Discours d’ouverture du Président d’Asud

Bonjour,

Merci d’être présents aujourd’hui pour ces EGUS 3, merci aux organisateurs pour leur travail. Et merci au Docteur Didier Jayle Président de la MILDT pour avoir accepter d’ouvrir ces EGUS avec moi et pour le soutien continu de la MILDT à l’auto support et la réduction des risques.

L’année dernière j’avais fais le bilan des douze travaux d’EGUS. Je ne recommencerai pas cette année, de peur que cela ne devienne une litanie d’anniversaire de ce qui aurait pu se produire dans un monde où les usagers de drogues auraient été considérés comme des personnes à part entière, c’est-à-dire capables de penser, choisir et décider pour eux-mêmes. Plutôt que des sujets, des malades, des tox, des criminels, des irresponsables, méritant au mieux un regard condescendant, au pire (mais est-ce vraiment le pire pour nous usagers) d’être bannis de cette société qui ne tolère que les gens honorables, sachant, de préférence, manier le karcher (ce que nous constatons tous les jours). Il n’y aura donc pas de bilan de ce qui ne restera vraisemblablement que des vœux pieux. De ce pourquoi même, nombre de ceux que nous pensions les plus engagés ont arrêté de lutter, pour exemple : l’accès à un produit correspondant au choix de l’usager et la dépénalisation de l’usage. Réductions des risques, satisfactions des ego des uns et des autres, règlements de comptes, politiques, professionnels et/ou personnels, on peut se demander aujourd’hui dans lesquels de ces cadres se sont perdus les combats d’origine menés au nom des usagers. Et je ne vois pas que la paille dans l’œil du voisin, l’auto support et la santé communautaire n’ont pas échappé aux déchirements et querelles, et notre apprentissage s’est bien fait dans la douleur comme le veut notre culture judéo-chrétienne. Une vraie victoire dans tout cela, mais, hélas, trop tardive pour au moins deux générations d’usagers celle de la lutte contre l’épidémie VIH chez les usagers par voie I.V. A l’époque, les usagers de cannabis, de cocaïne et tout autre produit que l’héroïne n’étaient pas considérés comme des usagers nécessitant une attention quelconque.

Pourtant :

  • Les usagers de cocaïne deviennent gérables avec la méthadone, je cite : « Ils sont plus calmes sous métha », alors que la méthadone n’est ni un traitement, ni une substitution à la cocaïne, et les portes s’ouvrent, avec à la clé force expertise des méfaits d’une substance jusqu’alors consommée dans nombres de tissus sociaux et professionnels, sans que cela n’ait semblé provoquer de grandes inquiétudes avant. Il s’agit d’une des libertés prises avec cette molécule par certains prescripteurs.
  • Des budgets se débloquent pour des points écoute cannabis et nombre des experts qui demandaient hier la dépénalisation de l’usage au moins pour le cannabis ; le qualifiant de drogue douce ; mettent, aujourd’hui, en avant les graves dangers de l’usage de cette substance et l’absolue nécessité d’une prise en charge. Coïncidences de trajectoires me direz-vous…

Je ne parlerai pas de vraie victoire en ce qui concerne la substitution, mais de semi victoire. L’éventail de réponses n’a pas bougé depuis 1996, malgré moult débats, propositions, recommandations et autres résultantes des divers colloques, conférences, comités et commissions mis en place ces dix dernières années. Et je ne peux que condamner certaines pratiques de professionnels qui en ont la charge. Nous avons tout vu, l’affirmation de la toute puissance à travers un outil destiné à améliorer le quotidien des usagers ; expériences diverses de dosage, chantage à la privation, critères élitistes d’accès pour les personnes la nécessitant, exigence de projet de vie et de projet thérapeutique de personnes pour qui survivre jusqu’au lendemain constituait déjà un projet de vie ; et même refus de sevrage parce que la décision venait du « patient » !!! Non mais quel culot !!! Comment peut il penser qu’il sait qu’il est prêt à s’arrêter !!! ??

Non, une vraie victoire serait que l’écoute et la concertation soient la règle et non l’exception. Une vraie victoire serait l’élargissement de la palette de réponses en termes de soins : qu’il s’agisse de délivrance de produits ou traitements, ou, des offres d’accès au sevrage. Arrêtons de gommer les réponses existantes pour inscrire les nouvelles. Mettons les : côte à côte, et ouvrons les portes, alors nous pourrons vraiment parler de palette d’offres de soin.

Puisque je parle victoire, vraie, semi ou autre parlons de la pérennisation de la RdR : le dispositif CAARUD. Voilà l’exemple type d’une vraie fausse, semi ou quart de victoire. S’il en est parmi nous qui se voient sécurisés pour les quinze années à venir, qu’ils attendent la fin de la première période de trois ans qui décidera de qui reste CAARUD ou pas. Bien évidemment cette pérennisation était et reste indispensable. Mais de quoi parlons nous ? La fin de la précarité pour ses acteurs ? Loin s’en faut. Accompagnée de baisses de budgets drastiques, elle a déjà signifié des licenciements ; combien d’autres à venir ? Un grand chapiteau sous lequel seraient réunies toutes les structures oeuvrant dans la RdR ? Non plus, il y a maintenant RdR et RdR : celle qui s’inscrit dans le médicosocial et l’autre. De la reconnaissance de la RdR en tant qu’acteur de soin ? Que nenni, le Soin et la RdR dépendent de dispositifs bien distincts. Ce sont la différence et donc le contraire qui sont officialisés. Du résultat d’une réflexion et d’une concertation avec tous les acteurs de la RdR ? Encore non, c’était ça ou rien, et j’ai rencontré nombre de gens qui ne se sentaient ni informés ni concertés, pour ne pas dire qu’ils se sentaient lésés, ou/et instrumentalisés. D’aucun pourrait me rétorquer qu’il leur appartenait de se tenir informer et partie prenante ; je répondrai, tout d’abord, où était l’information et quelles étaient les plateformes qui permettaient de prendre part ; puis, qu’il s’agit bien là d’une partie du problème : les années et le quotidien amènent la routine et l’endormissement, nous ne pouvons nous permettre ni l’une ni l’autre. J’aimerais savoir combien de structures ont réellement débattu en C.A. l’entrée en CAARUD et ses conséquences. Il n’y avait pas le temps, il fallait produire les bilans, remplir les dossiers, préparer les dépôts de candidature et tout cela, bien sûr, dans les délais imposés. Il est fascinant de constater que sous les gouvernements quels qu’ils soient, certains changements sont désespérément lents et d’autres phénoménalement rapides. On peut aussi craindre que le passage d’un système de gestion à un autre sans préparation technique, pour ne pas dire formation, se transforme en un écueil fatal à des associations concernées. Et, bien sûr, il va aussi être de notre devoir de nous assurer, à tout moment, que cette obtention de statut ne nous entraîne pas dans des fonctionnements que nous avons tant reprochés à d’autres pendant des années.

J’ai souvent fait l’objet de remarques sur le fait que je n’étais pas assez consensuel. Combien de fois m’a-t-on dit qu’il ne fallait pas critiquer ce qu’on avait obtenu (même si c’était insuffisant) devant la menace qu’on nous le retire, qu’il ne fallait pas demander trop au risque de ne rien obtenir. Je pense avoir toujours fait mon possible pour ne critiquer que si je me mettais en force de proposition. Je suis navré, à chaque fois, aussi navré, d’entendre ces propos, et, je ne départirai pas du fait que je ne serai consensuel que lorsque le consensus sera non seulement acceptable, mais, satisfaisant.

Hors la mise en place de ce dispositif a aussi exposé les limites de la solidarité associative. La politique du « premiers arrivés, premiers et derniers servis » a porté ses fruits installant plus souvent une mutualisation de façade, qu’une réfléchie et volontaire, et, accentuant la situation de compétition entre les associations. Il est difficile de préserver la solidarité quand on doit arriver le premier. Pourtant nous avons plus que jamais besoin de cette solidarité. La disparition des petites associations est programmée et active depuis plusieurs années à travers les stagnations et baisses de budgets, et, certains l’attendent avec une impatience grandissante. C’est pourtant bien ce tissu associatif avec ses variétés et ses différences, sa capacité d’innovation de création et d’adaptation rapides face à des situations nouvelles qui est la seule alternative à la lenteur et souvent l’immobilisme gouvernemental, administratif et institutionnel. Besoin aussi car la guerre aux drogués, toujours cachée sous le label de guerre à la drogue, qui s’était faite plus discrète pendant quelques années est bel et bien de retour en force. Les réponses répressives priment de plus en plus face au thérapeutique, à l’accompagnement et le soutien. Si nous avons encore à cœur le bien-être ou le mieux-être des usagers, il nous faut nous donner les moyens d’y faire front, et, cela passe indubitablement par l’unité et la solidarité.

Avant de conclure, je souhaite lancer une question ouverte à l’ancien Ministre de la Santé invité dans le cadre des rencontres nationales de la RdR :

« En 1998, après des assises nationales représentant trois jours de travail commun, quasiment tous les acteurs présents, quelque soit leur approche, reconnaissaient la dépénalisation de l’usage simple comme un préalable requis non seulement à la bonne mise en œuvre de la RdR, mais aussi à une entrée en soins satisfaisante (avec certes des déclinaisons variantes, mais le fond était acquis). Pourquoi le gouvernement en place n’a-t-il pas eu le courage politique d’aller jusqu’au bout des choses, se contentant de nous renvoyer la balle en disant que l’opinion publique n’était pas prête et qu’il nous fallait la préparer ? ». J’aimerais savoir un jour combien d’années il faut, aux yeux d’un gouvernement, pour qu’il décrète l’opinion publique suffisamment préparée.

En conclusion je me contenterai de deux citations :

Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen, article premier :

Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Sans commentaire.

Et Ernesto Che Guevara :

Surtout soyez toujours capables de ressentir au plus profond de vous-mêmes toute injustice commise à l’égard de qui que ce soit, dans quelque partie du monde que ce soit. C’est la plus belle qualité d’un révolutionnaire.

C’est ce que j’espère pour nous, même si nous ne sommes pas des révolutionnaires.

Merci de votre attention

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