Extension du domaine de la défaite #2

Extension du domaine de la défaite

La TV réalité est autant une usine à fabriquer des stars Kleenex que le symptôme de cette époque tout entière vouée à l’exaltation de la célébrité. On connaît la chanson depuis Warhol, je n’y reviens pas.

La voix de son maître bisLa première partie de ce texte a été publié dans ASUD journal N°53 : Extension du domaine de la défaite #1

Pourtant, les véritables stars, ce ne sont pas les Zia Loana et compagnie à la ligne de vie très très brève. Trop éphémères et interchangeables par définition. Le media monstre qui les crée les dévore en les accouchant, quand il ne les euthanasie pas.

Non, les véritables hérauts héros, il faut les chercher du côté des sportifs. Plus exactement, chez les footballeurs qu’on a fini par comparer à de vraies « rock stars » ! On a oublié ce qu’ils prenaient dans les années 80, les footeux ! La risée que c’était ! De bons abrutis limite analphabètes – Et si cet aspect des choses n’a guère changé, il n’est plus autant souligné, ni même raillé que par le passé ! Étonnant, non ? On peut se demander si on ne régresse pas quelque part…

Quand Arte consacre une émission aux rebelles, elle n’oublie pas d’insérer Maradona ou Cantona entre Johnny Cash et Iggy ! Étrange jeu de miroirs déformants, dans la mesure où ces sportifs captent un héritage dont ils méconnaissent la nature, en s’emparant des attributs rock’n’roll – tatouages, fringues black leather, coiffures – qu’ils stérilisent, vident de toute substance et épuisent.

The times they are a changin’ justement… En fait, c’est autant leur talent de sportif que leur réussite que révèrent et qu’admirent les mômes quand justement la vitalité et surtout la réussite nous apparaissaient haïssables au point de prendre des allures de trahison même des idéaux rock’n’roll. Combien d’artistes et de groupes se sont ainsi vu reprocher leur « embourgeoisement » lorsqu’ils rencontraient le succès.

… Oui, les temps changent ! Le rock’n’roll – « avec drogue » – crachait son ennui et son refus du conformisme à la gueule des sociétés occidentales plongées dans une si longue ère de paix qu’on avait fini par s’y emmerder. Certains sociologues très calés (!) ont alors posé la thèse de la « drogue, guerre intérieure »… Jusqu’à il y a peu, ce postulat ne signifiait rien à mes yeux, mais là, au bord du gouffre alors que le mythe du guerrier redevient vivace, je me demande quand même s’il n’y avait pas de ça.

Et pendant ce temps… Pendant ce temps, le monde avale ses enfants et recrache sa misère. Nécrophage. Et puis quoi ? On est censé aussi applaudir au passage de la parade molle ! Ça laisse augurer du pire. Et c’est du pire augure… Là tout de suite, je me fais voyant sans être prophète et sans mérite non plus. Pas le moindre parce que c’est bien moins une intuition qu’une évidence. Suffit d’ouvrir les yeux. De mettre les éléments bout à bout et de prendre le soin d’y penser un peu.

On y passera tous !

C’est là, c’est partout dans la rue, sur les écrans, suffit de mater. Avec aux avant-postes, le sexe et la guerre, indistincts, obscènes tous deux. Certes les images ont tendance à s’invisibiliser à force de profusion. La somme de toutes ces peurs claque comme une déflagration, on y passera tous. L’assaut sera sauvage, tout azimut, la saignée, terrible, armagédonienne. En attendant, on reste là, coincés dans l’œil du cyclone, atones.

Faut nous voir chaque matin trottant allègres ou accablés, pressant le pas dans les couloirs du métro, faisant le pied de grue devant les écoles à attendre notre progéniture, exécutant jour après jour les mêmes gestes, riant, pleurant, gueulant, bouffant, baisant, chiant… On baisse les yeux, on regarde ailleurs. C’est plus safe ! Et puis ce sont les bras et puis la garde qu’on baisse, alouette ! Tête basse, en route pour le carnage final un peu à la manière de ces troupeaux de rênes mélancoliques et résignés que conduisent à l’abattoir les nomades nenets. Sentant la mort venir, ces pauvres bêtes mugissent et se débattent. On dit même que certains rennes pleurent comme les hommes. Ça finira comme ça…

On y passera tous !

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