Auto-Support des Usagers de Drogues, Késako ?

Depuis 1992, l’Auto Support des Usagers de Drogues (ASUD) a développé une pratique quotidienne en direction des consommateurs de substances illicites. Les différentes associations qui composent le réseau ont accumulé un savoir pratique et théorique dans un champs d’application totalement nouveau : la gestion rationalisée de la consommation de stupéfiants.

Selon les régions,cette pratique se décline en simple groupe de parole, en programmes d’échange de seringues (p.e.s.), en interventions en milieux festifs, sans oublier la réalisation et la distribution du journal d’Asud. Ces expériences ont le mérite d’être diverses. Elles sont liées de façon formelle par une convention signée avec ASUD-national, dépositaire du nom. Le point commun des ces actions est donc leur identification par le sigle ASUD., dont le cadre éthique est définie par la Charte de l’Asudien et les Dix mesures d’urgence.

Sur le plan conceptuel toutes ces actions ont un point commun, elles procèdent de l’intérêt donné à la parole des usagers de drogues perçus comme acteurs essentiels d’une véritable réduction des risques. Or cette réduction des risques s’est trop souvent organisée sans intégrer l’apport décisif de l’auto support. Dans les colloques ou les communications scientifiques, la participation des usagers reste un objet confus car il mêle inextricablement deux niveaux de perception fondamentalement différents, le droit des malades d’un côté et la reconnaissance professionnelle de l’autre. Le droit à l’information et la nécessaire organisation des actions de réductions des risques autour des questions posées par les usagers eux mêmes, est une nécessité qu’il ne faut pas confondre avec la refonte des objectifs professionnels du  » soin aux toxicomanes « . Grâce à l’expertise de l’auto-support l’usage des drogues à risques réduits est intégré aux actions de prévention dites  » secondaires « . Ces deux niveaux, même s’il sont complémentaires, doivent être clarifiés, y compris dans notre réseau.

Les usagers de drogues : vecteurs essentiels de la RdR

Une véritable réduction des risques implique de placer les usagers au centre des actions. C’est le sens qu’il faut donner aux objectifs d’autodétermination, de revendication de l’usage, et d’identité d’usager. Autodétermination c’est le droit pour les usagers de consommer les substances de leur choix en réduisant les risques Ce droit inclut bien évidemment la possibilité de bénéficier de n’importe quel type de soin sans restriction de dosage qu’il s’agisse de réduire sa consommation à l’aide d’un produit de substitution, ou bien de bénéficier d’une cure de désintoxication dans des conditions décentes de prise en charge. Ce principe implique nécessairement de bénéficier d’une information fiable sur les différentes techniques d’usage et donc de garantir le droit à l’information sur les drogues mais aussi sur les traitements. Sur le terrain juridique et politique, la revendication de l’usage des drogues comme droit légitime et imprescriptible protégé par la déclaration des droits d l’homme et du citoyen de 1789 doit être envisagée pour des raisons morales mais aussi pour des impératifs de santé publique.
La visibilité de l’usage de stupéfiants dans la question du soin, comme par exemple lors des prises en charge hospitalière doit être une donnée habituelle comme peut l’être la consommation de drogues légales. Néanmoins, la définition d’une identité des usagers de drogues suppose d’être maniée avec précaution car cette revendication doit se concilier avec l’exigence de confidentialité de la vie privée des individus. Cette identité n’est concevable que comme objet de revendication dans un contexte politique de prohibition des drogues. En dehors de sa signification du point de vue légal le fait d’être consommateur de substances illicites n’a pas de lisibilité culturelle ou sociale. Bien loin de constituer une communauté, les usagers de drogues n’ont généralement pas d’autres points communs entre eux que ceux liés à l’échange de marchandises ou à la persécution policière.

L’usage à risques réduits : un nouvel espace professionnel

Depuis une décennie, l’irruption du sida parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse a changé les perspectives du soin. L’abstinence de toutes consommations a cessé d’être la seule réponse admissible du point de vue éthique. L’une des conséquences de ce changement a été la constitution de groupes comme ASUD, explicitement constitués d’usagers et non plus d’ex-usagers comme il en existait au Patriarche ou à Narcotique Anonymes. Organisés dès l’origine comme un espace de réflexion sur les sur les effets et sur les méfaits de la consommation de psychotropes. Asud s’est assigné comme objectif de pouvoir fournir une information fiable en matière de drogues du point de vue des utilisateurs. Ce recours à l’éducation par les pairs doit être interrogée à l’aune de l’absence des professionnels du soins sur ce créneau. Un document comme le manuel du shoot à risques réduits a été conçu et réalisé par Asud, association d’usagers, en raison de l’absence de communication sanitaire émanant des autorités en direction des usagers de drogue.
Le caractère professionnel de l’action d’Asud a été renforcé par l’embauche systématique par l’association des militants les plus performants. Les champs de compétences se sont élargis passant progressivement de la rédaction d’articles ou de brochures à la communication orale lors des colloques scientifiques, sans oublier le travail de terrain et la gestions des équipes dans les groupes locaux. La technique de l’usage des drogues reste un objet professionnel neuf, encore nimbé de suspicion morale et politique. Il n’empêche que toutes les avancées de ces dernières années en matière de drogues ont été obtenues sur ce terrain. La reconnaissance et la proximité avec les pratiques d’usage sont donc autant des objectifs de l’auto support que des outils nécessaires à l’élaboration des politiques de santé publique en matière de drogues.

Conclusion

L’auto organisation signifie pour nous d’être en mesure de désigner clairement ce qui dans notre réseau se rapporte à l’un ou à l’autre des domaines d’intervention englobés sous le terme commode d’auto support. S’il s’agit de la place nécessaire accordée aux usagers de drogues en tant qu’usagers du système de soins notre légitimité s’appuie sur notre capacité à évaluer la qualité de la prise en charge dont bénéficient les  » toxicomanes « ,  » La notion de militantisme est au cœur de ce type d’action qu’il convient toutefois de différencier de la revendication de l’usage qui ressort plutôt de la politique de lutte contre la prohibition. La difficulté de ce travail de clarification réside dans les multiples correspondances entre ces deux dossiers militants lesquels matérialisent des aspects complémentaires de la défense de la citoyenneté des usagers de drogues.
Pour ne rien simplifier la professionnalisation croissante au sein d’Asud est également complémentaire des aspects militants de ce que l’on a coutume de nommer la santé communautaire. Un exemple, notre participation à la commission consultative des traitements de substitution appartient à quel registre ? Sommes nous les représentants des usagers ou des experts de l’usage de ces traitements ?
L’enchevêtrement de significations des termes auto-support, usagers de drogues, santé communautaire, actions de première ligne et réduction des risques nécessite un important travail de clarification. Ce travail possède une dimension citoyenne corellée à la question des droits de la personne et un volet professionnel lié à l’émergence de nouveaux champs conceptuels en réduction des risques. Il est de notre intérêt de prendre l’initiative de ce débat sous peine de voir d’autres que nous s’en emparer puis nous imposer ensuite leurs conclusions.

Commentaires (4)

  • Bonjour, je suis néo-calédonien. J’ai été bénévole pour ASUD l’année-même de sa création en 92 et en 93 lors de mes études à Paris. Je suis heureux de voir que vous existez encore.
    J’avais 20 ans à l’époque, si vos anciens adhérents se souviennent de moi, vous pouvez m’écrire via mon mail.
    Bonne chance et bonne continuation.
    Jimmy

  • pour répondre à cette question « notre participation à la commission consultative des traitements de substitution appartient à quel registre ? Sommes nous les représentants des usagers ou des experts de l’usage de ces traitements ? » je pense que nous sommes en tant que membres d’Asud les représentants des usagers de drogues (tout au moins d’une partie d’entre eux) et qu’en tant qu’usagers de drogues suivant ou ayant suivi un programme de substitution nous sommes également des experts de ces programmes. Mais il me semble que si Asud est représenté dans cette commission des traitement de substitution c’est avant tout car elle était à l’époque la seule association existante d’usagers de drogues (et dont les membres se revendiquaient « experts en drogues ») et donc l’action est reconnue dans le milieu de la Reduction des Risques.

  • Je trouve que les seringues des steribox sont très dures à pousser et du coup on peut se blesser en forçant. C’est mieux quand elles coulissent bien.
    Et aussi, il paraît que certaines crèmes peuvent atténuer l’effet de la sclérose veineuse.. Il pourrait y en avoir dans les kits, non ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

© 2020 A.S.U.D. Tous droits réservés.

Inscrivez-vous à notre newsletter