Circ’s story – épisode 5

Résumé des épisodes précédents en quelques dates

1994

Descente de police au local du Circ, Garde-à-vue musclé et procès en perspective.

Suivie de près par les caméras de l’agence Capa, la fine équipe du Circ participe à la première Cannabis Cup européenne.

1995

Le 3 février, jour de la Saint-Blaise, je suis condamné au nom du Circ à une amende et à une peine de prison avec sursis.

Le 1er  avril, la  « Société Nationale des Chemins de Fer » se transforme en « Soutien National aux Cannabinophiles Français ».

En 1995, le Circ n’est pas au mieux de sa forme. La brigade des stups a saisi une partie de son stock et poussé France Télécom à fermer les tuyaux du 36 15, sa principale source de revenus, mais il en faut plus pour entamer le moral des troupes et nous choisissons d’investir toute l’énergie qu’il nous reste dans un « Appel du 18 joint » furieusement festif et politique.

« Cannabistrot, mythe ou réalité ? »

Hasard du calendrier, le18 juin tombe un dimanche et nous décidons de consacrer le week-end entier au cannabis. D’abord, en mettant à l’épreuve de la réalité notre concept de Cannabistrot, ensuite en mettant l’accent sur les vertus du  chanvre agricole, enfin en mettant le feu le 18 juin sur la grande pelouse du parc de La Villette.

Pour mener à bien notre projet, nous soldons quasiment notre compte et louons pour deux jours l’Espace Voltaire, une salle sise dans le onzième arrondissement de la capitale.

Pas de problèmes pour trouver de la beuh. La culture indoor en étant à ses balbutiements, nous avons dans nos relations quelques jardiniers en herbe  généreux et prêts à céder une part de leur récolte pour alimenter un cannabistrot éphémère.

Après de longs et tumultueux débats, nous optons pour une soirée payante sur réservation. Nous voulons donner du Circ une autre image que celle de clowns passant le plus clair de leur temps à tirer sur de gros pétards et éviter que la soirée soit squattée par des zonards.

asud-journal-54 cannabistrotEn moins de temps qu’il ne faut pour le concevoir, Phix nous pond un carton d’invitation : « Cannabistrot, mythe ou réalité » que nous imprimons et envoyons à des artistes, à des journalistes, à des personnalités politiques…

Alors que l’un travaille sur la programmation musicale, qu’un autre se charge de la déco, voilà qu’un arrêté préfectoral du 9 juin interdit la soirée du 17 et dans l’élan le salon du chanvre prévu le lendemain.

On avait évidemment envisagé l’interdiction, mais sans trop y croire. Pour le Circ, c’est une douche froide. Ne nous reste plus qu’à contacter les médias et souhaiter qu’ils nous soutiennent.

Rassemblement maintenu

Nous sommes le 15 juin et il est environ 19 heures. Je suis encore au local lorsque deux personnes se présentent à mon domicile. Ma copine les reçoit, leur propose de m’attendre et les invite à partager un pétard qu’ils refusent poliment. Après avoir interdit nos manifestations du vendredi et du samedi, voilà que le préfet de police envoie ces sbires me signifier l’interdiction de l’Appel du 18 joint, manifestation qui selon lui « présente sous un jour favorable l’usage du cannabis ».

Je le prends mal. nous avons distribué des milliers de tracts, collé des centaines de stickers, certains médias ont relayé l’événement. Le Circ n’a pas l’intention d’obéir  aux ordres du préfet et maintient le rassemblement.

Nous voilà 16 juin, une rangée de CRS protège l’entrée du cannabistrot et quelques dizaines de militants protestent, des jeunes écolos et des jeunes socialos, des militants de Limiter la Casse et d’Asud, les activistes du Circ et en vedette américaine, Jean-François Hory le président de Radical, mais aussi des responsables d’associations européennes venus soutenir leurs camarades français dans la mouise.

Le lendemain, les militants du Circ et leurs amis européens se retrouvent aux Buttes-Chaumont, un lieu hautement symbolique puisque c’est là comme chacun sait que s’est déroulé l’Appel du 18 joint originel. On se détend échangeant des pétards et des idées.

C’est dimanche. Sous un beau soleil et sous la surveillance discrète de la brigade des stups nous sommes un bon millier à revendiquer une autre politique pour le cannabis.

Régulièrement, je rappelle par mégaphone que le rassemblement est interdit invitant sur un ton ironique celles et ceux qui sont là pour soutenir le Circ à quitter les lieux. Quant aux autres, que rien ne les empêche de s’informer sur notre stand et d’applaudir aux interventions dénonçant la politique de Jacques Chirac. notre nouveau Président de la république !

Bienvenue en Chiraquie

Le rassemblement de l’Appel du 18 joint (le premier à être interdit) s’étant déroulé en toute convivialité et en présence de médias plus ou moins acquis à notre cause, nous étions rassurés.

Par pour longtemps car nous attendait une épreuve douloureuse qui allait gâcher nos vacances.

asud-journal-54 chirac joint

À peine élu président, Jacques Chirac s’en prend violemment à la politique des Pays-Bas en matière de cannabis, rétablit les contrôles aux frontières et avertit ses partenaires européens qu’il signera les accords de Schengen sur la libre circulation des personnes le jour où la Hollande renoncera à ses Coffee-shops.

C’est le début d’un feuilleton sur lequel nous reviendrons plus longuement, un moment difficile pour les touristes Français à Amsterdam car à l’arrogance de Jacques Chirac sur la politique des drogues bataves, s’ajoutait  la reprise des essais nucléaires !

La première visite de Jacques Chirac en tant que chef d’État fut pour son ami Hassan II. Nous espérions qu’après ses vitupérations sur la tolérance batave en matière de cannabis, notre président interpellerait le roi du Maroc sur ce qu’il compte entreprendre pour ne plus être le plus gros producteur de haschich au monde dont une grande partie nourrit le marché français, un sujet qui  ne sera pas abordé officiellement.

A very bad trip

Enhardi par l’arrivée de la droite au pouvoir, fort des positions intransigeantes sur le cannabis du nouveau président, l’inspecteur chargé de liquider le Circ se frotte les mains. Le moment est venu d’oublier ce jour cuisant de novembre où, à deux doigts de nous écraser, la sortie inopinée du rapport du Comité national d’Éthique a ruiné son projet.

Tour à tour, il a convoqué Fabienne (présidente du Circ-Paris), Jean-René (président d’Asud) Stéphane (responsable d’Écolo-J) qui se fera accompagner par Dominique Voynet, Anne Coppel (présidente de Limiter la Casse) et moi-même.

l’inspecteur a tenu aux uns et aux autres des propos empreints de racisme, de bonnes grosses blagues fleurant mauvais l’extrême droite… Je ne citerais qu’une seule de ses saillies à propos des membres composant le Comité d’éthique : « Le docteur Mengele aussi était un scientifique ».

Ces propos et d’autres encore nous ont choqué. Nous sortions du cagibi exiguë où nous étions malmenés, incrédules et écœurés, ce qui nous a poussé, d’un commun accord, à tout déballer à un journaliste de Libération qui le 8 juillet publiait un article intitulé  « Interrogatoires rugueux aux stups » où il dénonçait les odieux propos de l’inspecteur. Quelques jours plus tard, punition ou promotion, il était affecté à un autre service.

Le Circ a un nouvel ami

1995, c’est aussi l’année où Roger Henrion, profession gynécologue, accouche dans la douleur d’un rapport qui fera date.

L’aventure mérite d’être brièvement conté. Après avoir lancé l’idée d’un grand débat sur la dépénalisation des drogues douces, Pasqua se défausse et renvoie la balle à Simone Veil, ministre de la santé, qui lance une commission composée de personnalités « d’origine très diverses », une commission qui devra rendre sa copie avant la fin de l’année et faire des propositions concrètes.

Le candidats ne se bousculent pas au portillon pour prendre la tête de la Commission. Puis fin décembre, le ministre de l’Intérieur nous sort de son chapeau un président : Roger Henrion, gynécologue encarté au RPR.

Le temps que soient nommés ses dix sept membres, dont Michel Bouchet, patron de la brigade des stups et Gilles Leclair, patron de l’Octris, nous sommes déjà en mars et le rapport doit être rendu en juin.

Il faudra attendre que les membres de la commission avalent et digèrent un amas de textes, la plupart indigestes,  pour que débutent le premier juillet les auditions.

L’automne passe, l’hiver arrive et toujours rien. Le bruit court que les débats sont houleux, que le professeur Henrion, un honnête homme, a viré de bord, et milite pour la dépénalisation, une solution que combat l’équipe adverse emmené par Michel Bouchet.

Le rapport qui devait être rendu le 20 janvier 1995 (jour du procès du CIRC) sur le bureau de Simone Veil, le sera finalement le 3 février (jour où le CIRC est condamné)… Et très vite oublié par les députés.

Par neuf voix contre huit, le rapport préconisait la dépénalisation du cannabis… et sa légalisation trois ans plus tard si tout se passait bien.

Dans le prochain épisode, nous suivrons le match qui oppose la France et les Pays-Bas et nous nous intéresserons aux Circ qui fleurissent un peu partout en France.

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