Valeurs Actuelles shoot again !

Réponse d’ASUD à l’article intitulé : Drogues l’apologie subventionnée, paru 16 janvier 2012 dans l’hebdo Valeurs Actuelles.

On pourrait l’appeler le syndrome “drogués heureux” en référence au slogan qui a provoqué pour la première fois en 2005 l’ire de l’hebdomadaire à l’encontre d’ASUD. “Le journal des drogués heureux”, notre slogan de l’époque, résumait parfaitement, aux yeux de nos détracteurs, les trois péchés capitaux motivant notre mise au pilori: prosélytisme, gauchisme libertarien, et surtout… financement public. Tout au long d’un dossier de quinze pages, les obsessions anti-drogue d’un duo de journalistes de choc, toujours aux manettes, étaient égrainées dans un inventaire à la Prévert – un Prévert qui aurait migré à Sigmaringen.

Dans sa livraison du Jeudi 16 janvier 2012, l’hebdomadaire a remis le couvert sous le titre “Drogues l’apologie subventionnée”. Apparemment cette nouvelle poussée d’urticaire est consécutive à la parution de notre cinquantième numéro : 50 produits, ASUD a testé pour vous. Passons sur les montants fantasmagoriques des subventions publiques soi-disant attribuées à l’association. Passons sur la haine et l’envie qui suintent sous les dehors d’une indignation sur-jouée. Passons même sur l’emballage plus que suspect qui noie cette charge anti-droguée dans un océan de vociférations homophobes. La Une de VA consacrée à la mobilisation contre le mariage gay semble avoir enclenché un réflexe conditionné.

Aujourd’hui comme hier, le coeur du débat, la seule polémique qui mérite d’être retenue est bien la contradiction initiale que nous avons toujours soulignée entre le principe même de la de réduction des risques et les dispositions légales qui condament la présentation des drogues “sous un jour favorable” ! C’est d’ailleurs tout l’objet de notre dossier1. Les procès en cascade de Jean-Pierre Galland, défenseur du cannabis dans les années 90, le tract “j’aime l’ecstasy” de Philippe Mangeot (alors président d’Act-up) condamné en 1999, le procès de Techno + et JM Priez en septembre 2003 pour «provocation» et «facilitation» de l’usage de stupéfiants, le rapport sénatorial « Drogue l’autre cancer » (2003), le manifeste de 78 députés contre ASUD et Techno+ adressé à Dominique de Villepin le 25 janvier 2006, jusqu’aux derniers remous provoqués par la récente déclaration de Vincent Peillon sur le cannabis. Tout démontre une vérité que nous ne cessons de clamer : l’absence d’un véritable débat sur la politique des drogues crée des zones d’ombres propices aux ratés de la réduction des risques, pourtant officialisée en 2005.

Il existe toujours un clivage majeur dans ce pays entre ceux qui savent que le plaisir des drogues est une composante majeure du dossier et les moralistes, souvent parfaitement hypocrites, qui laissent croire que la répression et la prévention par l’abstinence constitueraient le seul langage efficace ou même audible par les usagers. Les positions clairement antagonistes, et disons-le caricaturales, d’ASUD et de Valeurs Actuelles sur le sujet ont le mérite de poser le problème avec brutalité. La question est : jusqu’à quand l’absence de débat de fond permettra aux uns de se draper dans les plis de la légalité républicaine et aux autres de devoir se justifier d’un langage qui reflète une réalité connue de tous les véritables acteurs de la scène des drogues, professionnels comme usagers ?

Oui, les drogues provoquent d’abord et avant tout du plaisir. Oui, ce phénomène est la principale raison qui pousse les usagers et notamment les plus jeunes à s’en procurer. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. L’assimilation avec les violeurs ou les pédophiles renvoyant systématiquement les usagers à leur statut de délinquants est une escroquerie morale qui n’enrichit que les dealers et les cimetières. Il est temps que notre société ouvre les yeux sur le mouvement international. Depuis les Etats-Unis et l’Amérique de Sud, de nombreux spécialistes, des décideurs et des électeurs prônent un renversement d’alliance, une nouvelle politique, efficace tant pour la santé publique que pour la sécurité, qui verrait dans le même camp les consommateurs de drogues, les citoyens responsables, les policiers et les économistes contre les mafias, l’argent sale et la corruption.

C’est le sens du rapport de la Global commission on drug policy que nous avons adressé au Président Hollande, aux ministres et aux députes, document qualifié abruptement par Valeurs Actuelles de brûlot siglé “fin de la prohibition ». Aux antipodes de l’indignation petite bourgeoise, systématiquement privilégiée par l’hebdomadaire, pourquoi ne pas créer les conditions d’un véritable échange, à la hauteur de nos ambitions communes s’il s’agit véritablement de dominer les principaux fléaux qui découlent de l’abus de drogues, la dépendance et le marché noir.
Le ton de proximité que nous affichons avec les personnes concernées, a fait le succès de notre journal auprès de ce public qui échappe généralement au discours classique de prévention. De notre expérience d’usagers, nous tirons cette certitude qu’il est inutile de vouloir convaincre un consommateur des éventuels dangers d’une substance, sans avoir su au préalable captiver sa confiance, par exemple en partageant l’idée manifeste que ces drogues sont également des sources de plaisir.

Ce paradoxe apparent, est connu de tous les acteurs du champ, il conditionne toutes les approches dites “communautaires” de la réduction des risques. Continuer à se boucher les yeux et les oreilles sur le sujet explique largement les ratés de notre politique des drogues, le trafic de produits de substitution, l’inflation de produits frelatés achetés par le biais d’Internet et la progression constante d’une consommation de cannabis de plus en plus problématique chez les jeunes.

Malgré la loi de 2005 qui officialise la réduction des risques en France, ASUD et d’autres, continuent d’être la cible privilégiée de certaines officines dont les motivations sont à la fois partisanes et strictement hexagonales. L’actualité récente nous montre à quel point les sujets de société instrumentalisés à des fins politiciennes peuvent conduire notre pays à des errements indignes de l’ampleur du débat. Les conclusions de la Global commission on drug policy que nous avons adressées aux membres du gouvernement et aux députés n’ont pas d’autre objet que de dépasser la dimension picrocholine de ces affrontements. Comptez donc sur ASUD pour persévérer dans la voie du dialogue et de la pédagogie avec tous les acteurs de la scène qu’ils soient ministres ou usagers de drogues.

Commentaires (5)

  • Heu, à quand la méthadone livrée par courrier de la sécu svp, ça pourrait m’intéresser…
    Sinon, on peut faire essayer du speedball à son enfant de 12 ans ou bien c’est un peu trop tôt ?

  • @ Telluor
    Quel humour débordant ! La drogue vendue dans les supermarchés, le rite initiatique du shoot à 12 ans, la déchéance de notre jeunesse, c’est toujours la même chanson totalement caricaturale.
    N’hésitez pas à revenir dialoguer dans nos colonnes, c’est un pur plaisir !

    • J’ai d’abord souri en lisant le commentaire de Telluor, trouvant qu’il parodiait la prose VA avec finesse… et puis soudain : argh, le second degré n’était en fait PAS du troisième degré !
      Alors relire la fin de l’article, et « persévérer dans la voie du dialogue et de la pédagogie avec tous les acteurs de la scène qu’ils soient ministres ou usagers de drogues »… ou prohibitionnistes bornés.

      • Le problème est surtout de convaincre les prohibitionnistes ( bornés ou non). Or actuellement ils forment la majorité . Il y a peu, une majorité de gens pensaient que les gays étaient des grands malades doublés de pervers dont il eut été aberrant de prendre la défense ( à moins d’être gay soi-même…et encore) quelque temps auparavant les femmes – les greluches- étaient fortement incitées à ne pas sortir de leur cuisine on a eu aussi , les nègres et les bougnoules qui feraient mieux de pas la ramener… j’arrête là mais à chaque fois le mot-clé c’est IDENTIFICATION. La société avance quand la majorité parvient à s’identifier à une minorité.

  • Valeurs Actuelles, le 10 avril 2015

    Salles de shoot : la mauvaise expérience de Montpellier en 1994

    Echec. En 1994, une salle de shoot a été ouverte à Montpellier. Retour sur cette expérience oubliée, qui aura vite cessé après l’overdose d’une jeune adolescente.

    «C’était un peu branquignol, notre truc»

    Il y a vingt ans, une association héraultaise avait tenté l’expérience des salles de shoot. Autosupport des usages de drogues (Asud) Montpellier et Estelle Dollé étaient à l’origine de la seule salle de shoot jamais ouverte en France. Pour cela, il faut remonter à décembre 1993. Estelle a alors une trentaine d’année : «On l’a fait à un moment où les politiques n’étaient pas prêts. Ok, c’était un peu branquignol, notre truc. Mais, au moins, on a essayé, en sachant bien qu’à la moindre faille, on allait se casser la figure». A l’époque, le «Sida fait des ravages». L’association pense qu’il n’était pas envisageable de «laisser les gens se shooter dans la rue». Ils s’installent rue de la Loge et distribuent des kits de prévention et des seringues. Six mois plus tard, l’association récupère un vrai local après une visite en Suisse.

    Entre 70 et 100 personnes par jour et overdose d’une adolescente

    Estelle Dollé se souvient d’avoir accueilli «entre 70 et 100 personnes» chaque jour. Seulement, depuis «la majorité d’entre eux sont décédés» confie-t-elle. «Les gens venaient de 13 h à 18 h, ils attendaient leur tour, faisaient leur truc (…) Bien sûr, on n’allait pas vérifier ce qu’il y avait dans leur seringue».

    Le centre fermera vite ses portes, en juillet 1995 après l’overdose d’une adolescente, qui survivra cependant. La justice a poursuivi l’association qui n’a pas eu d’autres choix que de fermer. Asud bénéficiera tout de même d’un non-lieu dans cette affaire.

    Le maire de l’époque, George Frêche, avait soutenu les salles de shoot.

    «On ne soigne pas la drogue par la drogue»

    Serge Lebigot, fondateur de l’association Parents contre la drogue, se bat contre l’ouverture de ces salles : «Les salles de shoot ne servent à rien. Cela créé un effet « pot de miel » : la salle de shoot crée un point de fixation des trafics. Le dealer s’ancre dans le quartier. Et où croyez-vous que les seringues seront jetées lorsque la salle sera fermée ? Dans les rues au pied des immeubles. Cela pose une vraie question de santé publique et de mise en danger de la vie d’autrui».

    Lebigot va plus loin, selon lui la prévention n’est pas suffisante : «Depuis 25 ans, le problème de la drogue a été relégué aux associations qui sont pour la légalisation. Aujourd’hui, il n’y a pas ou très peu de prévention. Les rapports pointant les dangers du cannabis sont passés sous silence. La salle de shoot n’est pas une solution : on ne soigne pas la drogue par la drogue». L’échec de l’ouverture de la salle de shoot de Montpellier n’a manifestement pas découragé la ministre de la Santé Marisol Touraine.
    (source : http://www.valeursactuelles.com/societe/salles-de-shoot-la-mauvaise-experience-de-montpellier-en-1994-52111#)

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