Sizzurp : Le sirop de la rue (part2)

Après s’être propagé via le rap sudiste américain, le Sizzurp fait aujourd’hui les frais de témoignages dénonçant son abus et les risques associés. Le fabricant de cet antitussif a décidé d’en arrêter la production, exposant du même coup les consommateurs à d’autres risques pour la santé.

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HiP-HoP : Le sirop de la rue (part1)

Après des années de tabous, on assiste à une explosion des consommations depuis le début des années 2000. Coke, MDMA (« Molly »), médocs, tout y passe et les consommations s’affichent ouvertement. Le phénomène le plus notable est celui du Sizzurp, un antitussif à base de codéine et de prométhazine consommé de manière récréative en cocktail (soda+bonbons fruités)*. Cette pratique née à Houston au début des années 90 est restée pendant longtemps confinée à la scène locale. Mais l’explosion du rap sudiste au début des années 2000 a propagé cette tendance à travers les USA. On ne compte plus les références au cocktail dans les rimes et la mode a depuis dépassé les frontières du hip-hop, touchant même l’égérie teenage Justin Bieber et lui valant sa première « rehab ».

Arrêter la production

tumblr_lt1f5s1Ltf1qcww7eo1_500Certains commencent à évoquer le revers de la médaille. Mac Miller, Gucci Mane et Lil Boosie ont publiquement abordé leur addiction et leur difficulté à décrocher. August Alsina, Rick Ross et le plus célèbre, Lil Wayne, ont séjourné à l’hôpital suite à un abus de « Purple Drank ». Ils ont tous eu des crises de convulsions qui auraient pu leur être fatales. August Alsina et Lil Wayne ont passé chacun 3 jours dans le coma suite à la violence des crises. Des produits, des abus, rien de bien nouveau sauf la réaction d’Actavis, le fabricant du sirop, qui a décidé d’en arrêter la production déclarant que l’image du produit dans les médias a « rendu glamour l’usage illicite et dangereux du produit, qui est contraire à son indication initiale ». Assez rare pour être notée, une telle réaction est-elle pertinente ?

Pour ceux pour qui le produit est le seul et unique responsable du problème, tout rentrera dans l’ordre s’il disparaît de l’équation. Une vision prohibitionniste et manichéenne de la question, où l’on retrouve d’anciens consommateurs repentis comme Lil Keke, Lil Boosie ou 2 Chainz. Et puis il y a ceux qui voient d’un très mauvais œil qu’on les prive de leur produit de prédilection, comme Soulja Boy, qui commence déjà à faire des stocks en prévision d’une pénurie et qui a même lancé une pétition pour tenter de faire revenir le fabricant sur sa décision

L’interdit et ses conséquences

Quarante ans de prohibition nous ont appris qu’interdire un produit n’est pas la solution. Même s’il n’est pas ici question d’interdit, le retrait du marché de l’antitussif aura les mêmes conséquences. Une décision d’autant plus regrettable qu’elle est davantage motivée par un souci d’image de marque que par une réelle préoccupation de santé publique. Elle pénalisera des malades, marginalisera et criminalisera les consommateurs, et favorisera le trafic et la contrefaçon. Avant même l’arrêt de la production, les prix dans la rue atteignent déjà 200 à 1 200 $ les 50 cl !! La première conséquence est que les consommateurs vont se tourner vers d’autres produits dont la consommation peut s’avérer encore plus risquée. Cette tendance est déjà observable avec des cocktails dans lesquels sont écrasés divers cachetons comme l’Ambien®, le Vicodin® et l’OxyContin®, dont certains sont des opiacés majeurs. Sachant que les overdoses de médicaments sur prescription sont la première cause de décès accidentel aux USA, ce glissement n’aura rien d’anodin.

purple-and-drank1En France aussi, on sirote

Et c’est précisément à cette problématique qu’il faudra faire face en France, car le sirop d’Actavis n’existant pas chez nous (et n’étant plus fabriqué de toute façon), les recettes pour se rapprocher du cocktail US diffèrent. Elles nécessitent des associations médicamenteuses pour mélanger prométhazine et codéine, entraînant d’autres risques (dosages, présence d’autres molécules dans ces médicaments comme le paracétamol, etc.). Il est nécessaire de pouvoir rappeler que la consommation de ces produits peut provoquer des malaises, notamment des dépressions respiratoires, surtout quand elle est associée à d’autres produits comme l’alcool et le cannabis qui potentialisent ces risques. Des recettes circulent déjà sur des forums francophones et le réseau des CEIP fait état de plusieurs cas d’intoxications au cocktail depuis le début 2014. Il est donc nécessaire de prendre connaissance du phénomène afin de pouvoir se renseigner, informer et faire de la prévention.

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