Auteur/autrice : Eric Birambeau

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La réduction des risques prend de la bouteille

« Il faut suivre la préférence du patient et écouter ce qu’il est prêt à faire dans l’immédiat. Pour beaucoup de sujets alcooliques, l’abstinence demande des efforts trop importants et les met trop en difficulté. Pour d’autres, c’est parfois plus simple de s‘abstenir que de réduire sa consommation. » Remplaçons « alcooliques » par « toxicos », et l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une phrase prononcée il y a vingt ans par un addictologue.

En fait, elle l’a été tout récemment par le Pr Aubin, président de la Société française d’alcoologie, dans un entretien accordé au Quotidien du Pharmacien. Car, paradoxalement, la dépendance à l’alcool, un produit pourtant bien mieux « accepté » en France que toutes autres drogues, n’a jamais fait l’objet des mêmes réflexions. Et en sortir passait, presque exclusivement, par un sevrage total.

Un nouveau credo

Ce temps est depuis peu révolu, et cette démarche de prévention des risques semble faire consensus. C’est à un nouveau médicament, le Selincro® (nalméfène), dont l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) date de 2013 et le remboursement par la Sécurité sociale de septembre dernier, que l’on doit cette inflexion dans la prise en charge des alccoolodépendants. Ce traitement de première intention s’adresse aux patients dont la consommation est à risque élevé, voire très élevé, mais qui ne sont pas prêts à s’engager dans l’abstinence. Aujourd’hui, le nouveau credo de nombreux alcoologues serait plutôt « face au risque quasi certain d’un échec, dirigeons-nous d’abord vers une baisse de la consommation et améliorons les conditions dans lesquelles elle se déroule ».

Cette nouvelle approche s’accompagne d’un Plan de gestion des risques (PGR) au niveau national. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet souhaité s’assurer du bon usage de ce nouveau produit en remettant au prescripteur et à son patient des documents d’information et de suivi du traitement. Dès la seconde visite, un « agenda de consommation » et de prise du Selincro® est confié au patient qui doit, tous les mois, consulter son médecin pour faire le point sur cette consommation et son état de santé général. S’ajoute à chacune de ces visites mensuelles un suivi psychosocial… Mais plus qu’un lourd suivi thérapeutique (qui n’est pas sans en rappeler d’autres…), il s’agirait surtout d’évaluer régulièrement la situation globale et de faire un point de manière positive avec le patient en le motivant et le responsabilisant.

« Le traitement est pris à la demande, il n’y a pas de stigmatisation (…) », précise le Dr Goni du laboratoire Lundbeck. Quant au Dr Aubin, il conseille à certains « d’en avoir toujours avec eux, en insistant sur le fait que l’on peut en prendre même si la consommation d’alcool a déjà commencé ». On y voit pour l’instant une nouvelle approche intéressante face à l’alcoolodépendance et l’on suivra avec intérêt les résultats des premières études sur son efficacité.

Notons enfin qu’une demande d’AMM a également été déposée par le laboratoire D&A Pharma dans 29 pays européens pour l’Alcover®. Il s’agit d’un dérivé du GHB (la « drogue du violeur ») indiqué dans le sevrage (ou le maintien de l’abstinence) des cas sévères de dépendance à l’alcool. Déjà utilisé sous forme liquide en Italie depuis 1991 et en Autriche depuis 1999, il permettrait d’obtenir un taux d’abstinence moyen de 75%, selon une étude « SMO » menée récemment. À suivre également, donc.

Illegal! magazine

Illegal!

Le magazine danois sur les drogues lance une édition anglaise.

« Le journal qui aide les toxicomanes à acheter leur dose », « Un magazine vendu par des drogués pour financer leur addiction », etc. Il y a dix-huit mois à Copenhague au Danemark, la sortie du premier numéro d’Illegal! n’est pas passée complètement inaperçue… La presse locale a voulu accrocher ses lecteurs avec des titres à sensation. Et lorsque fin 2014 est arrivée l’édition britannique, les journaux anglais ont à nouveau titré sur cela.

Faire baisser la délinquance

Certes, le fondateur du journal, Michael Lodberg Olsen, ne cachait pas que la diffusion par des usagers de drogues pouvait faire baisser la délinquance puisqu‘ils ne seront plus obligés de commettre des délits pour pouvoir acheter leur came. Ce fut même l’un des sujets abordés dès le départ dans le journal : cela va permettre de « décriminaliser les toxicomanes et de faire baisser prostitution et crimes ». En septembre 2013, il estimait dans son numéro de lancement que la vente de 15 à 30 numéros d’Illegal! permettait de subvenir aux besoins financiers d’un héroïnomane – vendu 40 couronnes danoises, 25 reviennent au vendeur, soit environ 3,50 euros par journal. Mais il semble avoir depuis peu changé son argumentation. Dans une interview récente à Télérama, il insiste sur le fait qu’Illegal! a été créé « pour éduquer et susciter la discussion, et non pour provoquer ni fournir de la drogue aux toxicomanes comme certains le disent ». Il souhaite également que la dépendance aux stupéfiants devienne une priorité pour les responsables de la santé plutôt que pour le système judiciaire, regrettant « que la guerre contre les stupéfiants se résume beaucoup trop à une guerre contre les consommateurs ».

Collection illegal! magazine

Susciter le débat et changer les mentalités

C’est donc en septembre 2013 à Copenhague que débute l’histoire du magazine Illegal!. Dès le départ, l’ambition de Michael Lodberg Olsen est de susciter le débat et de changer les mentalités sur un sujet aussi sensible que les drogues. N’y sont donc abordées, six fois par an, que les questions tournant autour de ce sujet. Au départ diffusé à 5 000 exemplaires, le tirage a rapidement doublé, puis triplé pour atteindre les 15 000. Il y a quelques mois à Londres, ce sont, dans un premier temps, 2 000 exemplaires qui ont été vendus par les toxicos du quartier de Hoxton dans l’est de la capitale britannique. Et, d’après la presse anglaise, toujours avec la volonté de faire baisser les chiffres de la délinquance en permettant aux usagers de drogues, principalement héroïnomanes, de pouvoir se payer leur came avec les bénéfices de la vente du magazine. Une démarche qui ne plaît pas à tout le monde. Un porte-parole de la police déclarait récemment que « cette initiative qui justifie la collecte de fonds pour l’achat de drogue n’est pas la réponse ». Mais cet argument mettant en avant les répercussions de la vente du magazine sur les chiffres de la criminalité ne semble plus être d’actualité au sein du journal. Peut-être le doit-on à Louis Jensen, qui dirige l’édition londonienne. Ayant rencontré Olsen alors qu’il filmait un documentaire, il a souhaité ramener le concept en Grande-Bretagne. Il explique alors au Daly Mail que ce journal veut surtout « contester les idées fausses et les stéréotypes. Il n’est pas nécessairement là pour créer un revenu pour acheter de la drogue ». Pour lui, il y a une réelle méconnaissance sur les drogues au Royaume-Uni : « pas seulement sur les produits mais également sur leurs usagers ou sur la façon de les prendre ». Une « philosophie » qui se rapproche beaucoup, en France, de celle d’Asud-Journal. Qui, peut-être aux regrets de certains lecteurs, n’est de toute façon (toujours) pas en vente dans les rues…

Brèves sur le dépistage de cannabis au volant

KanaCleaner : bidon ou pas bidon ?

Il est aujourd’hui possible de se procurer des produits censés éliminer toute trace de cannabis de la salive. Ainsi, le site Internet de Kana Cleaner prétend pouvoir rendre systématiquement négatifs les tests salivaires de la police nationale. À l’aide d’un vocabulaire qui fait mal à la tête (« dérivé technoïde aux ligands endogènes et exogènes » ou « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse »), on nous invite à investir 50 euros dans deux flacons d’un produit-miracle. Comment ça fonctionne ? C’est très simple : on le pulvérise dans sa bouche. Abondamment et partout : les gencives, les parois internes des joues, les dents, la langue, rien ne doit être oublié ! Ensuite, on attend 3 minutes que le produit fasse effet, c’est à-dire qu’il fixe et neutralise le THC. Enfin, dernière étape : on rince et on crache !

Alors info ou intox ? Pour se faire une idée, le mieux est d’aller faire un tour sur les forums. Eh bien nos amis internautes-usagers de cannabis, quand ils ne crient pas à l’escroquerie, sont plutôt sceptiques sur la pertinence d’investir dans le Kana Cleaner. Car certains avaient déjà réfléchi à la meilleure façon de passer entre les mailles du filet lors des contrôles sur la route. Depuis longtemps, ils utilisent avant de conduire l’un des différents bains de bouche vendus en pharmacie : Eludril pour Jimlixe ou Synthol pour Weedibix. Quant à Lamictale, il utilise du Plax en le reconditionnant dans un spray vide afin de l’utiliser de la même manière que celle décrite dans la notice du Kana Cleaner ! Rastafarie prétend que l’un de ses amis, routier de profession et néanmoins amateur de ganja, aurait récemment été contrôlé négatif grâce à des brossages de dents toniques et réguliers. Ils sont en tout cas nombreux à avoir une hygiène buccale irréprochable lorsqu’ils conduisent !

asud55 p10 CannaCannabis chez le buraliste. Pour commencer, le test de dépistage

Qui n’a pas entendu parler ces derniers mois, parmi ses amis ou dans ses relations, d’un permis suspendu à la suite d’un contrôle destiné à dépister la consommation de stupéfiants ? Car la police ne se contente plus de vérifier si nous conduisons sous l’emprise d’alcool. De plus en plus souvent (environ une fois sur deux maintenant dans certaines régions), l’alcootest est suivi d’un autre qui concerne l’usage de drogue. Il était donc urgent qu’à l’instar de ce qui existe pour détecter sa consommation d’alcool, l’automobiliste puisse aisément savoir s’il est positif, ou pas, aux drogues. Bien que se limitant, pour l’instant, à la détection du seul cannabis, des tests sont depuis peu en vente chez certains buralistes.

S’il était déjà possible de s’en procurer sur Internet et dans quelques pharmacies, on ne pourra que se réjouir de cet accès plus facile. Car, quoi qu’en pensent certains, il est avéré que la conduite avec quelques joints dans le cornet est dangereux – le « pire » étant de conduire en ayant bu ET fumé. Des risques d’accident respectivement multipliés par 2 et par 14.

Par ailleurs, il est bon de préciser qu’un test peut facilement se révéler positif chez une personne qui n’aura pas fumé. Passer une soirée dans une pièce mal aérée avec des amis usagers, ou monter en voiture avec quelque un qui fume un bédo peut vous coûter cher. Si vous êtes un conducteur non fumeur et que votre passager s’apprête à rouler un petit stick, arrêtez-vous pour qu’il le fume tranquillement à l’extérieur.

Attention !

Les tests que l’on trouve dans le commerce ne sont pas ceux que les forces de l’ordre utilisent et ne répondent pas aux mêmes normes. Les résultats peuvent donc être différents.

Si, pour l’instant, seuls 3 000 bureaux de tabac vendent ces tests, il est possible, depuis le mois de mars, de s’en procurer chez Norauto et Feu Vert. Dénommé « Cannabis Verdict », il est vendu 3,50 € pièce (moins cher que ceux jusqu’à présent disponibles sur le Net, dont les prix oscillent entre 5 et 15 €) et se présente sous forme de bandelette sur laquelle on dépose quelques gouttes d’urine. Dix à quinze minutes plus tard, c’est le (cannabis) verdict. Dernière précision, et pas des moindres : ces tests peuvent se révéler positifs même si vous n’avez rien fumé dans les heures qui précédent. La consommation pouvant même remonter à un ou deux jours !… Pour un consommateur de shit assez régulier, le test risque aussi de n’avoir que peu d’intérêt dans la mesure où il sera, très probablement, positif. Il lui faudra en effet passer plusieurs jours sans fumer de joints avant que son corps ait éliminé toute trace de THC. Une abstinence à laquelle il pourra peut-être parvenir en lisant le livret de sensibilisation de 24 pages (eh oui, il faut bien ça !) qui accompagne le Cannabis Verdict !

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