Le HIT-PARADE des produits recherchés

Aucun outil certifié en vente libre, comme l’éthylotest pour l’alcool, ne permet à un conducteur de s’auto-évaluer de façon préventive. Comment, dès lors, s’assurer qu’on est en règle avec la loi avant de prendre le volant ?

Le cannabis

Le THC est la drogue la plus fréquemment dépistée (environ 90 % des cas) et, précision importante, il est associé à l’alcool dans 42 % des cas. En cas d’accident, il serait intéressant de savoir auquel des deux produits les statistiques attribuent la responsabilité. Selon les forces de l’ordre, le taux moyen relevé est de 2,8 ng par ml de sang. Mais selon l’étude SAM, seuls 4,3 % des accidents sont directement imputables au cannabis, contre 31,5 % à l’alcool. Les risques à conduire sous cannabis sont donc infiniment moins élevés qu’avec l’alcool.

Sans rentrer les détails, toutes les études confirment que le cannabis abaisse plus ou moins notre aptitude à conduire un véhicule. Mais elles précisent aussi ce que sait déjà tout consommateur de ce produit, à savoir qu’il a conscience de son état et modifie sa conduite en conséquence : il roule moins vite que les autres et surtout, prend beaucoup moins de risques. Un constat qui n’est pas le fruit de l’imagination délirante d’un « drogué », comme le prétendent les « anticannabis », mais le résultat d’études scientifiques sérieuses.

Selon une étude de l’Inserm, le sur-risque lié au cannabis serait ainsi nul ou faible s’il est utilisé seul.

Et ce n’est qu’à partir d’une concentration de 5 ng que le risque serait avéré. C’est d’ailleurs ce seuil de 5 ng qu’ont choisi les deux premiers États américains à avoir légalisé le cannabis récréatif, le Colorado et l’État de Washington. Le taux de THC correspondant au taux légal d’alcool (0,5 g/L de sang) serait, quant à lui, de 3,8 ng, taux que plusieurs rapports d’experts européens préconisent de mettre en place.

RÉGULIER OU NON, L’USAGE DE CANNABIS NE SEMBLE PAS AVOIR D’INCIDENCE NOTABLE SUR LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE :

« EVEN FREQUENT USERS OF CANNABIS DO NOT SEEM TO HAVE A HIGHER ACCIDENT RISK THAN NONUSERS, AS LONG AS THEY ARE NOT UNDER THE ACUTE INFLUENCE OF THE DRUG, I. E., THERE APPEAR TO BE NO EXTENDED EFFECTS OF CANNABIS USE ON TRAFFIC SAFETY BEYOND THE PERIOD OF ACUTE IMPAIRMENT. » (DUIC REPORT)

Mais voilà, en France, on a choisi le taux de 0,5 ng/ml de sang. Au Royaume-Uni, lui aussi adepte de l’option tolérance zéro, il est de 2 ng/ml, et de 3 ng aux Pays-Bas et en Norvège, la Suède ayant sans surprise le seuil le plus bas (0,3 ng/ml de sang). En France, il est donc fréquent que des personnes se fassent prendre au dépistage pour un joint fumé la veille, voire plusieurs jours plus tôt, alors que les effets d’un joint sont totalement dissipés grand maximum quatre heures après au (huit heures en cas d’ingestion).

Pour justifier de considérer une personne sous influence deux semaines après sa consommation, un toxicologue, le Dr Mura, a une théorie très originale, du genre à provoquer un fou rire incontrôlé chez les adeptes de cette redoutable drogue : selon cet expert, le THC qui se fixe pour une très longue période dans les graisses pourrait se relâcher en certaines occasions, provoquant alors des effets équivalents à ceux ressentis en fumant un joint. Les fumeurs expérimentés apprécieront la pertinence de cette observation. Le taux minimum serait selon lui trop élevé et aucune trace de cannabis ne serait détectable deux heures après. Là encore, les malheureux condamnés pour un joint fumé vingt-quatre heures plus tôt apprécieront. Ceci expliquant peut-être cela, ce monsieur est connu pour ses expériences au cannabis sur nos amis les cochons. Ce docteur Folamour injecte directement dans la jugulaire du cochon la dose monstrueuse de 200 mg de THC par kilo (soit plus de 400 fois la dose usuelle pour un humain), puis il abat la pauvre bête et mesure la concentration de THC dans ses organes (Allo la SPA ?).

S’il est bien entendu préférable de s’abstenir de consommer du cannabis avant de prendre le volant, condamner une personne pour avoir fumé quarante-huit heures plus tôt est ridicule et la peine encourue totalement disproportionnée au regard du risque pris. Mais attention, la tolérance au produit est un élément déterminant : certaines personnes ne sont absolument pas en mesure de conduire après un simple joint, quand d’autres se sentiront simplement plus détendues. Une étude cite même le cas d’une personne jugée parfaitement apte à conduire alors qu’elle avait 40 ng/ml de sang.

Les drogues fumées donnant les plus fortes concentrations salivaires, il serait intéressant de vérifier si l’usage d’un vaporiser est de nature abaisser ces concentrations.

L’effet du cannabis sur les fonctions cognitives et psychomotrices
Lorsque vous fumez un joint, vous passez par trois phases :durant les premières 60 minutes, c’est l’Acute Phase (phase aigüe) où les effets sont à leur maximum. Puis on passe à la Post Acute Phase, qui dure une à deux heures après avoir fumé, période pendant laquelle les effets baissent assez rapidement. Et c’est enfin la Residual Phase, deux à trois heures durant lesquelles ils se dissipent peu à peu. Pour être sûr de ne pas conduire avec des facultés affaiblies, il serait donc plus
prudent d’attendre quatre heures avant de prendre le volant. Boire de l’alcool en ayant consommé du cannabis est une pratique à bannir absolument, les risques étant alors démultipliés.

Amphétamines

Il est possible d’être détecté positif plus de quatre jours après en avoir consommé. Prises à dose thérapeutique, les amphétamines ne seraient pourtant pas forcément un handicap à la conduite. Une étude précise même qu’elles auraient plutôt tendance à l’améliorer. En fait, c’est surtout la fatigue provoquée par leur abus qui serait de nature à augmenter le risque d’accident. Évidemment, tout est là encore question de dose : un type blindé de speed depuis trois jours sans dormir n’est certainement pas en état de conduire, c’est du pur bon sens.

Cocaïne

Pour la cocaïne, tout dépend de même du dosage et du mode de consommation : l’effet d’un sniff de coke n’a rien à voir avec son injection ou lorsque elle fumée sous forme de base. Mais l’effet de la cocaïne étant assez bref, il est probable que l’on retrouve son aptitude à conduire relativement rapidement.

Selon de Dr Jean-Pierre de Mondenard, expert reconnu en matière de dopage, « la cocaïne est un stimulant ultra performant » qui augmenterait les performances par « augmentation de la réactivité ». Selon le contexte, une même drogue passe donc du statut de dopant améliorant les performances à celui de drogue incapacitante vous rendant inapte à la conduite.

Mais si une simple trace de coke n’entraîne pas d’incapacité notable (et peut même l’améliorer selon une étude tout à fait scientifique), il n’en est pas de même pour une dose équivalente prise en intraveineuse. Il serait alors carrément crétin (et criminel) de prendre le volant. Concernant le crack ou la base, est-il utile de préciser qu’il est extrêmement déconseillé de prendre le volant sous leur influence ?

Opiacés

En ce qui concerne les opiacés, les conclusions des études sont parfois contradictoires.
Pris dans un contexte médical à dose thérapeutique, ils ne modifient pas de façon notable l’aptitude à conduire, si la personne est déjà tolérante aux opiacés bien sûr. Donc attention en début de traitement.

Alors que l’héroïne est généralement désignée par les expert comme l’ennemi public n° 1, si elle consommée raisonnablement, il n’y a pas de raison que son usage soit plus accidentogène que la morphine médicale.

Le facteur clé avec l’héro, et les opiacés en général, est celui de la tolérance qui fait qu’un addict est capable de s’envoyer sans broncher des doses qui enverraient direct à la morgue n’importe quelle personne « naïve » aux opiacés. Le risque n° 1 avec la poudre, c’est de piquer du nez, ce qui n’est malheureusement pas trop compatible avec la conduite bien que rare chez un héroïnomane confirmé.

En fait, c’est plutôt en manque qu’un usager d’opiacés au volant peut devenir un danger.

Si on présume que quelqu’un soigné à la morphine est tout à fait apte à conduire, je ne vois pas trop pourquoi on devrait considérer qu’une autre sous héroïne est forcément un chauffard en puissance car à la finale, il n’y a guère de différence entre les deux (l’héroïne se transforme en morphine très rapidement). Mais voilà, l’une est légale, l’autre est illicite et peut vous coûter la prison.

Les stupéfiants sur ordonnance

Et les personnes consommant des produits stupéfiants sur prescription médicale ? Sauf erreur de ma part, la loi n’en fait pas mention, ce qui laisserait à penser que même utilisés tout à fait légalement sous contrôle médical, vous n’avez pas le droit de conduire.

Mais bien qu’il n’y ait pas de texte évoquantce cas de figure, l’usage de stupéfiant sur ordonnance ne devrait pas vous faire condamner. Ni la méthadone ni la buprénorphine (Subutex®) ne font partie des produits recherchés, bien qu’il soit possible de se retrouver positif aux opiacés par réaction
croisée.

Méthadone

Pour la méthadone, un patient stabilisé et ne consommant pas d’autres drogues (alcool
compris !) est parfaitement apte à conduire. La Suisse, qui interdit de conduire aux dépendants aux drogues, redonne ce droit aux personnes stabilisées sous traitement méthadone. En règle générale, les personnes qui prennent des stups dans le cadre d’un traitement médical conduisent bien mieux que lorsqu’elles ne suivent pas de traitement. Au Royaume-Uni, la méthadone est acceptée tant que le taux n’excède pas 500 ng/ml de sang, ce qui correspond à peu près à une dose quotidienne de 80 mg. Une personne stabilisée conduisant après avoir consommé 80 mg de méthadone n’a pas plus de risque d’accident qu’une personne n’ayant rien consommé, alors que ce même dosage peut entraîner la mort de quelqu’un n’ayant aucune tolérance aux opiacés. Par contre, les personnes sous prescription médicale de diamorphine (héroïne) perdent leur permis de conduire.

Dans certains États américains et dans d’autres pays, conduire sous méthadone est un délit, que cet usage soit ou non médical. Le simple fait d’être recensé comme « addict » entraîne le retrait de votre permis, et la Communauté européenne suggère elle aussi d’interdire de conduire aux personnes dépendantes.

Sulfates de morphine

Concernant les sulfates de morphine, vous serez évidemment positif… à la morphine, ce qui, dans un premier temps, va faire de vous un présumé coupable, traité comme tel par les forces de l’ordre. Vous serez placé en garde à vue, votre véhicule immobilisé et votre permis suspendu pour soixante-douze heures maximum. La présentation de votre
ordonnance n’y changera strictement rien et avec un peu de chance, vous aurez même droit à une perquisition à votre domicile. Vous devrez aussi subir une prise de sang, seule à même de prouver votre bonne foi. Les forces de l’ordre seront sûrement plus compréhensives avec un cancéreux qui prend de la morphine qu’avec un usager de drogues substitué qui reste à leurs yeux un « toxico ».

Benzodiazépines

Passons aux downers et autres benzodiazépines. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, elles n’auraient qu’une faible incidence sur la conduite. Oui, quand c’est pris à dose raisonnable mais sûrement pas quand on en abuse ou quand elles sont associées à de l’alcool ou d’autres drogues. Quoiqu’il en soit, les benzos et autres antidépresseurs seraient responsables de 3 % des accidents.
Mais ce genre de psychotropes est surtout consommé par « Monsieur tout le monde » et par de nombreuses personnes âgées, des seniors qui restent intouchables malgré une inévitable baisse de leurs capacités à conduire et des résultats pas vraiment fameux en termes de sécurité routière. En France, il vaut mieux conduire à moitié sourd et aveugle que de prendre le volant en pleine possession de ses moyens après avoir fumé un joint deux jours plus tôt.

Codéine

Pour la codéine, c’est encore plus compliqué car bien qu’elle soit classée stupéfiant, de nombreux médicaments vendus sans ordonnance en contiennent suffisamment pour être dépisté positif aux opiacés.

Bon, il est tout de même fortement conseillé d’avoir en permanence votre ordonnance sur vous et quelques doses de votre substitution qui, en cas de garde à vue prolongée, vous éviteront de vous retrouver en manque dans ce trou puant appelé cellule. Et pourquoi pas, demander à votre médecin une attestation précisant que votre médicament étant de la famille des opiacés, vous êtes susceptible d’être dépisté positif à tort, certifiant par ailleurs que vous êtes apte à conduire.

Il ne serait pas du luxe de sensibiliser les médecins et le personnel des Csapa à ce problème car personnellement, je n’ai jamais vu ou entendu la moindre information à ce sujet dans aucun centre. Les professionnels pourraient également monter au créneau pour dénoncer la façon ignoble dont risquent d’être traités leurs patients.

Méthylphénidate

Les personnes en traitement à la Ritaline® ou au Concerta® peuvent de même être positives à tort aux amphétamines. Là encore, même traitement que pour les opiacés : prise de sang, garde à vue et tout le tralala, sauf qu’il vous faudra en plus demander une recherche de médicaments psychoactifs, l’analyse classique n’étant pas assez précise. Une incohérence de plus quand on sait que le méthylphénidate sous contrôle médical améliore la conduite. Tout comme le Captagon® qui, après avoir fait la joie de nos écrivains et autres rugbymen, serait désormais la « Drug of Choice » des frappés du djihad.

Cannabis thérapeutique

Enfin, en ce qui concerne le cannabis thérapeutique, c’est comme d’habitude « circulez y a rien à voir ». À moins que vous ne fassiez partie des rares personnes ayant un accès au Sativex® ou au Marinol®, auquel cas une ordonnance devrait vous disculper (enfin, à vérifier…). Pour les autres, n’espérez aucune clémence de la justice, vous serez aussi condamnés comme de vulgaires chauffards. On peut conduire sous opiacés, sous antidépresseurs, sous benzodiazépines, mais pas sous cannabis, cherchez l’erreur… Même aux États-Unis, où de nombreux États ont légalisé le cannabis à usage médical, aucun d’entre eux n’accepte qu’une personne en traitement conduise. En Israël, pays pourtant à la pointe du cannabis thérapeutique, le seul fait d’être en traitement.

L’inquisition des temps modernes
Les tests antidrogues ont de beaux jours devant eux. Aux USA et en Australie, les chômeurs vont bientôt être dépistés gracieusement et en cas de positivité, ils perdront leurs allocations. En France, une nouvelle loi autorise le dépistage au travail tandis qu’à Béziers, la mairie propose aux parents des tests salivaires gratuits pour dépister leurs enfants. Il va falloir apprendre à vivre avec cette épée de Damoclès et s’adapter. Les tests salivaires laisseront bientôt place aux tests par empreinte digitale, une « méthode non-invasive, hygiénique et impossible à falsifier, avec l’identité du sujet capturée dans l’empreinte elle-même » qui permet déjà de dépister la cocaïne. Les défenseurs des droits de l’homme ont déjà démontré qu’ils savaient utiliser avec habilité les nouvelles technologies, espérons qu’ils seront vite capables de trouver des outils permettant de nous prémunir de cette nouvelle inquisition des temps modernes.

Dossier réalisé par JI.AIR

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