EDITO : Money, money, money!

L’argent de la drogue existe. Il y a quelques années, un groupe de députés a interpellé la ministre de la Santé pour mettre en cause les subventions publiques confiées à Asud, accusé de faire «l’apologie de la consommation de stupéfiants »(1). Depuis, le budget de l’association a fondu comme neige au soleil. Un grand nombre de financeurs publics n’ont pas renouvelé leurs subventions et seul le bureau Addiction de la Direction générale de la santé continue de soutenir le journal-des-drogués-zeureux. L’argent public est pourtant notre oxygène. C’est lui qui garantit notre indépendance et notre franc‑parler. Depuis 62 numéros, malgré les pressions de toutes sortes, aucun gouvernement de droite comme de gauche n’a interféré pour corriger notre ligne éditoriale. Depuis 1992, ce sont des centaines de milliers d’euros qui ont été investis dans un projet un peu fou : soutenir une association de drogués. Pourquoi ? Pour bâtir, année après année, une expertise unique en Europe et peut-être au monde. Pour collecter des réflexions, des témoignages et des idées sur la consommation de drogues et la répression qui l’accompagne. Lors des 25 ans d’Asud Nîmes (voir p. 24), nous avons pu mesurer à quel point ce capital est précieux à l’heure où l’ensemble du secteur des addictions semble découvrir l’importance du «point de vue des patients ».

En matière de drogues, c’est le patient qui décide. Il décide d’en prendre et il décide d’arrêter. Cette situation a créé une alliance matérielle entre les usagers et l’industrie pharmaceutique : les traitements de substitution aux opiacés. Depuis 1996, la France est le royaume de la buprénorphine haut dosage (BHD), une manne drainant des profits comparables au budget global de la prise en charge des addictions. Après avoir concédé quelques miettes à notre association, propagandiste infatigable des TSO, les vendeurs de Subutex® nous ont brusquement coupé les vivres. Curieusement, cette mise à la diète se conjugue avec des projets de contrôle par voie médicamenteuse dignes du Dr Folamour (voir p. 30). Là aussi, l’argent de la drogue fait son chemin au détriment de l’intérêt des fameux patients. Mais qui s’en soucie ?

Depuis plusieurs décennies, les militants procannabis se battent pour desserrer le carcan de l’interdit sans grands succès jusqu’à ce que l’industrie nord-américaine s’intéresse aux millions de dollars qui enrichissent les mafias au lieu de nourrir le capitalisme. En l’espace de cinq ans, le mur prohibitif a explosé en Amérique du Nord (voir p. 19). Paraphrasant Paracelse et La Palice, on découvre que le classement pénal fait « la drogue » (voir p. 6), une construction mentale artificielle qui se décline selon le contexte en médicament, en produit de consommation
courante, et peut même représenter une chance pour nos banlieues
(voir p. 12). L’argent de la drogue, décidément…

L’aberration qui s’appelle Asud est née de la véritable panique qui s’est emparée des pouvoirs publics avec l’irruption du sida dans le paysage français. Aujourd’hui, d’autres menaces existent, la stigmatisation continue de frapper les usagers (voir p. 49) et le rôle joué par l’industrie du médicament peut faire figure d’allié ou d’adversaire (voir p.38). Plus globalement, ceux qui ne nous aiment que sous la défroque de victimes pleurnichardes ou de malades chroniques incurables représentent également une menace pour notre citoyenneté. C’est la raison d’exister de ce journal : agir sur notre destin en citoyen responsable, ce qui implique aussi l’indépendance financière. Si vous appréciez l’humour, le second degré, et l’esprit combatif d’Asud, il faut nous soutenir avec de l’argent, en vous abonnant, en achetant des brochures et en faisant circuler ce journal comme un outil de résistance.

Bonne lecture et à vos cartes de crédit .

ASUD

  1. Question n°1519 du député Bernard Debré adressé à Madame la ministre de la Santé et des Affaires sociales, publiée au J.O. le 15/01/2013 (p. 281).

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