Cuillère, coton, et compagnie

Utiliser une seringue neuve ou stérile, c’est bien mais ce n’est pas toujours suffisant pour éviter la contamination VIH. Les docteurs S. Koester et R. Booth de l’école de médecine de Denver (Colorado, USA), nous expliquent pourquoi il faut aussi faire attention à l’eau, à la cuillère et au coton.

«Le partage des seringues est bien sûr la voie de transmission du VIH la plus évidente chez les usagers de drogues intraveineuses. Mais des informations recueillies au cours d’interviews ciblées conduites avec des usagers de Denver (Colorado) semblent indiquer que les usagers de drogue peuvent également se transmettre le virus en partageant l’eau ou d’autres instruments de la préparation du shoot. La succession des différentes opérations peut en effet mettre les usagers en danger, même lorsque ceux-ci ont leur propre seringue, soigneusement nettoyée au désinfectant».

«De fait, le travail ethnographique de terrain effectué à Denver chez les Usagers des Drogues par Voie Intraveineuse, (UDVI) ainsi que des discussions avec des spécialistes de la prévention du SIDA semblent indiquer que le message de non-partage de la seringue doit également concerner d’autres éléments du matériel des UDVI. Des informations fournies par ces derniers montrent qu’un certain nombre d’autres aspects de la préparation et de l’administration du shoot risquent de compromettre l’efficacité d’un effort de prévention qui ne mettait l’accent que sur la seringue elle-même.»

«En tant que médecins, nous insistons sur le fait qu’il est nécessaire d’informer les UDVI sur le danger de se servir d’eau, de cotons ou de cuillères usagées. En dehors d’une seringue souillée, c’est dans le partage de l’eau nécessaire à la préparation du shoot que réside le risque le plus probable de contamination. Il est en effet courant qu’un groupe d’usagers veillant pourtant à utiliser chacun sa seringue partage l’eau contenue dans un même récipient. Dans ces conditions, si un usager séropositif se shoote puis trempe sa seringue dans l’eau avant de l’avoir soigneusement désinfectée, il risque de la contaminer. En effet, chaque fois qu’un usager y trempe son aiguille, juste après le shoot, un peu de sang, même en quantité infinitésimale vient s’y mélanger. Si bien que le partage de l’eau peut constituer un mécanisme actif de transmission du virus. La probabilité de celle-ci dépend en partie de la quantité de virus présente, elle-même étant fonction de la quantité de sang contaminé déposée dans l’eau.»

«Ainsi, dans certains squats où les usagers se réunissent pour shooter, on a pu voir l’eau du récipient commun prendre une couleur rose à cause du nombre d’aiguilles qu’on y trempait. Le risque de contamination par l’eau est sans doute moins important que par le partage des seringues souillées, mais dans la mesure où nous ignorons toujours la quantité minimale de virus nécessaire à la contamination, nous suggérons fortement aux usagers de ne partager, de façon générale, aucun élément de leur attirail.»

«Pour les UDVI, l’eau sert à deux choses : à rincer la seringue et à mélanger au produit pour le faire fondre avant de l’injecter. Il est dangereux de partager cette eau parce que les usagers y rincent fréquemment leur seringue immédiatement après l’injection, pompant puis refoulant le liquide 2 ou 3 fois. Le but de cette opération n’est pas d’ordre hygiénique. Il s’agit simplement de s’assurer que la seringue n’est pas bouchée par un caillot de sang séché ou un résidu de drogue – ceci afin de pouvoir la réutiliser par la suite.»

«Dans ces conditions, tout usager qui se sert de l’eau où quelqu’un d’autre a rincé sa seringue, utilisera par le fait même une eau souillée par le sang de son prédécesseur. Un usager nous a expliqué : «les gens ne nettoient pas leur matériel avant de se shooter, mais après, et ils le lavent dans un verre ou le bol d’eau commun, dont tout le monde se servira avant et après eux. Il est fréquent qu’au même moment, quelqu’un lave sa pompe dans le verre d’eau tandis qu’un autre est en train d’y puiser de l’eau pour mettre dans la cuillère avec sa came».

Dans ce cas, l’usager qui pompe l’eau pour préparer son shoot puise une eau souillée par ses prédécesseurs qui se sont déjà piqués et y ont rincé leur seringue. Et cette eau, il s’en servira pour diluer sa drogue avant d’injecter le tout. Il en résulte que tout le matériel peut-être ainsi contaminé, et notamment la cuillère, le coton et bien sûr la seringue.

«Ce qui est particulièrement alarmant dans ce «scénario» est qu’il peut conduire à la contamination par le VIH même si les usagers utilisent chacun leur propre seringue -ou la désinfectent avant de se la repasser. Un autre usager nous a confié à ce propos : «il y a des fois où tout le monde doit se servir de la même eau, ou encore de la même cuillère, … ce n’est pas tant les pompes (seringues) qu’on partage, mais ça revient au même, parce que votre pompe et votre aiguille sont en contact avec tout le reste : l’eau, la cuillère, le coton, etc …»

«Le partage de certains autres objets nécessaires à la préparation du shoot peut également accroître le risque de contamination par le VIH. La cuillère et le filtre peuvent constituer des points de contamination. Lorsque des usagers achètent et consomment ensemble le produit, il est fréquent qu’ils se partagent en effet la cuillère et le coton.»

«Ce partage augmente grandement les risques de contamination, parce qu’il multiplie les occasions de transmission du virus. Le danger demeure même lorsque les usagers utilisent des seringues individuelles. Si celles-ci entrent en contact avec la cuillère ou le coton commun, la solution de drogue qu’elle contient peut s’en trouver contaminée, d’autant que le virus demeure, même après évaporation…»

« C’est pourquoi nous tenons à recommander avec insistance aux usagers de ne partager aucun élément de leur matériel. Nous leur recommandons d’avoir leur verre ou leur coupelle d’eau individuelle de même que leur cuillère ou leur coton.»

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