La réduction des risques prend de la bouteille

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« Il faut suivre la préférence du patient et écouter ce qu’il est prêt à faire dans l’immédiat. Pour beaucoup de sujets alcooliques, l’abstinence demande des efforts trop importants et les met trop en difficulté. Pour d’autres, c’est parfois plus simple de s‘abstenir que de réduire sa consommation. » Remplaçons « alcooliques » par « toxicos », et l’on pourrait croire qu’il s’agit d’une phrase prononcée il y a vingt ans par un addictologue.

En fait, elle l’a été tout récemment par le Pr Aubin, président de la Société française d’alcoologie, dans un entretien accordé au Quotidien du Pharmacien. Car, paradoxalement, la dépendance à l’alcool, un produit pourtant bien mieux « accepté » en France que toutes autres drogues, n’a jamais fait l’objet des mêmes réflexions. Et en sortir passait, presque exclusivement, par un sevrage total.

Un nouveau credo

Ce temps est depuis peu révolu, et cette démarche de prévention des risques semble faire consensus. C’est à un nouveau médicament, le Selincro® (nalméfène), dont l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) date de 2013 et le remboursement par la Sécurité sociale de septembre dernier, que l’on doit cette inflexion dans la prise en charge des alccoolodépendants. Ce traitement de première intention s’adresse aux patients dont la consommation est à risque élevé, voire très élevé, mais qui ne sont pas prêts à s’engager dans l’abstinence. Aujourd’hui, le nouveau credo de nombreux alcoologues serait plutôt « face au risque quasi certain d’un échec, dirigeons-nous d’abord vers une baisse de la consommation et améliorons les conditions dans lesquelles elle se déroule ».

Cette nouvelle approche s’accompagne d’un Plan de gestion des risques (PGR) au niveau national. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a en effet souhaité s’assurer du bon usage de ce nouveau produit en remettant au prescripteur et à son patient des documents d’information et de suivi du traitement. Dès la seconde visite, un « agenda de consommation » et de prise du Selincro® est confié au patient qui doit, tous les mois, consulter son médecin pour faire le point sur cette consommation et son état de santé général. S’ajoute à chacune de ces visites mensuelles un suivi psychosocial… Mais plus qu’un lourd suivi thérapeutique (qui n’est pas sans en rappeler d’autres…), il s’agirait surtout d’évaluer régulièrement la situation globale et de faire un point de manière positive avec le patient en le motivant et le responsabilisant.

« Le traitement est pris à la demande, il n’y a pas de stigmatisation (…) », précise le Dr Goni du laboratoire Lundbeck. Quant au Dr Aubin, il conseille à certains « d’en avoir toujours avec eux, en insistant sur le fait que l’on peut en prendre même si la consommation d’alcool a déjà commencé ». On y voit pour l’instant une nouvelle approche intéressante face à l’alcoolodépendance et l’on suivra avec intérêt les résultats des premières études sur son efficacité.

Notons enfin qu’une demande d’AMM a également été déposée par le laboratoire D&A Pharma dans 29 pays européens pour l’Alcover®. Il s’agit d’un dérivé du GHB (la « drogue du violeur ») indiqué dans le sevrage (ou le maintien de l’abstinence) des cas sévères de dépendance à l’alcool. Déjà utilisé sous forme liquide en Italie depuis 1991 et en Autriche depuis 1999, il permettrait d’obtenir un taux d’abstinence moyen de 75%, selon une étude « SMO » menée récemment. À suivre également, donc.

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