Dabolisation, comme dabitude

Depuis près de deux ans, la planète cannabis est euphorique. Plus de la moitié des États de la Terre sacrée de la guerre à la drogue autorisent actuellement le cannabis thérapeutique, la ville de New York vient de dépénaliser, et certains d’entre eux ont franchi le pas de la réglementation du cannabis récréatif. L’Uruguay est, quant à lui, le premier pays à réglementer complètement l’ensemble de la filière. Mais si ces changements sont le signe d’une véritable évolution sociétale, ils ne vont pas sans froisser les Croisés antidrogue, qui doivent redoubler d’arguments fallacieux pour endiguer le flot cannabique. Dernière victime : le dab.

Le dab, kézako ?

Le dab est la pratique de consommation de concentrés de THC : BHO (Butane Honey Oil) et Full Melt hasch. Selon la préparation, on parle de Wax, Honey, Budder, Shatter, Moon Rock, etc. Le résultat varie de 50% à 95% de THC. Avec de pareils taux, les ayatollahs de la fumette ont tôt fait de diaboliser ce produit. Les médias s’en emparent et n’hésitent pas à qualifier le BHO de « crack vert ». Mais le plus surprenant, c’est le clivage qu’il crée au sein même de la communauté cannabique. Même le célèbre magazine High Times se questionne : « Le BHO est-il le crack de la marijuana ? »

Bons drogués vs mauvais drogués

Ce concentré de THC relance l’opposition larvée entre les bons drogués fumant une gentille plante et les mauvais drogués, ces irrécupérables junkies friands de drogues bien « dures », qui parasitent tout le discours autour de la légalisation du pétard. Une situation où certains antiprohibitionnistes basculent du côté obscur. Aux Pays-Bas, c’est l’Union néerlandaise des détaillants en cannabis qui appelle les exploitants des coffeeshops à « stopper immédiatement la vente de concentrés sous forme de cire afin de protéger leur secteur ». Car avec le BHO, les Pays-Bas sont en passe de faire voter une loi, désignée comme « Norme des 15% de THC », qui interdira la vente de cannabis ayant un taux de THC supérieur à 15%. Ce type de cannabis sera reclassifié sur la Liste I du Tableau des stupéfiants comme une drogue dure, au même titre que les opiacés. Il n’est pas exclu que les États nord-américains ayant réglementé la vente de cannabis récréatif fassent de même. Pour éviter que le Colorado ne devienne le support d’une nouvelle série intitulée Breaking Dab (et les explosions intempestives), l’État a déjà interdit l’usage de butane chez les particuliers…

Diaboliser et stigmatiser plutôt qu’éduquer

Dealer Dab JointLa question du dab est aussi générationnelle : 420 contre 710. On se souvient des baby-boomers terrorisés par ces nouvelles weeds super fortes qui rendraient vraiment schizophrènes, à la différence, bien évidemment, de celles qu’ils fumaient. La génération shit/skunk/bang actuelle est dépassée par les jeunes vapoteurs de wax pour qui fumer un pétard d’herbe est complètement has never been, voire #So90s. Ils portent même des t-shirts inscrits : « Des fleurs ? Comme c’est gentil – elles doivent être pour ta copine »… LOL.

Donc, comme d’habitude, on incrimine la substance et l’usager. La politique de RdR a pourtant démontré que les problèmes liés aux usages de drogues sont moins le fait du produit que de l’usage qui en est fait. Il faut donc sortir de la diabolisation, éviter la stigmatisation des usagers et privilégier l’information, la prévention et l’éducation (lire RdR du dab et dab dans la RdR). Car comme le souligne Russ Belville, l’auteur des articles de High Times, « le danger du dab n’est pas tant physique qu’un véritable cauchemar de relations publiques ». Ce qui contrarie véritablement une partie des cannabinophiles, c’est surtout la mauvaise presse du produit qui vient écorner des décennies de luttes pour changer l’image du cannabis.

Conclusion

Au final, le débat autour du dab et des « risques » liés à cette consommation illustre les désaccords de la communauté cannabique. Que ce soit autour de la prohibition de toutes les drogues ou même simplement du cannabis : doit-on parler de chanvre global, de cannabis thérapeutique ou récréatif ?

La lutte des classes entre usagers de drogues n’est pas récente. Il y en a toujours pour regarder la poutre dans le nez du voisin. Et dans cette opposition cannabis vs autres drogues, rappelons les liens historiques entre Asud et le Circ (lire l’article Nouvelle donne !). Au-delà de la polyconsommation, c’est avant tout une question d’éthique et de cohérence intellectuelle que de s’opposer à la criminalisation de l’ensemble des usagers, sans distinction.

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