« Spin Doctor »

Dan Véléa, addictologue médiatique, s’était illustré le 8 août 2014 dans Elle, avec un pamphlet qui avait de quoi marquer les ménagères de plus de 50 ans : du cannabis « presque transgénique », des « micro partis favorables à la dépénalisation » exerçant des pressions sur le gouvernement, et des dealers qui passeraient inévitablement à « des produits encore plus toxiques, recoupés et dangereux ». Même sur les enjeux économiques, le professeur Véléa a un contre-argument qui fait mouche : « Pensons aux jeunes en pleine construction psychique chez qui le cannabis peut engendrer des psychoses graves. Les soigner coûterait très cher à l’État » !

Commençant à situer le personnage, vous ne serez pas étonnés d’apprendre qu’il s’est encore distingué dans un papier d’Atlantico titré : « Flakka (lire Flakka : la panique morale à 5 dollars), la nouvelle drogue venue des États-Unis qui déferle (sic) sur la France » ! Il y confond allègrement effets indirects, secondaires et indésirables, introduisant un systématisme absurde dans la survenue des effets indésirables de l’alpha-PVP : « Elle peut être inhalée, avalée ou injectée, provoquant de vives hallucinations, des crises de paranoïa, avec un fort thème persécutif, des accès de colère et une absence complète du contrôle des impulsions. »

« Le fait que la grande majorité des consommateurs de flakka [ne pètent pas les plombs] montre que ce n’est pas le produit qui en est la cause. En fait, une drogue qui causerait fréquemment de telles réactions ne pourrait pas devenir suffisamment populaire pour être couverte par la presse. »
Carl Hart

En passant, il se mélange aussi les pinceaux dans la chimie du produit et ne contredit pas le journaliste qui emploie l’expression « surhumaine ». Mais peu importe, puisqu’il décrit avec emphase les ravages de la flakka et c’est la seule chose qui compte : faire barrage à la progression du fléau… Un autre rouage des paniques morales, qui apparaît au carrefour des stratégies préventives d’acteurs bien intentionnés (mais ignorants des effets pervers de la diabolisation des drogues) et des stratégies éditoriales de certains médias.

« L’idée qu’une drogue donne des pouvoirs surhumains est tout simplement fausse […] L’alcool peut rendre hors de contrôle, mais vous ne pouvez pas dire que l’alcool donne des superpouvoirs car personne ne vous croirait. Par contre, vous le pouvez avec ces nouvelles drogues de synthèse que personne ne connaît : puisqu’on n’en sait rien, tout est possible. »
Carl Hart

Bref, on aurait préféré que l’addictologue apporte au journaliste des données sérieuses : depuis 2013, l’alpha-PVP a été détecté 14 fois par le dispositif Sintes de l’OFDT, dont plusieurs fois par le site de Bordeaux, vendu sous l’appellation de méthamphétamine et sous forme de cristaux bleus (en référence à Breaking Bad). Sur Internet, il semble souvent vendu sous d’autres appellations, notamment dans des blends commerciaux (NRG3…). Pour M. Martinez, chargée d’études Trend (OFDT), bien que l’alpha-PVP ne soit pas plébiscité sur les forums de consommateurs, plusieurs indicateurs laissent penser que des acteurs de l’offre lui trouvent un fort potentiel. L’alpha-PVP a été impliqué dans deux décès sur le territoire français, mais d’autres pays européens sont réellement touchés (Hongrie, Pologne : 20 morts ; Finlande : 37). Comme sa grande sœur la MDPV, ses effets sont ceux d’un stimulant +++. Le craving et la compulsion sont difficiles à maîtriser, la fatigue accumulée lors des sessions de consommation peut provoquer hallucinations, décompensations et de graves accidents. Le risque d’overdose et d’AVC existe. Franchement docteur, y avait-il vraiment besoin d’en rajouter ?

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