Crève Cœur, Daniel Darc – Édition Deluxe 2015

  • 2 CD : Crève Cœur (album original) + Inédits & raretés (16 titres)
  • 1 DVD : Rêve Cœur (de Marc Dufaud) + clips dont un inédit, Désolé
  • Livret texte et photos

Une parenthèse essentielle

Fin janvier, Frédéric Lo m’a appelé pour me faire entendre les nouvelles chansons de l’album Inédits & raretés accompagnant la ressortie de Crève Cœur. Je travaillais à une rue de son studio au dérushage des images de mon film. La coïncidence était surprenante : à deux pas l’un de l’autre, Frédéric avec des chansons inédites, moi, avec un long métrage à venir, nous portions tous deux un projet autour de Daniel. Ça suffit à dire le vide qu’il laisse.

Plutôt que de réunir outtakes, chutes de studio et rebuts, ce qui eût été légitime et même cohérent s’agissant d’un album périphérique, Frédéric a méticuleusement sélectionné ses bandes, ne gardant que les titres aboutis qu’il a ensuite agencés avec le soin et l’élégance qui caractérisent ses compositions et ses arrangements.

Seize chansons, donc, et si certaines ne sont pas tout à fait inédites, toutes sont rares. Oui, rares ! On peut les voir comme 16 satellites tournant autour de l’astre Crève Cœur, ou comme 16 instantanés, 16 vignettes parfois accouchées sans douleur, parfois nées ou sauvées du chaos, arrachées de haute lutte à tout ce « qui pèse et écartèle ». Les jalons posés sur une sorte de route secondaire, faussement parallèle, en amont et en aval d’un Crève Cœur traçant sa route sur une voie royale.

Plus qu’un simple éclairage projeté sur Crève Cœur, ces compositions trouvent ensemble une forme d’équilibre qui fait de ce disque bien autre chose qu’un simple amalgame de chutes, mais bien un album à part entière. L’histoire qu’il raconte en filigrane est celle d’une collaboration artistique absolument marquante de la chanson française. Une histoire débutée au coin de la rue Trousseau au début des années 2000, lorsque Frédéric-Bowie proposa à Daniel-Iggy de travailler ensemble, et qui s’étend jusqu’aux abords d’Amour Suprême. Entre ces deux points, une période de créativité intense illustrée par ce disque où on retrouve une dizaine d’inédits, des duos et des titres composés pour d’autres artistes, et autres raretés comme le très tendre Nathanael écarté à la dernière seconde de l’album de 2004 ou encore La parenthèse enchantée, un des moments forts et clés du disque, une profession de foi et d’amour désormais aux allures de testament déchirant. Le talk over hypnotique d’Angoisse permanente basé sur un passage du Feu Follet, s’aventurant dans un territoire musical plus complexe, témoigne du désir commun de Daniel et Frédéric d’explorer de nouvelles directions.

Outre la qualité intrinsèque de ces gemmes, ce qui saute aux oreilles, c’est la voix de Daniel mise en valeur par l’écrin musical que lui offre la musique de Frédéric : sa tessiture, la fêlure fitzgéraldienne qu’elle porte, rendent instantanément identifiable cette voix traversée par une sensibilité peu commune. Hank Williams – préfigurant le L.U.V. d’Amour Suprême – à lui seul en atteste : le texte se résume à un simple name dropping des héros musicaux de Daniel. Et c’est la voix, la façon de jeter comme ça ces noms glorieux, qui transcende l’ensemble, le tire bien au-delà d’une énumération d’un simple jeu de références.

On n’a sans doute ni assez remarqué ni assez souligné à quel point – et ce depuis Taxi Girl – le phrasé unique de Daniel a influencé, et même décomplexé, plusieurs générations d’artistes français (mais il faudra bien un jour s’y pencher sérieusement – quitte à choir). Et si, ce faisant, il a jeté un pont entre rock et variété, n’ayez aucun doute, lui se situe bien sur la rive rock. Les Cœurs verts ne se rédiment pas !

Alors, voilà, il n’y a qu’une façon d’aborder ce disque, c’est d’oublier qu’il s’agit d’un album « posthume » et de le prendre pour lui-même ou pour ce qu’il aurait pu être, à savoir le 3e album des années Darc/Lo, période d’une créativité fulgurante couronnée par une re-CO-naissance médiatique due. Un disque dont Daniel aurait pu dire que c’est ce qu’il a fait de mieux… avant de le renier ensuite. Parce que Qu’est ce que ça peut faire ? ! Ça s’appelle brûler ses vaisseaux et Daniel savait faire ça mieux que quiconque – Don’t look back ! Missyou Bro.

films-reve-coeur-001Rêve Cœur – le film

Notes du réalisateur :

« Des 3-4 films que j’ai réalisés avec Daniel, Rêve Cœur a été sans aucun doute le plus fluide à faire. Ce qui ne signifie pas le plus facile mais il y avait là comme une forme d’évidence, dix ans après Le Garçon sauvage. En fait, nous reprenions les choses là où nous les avions laissées, à ceci près qu’en dix ans nous étions devenus très proches l’un de l’autre.

Tout film de commande qu’il soit, Rêve Cœur a été réalisé et monté avec une liberté totale. Son tournage s’est étalé sur quelques semaines. Armé d’une petite caméra numérique semi-pro, je rejoignais Daniel chaque jour à son appartement. On y a d’abord tourné les quelques plans que j’avais en tête et puis, pendant plusieurs jours, j’ai filmé à la volée, caméra épaule, nos balades à travers la ville. Très souvent ensuite nous allions chez moi passer la soirée et faire quelques séquences additionnelles. Mon fils Nathanael avait 4 ans, il adorait Daniel lequel prenait son rôle de parrain avec un sérieux qui m’amusait et me touchait, corrigeant avec une patience infinie les katas du karatéka débutant que Nathanael était alors.

L’autre partie du tournage s’est faite chez Frédéric et en studio avec un matériel adéquat et une équipe réduite. Je retrouvais pour l’occasion Florence Levasseur, la « chef op » de mes premiers films et sans laquelle aucun d’eux n’aurait été aussi fort. Il n’était pas question pour moi de « mettre en scène » des images tournées en studio a posteriori. Nous avons donc suivi les derniers jours de mixage du disque pour en saisir l’atmosphère sans savoir une seconde que cet album allait devenir l’une des pierres de touche de la chanson française. »

Commentaires (2)

  • Merci pour cet article ,ça fait plaisir
    Sacré Daniel,je l’ai souvent croisé, à gallepi ou vers abbesse lors de ses promenades
    ou il s’adressait , aux passants ,aux oiseaux, voir même aux nuages…qui lui répondait rarement
    ‘ une croix trop lourde pour moi et pourtant, je l’aimait cette croix !!  »
    j’avais pris ses mots pour une bonne definition de la came,à l’époque.
    Mais c’est toujours d’actualité je pense ,
    je me souviens ,je me rappelle !!
    Maintenant qu’il nous a quitté ,il va vendre a bloc, comme d’hab…

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