Les risques induits par la loi

Pour respecter cette loi, un usager de drogues, qu’il soit habituel ou occasionnel, se retrouve face à un choix impossible : stopper toute prise de drogue ou renoncer à conduire. En effet, étant donné les durées de détection des drogues, il n’est techniquement pas possible pour une personne conduisant tous les jours pour aller au travail d’user de drogues, même le week-end, sans risquer d’être dépistée positive quarante-huit heures plus tard. Et si l’histoire nous a enseigné quelque chose, c’est qu’on ne fait pas reculer l’usage de drogues par la répression, bien au contraire. Certes, certains usagers occasionnels renonceront à leur petit joint du soir, mais la majorité continuera ses consommations en s’adaptant à la nouvelle donne.

Sur les forums spécialisés, on voit déjà apparaître de nombreuses questions sur les drogues non détectées ou non détectables. Pour le cannabis on peut s’inquiéter d’un recours aux cannabinoïdes de synthèse, non détectables (certains ne sont d’ailleurs pas classés stupéfiants) mais autrement plus nocifs et dangereux que le cannabis lui-même. Quant aux opiacés et aux stimulants, ils ont aussi leurs équivalent parmi les Research Chemicals (drogues de synthèse), et on peut s’attendre à une forte augmentation de la demande qui pourrait favoriser l’apparition de nouveaux produits. À une augmentation probable la consommation d’alcool également puisque, avec cette loi, c’est désormais le seul produit qu’il est possible de consommer en prenant le volant douze heures plus tard sans risquer les foudres de la justice. Autre risque corroboré par des témoignages sur les forums d’usagers : que, « pris pour pris », certains cessent leurs efforts pour ne pas conduire sous l’emprise de drogues (quitte à être positif, autant que cela soit pour quelque chose). Bref, en supposant que l’objectif de cette loi est d’améliorer la sécurité routière, elle risque fort d’arriver au résultat inverse.

En sanctionnant l’usage et non l’abus, cette loi perd toute crédibilité et sera logiquement rejetée par les personnes concernées, contrairement à celle sur l’alcool qui sanctionne l’abus et non l’usage et qui est globalement bien acceptée, une condition importante de sa réussite. L’année suivant la mise en place des dépistages d’alcool, on a enregistré une baisse de 20% de la mortalité routière, et je doute fort qu’on arrive à un tel résultat.

Cette loi va de fait interdire à toute personne faisant usage de stupéfiant de conduire un véhicule. Que vous utilisiez le cannabis dans un cadre thérapeutique, de façon occasionnelle pour vous détendre, ou que vous soyez sévèrement accro au crack, vous êtes désormais considéré comme un chauffard en puissance et serez condamné (lourdement) comme tel. Les autorités ont enfin trouvé un moyen efficace de réprimer l’usage de drogues : interdire à ceux qui en usent de conduire, donc de se déplacer librement. Avec des conséquences dramatiques pour certains : perte d’emploi, perte d’autonomie, et pour ceux qui vivent dans des campagnes sans transports en commun, c’est carrément une mesure d’élimination. Impossible d’emmener ses enfants à l’école, d’aller faire ses courses, chez le médecin, de rendre visite à ses amis ou à sa famille, bref, plus aucune vie sociale ou possibilité de subvenir aux besoins les plus essentiels.

Cette loi est une loi d’exclusion, une loi d’élimination, une loi qui va stigmatiser un peu plus les personnes faisant usage de drogues, pour un bénéfice dont on peut sérieusement douter en termes de sécurité routière.

Facteurs de risques d’accident
Alcool 0,49 g/L
de sang (taux légal) x 3
Cannabis x 1,8
Alcool+cannabis x 5
Rouler sous la pluie x 2
Téléphone au volant x 4

Améliorer la sécurité routière supposerait de commencer par fournir aux usagers des informations fiables, objectives, compréhensibles et cohérentes, et que les usagers puissent s’autoévaluer, voire proposer des dépistages préventifs volontaires dans les lieux festifs. Les usagers de drogues ont déjà démontré qu’ils étaient capables de modifier leurs habitudes, si tant est qu’on leur en donne les moyens. Il serait temps d’appliquer le concept de la réduction des risques à la sécurité routière, pour le bénéfice de tous.

Dossier réalisé par JI.AIR

 

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