Un pas en avant, vingt ans en arrière

Rares sont les moments de débats nationaux sur la réduction des risques et la politique des drogues. Le mois d’août a été de ceux-là. Et comme d’habitude quand il s’agit de réduction des risques, on est vite sorti du cadre de la santé publique pour virer à la polémique et à l’idéologie. Pourtant, ça avait bien commencé…

Suite au rapport de l’Inserm confirmant l’intérêt des Centres d’injection supervisée et à la Déclaration de Vienne demandant aux gouvernements d’adopter une approche de santé publique basée sur des données scientifiques, Roselyne Bachelot annonce en juillet à la Conférence mondiale sur le sida « une concertation, notamment avec les collectivités locales, pour aboutir à des projets concrets de centres de consommation supervisée, pour répondre à des enjeux sanitaires cruciaux ». Mais début août, 14 députés de la droite « réactionnaire » s’opposent violement au projet et le président de la Mildt, Étienne Apaire, se prend pour Platon en affirmant que ces « centres sont discutables sur le plan philosophique ».
Des déclarations contradictoires qui font monter la polémique. Contrairement à l’UMP, le PS, le PC, les Verts, le Modem et le Nouveau centre se déclarent favorables à l’expérimentation. Soutenue par Nadine Morano, la secrétaire d’État à la Famille, Roselyne Bachelot en remet une couche dans un discours à Bayonne, et Jean-Claude Gaudin, le maire UMP de Marseille, affirme vouloir expérimenter ces centres dans sa ville. Une division inhabituelle au sein du gouvernement qui amène les services du Premier ministre à déclarer lapidairement que ces « centres ne sont ni utiles ni souhaitables » et que « la priorité, c’est de réduire la consommation, non de l’accompagner ».

Cette reprise « stupéfiante » du dossier par Matignon témoigne de sa politisation au détriment de la santé publique. Mais le plus grave, c’est que cette phrase, qui résume la position des opposants, est non seulement une négation de l’expertise scientifique de l’Inserm, mais aussi du travail accompli ces vingt dernières années par les intervenants de terrain. Avec ce type d’arguments, il n’y aurait jamais eu de vente libre des seringues ou de programmes de substitution. Une remise en cause de la notion même d’accompagnement des usagers de drogues, pourtant au cœur de la loi de santé publique 2004. Si toutes les associations de terrain sont montées au créneau, c’est parce qu’à travers le débat sur cet outil que sont les centres de consommation, c’est bien la politique d’accès au soin et de réduction des risques qui est en jeu. Vouloir réduire la consommation comme seule priorité est un dangereux contre-sens pour les usagers, qui fait le lit des épidémies et qui ne prend pas en compte d’autres critères tout aussi importants comme la mortalité, la morbidité, l’accès au soin, la lutte contre l’exclusion… Mais c’est surtout remettre en cause à moyen terme la politique de réduction des risques, qui est un maillon indispensable du continuum des soins ( sevrage, soins residentiels…) et qui, pour être efficace et répondre aux nouveaux besoins, doit être dynamique et expérimenter de nouveaux dispositifs. Ne pas lui donner cette possibilité, c’est l’étouffer, la condamner à être une pièce de musée qu’on expose en récitant les bons vieux résultats de la lutte contre le sida.

Le sale coup de Matignon n’aura pas arrêté le débat, et la majorité de la classe politique a finalement pris position en faveur des centres de consommation. Il faudra certainement du temps pour que l’idée fasse complètement son chemin. Encouragés par un sondage IFOP/La lettre de l’opinion, qui montre que 53% des Français seraient favorables à l’ouverture de ces dispositifs, leurs partisans aiguisent leurs armes, en attendant le compte rendu du séminaire organisé pour les élus locaux, le 24 septembre à Paris.

Commentaires (7)

  • sondage étonnant

    Je suis très étonnée qu’un sondage montre que 53% de l’opinion publique est pour l’ouverture de ces centres. Etonnée, mais fort contente. En outre, je pense que plus on se rapprochera des élections présidentielles de 2012, et plus ce que pense l’opinion publique aura de poids sur la décision. Soyons patients.

  • moi ce qui fait bien rigoler c’est surtout l hypocrisie. je peux surement avencer que plus de 60% des gens de leur millieux social on connus ou conaisse des utilisateurs de drogue. que ca soit le jeune fiston qui se defonce a la cocaine glamour avec ses amis de bonne famille. la mere depressive qui jure par le lexomil matin midi et soir. et monsieur qui n’est pas alcolique mais qui bois ses 4 verres ( de grand vin ) par jour.
    mais alors quel scandale d’aider les gens !!! vous vous rendez compte c’est tres grave ! c’est de la racaille! on devrais faire des affiches pour montrer que la drogue ca touche tout le monde et c’est se voile la face de pense que si on fait rien tout ce regleras tout seul… ahhh si seulement on avais des bonnes drogue bien taxable ! si on avais un peu du budget « partie fine » de notre belle equipe de france pour aider des gens dans la galere. Qui souhaiterais etre bien au chaud, avoir pour un moment un sourire une main amical et un environement protecteur ?

  • moi je crois que c’est pas gagné

    Je prend expemple sur mon pére, francais de chez francais, a la retraite :
    C’est une connerie ces salles là, laissons les crever dans leur coin ça sera mieux pour tout le monde…
    Et des gars comme mon pére y en à des millions étant donné que sur d’autres sujets il est plutôt pas con……
    Je souhaite que tout le monde ai droit à l’hygiene et à laide trouvée dans ces salles mais étant donné qu’il y doit y avoir pkus de types comme mon pere que de toxs ons est mal barrés

  • Centre de Vancouver

    L’expérience a été réalisée dans plusieurs pays, et je pense notamment au canada, où Vancouver a ouvert récemment le premier lieu d’injection contrôlé (il y a un centre de désintox aux étages supérieur du bâtiment) il y a quelques mois. Vous pouvez jeter un coup d’oeil sur Youtube, un documentaire sur ce lieu est disponible, en trois partie, à cette adresse (en anglais) : http://www.youtube.com/watch?v=czZ7nr8g3eg
    Résultat : malgré la ‘bonne société’ qui s’insurge, les résultats sont éloquents. Les infections HIV/VIH sont en chute de 80% dans les milieux des toxicomanes et des prostitué(e)s, les overdoses ne sont plus mortelles car encadrées par des professionnels de santé (administration de soins immédiats), les injections de drogue elles-même sont encadrées, donc on évite les abcès, les ‘effondrements’ des veines, l’eau crade, les seringues crades, les mains crades…. tout est stérile, à usage unique…
    Bref, ces centres sont nécessaires et bénéfiques.
    Ceux qui ne le comprennent pas ne comprendront rien. Ceux qui ne comprennent pas que l’héroïne est un symptôme et non une maladie, une maladie et non un crime ; une solution et non un problème, un problème et non une fatalité ; une joie et non une souffrance, une souffrance et non une agression – ceux-là sont des imbéciles heureux. Comme je les envie, et comme je les plaints.

    G

  • Centre de Vancouver

    L’expérience a été réalisée dans plusieurs pays, et je pense notamment au canada, où Vancouver a ouvert récemment le premier lieu d’injection contrôlé (il y a un centre de désintox aux étages supérieur du bâtiment) il y a quelques mois. Vous pouvez jeter un coup d’oeil sur Youtube, un documentaire sur ce lieu est disponible, en trois partie, à cette adresse (en anglais) : http://www.youtube.com/watch?v=czZ7nr8g3eg
    Résultat : malgré la ‘bonne société’ qui s’insurge, les résultats sont éloquents. Les infections HIV/VIH sont en chute de 80% dans les milieux des toxicomanes et des prostitué(e)s, les overdoses ne sont plus mortelles car encadrées par des professionnels de santé (administration de soins immédiats), les injections de drogue elles-même sont encadrées, donc on évite les abcès, les ‘effondrements’ des veines, l’eau crade, les seringues crades, les mains crades…. tout est stérile, à usage unique…
    Bref, ces centres sont nécessaires et bénéfiques.
    Ceux qui ne le comprennent pas ne comprendront rien. Ceux qui ne comprennent pas que l’héroïne est un symptôme et non une maladie, une maladie et non un crime ; une solution et non un problème, un problème et non une fatalité ; une joie et non une souffrance, une souffrance et non une agression – ceux-là sont des imbéciles heureux. Comme je les envie, et comme je les plaints.

    G

  • (précision)

    (quand je dis « premier centre de ce genre »), je veux dire « premier centre (d’injection d’héro) en Amérique du Nord ; il y en a d’autre ailleurs – en Australie ou en Nouvelle-Zélande, je sais plus… mais il y en a d’autres ^^)

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