Aides Grand-Ouest : un week-end en famille

Imaginez un Caarud organisant un week-end à la campagne pour qu’usagers et intervenants partagent des moments conviviaux en discutant usage de drogues. Impossible ? C’est pourtant ce qu’a fait la délégation Aides Grand-Ouest en novembre dernier. Intrigué par cette initiative bien loin de l’image habituelle des structures de réduction des risques ou du soin, où la sacro-sainte distance entre usagers et intervenants est souvent posée comme un dogme, Asud a accepté l’invitation.

Après une bonne demi-heure de voiture, nous arrivons par un froid « breton » dans un gîte en rase campagne. Une quinzaine de personnes nous accueillent chaleureusement, avant d’embrayer sur une rapide présentation du week-end où chacun exprime ses attentes : envie de se poser, de rire, de ne plus être seul, reviennent le plus souvent. À la fin, un animateur nous présente tout le matériel de réduction des risques mis à disposition durant le week-end : préso, « Roule ta paille », kit d’injection, récupérateur… Une excellente surprise que la théorie soit ainsi mise en pratique ! Moment d’échanges autour d’un verre, puis l’assemblée se disperse en petits groupes qui continuent la soirée dans les chambres.

Le lendemain matin, c’est l’heure de parler du VHC, un sujet malheureusement à la mode. Parmi les présents, nous sommes nombreux à être contaminés… En parlant techniquement de l’action du virus, du dépistage, les langues se délient. Jimmy confie « sa peur de la biopsie », Farida raconte l’histoire d’une prise de sang « boucherie » qui a duré plus de trois quart d’heure parce que l’infirmière ne trouvait pas sa veine, G. ses « 6 mois de traitement qui n’ont pas marché ». Mal accompagnée par son médecin, elle a eu l’impression que de n’être « qu’une bouche à cachetons ». Un manque d’information et d’écoute de la part des médecins repris en chœur par l’assemblée : beaucoup se sont renseignés tout seuls, d’autres ont consulté plusieurs médecins pour essayer de comprendre quelque chose et avoir un minimum d’attention… Toujours la même histoire…
L’après-midi est consacré au film support à la parole 17’10 pour une injection à moindre risque, chacun racontant ses recettes, ses erreurs, ses exploits. Entre théorie et pratique, intervenants et usagers apprennent l’un de l’autre.

Se voir autrement

Mais le moment le plus fort a sans doute été le lendemain matin, lorsque chacun a expliqué comment il avait pu concilier – ou pas – usage de drogues et vie sociale et affective. L’occasion rare de pouvoir raconter son parcours sans aucun jugement. Des histoires de couples, d’abord, Yves révélant que c’est l’usage de drogues qui réunit son couple depuis plus de dix ans. Une parole qui casse tous les stéréotypes mais qui n’es pas isolée, puisque Paul rajoute que ce sont notamment les drogues qui ont permis à son couple de se construire. Catherine évoque, elle, la difficulté d’être dans un couple « psychodifférent », où l’un consomme et l’autre pas.
Mais la vedette a incontestablement été le milieu de la restauration et des boîtes de nuit, où la dureté du travail fait des ravages : on consomme pour tenir, et on tient pour consommer. Un cercle infernal, comme pour Albert, gay, ancien serveur à Paris, qui tenait à coup d’ecsta pour bosser, avant de prendre de la coke pour sortir en boîte et s’envoyer en l’air sans protection. Jusqu’à ce que le sida le rattrape… L’Efferalgan® codéiné était la seule chose qui soulageait le mal de tête de Stéphanie, jusqu’à ce qu’un médecin la mette sous Subutex® pour lui éviter une hépatite liée au paracétamol. Après avoir découvert l’injection de Subutex® dans le milieu de la restauration, elle envisage désormais de passer à la métha pour se débarrasser de l’injection. Jimmy, lui, tenait une boîte de nuit et prenait un cocktail d’héro et d’alcool pour tenir 18 heures par jour. Marre de courir après les dealers, il est passé au Subutex® qu’il injectait, jusqu’à ce qu’il fasse une pancréatite aigue…

Puis c’est le moment du départ. Les échanges ont été riches et chacun – usagers comme intervenants – a appris quelque chose. Comme Cécile, intervenante, qui a « réinterrogé sa perception et sa relation aux usagers ». Effet collatéral, mais non des moindres, des intervenants usagers de drogues ont également pu, pour la première fois, parler de leur usage au sein d’Aides et évoquer cette position parfois schizophrénique, qui reste la base de la santé communautaire. Et rien que pour cela, ce week-end a eu le mérite d’exister. Grâce à Aides, la santé communautaire n’est pas morte dans les Caarud !

PS : Les prénoms ont été changés pour respecter l’anonymat.

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