“Le cœur de la princesse”, légende chinoise

Le fils d’un pauvre pêcheur arrive à la ville. Il doit y apprendre le négoce sous la houlette d’un marchand mandchou. Un jour, il se promène au hasard des rues et entrevoit derrière une persienne un visage féminin. “ Qui est-ce ? ” demande-t-il aux voisin. “ la fille du gouverneur, lui répond-on, la beauté la plus parfaite de tout le pays, et la plus jolie princesse du monde ”.

Immédiatement frappé d’un amour insensé, le jeune homme se meurt de langueur. Grâce aux douteux services d’une vieille entremetteuse, il parvient à rencontrer sa princesse. Il est pauvre, mais jeune, beau, éloquent et surtout amoureux. Les princesses d’alors avaient fort peu de divertissement. Et se laissaient séduire par les pêcheurs audacieux. Tout deux vivent de longs moments d’extase clandestine…

Mais cette trop belle histoire tourne mal. Quelques cafards vertueux informent le gouverneur de l’inconduite de sa princesses, la fait brûler vive dans sa demeure. Alors que la maison est en flammes, le petit pêcheur rêve de sa belle, qui lui murmure dans un soupir :

“ Cours dans mon château détruit, fouille par tout, dans les ruines et les cendres éparses. Tu trouveras une petite pierre triangulaire et transparente : c’est mon cœur pétrifié ”.

Le pêcheur s’éveille, se rue dans les décombres, fouille, tâtonne, découvre le minuscule trésor, le serre sur sa poitrine. Grâce au précieux caillou en forme de cœur caché au chevet de son lit, le pêcheur retrouve chaque nuit sa princesse blottie au creux de ses bras.

C’est fort bien d’avoir un spectre comme amante ; mais les convenances sociales imposent de prendre une épouse moins éthérée. Notre héros se marie, comme tout pêcheur qui se respecte. Sa femme, jalouse et suspicieuse, s’indigne qu’il attache tant de prix à un aussi stupide cailloux. Un jour en son absence, elle saisit la pierre dans un mouvement de colère et la lance de toutes ses forces sur le pavé de la cour. Le petit cœur transparent se brise en mille éclats. Le pêcheur est fou de chagrin. Mais sur l’emplacement de chaque esquille une plante à hautes tiges pousse soudainement et donne des fleurs aux corolles blanches et mauves. Dans un ultime songe, la princesse apparaît à son aimé :

“ Par la faute de ta femme, tu m’as perdue à jamais. Tu ne me verras plus, mais je te laisse un remède souverain contre le désespoir. Prends la couronne des plantes qui ont surgi dans ta cour, tires-en le suc et épure-le par le feu ”.

Le pêcheur ordonne à sa femme de préparer la substance et retrouve la paix du cœur. Depuis lors, l’opium existe, pour que les épouses légitimes aillent le cueillir.

extrait de “ La drogue dans le Monde ” d’A. Coppel et C. Bachman

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