People : Jean-Luc à la strass*

Depuis la tempête médiatique déclenchée par sa mise en examen pour acquisition et détention de cocaïne le 14 septembre dernier, Delarue manage au mieux sa communication de crise. L’animateur, qui suit la méthode Minnesota des Narcotiques anonymes pour décrocher, veut faire une tournée de 50 dates pour partager son expérience et prévenir des dangers de la drogue et de l’alcool. Réhabilitation ou coup marketing ?

« Bonjour, je m’appelle Jean-Luc et je suis dépendant… », « Bonjour Jean-Luc ! ». Ceci n’est pas le lancement d’un énième « Toute une histoire » mais le quotidien de Delarue depuis son séjour à la clinique vaudoise de la Métairie. Très chic et sérieux le plan suisse, bon pour l’image. Avec une consommation moyenne de 20 g par semaine et des pics de 4 g en huit heures, Jean-Luc était un sérieux abuseur et aussi un abusé par des dealers de coke bien coupée à 1 800 euros les 20 grammes. Le parfait pigeon. Il était vraiment temps d’arrêter. Mais est-il nécessaire d’en faire des tonnes dans la repentance ? Pour sauver sa boite de production et son avenir personnel et médiatique, c’est indéniable. Pour l’image des usagers dans la société et face aux soins, ça se discute…

Un showbiz enneigé

Le bon peuple n’a pas découvert l’appétence du VIP pour la coke à l’occasion de cette affaire. Comme le déclarait Laurent Fontaine chez Morandini « Je ne vais pas faire de langue de bois : si aujourd’hui on retirait la coke aux animateurs de télé, il y aurait beaucoup de trous dans les grilles de programmes. » Pas un documentaire trash sur Saint-Trop sans séquence poudrée, la confession de Johnny dans Le Monde, le pétage de plombs de Karen Mulder, Kate Moss, la rehab d’Amy Winehouse en Jamaïque (mwouarfff ), la croix en poudre sur les nichons de Paris Hilton, le mix cendres de son père et coke de Keith Richards (respect)… Les exemples sont très nombreux et ne choquent plus grand monde. Depuis sa découverte, ce produit est associé aux riches et célèbres. Mais avec la baisse du prix, une plus grande disponibilité due à la diversification des dealers de quartiers, un effet de mode lié à la fascination pour le people, la coke s’est banalisée et la problématique s’est popularisée. Outre des artistes et des marchands d’art, il y avait un petit fonctionnaire et des cadres de base dans la clientèle de Kiks, le dealer de Jean-Luc. Pas classe, mais très réel. Pour se la péter, le showbiz doit se trouver une autre dope.

Une petite entreprise

asud_journal_45_cokeSi la publication du PV de son audition dans Marianne du 23 octobre 2010 est éthiquement contestable, elle expose parfaitement une filière de deal chez les usagers intégrés : la commande par SMS et la livraison à domicile. C’est au cours d’un vernissage que Jean-Luc a trouvé son plan par la copine d’une connaissance. En usagère avisée, elle a flairé le people aux lignes d’or, elle va se payer sa conso sur son dos en le chargeant à 90 €/g pour une quantité pourtant conséquente. Le prix au détail de Kiks était de 60/70 euros. D’après le PV publié par Marianne : « Par mois, on vendait environ 300 g, soit 20 000 €… ». Dans cette micro-entreprise, il y avait donc une intermédiaire gérant les stars, un listing de clients vendu par un mystérieux Belge, trois livreurs, des codes basiques pour les commandes, des petits cadeaux incitatifs et une marchandise plus coupée quand le client était bien dedans. Schéma bien connu dans les milieux aisés.

Profil d’un dealer

Kiks, un franco-algérien de 27 ans, vivait modestement dans une chambrette universitaire de Nanterre. Il roulait en Twingo et sa seule folie fut un sac Gucci à 720 € pour son amie. Pas de virée en boîte arrosée au magnum de Cristal, pas de chaînes en or qui brillent, pas de voiture de luxe et de costards de beau mec. Juste du blanchiment au bled dans une maison et probablement un business légal. Ses livreurs étaient de jeunes Blacks de cités assez discrets pour bosser en métro, ponctuels, disponibles 24/24-7/7, polis, sauf avec les mauvais payeurs. La marchandise était conditionnée en flacons de 2 g, loin de la bombonne en plastoc ou du keps en papier du vulgaire deal. Kiks a le sens du marketing, c’est un bon exemple d’entrepreneur du marché noir, loin des clichés gangsta. Discrétion, efficacité, top crédibilité, Jean-Luc a plongé.

Comment s’expliquer sans se griller ?

asud_journal_45_cocaDelarue a bien organisé sa défense dès sa première déposition. « J’en consomme depuis plusieurs années, avec des pauses, et j’ai repris en mars 2010 après un arrêt de deux mois. J’avais déjà arrêté quatre ans. » Il tapait souvent seul et le soir pour écrire et vaincre le stress, rien en vacances, parfois un partage gratos mais jamais de deal. Très crédible avec des revenus mensuels de 35 000 € plus ses cachets d’animateur. Il se préparait à un nouveau sevrage : « J’ai pris conscience que je devais arrêter pour ma santé et mon équilibre personnel. » Il minimise ainsi l’amende pour les quantités achetées, repousse l’accusation de revente, et prétend ne pas avoir été sous influence devant son public ou au bureau. Clean pendant sa période de vie commune avec son fils, il se pose en victime consciente et repentie de sa dépendance. Et fait sourire les (ex)abuseurs de coke : il faut se farcir le pif de Mannitol presque pur ou sniffer très souvent pour absorber des pics à 120 g par mois. Pour bien signifier qu’il n’enterrera pas l’affaire – le peut-il après une telle publicité ?–, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a ordonné un réquisitoire supplétif requérant sa mise en examen.Affaire à suivre.

Ne pas perdre son public

JLD a probablement été piégé. Le dealer a été balancé anonymement, la star des paparazzi l’attendait pour la photo qui tue, le lynchage médiatique était prévisible. Mais c’était sans compter sur la pugnacité et les réseaux de l’animateur. Il est arrivé à sortir rapidement de garde à vue pour lancer une vidéo contre-buzz sur le Net : la coke, ce n’est pas bien pour la société et sa santé. Il prend une pose de victime de son métier, de sacrifié pour les téléspectateurs : « Parfois, toutes les histoires que je reçois de mes invités, je les prends un peu dans la poire. » Et du gars responsable qui se soigne : « Je suis en traitement depuis quelque temps déjà. » Enfin, il en appelle à la compassion : « Je vais tout faire pour mériter votre confiance, et je croirai en la deuxième chance si vous me la donnez.» Du grand art pour quelqu’un qui prétend parler « sans réfléchir ». Pourtant, les réactions sur certains forums furent virulentes contre ce camé qui se défonce avec l’argent du service public, qui sniffe 7 salaires par mois, contre ces stars qui (se) flambent quand le peuple souffre, contre l’hypocrite qui pousse ses invités à faire des efforts alors qu’il est fin raide, etc. Violentes aussi contre tous les usagers de drogues. Mais son public afflue par milliers pour le soutenir sur son site et Fredo Mitterrand, son ministre de tutelle, ne le lâche pas. Comme tant d’autres.

Contre-offensive

Une semaine après son interpellation, Jean-Luc choisit la bible du people chic pour éteindre l’incendie. Un sujet, limite publireportage, de 6 pages dans Gala du 22 septembre, illustré par de photos arty présente Jean-Luc l’intello au travail. L’abus de coke est bien connu comme maladie d’écrivain torturé, et Jean-Luc a du mal avec la rédaction de ses mémoires. Il faut le comprendre, il a eu une vie tellement dure. Il réitère sa contrition : « C’est quelque chose (la drogue) de dangereux ! Un cercle vicieux dans lequel il ne faut surtout pas entrer et duquel j’étais en train de sortir. » En effet, sa cure n’a rien à voir avec ses ennuis judiciaires : « Je devais arrêter le 23 septembre, j’ai finalement arrêté le 14. » Il consultait un médecin ORL pour cela. Plus probablement pour l’état lamentable de ses cloisons nasales. Au passage, il balance un peu – «(l’ORL) qui soigne ce problème chez beaucoup de personnes du métier » – et répond aussi aux aigris et aux jaloux : « D’abord, l’argent dépensé dans la drogue ne provient pas du service public comme je l’ai lu, mais de mon salaire versé par ma société Réservoir Prod », avant de se défendre pour toutes les frasques qui lui sont imputées. Le journal cite pour sa défense l’académicien François Weyergans, une pétition de soutien. Et la promesse que son troisième arrêt sera le bon. Pour ses proches, les téléspectateurs du service public, et son fils. Sortez les mouchoirs.

Tel le Phoenix

Le troisième acte s’est joué dans 4 pages de TV Magasine du 14 novembre, l’hebdomadaire le plus lu par les Français. Avec photo souriante en couv et titraille de choc : Delarue, Son retour à la vie, « Mon rétablissement d’abord ! ». Du lourd. En top people qui se respecte, JLD n’a pas été se faire soigner au CSST du coin, ni même à Montevideo, trop commun. Il a choisi le luxe et la volupté de la clinique de la Métairie, cent cinquante ans d’expérience et un service 5 étoiles pour un séjour d’un mois dans le cadre de la méthode Minnesota des Alcooliques/Narcotiques anonymes (AA/NA). Un plan de winner. D’ailleurs, il va aussi s’abstenir d’alcool par crainte d’y trouver refuge après l’arrêt de la coke. Le mélange Stilnox®/whisky lui a déjà été fatal. Ne reculant devant aucun sacrifice, le nouveau Jean-Luc va affronter ses démons à l’eau claire.

Et cela marche, les nombreuses photos actives et souriantes sont là pour le démontrer. Comme les déclarations enthousiastes du nouveau converti qui se pose en pro du groupe de parole et de la transmission de l’expérience pour éviter aux autres de sombrer. Rien d’étonnant, vu les émissions de De la Strass.

Maladie génétique et crise de foi

Jean-Luc a trouvé sa voie chez NA : « J’ai découvert avec surprise que la dépendance est une maladie primaire. Elle fait partie de l’inné, non de l’acquis. Les dépendants naissent même avec une sensibilité 5 à 7 fois supérieure à la moyenne. » Déculpabilisé pour pas cher, il trouve aussi la paix dans la phrase qui conclut chaque groupe de parole des NA/AA : « Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne puis changer, le courage de changer les choses que je peux changer et la sagesse d’en connaître la différence. » Les athées et lesinsoumis comme moi sont donc exclus de cette rémission.
Pour les autres, Jean-Luc va créer une fondation et semer la bonne parole des NA au coeur de l’hiver, bravant le froid au volant d’un camping-car pour visiter 50 villes de France, de Belgique et de Suisse. Ne surtout pas oublier une partie de son public. Enfin, ce n’est pas gagné pour l’humble véhicule de sa croisade, les fabricants de camping-cars y sont hostiles. Comme l’explique l’un d’entre eux au Parisien : « Les constructeurs sont furieux de cette forme de publicité car il s’agit d’un people qui s’est drogué. » La méchanceté et la connerie humaine n’ont pas de limites.

Un drogué « comme les autres » ?

Pour l’instant, JLD n’a fait que quelques heures de GAV, sans menottes ni cage qui pue la pisse et la merde. Il a pourtant été pris en flag avec 16 grammes de coke et a avoué plus d’une livre d’achat en sept mois. Nous en connaissons tous plus d’un qui est parti au trou pour bien moins que cela. Et qui a morflé grave au final. Avec l’article qui tue dans la presse locale, le grillage chez les employeurs, la honte sur la famille et aucun moyen de se racheter une image. Pas plus que de thalasso au bord du lac Léman. Le people n’est pas un drogué gaulé ordinaire, c’est dans l’ordre social normal. Il en fait des tonnes. Rarement pour assumer, bien plus souvent pour faire bonne figure de repenti. L’abuseur de coke lambda ne fait pas vrombir les trompettes de la renommée pour annoncer sa guérison possible à la sortie de sa cure. Il sait que le chemin est encore très long et difficile.

Ex-gendre idéal et toujours champion de la compassion, Jean-Luc le fanfaron peut devenir un poison pour les autres usagers problématiques. « Comment, tu n’arrives pas à faire comme Delarue ? C’est pourtant simple. L’abstinence à l’eau claire et à la prière, la dépendance aux groupes de parole, la prévention pour la jeunesse… Le programme parfait pour traiter le drogué et/ou l’alcoolique, et Jean-Luc y arrive bien, lui. » Je sens qu’on va l’entendre souvent dans certains milieux influencés par la médiacratie. Et que je vais détester le plan de communication de JLD. On lui souhaite de tenir ses bonnes résolutions si c’est bon pour lui. Pourvu qu’il ne pourrisse pas trop la vie de ceux qui ont un autre chemin dans l’usage de substances

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