Légalise émois

Pays-Bas, République tchèque, Croatie, Allemagne, Suisse, Tchèquie, Finlande, Italie… On ne compte plus les pays européens ayant légalisé l’usage du cannabis pour se soigner. De l’Australie au Canada, de la Jamaïque au Brésil, du Chili à l’Argentine, de la Nouvelle-Zélande à la Colombie, ou du Mexique à Porto Rico, en passant par Israël ou 23 États américains, tous ont compris que le cannabis pouvait améliorer la santé. Dans le microcosme franco-français, aucun candidat à la dernière présidentielle ne s’est pourtant penché sur le potentiel médical des cannabinoïdes. Retour sur ce débat en herbe…

Droite : l’exception qui confirme la règle

Est-ce l’enquête d’octobre 2016 rapportant qu’une majorité de Français (52 %) souhaite que la question du cannabis soit abordée lors de la présidentielle qui décide Nathalie Kosciusko-Morizet, seule femme à se présenter à la primaire de droite, à se prononcer pour sa dépénalisation ? Elle se distingue en tout cas de ses collègues, toujours prompts à dégainer des inepties. À titre d’exemple, Jean-François Copé en avril 2016 : « On a bien en tête les ravages du cannabis sur la santé physique psychologique psychique de nos jeunes. » Chez LR, ça balance dur dès qu’on évoque « les ravages de la drogue ». Accusé de suivre NKM, Bruno Lemaire période ante-macronienne se dépêche de préciser que lui est pour le maintien de l’interdit d’un « cannabis de plus en plus addictif ». Nicolas Sarkozy, à qui l’on demande s’il est « plutôt Ricard ou plutôt pétard », répond de manière fort énigmatique : « Je n’ai jamais fumé un pétard de ma vie, ce n’est pas du tout que je suis contre. » Jean- Frédéric Poisson, lui, pense que le cannabis est « beaucoup plus dangereux pour l’activité cérébrale » que naguère. Aussi est-il partisan de renforcer la loi, contre « les promoteurs de sa consommation »… Asud, si tu nous entends !!!

Le vainqueur de la primaire, François Fillon, escroc malgré lui et fervent catholique, est évidemment contre toute évolution législative déclarant que face « à un fléau comme celui-là, il n’y a pas de bonne solution ». Et il prend en exemple les Pays-Bas où la tolérance envers le cannabis n’a pas permis de diminuer sa consommation, ce qui, les chiffres en attestent, est un mensonge éhonté… Mais en plein Penelopegate, who cares ?

À droite de la droite, Marine Le Pen s’est exprimée par l’intermédiaire de son directeur de campagne, David Rachline, sur l’éventualité d’une dépénalisation : « C’est complètement délirant, Il faut au contraire lutter de toutes nos forces contre les trafiquants et la drogue »… Marine Le Pen qui, et il est bon de le rappeler, qualifiait de « dramatique sur le plan moral, politique et sanitaire » l’implantation de salles de consommation à moindres risques. Quant à son vassal Dupont-Aignan, il fustige Kosciusko- Morizet et Hamon sur leur prise de position respective : « C’est une hérésie, il y a un mal, eh bien couchons-nous devant, ce sont des collabos. » Il y a parfois un vocabulaire que certains mouvements politiques devraient éviter d’utiliser.

Écologistes : carton plein

Autre primaire et autre ton, celle d’un parti aujourd’hui marginal : Europe Écologie les Verts qui fait carton plein. Une fois n’est pas coutume, les candidats, au nombre de quatre, sont favorables à une légalisation contrôlée du cannabis. Une position qu’ils défendent depuis la création du Collectif pour l’abrogation de la loi de 1970 (CAL 1970) il y a vingt ans et, il faut le souligner, qu’ils ont toujours maintenue malgré de forts remous internes.

Gauche : on est pour parce qu’on est contre

Quand la question vient à être posée aux sept candidats à la primaire de la gauche, un seul parmi les socialistes « pur jus » estime comme 84 % des Français que la loi de 1970 est bancale. Même chez les partisans d’un changement légal, on sent toujours le poids d’une condamnation morale de la consommation vue comme un préalable nécessaire à toute remise en cause du dogme prohibitionniste.

Le plus à l’aise sur la question est Benoît Hamon, le gagnant de la primaire. Mais même lui prend bien soin de préciser qu’il n’a jamais tiré sur un pétard parce que « ça peut être dangereux » (sic). S’il veut légaliser (et non de dépénaliser), c’est pour en finir avec le marché noir, une « vraie gangrène ». Et avec les 535 millions d’euros aujourd’hui consacrés à la répression, il mènera « une vraie politique de prévention sur les risques du cannabis ». Autre argument : légaliser garantirait la qualité des produits et éviterait aux consommateurs de fréquenter des dealers toujours rapides à vous fourguer des drogues beaucoup plus addictives que le cannabis, car en plus des dangers de la drogue, il y a les méchants dealers.

À l’opposé, Manuel Valls, qui n’a jamais caché son aversion pour les partisans de la légalisation, tient des propos confus : « Si vous légalisez le cannabis, vous aurez de toute façon un cannabis plus dur, coupé autrement, qui alimentera d’autres trafics. » Vincent Peillon, quant à lui, ne se mouille pas, même s’il reconnaît « que le débat mérite d’être ouvert », et Montebourg y est franchement hostile.

Constatant que le trafic génère de l’insécurité, Sylvia Pinel, du Parti radical de gauche, veut confier aux pharmaciens le soin de délivrer « une telle substance » et dans le même temps de « dispenser des conseils », une aberration. Élevé chez les Verts, François de Rugy penche, lui, pour la vente « sur le modèle des débits de tabac ». Quant au trublion de la primaire Jean-Luc Bennahmias, longtemps secrétaire national des Verts (1997-2001) et soutien du Circ lorsque la justice lui cherchait des noises, il souligne l’échec de la répression et s’en est prend aux « discours hypocrites et à une diabolisation simpliste » de la majorité de la classe politique. Merci Jean-Luc !

Insoumis : bienvenue au Cannabistrot

Autre candidat à la présidence : Jean- Luc Mélenchon. De retour d’un voyage au Canada, le candidat de la France insoumise rapporte dans ses bagages une déclaration de la ministre canadienne de la Santé : « Nous allons introduire une législation pour empêcher la marijuana de tomber entre les mains des enfants, et les profits de tomber entre les mains des criminels. » Le cannabis, ce n’est pas sa culture et dans le clip publié sur son blog, elle répète qu’il faut légaliser pour que l’on puisse faire campagne contre le cannabis. Toujours cet argument contre intuitif, qui semble plaire à tant de politiques tenaillés par la crainte d’apparaître « partisan de la drogue », voire drogué eux-mêmes. Il reconnaît être mal à l’aise sur le sujet et s’en remet à la sagacité des militants de la France insoumise qui, dans L’Avenir en commun, propose « de légaliser et encadrer la consommation, la production et la vente de cannabis, accompagné d’un contrôle de la qualité des produits ».

En marche ! : contravention + prison ?

Dans son livre-programme, notre nouveau président écrit : « Je plaide pour une dépénalisation de la détention en petite quantité du cannabis afin de désengorger les tribunaux. » Ça, c’était avant ! Aujourd’hui, il propose par la bouche du ministre de l’Intérieur de « contraventionaliser » la possession de cannabis. Au-delà de la validité du néologisme, le tout est de savoir s’il s’agit de véritablement décriminaliser en remettant tout à plat dans une nouvelle loi ou de racketter les consommateurs en généralisant les amendes (100 € ?) sans réformer la loi de 1970. Tout tourne en fait autour du fameux article L. 3421-1 du code de la santé publique (l’ancien L. 627), qui rend passible de 1 350 € d’amende et d’un an de prison quiconque consomme la substance incriminée, en l’occurrence le cannabis. Tant que cet article ne sera pas abrogé, le reste ne sera que littérature. Pour notre président, la punition doit s’appliquer à tous les délits, « du vol à l’étalage à l’usage de stupéfiants ». Ça ne vous rappelle rien ? Mais oui, la politique de « tolérance zéro » chère à tous les prohibitionnistes patentés qui, de Ronald Reagan à Nicolas Sarkozy, ont tellement oeuvré pour transformer la lutte contre la drogue en outil de contrôle des minorités ethniques. Un compagnonnage qui ne semble pas très République en marche… et en même temps ??!!!

JEAN-PIERRE GALLAND

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