sida et que, vu son taux de T4, c’est un miracle qu’il soit encore en vie. J’ai oublié de vous préciser que nous sommes en 1985 et par conséquent, le médecin affirme qu’il lui reste environ 30 jours à vivre. On lui propose cependant d’entrer dans un protocole de test d’un nouveau médicament : le très controversé AZT.

Le délinquant comme réformateur social

Cela aurait pu être un film sur la mort mais contre toute attente, notre cow-boy, violemment rejeté par ses proches, n’est pas trop con. Seul, il va se renseigner à fond sur cette nouvelle maladie et les traitements en cours de tests partout dans le monde. Rapidement, il se rend compte que l’AZT, c’est bullshit et qu’il existe mieux ailleurs.

N’ayant pas pour habitude de respecter la loi ou de se résigner, notre tête brûlée texane, flanquée d’une folle pédale, entreprend alors d’importer illégalement les médicaments qu’il lui faut et se rend vite compte qu’il peut se faire du blé grâce à tous les autres malades qui en veulent aussi. Il commence alors une entreprise d’import et de distribution : le Dallas Buyers Club, qui réunit des malades condamnés comme lui par l’establishment politico-médical. Ce dernier n’aura de cesse de lui mettre des bâtons dans les roues alors que les faits sont de son côté : allongement de l’espérance de vie, espoir et dignité retrouvés. Il devient alors le symbole du malade militant qui transforme ses proches et la société par ses actes pour survivre.

Cinématographiquement, le film est brillant avec un style simili documentaire. Les deux acteurs principaux, Matthew McConaughey (goldenglobisé en séropo nerveux) et Jarred Leto (oscarisé en homo sexy), démontrent à ceux qui en doutaient encore l’étendue de leur immense talent.

Et pour les derniers sceptiques qui pensent qu’il s’agit d’un conte de fées hollywoodien : le film est bien sûr tiré d’une histoire vraie. Une réelle leçon de militantisme asudien, on vous dit.

 

Breaking Bad, le final

Qu’il doit être difficile de choisir l’issue finale d’une série dont le personnage principal est un antihéros immoral. Quelle valeur faire triompher ? Le bien ou le mal ? Punition ou rédemption ? La conclusion de Breaking bad est-elle aussi bien que celle de Weeds, l’autre série stupéfiante suivie par ASUD ?

A ce jeu d’équilibriste les séries Dexter (le gentil serial Killer) et Dr House (le méchant médecin génial) ont pondu des épisodes finaux mi-figue mi-raisin pour contenter tout le monde : la morale (rédemption pour tous), les fans (les héros ne meurent pas) et le bizness (on pourra faire une suite). C’est à peu près ainsi que se terminait la 1ère partie de la 5ème et dernière saison de Breaking bad en juillet 2012. Ce pseudo happy end ne collant pas avec le titre de la série, les choses se devaient de mal tourner dans les 8 ultimes épisodes diffusés plus d’un an plus tard en août 2013.

Serial-Dealers

Cet article fait partie du dossier Serial Dealers.

Previously on Breaking Bad

Les vrais Walter White derrière les barreaux

C’est un nom prédestiné ! Aux Etats-Unis au moins 2 homonymes ont déjà été condamnés en Alabama et dans le Montana pour fabrication et trafic de méthamphétamine.

Walter White est un homme au milieu du gué. Cet américain de la middle class dans le middle age, prof de chimie de 50 ans, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon et qu’il lui reste 3 mois à vivre. Pour payer ses exorbitants frais médicaux, il va tenter de gagner rapidement beaucoup d’argent en utilisant ses compétences de chimie pour fabriquer de la méthamphétamine. Pour entrer dans ce milieu inconnu, il s’associe avec Jesse, un ancien élève consommateur de meth et dealer. Tous deux, au fil des saisons gravissent en quelque mois, l’échelle du trafic de stupéfiants local puis international grâce à l’exceptionnelle pureté du produit et l’écrasante intelligence de Walter. Cette réussite va faire de Walter un riche et puissant parrain du milieu, sous le nom d’emprunt Heisenberg,  auquel rien ne résiste pas même le cancer. Le prix de cette ascension est une descente aux enfers, morale et psychologique. Les personnages doivent repousser sans cesse leurs limites pour ne pas y laisser leur peau : mensonge, manipulation, trahison, violence, chantage, corruption, mort… deviennent nécessaires pour évoluer dans ce milieu hostile, clandestin et criminel. L’humour n’est pourtant pas oubliée dans cette série à la réalisation de qualité. La saison 5 est d’ailleurs entrée au Guinness Book pour avoir obtenue la meilleure note critique (99%) sur le site Metacritic.com.

Échapper à la police est l’un des principaux enjeux de la série. Il s’incarne dans la relation entre Walter et son beau-frère Hank qui est un enquêteur de la DEA (les stups américains). Hank gravit lui aussi les échelons et devient directeur par son excellent travail sans savoir qu’il est manipulé par Walter qui s’en sert pour éliminer sa concurrence. Au milieu de la 5ème saison lors d’un diner familial chez Walter, plusieurs mois après que celui-ci se soit définitivement retiré des affaires, Hank découvre une preuve que Walter et Heisenberg sont la même personne.

Quant au fragile Jesse, il est rongé par les morts que lui et Walter ont causé au cours de leur aventure notamment celle d’un enfant, témoin innocent abattu de sang froid. Il décide de renoncer à l’argent acquis par le sang et nourrit une haine grandissante envers Walter.

Breaking Bad (Season 5)

Drogue, l’autre cancer

La fin de la série met en scène l’affrontement de Walter contre Hank et Jesse, personnages pour qui il a une vraie affection et qu’il a tenté de protéger à plusieurs reprises. Tous deux veulent lui faire payer le mal qu’il a causé autour de lui. Walter doit aussi s’affronter lui-même puisque le cancer est revenu. Cancer que Walter n’a jamais cessé d’avoir en réalité et qui était passé du stade biologique au stade psychologique. L’égocentrisme et la mégalomanie durant sa période Heisenberg avaient dévoré sa personnalité.

L’image du cancer qui se multiplie jusqu’à une issue fatale est finalement au centre de la série de son ouverture à son dénouement. Le remake mexicain s’appelle d’ailleurs « Metastasis« . Au delà de la maladie, il y a bien sûr le cancer de l’argent que Walter accumule jusqu’à ne plus savoir combien il possède. Il va de paire avec celui du pouvoir qui ne s’arrêtera que lorsque Walter aura atteint le sommet, seul, sans amis ni famille. Ces deux quêtes, argent et pouvoir, vont engendrer deux autres cancers. Côté pile, la violence appelle la violence et ce qui était de la légitime défense au début de la série va devenir l’élimination systématique de tous ceux qui se mettent en travers de la route de Walter. L’apogée sera l’organisation d’un nonuple homicide simultané dans différentes prisons pour protéger son identité. Côté face, le secret mène aux mensonges, en premier lieu à sa femme puis avec elle, ils ne cessent de grossir. Leur place est telle que Walter devient paranoïaque et n’arrive plus à faire confiance à qui que se soit. La dissimulation de la vérité devient vite une préoccupation aussi vitale que le besoin d’argent, elle le supplante même durant la dernière saison.

Prohibition, l’autre chimio

Pour vaincre le cancer Walter doit d’abord se battre contre son traitement : une chimiothérapie qui affaiblit son organisme et un endettement causé par ses frais médicaux. Difficile de ne pas y voir une analogie avec « la guerre à la drogue », cette politique sécuritaire qui affaiblit la société en s’attaquant plus aux drogués qu’aux produits tout en favorisant les réseaux criminels. Et dont le coût est de plusieurs dizaines de milliards d’euros depuis plus de 40 ans. Le cancer a aussi la particularité que l’on parle rarement de guérison mais plutôt de rémission plus ou moins complète à cause du risque de récidive toujours présent. Un traitement lourd et coûteux, aux résultats plus qu’imparfaits, qui détruit des cellules saines, si la Drogue est un cancer (c’était le titre d’un rapport sénatorial en 2003) alors la Prohibition est une chimiothérapie que l’on continuerait coûte que coûte.

Malheureusement pour Walter, il n’existe pas d’alternative politique à court terme qui pourrait le sauver. Contrairement à la fin de la série Weeds qui anticipait en 2012 avec un an d’avance la légalisation de l’usage récréatif de cannabis, la méthamphétamine n’est pas près d’être légalisée. Cela ne pouvait que finir bad pour Walter et Hank. Trafiquants et policiers, la chair à canon de cette guerre, n’ont d’existence que par la prohibition qui ironiquement les rend interdépendants.

BB_516_UC_0401_0760[1]

La vraie fin de la série…

Bryan Cranston n’est pas seulement le meilleur acteur (et c’est Anthony Hopkins qui le dit) pour son rôle dans la série Breaking Bad. Il officiait avant dans la série comique Malcom en tant que Hal, le père (cette fois-ci) immature d’un enfant (cette fois-ci) surdoué. A l’occasion de la fin de Breaking Bad, il reprend le rôle de Hal dans une scène en clin d’œil à son autre série. C’est bon tout le monde à suivi ?

Les seuls à s’en sortir malgré tous les dommages collatéraux qu’ils subissent sont les civils ainsi que Jesse, le consommateur de la série. Le message est clair, il y aura toujours des gens qui auront envie de se droguer, même après l’extinction du dernier prohibitionniste et du dernier dealer. Comme si son appétit pour la drogue, qui n’engage que lui, l’avait protégé de la soif d’argent et de pouvoir qui détruisent les autres personnages. Lui seul garde une sensibilité humaniste tout au long de la série, là où les autres personnages se comportent en machines rationnellement conformistes selon le camp dans lequel elles opèrent. Et si la drogue était le dernier refuge de ceux qui n’acceptent pas le cynisme du ce système et qui préfère le voir s’effondrer pour repartir à zéro.

Série de Vince Gilligan, 5 Saisons, 2008-2013. Disponible en DVD, Blu-Ray et VOD.

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

Breaking Bad Saison 5, 1ère partie

Walter a gagné. Il s’est débarrassé de son patron, Gus Fring, l’ennemi juré de la saison 4. Que va-t-il faire maintenant qu’il est libre ? Arrêter la production de méthamphétamines et reprendre une vie normale ou devenir calife à la place du calife ? En toute logique avec l’évolution du personnage, il choisira cette dernière voie. Qu’il semble loin le petit prof de chimie non fumeur ayant raté les cinquante premières années de sa vie et qui se découvre atteint d’un cancer du poumon. Dans cette saison, Walter fête ses 51 ans. Un an seulement s’est écoulé depuis le début de la série. Quelle densité et quelle rapidité pour devenir un « parrain de la drogue ». Cette ascension sociale fulgurante dans le monde du crime organisé rappelle à Walter combien il était un jeune étudiant ambitieux qui n’avait pas su saisir les bonnes opportunités à l’époque.

Il n’avait simplement pas imaginé qu’il réaliserait son rêve de pouvoir dans le trafic de stupéfiants. Qu’importe ! Le rêve américain n’a pas d’odeur et il l’embrasse pleinement au mépris de la loi, de sa famille, de ses amis, de lui-même. Sa cupidité est sans limite, au point que sa femme n’arrive plus à blanchir les billets qui rentrent trop nombreux et trop vite.

Tel un dealer sans scrupule qui, après vous avoir accroché, arrête de vous fournir, la chaîne de télé AMC a décidé de diffuser la saison 5 en deux parties. Les 8 premiers épisodes sont passés entre juillet et septembre et les 8 prochains, devant clôturer définitivement la série, ne le seront pas avant… l’été 2013 ! En cas de crise de manque, le coffre DVD/Bluray des 3 premières saisons vient de sortir avec de nombreux bonus. La saison 4 sort en DVD fin décembre.

breaking_bad_13406375616409

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

Weeds saison 8 finale

La chaîne de télé américaine Showtime a allumé son splif en 2005. Carton immédiat. Weeds, avec sa mère de famille dealeuse de beuh, est devenue le fer de lance de la chaîne. Sept ans plus tard, c’est l’heure de la dernière bouffée après deux ans de sursis.

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

nancy-la-victime
Avant

Les fans de la série pensaient que la saison 7, commandée in extremis par la chaîne, serait la dernière car elle n’avait pas pré-acheté de nouvelle saison. En septembre 2011, l’épisode final était décevant car Nancy, qui semblait prête à se retirer des affaires, se faisait tirer dessus lors d’un happy end familial. La morale est celle de tous les films de gangsters : se retirer est impossible, le business vous rattrape toujours. La saison 6 ayant déjà failli être la dernière, la plupart des amateurs de Weeds s’étaient résignés à cette conclusion beaucoup trop sage. Où était donc passé la provocation, véritable marque de fabrique de la série ? Certains se consolaient en pensant que ce choix scénaristique était en lui-même provoquant par sa non-provoc’. Heureusement, l’espoir revint en janvier 2012 lorsque les producteurs de la série annoncèrent une ultime saison pour l’été.

Reboot

tumblr_m6ikwwK9TQ1r2u340o2_1280
Après

La saison 8 comprend 13 épisodes diffusés entre juillet et septembre 2012. Elle reprend là où s’est arrêtée la saison précédente : Nancy s’est pris une balle dans la tête mais en réchappe. En sortant du coma, elle se jure de ne plus dealer et de devenir une bonne personne, une bonne mère, de se trouver un mari et un boulot honnête. La bonne trouvaille des auteurs est de créer des situations qui vont mettre à l’épreuve Nancy et ses nouvelles résolutions. Surtout que son fils aîné est bien décidé à continuer le business. Les incontournables de la série sont là comme une efficace routine : les frasques sexuelles d’Andy, le cynisme de Doug, l’hystérie de Jill, la MILF de Silas, les personnages secondaires excentriques, les come-back inattendus…

Andy + Nancy = ?

Qui dit ultime saison dit dénouement. C’est en réalité un vrai message politique que nous délivre Jenji Kohan, la créatrice de la série. Ceux qui ne veulent pas trop en savoir avant d’avoir vu les épisodes ne devraient pas lire la suite. Si la belle Nancy renonce à dealer, elle compte bien mettre à profit ses talents et son expérience acquise dans ce domaine. Les dealers légaux que sont l’industrie pharmaceutique et celle du tabac vont pouvoir profiter de son sens des affaires. Le nombre d’États autorisant le cannabis thérapeutique s’accroît et ce marché devient intéressant pour les laboratoires. Nancy et Silas se font donc naturellement embaucher. C’est ensuite un géant du tabac qui tente de les engager. Persuadée que le cannabis récréatif sera prochainement légalisé, la compagnie souhaite être prête à produire en masse des cigarettes au THC dès que la loi changera. Production, transformation, packaging, marketing et diffusion, tout doit être prêt. Nancy recrute ses anciens complices pour mener à bien cette mission.

finalscene

THC à maturité

L’épisode final nous projette en 2019 et donne raison à ce scénario. Nancy est à la tête avec son fils de la plus grande chaîne de coffee shops des USA, que Starbuck essaye de racheter. Les années de galère dans l’illégalité des saisons précédentes résonnent alors comme une période adolescente : mouvementée et transgressive. Tous les personnages qui avaient choisi ce mode de vie sont devenus adultes en même temps que la société l’est devenue sur cette question de la régulation du cannabis. En s’institutionnalisant, cette activité s’assagit et avec elle, la vie des héros de Weeds (sauf un !). La fin de leurs aventures s’impose et donc celle de la série. Aucune frustration cette fois. Si vous avez gâché une partie du suspens en lisant jusqu’ici, l’issue de la relation entre Nancy et Andy vous est toujours inconnue. Finissent-ils ensemble ?

Série de Jenji Kohan, 8 saisons, 2005-2012. Disponible en DVD, Blue Ray et VOD.

tumblr_m6ikwwK9TQ1r2u340o1_1280

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

J’ai testé la Méthoxétamine

J’ai testé à deux reprises la méthoxétamine à l’insu de mon plein gré.

La première fois, c’était il y a deux ans en teknival et j’étais à sec de kétamine. Vers un dancefloor anglais, je rencontre un gars qui m’en propose au prix imbattable de 20 € le gramme finalement obtenu à 10 € ! J’aurais dû me méfier mais l’envie était plus forte. Avec mon pote, on tape sans hésiter chacun une poutre de 0,2 g. D’habitude, la montée de kétamine est assez rapide mais là, rien : juste une grosse patate, envie de parler et de bouger comme le speed et des picotements. Pas très agréable. Peu à peu, je commence à avoir des sensations proches de la kéta mais avec des hallus façon LSD. Cinq heures plus tard, une fois le trip terminé, j’apprends par des amis que de la méthoxétamine tournait vers les camions des anglais.

De la métho… quoi ? Kézako ?

Rares sont les produits vendus en teuf qui peuvent se targuer d’être des nouvelles drogues. La plupart ont toutes déjà été synthétisées du temps de mon arrière-grand-papi. La méthoxétamine est tellement nouvelle qu’elle n’a aucun statut juridique, ni médoc ni stupéfiant. Plusieurs mois plus tard, à jeun de tout autre produit, moi et un ami tapons une grosse trace de ce qui m’avait été vendu pour de la kétamine. Eh bien non, me voilà à nouveau avec la pâteuse et la parlotte (pensez à boire de l’eau) et des picotements partout dans le corps. Les hallus s’installent, le spectacle commence et là surprise, plus possible de parler, je plonge hors de mon corps dans un K-hole ou plutôt M-hole psychédélique et éprouvant. Après coup, le vendeur me confirme qu’il s’agissait de méthoxétamine mais comme personne ne connaît ce produit, il préfère parler de kéta, le bouffon.

Dans ces deux expériences, ce qui m’a rassuré est qu’à chaque fois la personne avec qui je consommais était dans le même état. Ça aide à surmonter l’angoisse des effets inattendus.

[note du 28 avril 2013 : classement stupéfiant en cours]

Weeds saison 7 vs Breaking Bad saison 4

Hasard du calendrier ? Concurrence entre chaînes ? Stratégie de consolidation réciproque de l’audience ? Cette année, les deux séries américaines suivies de près par Asud-Journal depuis le numéro 44 ont été diffusées selon le même timing durant l’été. Breaking Bad le dimanche et Weeds le lundi. Impossible dans ces conditions de ne pas jouer au petit jeu des similitudes et des différences.

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

Previoulsy on…

Breaking Bad : À la fin de la saison 3, Walter et Jessie sauvaient leurs vies in extremis en se débarrassant du seul chimiste capable de les remplacer pour fabriquer la fameuse méthamphétamine bleue. N’ayant d’autre choix que de les garder pour continuer ses affaires, leur patron devient alors leur pire ennemi et cherche à se venger toute la saison durant.

Weeds : Le final de la saison 6 était certainement l’un des plus réussis car le suspense était à son comble. Pour sauver sa peau face au cartel de Tijuana et protéger sa famille, Nancy trouvait le moyen de se faire arrêter par les stups avec son bébé tandis que le reste de sa troupe s’envolait pour Copenhague. Le jubilatoire road movie à travers l’Amérique qui précédait ce final rendait tous les scénarios possibles : délocalisation de la série en Europe pour une joyeuse cavale (on rêverait d’un détour par la France !) ou huis clos façon Prison Break. Avec surprise, la série se pose à New York, en plein Manhattan quelques années plus tard. Nancy n’est pas assagie et ses fils lui ressemblent de plus en plus. Le business familial repart à zéro ou presque.

Dealer, un métier comme un autre…

Breaking bad Labo
Boulot, boulot, boulot.

…la reconnaissance en moins. Malgré leurs différences de forme et d’esthétique notables (la réalisation de Breaking Bad est toujours aussi soignée et trouve sans cesse de nouveaux cadrages inventifs ; celle de Weeds s’apparente plutôt à une sitcom de luxe), les saisons 2011 traitent de thèmes finalement assez proches. Le plus flagrant est la relégation au dix-huitième plan de ce qui était pourtant le déclencheur de ces deux séries et de l’activité illégale des personnages principaux : le besoin d’argent, beaucoup et rapidement. Certes, quelques échéances de paiement parsèment ces séries à l’occasion. Mais elles sont timides et peu convaincantes et ne tourmentent pas les personnages comme à leur début. Pire, le souci principal de Walter et (surtout) de Skyler White de Breaking Bad est à présent le blanchiment de leurs faramineux revenus. Quant à Nancy, elle dégotte même un bon boulot de secrétaire dans une grosse boîte de Wall Street. À l’abri du besoin, nos héros dealers continuent pourtant à enfreindre la loi. La vérité est ailleurs, comme dirait l’autre. Le spectateur lambda se contentera d’une explication mécanique simpliste, sorte de théorie de l’escalade ou de la dépendance appliquée aux dealers : quand on trafique avec des gens pas très fréquentables, il n’est pas facile de s’en défaire. C’est pas faux. Mais à plusieurs reprises, Walter et Nancy ont réellement l’occasion de tout arrêter et ne le font pas. De nombreuses fois, on peut également voir ou entendre leur fierté d’être doués pour leur activité ou encore leur désarroi de ne pas être reconnu à leur juste valeur. Tous deux se voient comme des travailleurs qui excellent dans leur job : rigueur, dévouement, efficacité…

Breaking Bad : Après la mort de l’assistant de Walter, la police met la main sur son carnet de notes. Celui du plus grand labo de crystal-meth aux USA. Pour la DEA, c’est sûr ! Le grand chimiste qu’ils recherchaient est mort. Piqué au vif qu’un autre hérite du titre qui lui revient, Walter, au lieu d’être soulagé de ne plus être recherché, examine le carnet et laisse entendre aux stups (par l’intermédiaire de son beau-frère flic) qu’il s’agit d’un plagiat en affirmant que le mort n’était qu’un exécutant. Le génie, lui, courrait toujours.

Weeds : Lassée d’être prise pour une simple secrétaire, Nancy révèle à ses employeurs – les gérants d’un fonds de pension – qu’elle deale de l’herbe et leur présente son astucieux business plan pour conquérir la même clientèle de luxe que la leur. Un partenariat inattendu.

L’ennemi intime

Weeds jardinage
Dans les yeux, j’ai dit.

Ce changement de mentalité ajoute une certaine antipathie à l’égard des deux personnages principaux, au fur et à mesure qu’ils assument leur statut de criminel tout en renforçant leur ego et leur solitude. À l’écran, cela se traduit par une logique de concurrence, voire d’affrontement, avec leur(s) proche(s) et complice(s). Un lancinant « je t’aime, moi non plus » dont les scénaristes ne devront pas abuser trop longtemps pour qu’il reste intéressant. Sur ce terrain, Nancy se retrouve à nouveau (voir la saison 4) en gentille guerre ouverte contre son fils aîné, Silas. Tandis que Walter mène une guerre de tranchées psychologique avec Jessie qui se termine en apothéose avec l’ultime séquence de la saison. Chapeau les scénaristes !

Usagers cachés

Autre point commun : la quasi-disparition des scènes de consommation de produits dans les deux séries. Peu étonnant pour Breaking Bad et son parti pris drogue=déchéance. Mais si les joints restent omniprésents dans Weeds, ils sont complètement banalisés et ne donnent plus lieu aux scènes délirantes auxquelles nous avait habitués la série. De part et d’autre, en guise de produit de substitution, l’alcool nous livre heureusement quelques bonnes murges comiques et télégéniques.

2012, le new deal

Les dénouements respectifs de ces deux saisons pourraient très bien être leur point final. Elles ont été écrites comme s’il s’agissait des dernières saisons. Obligeant les scénaristes à prévoir l’éventuel arrêt définitif de leur série, les chaînes ont tardivement reconduit leurs achats pour les saisons suivantes en raison de la crise économique et de la concurrence sur le marché des séries américaines. La chaîne AMC a annoncé qu’il y aurait l’an prochain une dernière saison de Breaking Bad, mais Showtime n’a toujours rien confirmé pour Weeds.

Encore là où on ne les attendait pas, les auteurs de Weeds terminent la saison sur un inattendu happy end dans une vision toute spielbergienne de la famille, même si la morale de la famille en question penche plutôt vers celle de la famille Adams.

Les fans ne pourront toutefois pas se résoudre à l’arrêt de la série car la dernière image de l’épisode final prendrait alors une tournure moralisatrice et politiquement correcte, en complet désaccord avec l’esprit de la série depuis sept ans. À l’inverse, Breaking Bad continue d’enfoncer subtilement le clou de l’immoralité en reposant sans cesse la question : jusqu’où peut-on aller pour sauver sa peau ? Dans les deux cas, une page est tournée et allez savoir ce que nous réserve 2012.

Serial-Dealers

Cet article partie du dossier Serial Dealers.

© 2020 A.S.U.D. Tous droits réservés.

Inscrivez-vous à notre newsletter